Dans les langues ergatives à déclinaison, la première fonction est indiquée par l'absolutif, généralement non marqué, la seconde par le casergatif.
Du point de vue de leur rôle sémantique, la première fonction tend à correspondre à un actant qui peut être un patient ou un agent, mais la seconde tend à correspondre à un actant qui est un agent.
Le concept s'oppose principalement à celui de langue accusative, où le sujet du verbe intransitif et du verbe transitif reçoivent un traitement grammatical identique, qui s'oppose globalement à celui de l'objet du verbe transitif.
La souris (objet - absolutif) [« mange » = est mangée par] le chat (sujet - ergatif)
Les fonctions de sujet et d'objet, développées pour la grammaire des langues accusatives, sont mal adaptées à la description des langues ergatives.
Par rapport à la compréhension usuelle (en français) des cas se divisant entre sujet et objet, tout se passe comme si dans une langue ergative, tous les verbes transitifs avaient une forme grammaticale active mais un sens passif. Cette situation existe en français, mais de manière exceptionnelle, avec des verbes comme « plaire », ou « manquer », comme dans une phrase de type :
« Le chat (objet réel = sujet formel = absolutif) manque (forme active = sens passif) à ma mère (agent = complément indirect formel = ergatif) » (c'est en fait ma mère qui souffre de l'absence, le chat n'a aucune action en tant qu'agent).
Langues ergatives et accusatives
Les langues ergatives et accusatives se distinguent par la manière dont se construit l'association entre un verbe intransitif et son argument nominal.
Une langue ergative adopte la même construction syntaxique ou morphologique (ordre des mots, déclinaison) pour associer un verbe intransitif à son sujet que celle associant un verbe transitif à son argument nominal ; une construction « différente » (ergative) étant utilisée pour associer un verbe transitif à son agent.
Par contre, les langues accusatives (comme le français) traitent de la même manière l'argument d'un verbe intransitif et l'agent d'un verbe transitif, le cas « différent » (accusatif) étant l'objet d'un verbe transitif.
Construction morphologique de l'ergatif
Quand la langue a des déclinaisons, les arguments du verbe se déclinent alors de la manière suivante :
L'argument nominal d'un verbe intransitif se met à l'absolutif.
L'objet d'un verbe transitif se met également à l'absolutif.
L'agent d'un verbe transitif se met à l'ergatif, ou à un cas similaire comme l'oblique.
L'exemple suivant en basque illustre l'opposition entre ergatif et absolutif :
Langue ergative
Phrase :
Gizona etorri da.
Gizonak mutila ikusi du.
Mots :
gizon-a
etorri da
gizon-ak
mutil-a
ikusi du
Sens :
homme-ABS
est arrivé
homme-ERG
garçon-ABS
a vu
Fonction :
Argument nominal
VERBintrans
Agent
Objet
VERBtrans
Traduction :
« L'homme est arrivé. »
« L'homme a vu le garçon. »
Par contre, le japonais est une langue accusative et oppose l'accusatif au nominatif :
Langue accusative
Phrase :
Otoko ga tsuita.
Otoko ga kodomo o mita.
Mots :
otoko ga
tsuita
otoko ga
kodomo o
mita
Sens :
homme-NOM
arrivé
homme-NOM
enfant -ACC
a vu
Fonction :
Argument nominal
VERBintrans
Agent
Objet
VERBtrans
Traduction :
« L'homme est arrivé. »
« L'homme a vu l'enfant. »
Construction syntaxique de l'ergatif
Outre la morphologie, l'ergativité peut également se manifester par la syntaxe (ordre des mots, accord du verbe, marquage des propositions relatives, …). Ce type de marquage est relativement rare : toutes les langues ergatives ont un marquage morphologique, mais peu comprennent de plus un marquage syntaxique.
De même que pour le marquage syntaxique, le marquage peut être de degré variable, certaines constructions syntaxiques étant marquées de manière accusative et d'autre l'étant de manière ergative. La syntaxe de la langue sera plus ou moins marquée par l'ergativité, suivant l'importance des constructions syntaxiques où l'argument nominal d'un verbe intransitif se construit de la même manière que l'objet d'un verbe transitif. Cette ergativité syntaxique est souvent qualifiée d'interclausale, dans la mesure où elle apparaît typiquement dans la mise en relation de deux clauses.
Illustration
Opposition fondamentale
Langues ergatives
Fonctions :
Sujet d'un verbe transitif
Objet d'un verbe transitif / sujet d'un verbe intransitif
Cas :
→ ergatif
→ absolutif
Exemples (basque)1 :
Gizon-ak otso-bat du « L'homme a un loup »
Gizon-ak otso-bat du « L'homme a un loup » Gizon-a otso-bat da « L'homme est un loup »
Xqachapo ri ak'aal « Nous avons attrapé l'enfant »
Xojuchapo ri ak'aal « L'enfant nous a attrapés »
Xojtzaaqik ri ak'aal
« Nous sommes tombés »
Langues accusatives
Fonctions :
Sujet
Objet
Cas :
→ nominatif
→ accusatif
Exemples (latin)4:
Homo lup-us est « L'homme est un loup »
Homo lup-um habet « L'homme a un loup »
Notes :
basque : gizon = « homme », otso = « loup », -ak est le suffixe d'ergatif singulier, -a d'absolutif ; bat = « un » ; du (transitif) se traduit « [il] a », da « [il] est » (intransitif) ; en basque, l'ergativité apparaît non seulement au niveau du marquage casuel (suffixe -ak / k pour l'ergatif et suffixe -a / bat pour l'absolutif), mais aussi dans l'indexation des constituants nominaux (ex : les variations de l'indice représentant l'agentif sont : daramat, daramazu, darama, daramagu, daramazue, daramate (je, tu, il, nous, vous, ils l'emmènent) ; les variations de l'indice représentant le sujet d'un verbe intransitif sont : noa, zoaz, doa, goaz, zoazte, doaz (je, tu, il, nous, vous, ils vont) ; les variations de l'indice représentant le patientif sont : narama, zaramatza, darama, garamatza, zaramatzate, daramatza (il m', t', l', nous, vous, les emmène) ;
tongien : e talavou = « le garçon » ; 'e est la particule indiquant le cas ergatif, 'a le cas absolutif ; en tongien, l'ergativité apparaît uniquement au niveau du marquage casuel (particule 'e pour l'ergatif et particule 'a pour l'absolutif), le tongien ignorant l'indexation des constituants nominaux ;
k'ichee' : ri ak'aal = « l'enfant » ; en k'ichee', l'ergativité apparaît uniquement au niveau de l'indexation des constituants nominaux, le k'ichee' ignorant le marquage casuel ;
latin : homo, « homme », est au nominatif, comme lup-us, « loup », -us étant une désinence de nominatif et -um d'accusatif ; habet (transitif) se traduit « [il] a », est (intransitif) « [il] est ».
(it) Michele Gulina, « Ancora sulla teoria dell'ergatività del protoindoeuropeo. Un' ipotesi di ricostruzione », Studi e saggi linguistici, Edizioni ETS (d), vol. 38, , p. 101-128 (ISSN0085-6827 et 2281-9142, BNF33184688)..