Lili Boulanger voit le jour le 21 août 1893, dans le 9e arrondissement de Paris[1], au sein d'une famille de musiciens. Son père, Ernest Boulanger, est compositeur, premier grand prix de Rome en 1835, et professeur de chant au Conservatoire de Paris. Sa mère, née princesse Raïssa Ivanovna Mychetsky (ou Mychetskaya), est une cantatrice russe, originaire de Saint-Pétersbourg. L'ambiance familiale est donc propice à l'étude de la musique, art pour lequel la jeune Lili montre très tôt d'étonnantes dispositions. Dès six ans, elle sait déchiffrer les partitions — avant même de savoir lire — et étudie l'harmonie.
Gabriel Fauré, ami de la famille, est émerveillé par sa précocité et lui donne ses premières leçons de piano. Elle est âgée de deux ans lorsque les premiers troubles de déficience immunitaire apparaissent avec une tuberculose intestinale. Dès lors, elle sera constamment malade. L'enfant reçoit à domicile l'enseignement d'éminents professeurs, notamment Georges Caussade pour la fugue et le contrepoint. Elle étudie, outre le piano, le violon, le violoncelle, la harpe — elle a pour professeur le célèbre harpiste Alphonse Hasselmans —, l’orgue. Elle s'essaie à la composition, encouragée par sa sœur Nadia, mais ne subsiste de ses œuvres de prime jeunesse qu'une valse en mi majeur, composée en 1906.
En 1914, Lili Boulanger part pour l'Italie avec sa mère rejoindre les lauréats du prix de Rome à l'Académie de France à Rome (Villa Médicis), sous le directorat d'Albert Besnard[5]. Pendant le trajet, lors de leur passage à Nice, elle demande à Maurice Maeterlinck l'autorisation de mettre en musique la Princesse Maleine. Durant ce premier séjour de quatre mois — écourté par l'éclatement de la Première Guerre mondiale —, elle entame la rédaction de ses trois Psaumes (les Ps. XXIV, CXXIX, CXXX), ainsi que sa Vieille prière bouddhique, œuvres qui ne seront achevées qu'en 1917. Elle commence un cycle de mélodie, Clairières dans le Ciel d'après Tristesses de Francis Jammes dont elle obtient l'autorisation de changer le titre. Elle choisit notamment treize des vingt-quatre poèmes du cycle[2].
En 1916, elle retourne à Rome, accompagnée de Nadia Boulanger, autant pour la poursuite de son séjour à la Villa Médicis que pour des raisons de santé. Elle rentre alors en France et est la plupart du temps alitée. Une opération en 1917 ne change rien à son état. C'est entre 1916 et 1918 qu'elle composera ses plus grandes œuvres parmi lesquelles Dans l'immense tristesse, sa dernière mélodie mais aussi le Psaume 24 : La Terre appartient à l'Éternel qui renoue avec l'inspiration religieuse de ses premières esquisses, les Psaumes 129 : Ils m'ont assez opprimé et 130 : Du fond de l'abîme.
Atteinte de tuberculose intestinale, liée à la maladie de Crohn[8], elle meurt à l'âge de vingt-quatre ans le , précédant de dix jours Claude Debussy. La Princesse Maleine était alors presque achevée selon certains, mais la partition a été perdue[2]. Elle repose, ainsi que sa sœur, au cimetière de Montmartre (division 33, à l'angle de l’avenue Saint-Charles et du chemin Billaud). Nadia, elle, poursuit une très brillante carrière musicale de pédagogue, jusqu'à sa mort, en 1979[4].
Ses compositions incluent des pièces orchestrales ou pour piano, orgue, violon, violoncelle, hautbois ou flûte et, surtout vocales sur des poèmes de Jammes, Maeterlinck, Musset ou bien sur des textes de psaumes. Le diagnostic précoce de sa maladie semble avoir accru sa créativité et ses nombreuses œuvres, d'inspiration biblique ou mystique, semblent marquées par son tragique destin. Plusieurs sont restées inachevées ou sont perdues.
Cortège, version pour piano seul (1914) ; Les pièces D’un vieux jardin, D’un jardin clair et Cortège ont été publiées ensemble sous le titre Trois morceaux pour piano ;
Nadia Boulanger a organisé et dirigé, en octobre 1968, un concert dédié au 50e anniversaire de la disparition de sa sœur cadette. Il s'agissait d'un double hommage tant à sa sœur (Pie Jesu) qu'à son professeur Gabriel Fauré (Requiem). L'événement a eu lieu à Londres, en collaboration avec la BBC, qui voulait l'enregistrement direct en faveur de son émission. Un disque du concert a été publié après le décès de Nadia.
En 2003, les frères Lionel et Stéphane Belmondo ont créé l'ensemble de jazz Hymne au Soleil, d'après la pièce éponyme de Lili Boulanger. Ils ont réalisé plusieurs transcriptions de pièces de Lili Boulanger pour leur ensemble[13].
Lili Boulanger : Du fond de l'abîme, Psaumes 24 & 129, Pie Jesu, Vieille pièce bouddhique, 3 pièces pour violon et piano (Y. Menuhin & C. Curzon) - Orchestre Lamoureux, dir. Igor Markevitch, LP Emi CDM 7 64281 2) (1958 & 1967)
Lili Boulanger : In memoriam : Thème et variations pour piano - D'un matin de printemps pour violon et piano - Nocturne pour violon et piano - Cortège pour violon et piano - Clairières dans le ciel (poésies de Francis Jammes) : Elle était descendue - Si tout ceci - Nous nous aimerons tant - Demain, fera un an - D'un vieux jardin pour piano - D'un jardin clair pour piano - Dans l'immense tristesse pour voix et piano - Le retour pour voix et piano - Pie Jesu pour voix, harpe, orgue et quatuor à cordes, (+ œuvres de Nadia Boulanger), Isabelle Sabrié, Sylvie Robert, Doris Reinhardt (sopranos), Olivier Charlier (violon), Émile Naoumoff (piano), CD Patrimoine Naxos, (1993)
Lili Boulanger : Psaumes 24 - 129 - 130, Pour les funérailles d'un soldat, D'un soir triste, D'un matin de printemps, Vielle prière Bouddhique, Sonia de Beaufort (mezzo-soprano), Martial Defontaine (ténor), Vincent Le Texier (baryton), Chœur symphonique de Namur, Orchestre philharmonique du Luxembourg, dir. Marc Stringer, CD Timpani (1998)
Lili Boulanger : Les mélodies (Clairières dans le ciel — Quatre mélodies — Trois morceaux pour piano), Jean-Paul Fouchécourt (ténor), Sonia de Beaufort (mezzo-soprano) et Alain Jacquon (piano), CD Timpani, (1999)
Lili Boulanger : Psaume 24 – Faust et Hélène – D’un soir triste – D’un matin de printemps – Psaume 130, Lynne Dawson (mezzo-soprano), Ann Murray (mezzo-soprano), Bonaventura Bottone (ténor), Neil MacKenzie (ténor), Jason Howard (basse), City of Birmingham Symphony Chorus, BBC Philharmonic, dir. Yan Pascal Tortelier, CD Chandos (1999)
Lili Boulanger : Nocturne, pour flûte et piano (plus œuvres de Germaine Tailleferre, Mel Bonis, Lita Grier, Nancy Galbraith) dans Day & Night : Modern Flute & Piano Duos by Women Composers, Erin K. Murphy (flûte) et Kirstin Ihde (piano), Albany (2020)
Nadia & Lili Boulanger : Les heures claires, the complete songs, Lucile Richardot (mezzo-soprano), Anne de Fornel (piano), Stéphane Degout (baryton), Raquel Camarinha (soprano), Sarah Nemtanu (violon), Emmanuelle Bertrand (violoncelle), Harmonia Mundi Musique 902356.58 (2023)
↑Caron, Sylvain, « 1913. Lili Boulanger, première femme Prix de Rome », Nouvelle histoire de la musique en France (1870- 1950), sous la direction de l’équipe « Musique en France aux XIXe et XXe siècles : discours et idéologies », 12 mars 2020. (lire en ligne)