Pilier des Anges (cathédrale de Strasbourg)

Le pilier des Anges.

Le pilier des Anges, ou pilier du Jugement Dernier, est un élément architectural de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg qui représente l'avènement du Jugement dernier. Haut d'une vingtaine de mètres, il comporte douze statues réparties sur trois étages : les quatre Évangélistes, les anges sonnant les trompettes de l'apocalypse, et le Christ entourés d'anges portant les reliques de la Passion.

Le pilier supporte la voûte du bras sud du transept près du portail du Jour du jugement. Construit au XIIIe siècle, ses inspirations sont encore débattues. Plusieurs auteurs prônent la thèse d'une inspiration chartraine, d'autres pensent à une inspiration bourguignonne ou allemande.

Construction

Le pilier des Anges a été construit au XIIIe siècle, entre 1225 et 1235[1] voire 1245 selon Jean-Philippe Meyer[2].Le maître d'œuvre est inconnu, mais Erwin de Steinbach est souvent cité comme tel même si il est né en 1244. Depuis le XVIe siècle, Sabina von Steinbach est aussi proposée mais cette hypothèse a également été abandonnée. Hans Reinhardt a mis en évidence que le pilier a été conçu par un seul maître[3]. En 1939, Hans Kunzer montre, en analysant les moulures, que le pilier des Anges a été construit au même moment que la nef[4]. Par manque de place sur les tympans des portes, les statues ont été ajoutées au pilier[5], ce qui en fait un cas unique au monde : les statues du Jugement dernier étant généralement représentée sur la façade occidentale des églises[6].

Les dépouilles des évêques de l'archidiocèse sont généralement déposées au pied du pilier[7].

Inspirations

Plusieurs auteurs ont cherché à trouver les inspirations qui ont servi au pilier. En 1902, l'allemand Karl Franck-Oberaspach y décerne des origines chartraines[5], et obtient plusieurs soutiens en comparaison avec le porche nord de la cathédrale Notre-Dame de Chartres[8]. Cette thèse a été réfutée par certains auteurs allemands comme Wilhelm Vöge (en) et Hans Jantzen qui y voient une influence allemande[9], appuyée par la disposition assez rare des Évangélistes que l'on peut retrouver dans la cathédrale de Bâle ou celle de Munster[10].

En 1966, Willibald Sauerländer avance la thèse sennoise et bourguingonne[5] et cette dernière est soutenue par Kunze et Robert Branner. Rudolf Kautzsch (de) rapproche les statues de celles de l'église Sainte-Madeleine de Besançon[11]. Pierre Quarré établit une ressemblance entre la structure du pilier et celle du pilier du porche de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Georg Dehio et Hans Reinhardt ont soutenu la thèse champenoise. D'autres ont émis l'hypothèse d'une influence parisienne[12]. En 2020, Jean-Pierre Caillet propose une origine antique au pilier[13].

Description

Le pilier des Anges est un pilier à base octogonale mesurant 18 mètres et supporte la voûte de la nef sud[6]. Les douze statues font partie des colonettes du pilier (correspondant aux ogives)[14]. Denise Borlée et Isabel Iribarren rapprochent la verticalité de l'œuvre à l'ascension de l'esprit[15].

Premier niveau

Le premier niveau comporte les statues des quatre Évangélistes, chacun associé à un attribut : Marc est associé au lion, Matthieu à l'ange, Jean à l'aigle et Luc au bœuf[6]. Les statues, dont les corps sont tournées d'un quart de tour en se regardant deux à deux, donnent un effet giratoire à l'ensemble, appuyé par les trompettes des anges du deuxième niveau. Les attributs des statues sont également tournés les uns vers les autres[16].

Saint Matthieu a une barbe brune, les yeux bleus et la chair rose. Son nimbe est doré et orné d'une étoile rouge à huit branches. Saint Luc a des yeux bleus, repeints en vert, des cheveux gris (le seul à avoir cette caractéristique), et son taureau est marron. Saint Marc a les yeux bruns et son lion possède des ailes bleues (malgré l'usure de sa nimbe, elle semble similaire à celle de Saint Matthieu). Le nimbe de Saint Luc semble avoir un motif floral bleu, ses cheveux sont blonds et ses yeux bleus[17].

Deuxième niveau

Le deuxième niveau est orné d'anges nimbés jouant de la trompe, annonçant le jour du Jugement dernier[6]. Les quatre anges possèdent de nombreuses similarités : la chair est rose et les cheveux sont ocre rouge ou blonds. Les ailes de l'ange au-dessus de saint Marc (orienté nord-est) sont les mieux conservées et présentent une couleur bleue[18].

Troisième niveau

Sur le troisième niveau, Jésus, montrant ses plaies, est assis sur un trône au-dessus de mortels sortant de leurs tombes[14]. Le Christ est tourné vers la nef et regarde le chœur[19]. Les trois autres statues représentent des anges portant des reliques de la Passion du Christ : la Sainte Lance, les Saints Clous et la Sainte Croix, et la Sainte Couronne[6].

La Sainte Lance est brisée et l'ange la portant présente des yeux bruns, des cheveux blonds, et son nimbe est orné d'une étoile rouge à huit branches (comme saint Matthieu, situé dans le même axe). La Sainte Couronne porte des traces rouges et vertes, et son ange possède un nimbe avec un motif fleurdelisé bleu (comme saint Marc situé dans le même axe). L'ange à la Croix a été peint avec des yeux bruns. Le Christ est vêtu d'un tissu doré et ses plaies forment un filet rouge. Son nimbe représente une croix rouge[20].

L'homme à la balustrade

Statue de l'homme accoudé à la balustrade.

Dans la même salle que le pilier, figure la statue d’un homme, accoudé à une balustrade. La légende raconte qu'un homme — identifié comme un architecte par Balthasar de Monconys en 1664[21] — aurait prétendu que le pilier des Anges s'effondrerait, ne pouvant supporter la voûte[22]. En réponse, le maître d'œuvre Erwin de Steinbach aurait sculpté une statue du visiteur contemplatif, attendant l'effondrement du pilier[23]. Néanmoins, le pilier des Anges a été achevé au XIIIe siècle et la balustrade au XVe siècle[24] (d'autant plus que la statue porte un couvre-chef typique de cette période[25]) donc les deux œuvres ne sont pas contemporaines. Une autre théorie estime que la statue représente Hans Hammer, le maître d'œuvre de la tribune[26].

Notes et références

  1. Louis Grodecki et Roland Recht, « Le quatrième colloque international de la Société française d'archéologie (Strasbourg, 18-20 octobre 1968). Le bras sud du transept de la cathédrale : architecture et sculpture », dans Bulletin Monumental, vol. 1, t. 129, (lire en ligne).
  2. Marc Carel Schurr, « Jean-Philippe Meyer et Brigitte Kurmann-Schwarz, La cathédrale de Strasbourg. Choeur et transept : de l’art roman au gothique », dans Bulletin Monumental, vol. 2, t. 170, (lire en ligne), p. 352.
  3. Hans Reinhardt, « Les sculptures du croisillon sud de la cathédrale de Strasbourg : le pilier des Anges et le décor du portail méridional. », dans Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, (lire en ligne), p. 63.
  4. Grodecki et Recht 1971, p. 15.
  5. a b et c Étienne Fels, « Les sculptures du pilier des Anges à la cathédrale de Strasbourg », dans Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France (lire en ligne), p. 183.
  6. a b c d et e « Le Pilier des Anges de la cathédrale : 18 mètres de plaisir pour les yeux », sur Pokaa, (consulté le ).
  7. Michel François, « Étienne Fels (1900-1970) », dans Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 2, t. 128, (lire en ligne), p. 517.
  8. Grodecki et Recht 1971, p. 32.
  9. Reinhardt 1968, p. 62.
  10. Otto Von Simson, « Le Programme sculptural du transept méridional », dans Société des amis de la cathédrale de Strasbourg, Bulletin, , 80 p. (lire en ligne), p. 36.
  11. Grodecki et Recht 1971, p. 31.
  12. Alain Erlande-Brandenburg, « Les sculptures de la façade et des portails de Notre-Dame de Dijon », dans Bulletin Monumental, vol. 1, t. 129, (lire en ligne), p. 66-67.
  13. Jean-Piette Caillet, « Une source antique pour le pilier des Anges de la cathédrale de Strasborug ? », dans Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, vol. 34, (lire en ligne), p. 23-28.
  14. a et b Grodecki et Recht 1971, p. 21.
  15. Denise Borlée et Isabel Iribarren, « Le Pilier des anges : verticalité gothique et ascension spirituelle », dans Christian Grappe, La cathédrale de Strasbourg en sa ville : le spirituel et le temporel., Presses Universitaires de Strasbourg, , p. 143-157.
  16. Régis Labourdette, « L'empreinte de la grâce dans l'Église et la Synagogue de Strasbourg », dans Bulletin de l'Association Guillaume Budé, (lire en ligne), p. 444.
  17. Anne Vuillemard, « Le pilier des Anges de la cathédrale de Strasbourg : un cas de polychromie partielle ? », dans Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, vol. 23, (lire en ligne), p. 29-31.
  18. Vuillemard 2006, p. 31-33.
  19. Labourdette 1994, p. 429.
  20. Vuillemard 2006, p. 33-34.
  21. Balthasar de Monconys, Journal des voyages de M. de Monconys, conseiller du Roy en ses conseils d'Estat & privé, & lieutenant criminel au siege presidial de Lyon., vol. 2, Bibliothèque nationale de France, chez Horace Boissat, & George Remeus, , 503 p. (lire en ligne), p. 297.
  22. « Le petit homme de la balustrade près du pilier des anges », sur Société des Amis de la Cathédrale de Strasbourg, (consulté le ).
  23. Patrick Boehler, « L’homme à la balustrade de la Cathédrale de Strasbourg », sur Strasbourg Photo, (consulté le ).
  24. Martine Péters, « L’accoudé de la cathédrale… », sur Ecriplume, (consulté le ).
  25. Pierre Jacob, « L’homme accoudé » (consulté le ).
  26. « 9 mystères de la cathédrale de Strasbourg que seuls les guides connaissent », sur Pokaa, (consulté le ).

Bibliographie

  • Claude Odilé, Le Pilier des Anges et autres légendes d’Alsace, .
  • Monique Fuchs, Cathédrale de Strasbourg : L'horloge astronomique et le pilier des Anges, .
  • Société des amis de la cathédrale de Strasbourg, Bulletins de la Cathédrale de Strasbourg, vol. XXXIV, , p. 11-58.
  • (en) Akimi Iwaya, Expressive power of the Gothic pillar: The “Pillar of Angels” in Strasbourg Cathedral, (lire en ligne).

 

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