La chanson est écrite dans le bistro Au Rêve[1] après la séparation de Brel et de sa maîtresse Suzanne Gabriello dont il était amoureux depuis 1955 mais qui mit fin à leur relation, Brel refusant de quitter sa femme et ses trois enfants[2].
Elle est co-composée avec son pianiste accompagnateur de concert Gérard Jouannest, bien que celui-ci n'en ait jamais été crédité, n'étant à l'époque pas encore inscrit à la Sacem[3]. Elle est ensuite arrangée par François Rauber mais Brel la destine à une interprète féminine, Simone Langlois, qui l'enregistre en sur un 45 tours quatre titres, avant de l’enregistrer lui-même le [4].
Cette chanson a connu plusieurs versions studio :
La première version est enregistrée en . Sylvette Allart y joue des ondes Martenot.
En , Brel enregistre une version en néerlandais, intitulée Laat me niet alleen.
Les , et , il réenregistre des nouvelles versions, pour l'album qui propose de nouveaux enregistrements des plus célèbres chansons de sa période pré-Barclay (ce disque est communément nommé Ne me quitte pas). La prise du sera retenue.
Musique
Une partie de la chanson reprend le début du second mouvement de la Rhapsodie hongroise no 6(en) de Franz Liszt[5],[6]. Brel avait en effet appris à jouer ce morceau au piano étant enfant et l'abbé Dechamps, qui fut son professeur de français à l'Institut Saint-Louis, rapporte que c'était son morceau préféré[7],[8].
Jacques Brel, sept ans après la création de Ne me quitte pas, affirme lors d'un entretien radiophonique[9] que cette chanson n'est pas une chanson d'amour, contrairement à la perception commune que le public s'en fait, mais « un hymne à la lâcheté. À la lâcheté des hommes. C'est jusqu'où un homme peut s'humilier. Je sais qu'évidemment ça peut faire plaisir aux femmes qui en déduisent, assez rapidement semble-t-il, que c'est une chanson d'amour. Et ça les réconforte ; et je comprends bien ça »[10]. Il tranche : « C'est l'histoire d'un con et d'un raté, ça n'a rien à voir avec une femme »[11],[12]. Édith Piaf disait de cette chanson : « Un homme ne devrait pas chanter des trucs comme ça ! »[10],[13].
Marc Robine, dans sa biographie Grand Jacques, le roman de Jacques Brel, cite deux auteurs qui ont pu influencer Brel pour l'image du chien : Dostoïevski dans sa nouvelle La Douce :
« Je ne te demanderai rien, rien de plus. [...] Ne me réponds rien, ne fais même pas attention à moi, laisse-moi seulement te regarder de mon coin, fais de moi ta chose, ton chien. »[14]
« Si tu es mon trésor caché, si tu es ma croix et mon chagrin mouillé, si je suis le chien de ta seigneurie, ne me laisse pas perdre ce que j’ai gagné »[15]
Postérité
Place dans les classements
En , l'institut CSA réalise un sondage pour Le Parisien et La Cinquième dans lequel 31 % des personnes interrogées considèrent Ne me quitte pas comme la meilleure chanson du XXe siècle[16],[17],[18]. En , selon un sondage BVA, elle est désignée deuxième « chanson préférée des Français » derrière Mistral gagnant de Renaud et devant L'Aigle noir de Barbara[19]. Trois ans plus tard, Ne me quitte pas retrouve la première place (qu'elle a longtemps occupée), selon un sondage du site Riffx[20] ; cette position est confirmée en par Thomas Pawlowski dans son livre Les 1 000 Chansons préférées des Français[21],[22].
Reprises
Ne me quitte pas a également été chantée par :
Simone Langlois en , dont interprétation aurait précédé celle de Brel ;
Une autre version anglaise, plus proche de l'original, a été élaborée par Dieter Kaiser et interprétée sous son pseudonyme Didier Caesar sous le titre Don't Forsake Me Now.
Autres langues
en portugais, avec trois versions différentes : Não me deixes não par Ivon Curi en [23], Se Você Voltar par le Brésilien Agnaldo Timóteo en , et Não me vás deixar par David Mourão-Ferreira (et interprétée par Simone de Oliveira dans les années [24]).
en allemand : adapté par Max Colpet sous le titre Bitte geh' nicht fort (S'il te plaît, ne pars pas) en et interprétée par Marlene Dietrich[25] ainsi que par Mireille Mathieu sur son album Welterfolge aus Paris en ; en outre plus proche de l'original par Dieter Kaiser et interprétée sous le pseudonyme Didier Caesar sous le titre Nein, verlass mich nicht (voir www.deutsche-chanson-texte.de),
en italien : enregistrée par Dalida en . Une autre version a été réorchestrée par Volodia en pour le coffret des 101 Plus Belles Chansons de Dalida (coffret 5 CD). Également en italien, Non Andare Via, une version jazz par le duo de jazz italien Musica nuda.
en grec par le chanteur Yiannis Parios(en)[34] (Γιάννης Πάριος) sous le titre Mi m'afinis, mi (Μη μ'αφήνεις, μη) dans son album Tha me thimithis (Θα με θυμηθείς) en .
Sketchs
Muriel Robin dans un sketch intitulé La Lettre, lit et commente une lettre de son petit ami qu'elle vient de quitter. La lettre reprend les paroles de Ne me quitte pas[35].
Pierre Desproges a également repris les paroles dans son sketch L'Ordre où il dit : « Ne pars pas Suzanne, il faut tout plier, tout peut se plier, tu t'enfuis déjà[36]. »
Cinéma et télévision
Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par le site IMDb.Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section proviennent du générique de fin de l'œuvre audiovisuelle présentée ici.
Dans le film Célibataires de réalisé par Jean-Michel Verner, une partie des paroles sont citées sans être chantées (notamment la séquence « laisse-moi devenir l’ombre de ton chien »).
La reprise de Nina Simone est entendue a la fin du 10e et dernier épisode de la première saison de la série télévisée The Leftovers[37].
La chanson est parodiée à la fin de l'épisode 6 (première partie) des Ratz par Razmo.
La chanson est « détruite » par le commissaire Gibert en l'accélérant pour faire parler un suspect dans Taxi 4 (), scénarisé et produit par Luc Besson.
Les paroles de la chanson Bella de Maître Gims () « j'suis l’ombre de ton iench » (« iench » étant le verlan de « chien ») font allusion aux paroles « laisse-moi devenir l'ombre de ton chien » de Ne me quitte pas. Il fait une autre allusion à ce même passage de Ne me quitte pas en disant « T'es l'ombre de mon ombre » sur Game Over, la chanson de Vitaa où Maître Gims est l'invité.
Une allusion à cette chanson est faite par Bénabar dans son titre Le Slow, où le chanteur prétend écrire « un truc genre "Ne me quitte pas" mais en beaucoup plus joli »[38]. En concert, cette remarque vaniteuse provoque habituellement les huées amusées du public.
↑Marina Aragón Cobo, « Le sketch, foyer de la vie culturelle : Analyse pragmatique de “La lettre” (sketch vidéo de Muriel Robin) », dans Relaciones culturales entre España, Francia y otros países de lengua francesa, vol. 2 (VIIe colloque de l'Asociación de Profesores de Filología Francesa de la Universidad Española (APFFUE), Cadix, – ), Cadix, Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, (ISBN84-7786-635-X et 84-7786-637-6), p. 261–276 [lire en ligne].