D'après l'ouvrage très documenté de José Banaudo « Le siècle du train des Pignes[1] » le surnom de «Train des Pignes[2] » qui lui a été donné dans le langage populaire désigne les deux lignes ferroviaires d'intérêt général situées dans le département des Alpes-Maritimes : la ligne de Nice à Digne, toujours exploitée, et la ligne du Central Var.
Description
Longue de deux-cent-onze kilomètres, la ligne Central-Var se détachait de celle de Nice à Digne au pont de la Manda sur le Var, à douze kilomètres de Nice, après la gare de Colomars.
Établie en site propre sur tout l'itinéraire, elle suivait approximativement le tracé des routes nationales :
L’annexion du Comté de Nice par la France en 1860 entraîna certains bouleversements. D’une part, l’arrondissement de Grasse fut perdu par le département du Var au profit du nouveau département des Alpes-Maritimes. D’autre part, le PLM mit en service par tronçons à partir de 1858 la ligne de chemin de fer de Marseille à Nice par la côte. Cela provoqua la colère d’élus, notamment varois, qui non seulement perdaient une partie du département mais virent la desserte ferroviaire éviter les villes de Brignoles, Draguignan et Grasse. Des comités se formèrent afin d'obtenir une seconde ligne plus centrale. Par la suite, le PLM ouvre un embranchement pour relier Draguignan à la ligne de Marseille à Nice, dès 1864. Le , un effondrement entre Antibes et Cagnes mit en évidence la fragilité de l’unique lien ferroviaire entre la vallée du Rhône et le pays niçois[3].
La loi du (dite plan Freycinet) portant classement de 181 lignes de chemin de fer dans le réseau des chemins de fer d’intérêt général retient en no 139 une ligne de « Draguignan à Cagnes, par Grasse » (75 km) et en no 140, une ligne de « Draguignan à Mirabeau, par Barjols » (96 km)[4]. Nice obtient en 1881 l’ajout d'une liaison de Nice à Grasse par Vence.
Jusqu’alors, tous les projets avaient été conçus pour un écartement de rails standard, les lignes à voie métrique étant une exception en France. Mais à partir de 1882, les ministres successifs cherchèrent des solutions plus économiques, dont la voie étroite et la concession à des sociétés privées. La décision fut prise en 1883-1884 : la ligne « Central-Var » serait à voie métrique, plus sinueuse, et moins coûteuse.
Le tronçon entre Draguignan et Grasse est déclaré d’utilité publique par une loi du [5].
La section de Grasse à Meyrargues est concédée à titre définitif et celle de Grasse à Nice à titre éventuel, à la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôt par une convention signée le entre le ministre des Travaux publics et la société. Cette convention est approuvée et la section de Draguignan à Meyrargues est déclarée d’utilité publique par une loi le [6]. Dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôt constitue la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France (SF) qui se substitue à elle pour la concession du réseau.
Les travaux débutèrent à partir de Draguignan en direction de l’ouest en 1886. La ligne fut ouverte jusqu'à Salernes en , Barjols en août de la même année, et Meyrargues fin .
L’inauguration officielle de la section Draguignan - Meyrargues eut lieu le . C’était la première fois en France qu’une ligne à voie étroite atteignait une centaine de kilomètres de long. Le tracé était extrêmement sinueux, et pourtant ne satisfaisait pas les élus des petites communes mal desservies.
La situation étant particulièrement tendue entre la France et l’Italie, les militaires exigèrent que le tronçon Nice - Draguignan puisse accepter le passage de trains à écartement standard. On adopta alors un curieux système à quatre files de rails, qui fut ensuite transformé en trois files de rails, permettant ainsi de faire circuler sur la même voie des trains à écartement normal et des trains à écartement métrique. Par conséquent, la convention de concession est mise à jour le et le gabarit de la ligne est augmenté pour permettre le passage d’engins militaires, ce qui porte sa largeur à 4,50 m. Cette modification est approuvée par deux lois le [7],[8].
Le , la section entre Grasse et Nice est déclarée d’utilité publique par le ministre des travaux publics[7]. Le budget de construction de la section de Nice à Grasse est estimé à 25 000 000 francs hors achat des terrains. Elle est entreprise en 1890 et mise en service le , en même temps qu’une première section de la ligne Nice - Digne, à laquelle elle se raccordait à Colomars par le pont à deux étages de la Manda (un pour les véhicules routiers, un pour le chemin de fer).
Les sections Draguignan - Grasse et Grasse - Colomars (Nice), établies en relief tourmenté prennent une configuration de ligne de montagne. L'ouverture au public de la section Draguignan-Grasse a lieu le . Parmi les ouvrages d'art notables figurent notamment, entre Draguignan et Grasse, le viaduc de la Siagne (pont métallique de 72 mètres de hauteur) ou le viaduc du Rayol et entre Grasse et Colomars, mais aussi les viaducs en maçonnerie du Pont du Loup, de la Pascaressa , de la Téolière, de la Cagne ainsi que le tunnel de Saint-Jeannet.
Depuis 1900
Une convention signée le entre le conseil général du Var et la Compagnie des chemins de fer du sud de la France concède à cette dernière plusieurs lignes venant se greffer entre Draguignan et Meyrargues. La première est une ligne « de Salernes, par Brignoles, à un point de la ligne d'intérêt local d’Hyères à Toulon à déterminer aux abords du Pradet ». La deuxième est une ligne « de Draguignan à Saint-Aygulf, raccordée à ses deux extrémités à la ligne d’intérêt général de Nice à Meyrargues, et à la ligne d’intérêt local de Saint-Raphaël à Hyères ». La troisième est une ligne « de Montfort à Barjols ». La convention est approuvée par une loi déclarant ces lignes d’utilité publique, à titre d’intérêt local, le [9]. Ce réseau complémentaire ne sera jamais réalisé.
Au début du XXe siècle les premières insuffisances d’exploitation apparaissent. Les incidents ferroviaires deviennent fréquents entre 1905 et 1915 (déraillements ou tamponnements)[10],[11].
Le profil d’ensemble de la ligne était tel qu’il ne s’agissait plus d’une vraie transversale susceptible de concurrencer la ligne PLM entre la vallée du Rhône et l’Italie. En 1913, il fallait plus de 11 heures pour parcourir les 210 km (soit une vitesse moyenne de 20 km/h). Les temps de trajet étaient trop longs. La desserte devint très rapidement une desserte locale sur chacun des tronçons mais sans correspondances entre eux et ces omnibus furent vite concurrencés par l’automobile et les autocars.
Le contexte économique et financier ne fait qu’empirer au fil du temps. En 1933, l’exploitation de la ligne est confiée aux Ponts et Chaussées. Dans un but de relance, il est fait en 1935 l’acquisition d’autorails Renault type ABH, qui remplacèrent avantageusement les trains à vapeur. Ces nouveaux engins permettaient de réduire le temps de parcours et donc de raviver l’intérêt pour la ligne.
Pendant la guerre, l'armée mit fortement à contribution les infrastructures, qui étaient bien entretenues et résistèrent.
Cependant, le , l’armée allemande détruisit les trois principaux viaducs situés dans les Alpes-Maritimes :
le viaduc de Pascaressa (en dessous du village de Tourrettes sur Loup) ;
le viaduc du Loup ;
le viaduc de la Siagne.
Le pont de la Manda sur le Var sera aussi partiellement détruit. La décision de reconstruire ces ouvrages n’a pas été prise par l'État, dans le cadre des réparations de guerre.
Dès 1945, la ligne Central-Var est alors limitée à la section Meyrargues - Tanneron, puis définitivement fermée le . La voie de chemin de fer est donc déclassée, sa plate-forme privée de rails sera attribuée aux communes, qui déplorèrent ce démantèlement[12].
De nombreuses sections de cette plate-forme ont été requalifiées en voies publiques routières, comme à Vence, à Salernes, à Draguignan, à Lorgues, etc.
Ouvrages d'art
Section de ligne de Colomars à Grasse
C'est le parcours le plus sinueux de la ligne. Elle prend une configuration de montagne, viaducs et tunnels s'y succèdent.
Ligne Central-Var Section de ligne de Colomars (km 12,796) à Grasse (km 48,801) Liste des principaux ouvrages d'art
N°
Nom de l'ouvrage
Coordonnées Élément Wikidata
Longueur
Observations
Photos
Gare de Colomars(km 12,796) (La photo ci-contre représente la gare de Colomars actuelle des Chemins de Fer de Provence) (Ligne de Nice à Digne-les-Bains)
Avenue Louis Icard. Viaduc des Ribes. Tête d’une pile
Tanneron
Le viaduc de la Siagne.
Section de Draguignan à Meyrargues
Draguignan km
L’ancien pont sur la Nartuby, à sec, au lieu-dit pont d'Aups.
Varages km 173,863
L’ancienne gare longée par l’ancienne plateforme de la ligne.
Varages
Pont franchissant le Grand-Vallat, sous-affluent de la rivière Argens, près de Varages.
Varages
L’entrée ouest du tunnel ferroviaire de Varages.
Artigues km 187,020
L’ancienne gare bien entretenue mais propriété privée.
Meyrargues
Le bâtiment de la gare CP visible au fond à gauche.
Vestiges
Toponymes
La toponymie des communes traversées permet de faire perdurer le Central-Var. Pour conserver une mémoire de la ligne, les différentes communes traversées ont utilisé les noms usuels de la ligne, ou des compagnies.
José Banaudo, Le siècle du train des Pignes : Réseau d’intérêt général des Alpes, Breil-sur-Roya, Ed. du Cabri, coll. « Histoire des Chemins de fer de Provence », , 320 p., 24 x 32 cm, album relié (ISBN2-903310-90-4) : 1000 photos NB, schémas, plans, horaires.
Nicole Andrisi, Tourrettes-sur-Loup en son pays, t. 1 : La Recherche du Temps Perdu, Tourrettes-sur-Loup, Éditions de Bergié, (ISBN978-2-916584-05-8, lire en ligne), « Le XIXe siècle : Les grands travaux »
Pascal Lambérieux, Le Train des Pignes d'Hier à Aujourd'hui, Saint-Cyr-sur-Loire, Éditions Alan Sutton, coll. « Regards croisés d'hier à aujourd'hui », , 128 p. (ISBN978-2-8138-0612-3) : Ouvrage constitué principalement de documents photographiques des trois lignes de la Compagnie des chemins de fer du sud de la France : Meyrargues - Nice, Toulon - Saint-Raphaël et Dignes - Nice.
Références
↑José Banaudo, Le siècle du train des Pignes : Réseau d’intérêt général des Alpes, Breil-sur-Roya, Ed. du Cabri, , 4 p.
↑L'origine du surnom de « Train des Pignes » n'est pas clairement établie. Diverses interprétations aussi incertaines les unes que les autres ont été données. Pour certains, le train roulait tellement lentement que les voyageurs pouvaient descendre faire provision de pommes de pin, pour d’autres, il fallait parfois alimenter en pommes de pin la chaudière de la locomotive à court de combustible. Cet itinéraire traversant pour l’essentiel un paysage boisé de pins méridionaux lui a valu le surnom de train des Pignes (pigne est le nom provençal de la pomme de pin ; la graine est nommée pignon).
↑« N° 8168 - Loi qui classe 181 lignes de chemin de fer dans le réseau des chemins de fer d'intérêt général : 17 juillet 1879 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 19, no 456, , p. 6 - 12 (lire en ligne).
↑« N° 12167 - Loi qui déclare d’utilité publique l’établissement de la première section du chemin de fer de Draguignan à Cagnes, comprise entre Draguignan et Grasse : 4 août 1882 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 25, no 715, , p. 158 - 159 (lire en ligne).
↑« N° 16062 - Loi ayant pour objet : 1° la déclaration d’utilité publique d'un chemin de fer de Draguignan à Meyrargues ; 2° L’approbation d'une convention passée entre le ministre des Travaux publics et la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôt pour la concession définitive de ce chemin de fer et de celui de Draguignan à Grasse et pour la concession éventuelle des chemins de fer de Grasse à Nice, de Digne à Draguignan, et de Saint-André à Nice : 17 août 1885 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 31, no 972, , p. 1417 - 1438 (lire en ligne).
↑ a et b« N° 21444 - Loi ayant pour objet la déclaration d'utilité publique et la concession définitive de divers chemins de fer à la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France (Grasse à Nice et Nice à Puget-Théniers) : 29 juillet 1889 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 39, no 1291, , p. 1101 - 1104 (lire en ligne).
↑« N° 21445 - Loi ayant pour objet l’approbation d'une convention passée, le 21 mai 1889, entre le ministre des Travaux publics et la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France (Draguignan à Grasse) : 29 juillet 1889 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 39, no 1291, , p. 1104 - 1106 (lire en ligne).
↑« Loi déclarant d'utilité publique l'établissement, dans le département du Var, d'un réseau de chemin de fer d'intérêt local, à voie étroite : 16 avril 1909 », Journal officiel de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, no 105, , p. 3999 - 4010 (lire en ligne).
↑« Fait divers : Tentative de déraillement », Le Temps, Paris, no 18806, , p. 4
↑« Collisions de trains : Dans le Var », Le Petit Parisien, Paris, no 12367, , p. 3