Maison VaucansonHôtel d'Ornacieux Maison Vaucanson
La maison Vaucanson, également connue sous le nom d'hôtel d'Ornacieux, famille à l'origine de l'édifice, est un monument historique, situé au 8, rue Chenoise, dans le centre piétonnier du quartier Notre-Dame de Grenoble. Édifiée durant la seconde moitié du XVIIe siècle, elle est habitée brièvement au début du XVIIIe siècle (1717) par l'ingénieur Jacques Vaucanson, natif de Grenoble, qui lui donne son nom. Situation et accèsSituationCet édifice est situé au début de la rue Chenoise, au cœur du centre ancien de la ville de Grenoble, à proximité de la cathédrale Notre-Dame de Grenoble. AccèsÀ piedL'entrée du bâtiment, installé dans la zone piétonne du centre-ville, est accessible aux passants depuis n'importe quel point de l'agglomération. Il s'agit cependant d'une propriété privée ouverte au public en journée. Transports publicsL'édifice est desservi par la ligne B du réseau de tramway de l'agglomération grenobloise. La station la plus proche se dénomme Notre-Dame - Musée. HistoriqueSituée entre le Parlement du Dauphiné et l'évêché, la maison est acquise le 18 juillet 1632 d'une Dame Rossignol, veuve du noble Pierre Romme, avocat originaire du milanais, par Claudine de Chissé[1], veuve de Félix II de la Croix, baron de Chevrières, conseiller du roi et maître des requêtes ordinaire à l'hôtel du Roi. La famille de Chissé est une famille originaire de Sallanches dont sont issus tous les évêques de Grenoble entre 1337 et 1450. Le beau-père de Claudine de Chissé, Jean de La Croix de Chevrières, seigneur d'Ornacieux, et de Pizançon, président à mortier du Parlement du Dauphiné, est lui-même évêque de Grenoble à son veuvage en 1607 jusqu'en 1619. L'hôtel particulier est construit par le fils de Claudine de Chissé et de Félix II de la Croix de Chevrières, Jean III de La Croix de Chevrières, marquis d'Ornacieux (d'où le nom d'"Hôtel d'Ornacieux"), qui est également président à mortier du Parlement du Dauphiné. Il épouse en 1642 Marie de Sayve, héritière de Jacques de Sayve, conseiller du roi en ses conseils d'État et privé, président à mortier au parlement de Dijon, qui possédait une propriété voisine rue Chenoise. En raison de sa proximité avec le Parlement du Dauphiné, la rue Chenoise devient alors le "lieu de résidence privilégiée de gens de robe (parlementaires, greffiers,...) que côtoyaient marchands et artisans"[2]. Cette rue, importante pour les voyageurs, permettait de rejoindre la porte Viennoise[2]. L'hôtel se situe le long du Verderet, une rivière parallèle à la rue Chenoise [3]qui traverse alors l'est de Grenoble avant de se jeter dans l'Isère au port de la Madeleine devant le Couvent de la Madeleine (actuelle place de Bérulle)[3], à proximité de la Tour de Sassenage, construite rue du Pont-Saint-Jaime de l’autre côté du Verderet par la famille Chaulnais (d'où le nom de Chenoise). Elle donne à l'arrière sur l'aumônerie Notre Dame créée par Aymond de Chissé - qui deviendra l'Hôpital Notre-Dame (actuel Evéché de Grenoble). La rue Chenoise est parallèle au tracé de l'ancienne voie romaine le long du mur d'enceinte de Cularo. L’arrière de la maison après le Verderet est alors composé essentiellement de potagers et vergers du quartier de l'île. La partie du fond de la cour, qui date d'au moins 1605, repose "sur un large pilier de bois rond lui servant de base" car les terrains sont marécageux. Cette partie sert ensuite d’écurie[4]. Le parcellaire noble de 1642 de la ville de Grenoble atteste que le "noble Jean de la Croix, seigneur de Chevrières, conseiller du Roy de la cour" a édifié rue Chenoise un "nouveau bâtiment" à l'emplacement d'une "grande maison" acquise "du sieur Romme derrière dedit bâtiment un pont sur le ruisseau Verderet"[5]. Ces immeubles de la rue Chenoise possédaient en général des boutiques ou des ateliers en rez-de-chaussée mais gardaient des jardins dans les cours assez vastes. Les propriétaires des maisons voisines sont alors Francis Perrin, procureur, M. de Sautereau, conseiller à la cour, seigneur de Chasse - dont la belle demeure existe encore au 10 de la rue Chenoise[6] - ou encore le président de Vaux (hôtel de Vaux)[7] et la Dame de Morges[8]. Au bout de la rue du Pont-Saint-James, au 4 de l'actuelle rue Abel Servien sera également édifié près de l'Arsenal l'hôtel de Pisançon, famille cousine des La Croix de Chevrières d'Ornacieux de Sayve. Le parcellaire noble du 1700 confirme qu'une "maison avec bassecour sise rue Chenoise à partir des numéros 90-91-92-93 de l'ancien parcellaire, divisée entre [M. Pierre Félix de la Croix de Chevrières, seigneur comte de St Vallier] et M. le Procureur général [du Parlement du Dauphiné] Vidau[9] et dame Antoinette Vidau, veuve de M. le Président"[10]. Passage de Jacques Vaucanson comme locataire (1717)Jacques Vaucanson, créateur des premiers automates, y séjourne à l'âge de 8 ans comme simple locataire après la mort de son père en 1717[11]. En 1794, sous la Révolution, alors que la rue Chenoise porte brièvement (jusqu'en 1800) le nom de rue Vaucanson, une plaque est apposée sur l'immeuble à l'emplacement du blason des La Croix de Chevrières[12],[13] portant l’inscription suivante : « A la mémoire de Vaucanson Jacques, né dans cette maison le 24 février 1709 »[14]. Cette plaque est apposée sur le fronton sur l'ancien blason sculpté de la famille de la Croix de Chevrières[15]. Jacques Vaucanson n’est pourtant pas né dans cette maison, mais, dans une rue à proximité, au no 3 de la rue Brocherie. Cette plaque est retirée lors de la rénovation de l'immeuble[16]. Mais encore aujourd'hui, comme en témoigne la plaque apposée par les monuments historiques[17], le bâtiment conserve le nom de « maison Vaucanson ». Embellissement de l'hôtel d'Ornacieux au XVIIIe siècleDifférents travaux et embellissements donnent à l'hôtel d'Ornacieux l'ampleur d'une villa romaine[14]. C'est vers 1760, qu'est construit le grand escalier d'honneur à loggia, fréquent dans le Languedoc et en Savoie, d'influence italienne, avec ses arcades extérieures et sa rampe à balustres avec une belle ouverture en arrondi à chaque palier[8]. C'est à cette même époque, en 1764, que le président à mortier Joseph Arthus de La Croix de Sayve d’Ornacieux (1713-1800) s'installe dans un autre hôtel particulier, également appelé « Hôtel d'Ornacieux »[18], rue Neuve (future rue Voltaire)[19], à côté de l'hôtel de la première présidence. Le président d'Ornacieux a épousé en 1744 Anne Pupil de Mions. Leur fils Barthélemy Arthus, dit comte de Sayve (1746 - 1821), avocat général puis président à mortier du Parlement du Dauphiné, est-il le dernier d'Ornacieux à occuper l'hôtel du 8 rue Chenoise? La famille d'Ornacieux a un lien du sang[20] avec Jean-Jacques Vidaud de La Tour, avocat général puis premier président du Parlement du Dauphiné (1771) lors de la mise en œuvre de la réforme Maupéou mettant en cause les prérogatives et suspendant les parlements[21]. À la suite de l'échec de cette réforme et du rétablissement des parlements en 1775, ces « revenants » sont toujours influents - le président d’Ornacieux assure même l’intérim de la première présidence avant d’être destinataire de lettres de cachet du roi l’intimant de se rendre à Versailles en avril 1776[22] malgré son état de santé défaillant[23]. Redevient alors premier président Amable-Pierre-Thomas de Bérulle (1725-1797) puis, à partir de 1785, de son fils Albert de Bérulle, acteur de la journée des Tuiles le 7 juin 1788 qui se déroule notamment devant l'hôtel de la première présidence[24]. La rue Chenoise fait d’ailleurs partie des rues illuminées en l'honneur des parlementaires le 20 octobre 1788 (voir carte). Époque révolutionnaire : de nouveaux propriétaires (Bourcet de la Saigne, Baratier, Heurard de Fontgalland)Avant la Révolution, la maison passe dans la famille de Bourcet de La Saigne. Dans le rôle de capitation de 1770, l’hôtel apparaît comme la « maison de M. de la Saigne » avec « 4 feux » (Vve Bontemps, fripière; Guillomet fils coutelier ; Dame Magnan et M. Allemand, procureur au Parlement[probablement Allemand-Dulauron, procureur du roi]). Par un acte du 18 avril 1784, elle est vendue par Jean Bourcet de la Saigne[25], un colonel d'infanterie, qui en 1761 était ingénieur en chef à Grenoble, mort en 1771 à Corte et qui joua un rôle dans la réalisation de la carte des Alpes par son frère Pierre Joseph de Bourcet, et Marguerite-Victoire Lovat, fille de François Lovat, conseiller du roi et correcteur de la Chambre des Comptes de Paris, et de Geneviève Delespine, à Louis-Henri de Baratier, seigneur de Pommeaux et les Robins, capitaine d'infanterie, ingénieur ordinaire du roi dans le corps du génie, et fils de Joseph-François de Baratier, maître à la Chambre des comptes du Dauphiné et de Marie Thérèse de Pétichet. Louis de Baratier a épousé en 1770 à Fontaine [26] leur fille, Victoire de Bourcet de la Saigne[27]. Elle décède à Grenoble le 7 juin 1834 à l'âge de 80 ans comme "rentière". En 1808, leur fille, Geneviève Henriette de Baratier de St Auban[28] (1775 - 1852) épouse Jean-Baptiste Victor Heurard de Fontgalland (1765 - 1845)[29], garde du corps du roi Louis XVI (compagnie écossaise) jusqu'en 1791 et adjoint au maire de St Quentin en Isère. Dans le cadastre de 1810[30], un "M. de Barathier" est mentionné comme propriétaire de la maison, même si les boutiques du rez-de-chaussée et un appartement ont été cédés à M. Vallet, un officier en retraite et M. Chamazet, un droguiste. Dans le cadastre de 1864[31], un Monsieur Fontgalland, rentier à St Marcellin, est toujours propriétaire d'une maison au rez-de-chaussée, 1er et 2ème étage du 8 rue Chenoise. Mais on y trouve aussi comme copropriétaires Grégoire Roux Fouillet, Jean-Pierre Peyrin et Jules Cherias, juge de paix à Gap[32]. Au musée de Grenoble, un tableau représente Germaine Bizalion[33], épouse d'Eusèbe Heurard de Fontgalland, Il est le fils de Louis Eugène Antoine Heurard de Fontgalland, receveur de l'enregistrement et des domaines et petit-fils de Jean-Baptiste Victor Heurard de Fontgalland. Vie sociale de la maisonL'hôtel d'Ornacieux, composé de deux corps de logis, comme c'est toujours le cas (côté rue et côté jardin), bénéficie d'une cour d'un jardin qui prend place sur l'emplacement de l'ancienne rivière du Verderet, - canalisée et enterrée à la fin du XIXe siècle en raison de son insalubrité[34]. Initialement la maison est aussi dotée, sur le Verderet, d'un pont et d'une petite pêcherie ainsi que d'écuries et de cuisines[35]. La maison connaît "une vie grouillante, tout un côté de l’immeuble sur deux étages, dominé par la tour d’escaliers carrés, était occupé par écurie, remises et domesticité"[8]. Elle est représentée avec des servantes lors de l'inondation de Grenoble le 2 novembre 1859[36] par un dessin de Diodore Rahoult (gravure de Dardelet) dans une réédition de 1860 du Grenoblo malhérou[37]. Certains[38] affirment que c'est dans cette maison du 8 rue Chenoise que le jeune Henri Beyle, futur Stendhal, aurait eu sa première aventure amoureuse en venant rejoindre au 3e étage, Victorine Bigillion grâce la complicité d'une servante[39]. La jeune fille reste toujours fidèle à son grand homme, car elle meurt seule et très âgée[40]. Pourtant cette demeure des Bigillion est plus souvent située par plusieurs sources au 18, rue Chenoise[41],[42]. En 1821, deux boutiques du rez de chaussée, appartenant à M. Baret, servent d’auberge exploitée par M. Barnes (journal libre de l’Isère, 9 août 1821). Classement aux monuments historiques et rénovationL'ensemble (portail et escalier à balustre en pierre) est inscrit aux titre des Monuments Historiques le 4 novembre 1983[43], peu après sa rénovation par la mairie de Grenoble dans le cadre d'une opération de réhabilitation des quartiers anciens[44]. Il était alors très dégradé[45] et occupé par des familles populaires principalement issues de l'immigration italienne[46]. Depuis le principal propriétaire est le bailleur social Actis. L'immeuble héberge notamment l'association Amel - Humacoop[47]. En 2020, la fin des travaux de restauration qui ont permis de rénover la façade de l'édifice, les cours intérieures avec les volutes, de style Louis XIII ainsi que le portail en pierres bicolores est terminé[48]. La même année, des visites organisées sont mises en place à l'occasion des journées européennes du patrimoine[49]. Depuis quelques années, le festival Voix aux fenêtres se déroule régulièrement dans la cour du 8 et du 10 rue Chenoise[50]. DescriptionLa façade sur rue, a conservé son portail Louis XIII en pierre bicolore à bossages et fronton brisé. Au-delà de ce portail monumental, un passage permet d'accéder à la cour, autour de laquelle s'organisent les logis principaux et les loggias qui les relient, inspirées de l'architecture italienne. Sur la façade, au niveau du dernier étage, apparaît dans une niche une "Vierge archaïque"[38]. À l'arrière des larges ouvertures en anse de panier des galeries avec un très bel escalier orné de balustres de pierre qui en occupe le côté donnant ainsi un aspect très majestueux. Les galeries de la façade opposée ont été partiellement obturées au XIXe siècle, cassant la symétrie des loggias mise en place au XVIIe siècle[51]. Références
Bibliographie
Voir aussiArticles connexesLiens externes
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