La Contemporaine — Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains[1] — est une bibliothèque, un musée et un centre d'archivesfrançais spécialisé dans l'histoire des XXe et XXIe siècles. « Bibliothèque de documentation internationale contemporaine » (BDIC) jusqu'en 2018, La contemporaine ouvre en octobre 2021 un nouvel équipement qui rassemble l'ensemble des collections à l'entrée du campus universitaire de l'université Paris-Nanterre.
Constitution de la collection des époux Leblanc et création de la Bibliothèque-musée de la Guerre
La bibliothèque tire son origine de l'initiative d'un couple d'industriels parisiens, Louise et Henri Leblanc. Dès le début de la Première Guerre mondiale ils collectent, par patriotisme, tous les documents possibles sur le conflit et ses causes. Ils accumulent ainsi une collection de 22 000 pièces, livres, revues, presse, archives, documents iconographiques et objets[2]. Le 4 , les Leblanc font don de leurs collections à l'État[3] par un acte qui stipule que les documents et objets rassemblés doivent former une « Bibliothèque-musée de la Guerre »[4]. le fonds est rattaché au ministère de I'Instruction publique. Un décret entérine le don des collections le . Le , l'ensemble prend le nom de Bibliothèque-musée de la Guerre (BMG)[2].
L'institution se fixe dans le Pavillon de la reine au château de Vincennes en 1924 à côté des services historiques et des états-majors de l’Armée. Elle est rattachée à la direction de l’Enseignement supérieur et reconnue d’utilité publique[5]. Le décret du sur la nouvelle organisation des bibliothèques nationales de Paris[6] la rattache à la Réunion des bibliothèques nationales de Paris. Elle est dirigée de 1918 à 1934 par l'historien Camille Bloch. Ce chartiste spécialiste avant guerre de la période révolutionnaire concentre ensuite ses recherches sur la Grande Guerre et publie, en 1933, un ouvrage intitulé les causes de la guerre mondiale[4]. À partir de 1920, il est épaulé par Pierre Renouvin, jeune agrégé d'histoire et grand mutilé de guerre. Il lui succède en 1934 à la tête de l'institution qui a été rattachée à l'université de Paris en 1930.
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine
En 1934, la Bibliothèque-musée de la Guerre devient la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC). Après la cessation d'activité du Centre de documentation sociale (CDS), situé rue d'Ulm dans les locaux de l'ENS, et fondé par le mécène Albert Kahn (mais racheté par la Fondation Rockefeller dans les années 1930), la BDIC reçoit la plupart des fonds du centre.
Le ministère des Armées fait fermer la BDIC en novembre 1939, le château de Vincennes étant territoire militaire. Le personnel, les fichiers et la salle de lecture sont déplacés dans un hôtel particulier réquisitionné rue du Bac. Cependant, par manque de place, la plupart des collections demeurent à Vincennes[7]. Certaines des collections les plus précieuses du musée sont placées en sécurité au château de Chambord. Des agents munis de laissez-passer font la navette pour rapporter de Vincennes, où l'armée allemande s'est installée en juin 1940, les documents aux lecteurs. Le directeur de la BDIC, Félix Debyser, s'installe dans le Pavillon de la reine avec sa famille pour garantir la sécurité des collections[7]. Comme toutes les autres bibliothèques, la BDIC est contrainte de se conformer, à partir du 12 octobre 1940, à la « liste Otto », établie par les autorités d'occupation allemande, qui interdit la communication de certains ouvrages. Ceux-ci restent à leur emplacement dans les magasins mais sont retirés du fichier des auteurs permettant la recherche d'ouvrages[7]. Au moins cinq bibliothécaires, l'établissement compte alors une trentaine d'agents, sont touchés par les lois d'épuration administratives imposées durant l'Occupation. Deux bibliothécaires sont mises à la retraite en vertu de la loi du 17 juillet 1940 disposant que « nul ne peut être employé dans les administrations de l'État s'il ne possède pas la nationalité française, à titre originaire, comme étant né de père français »[8]. Deux autres le sont en application de la loi portant statut des Juifs, une en application de la loi relative au travail féminin du 11 octobre 1940[7]. Alexandra Dumesnil, mise à la retraite en raison de ses origines russes, se réfugie en zone libre et établit à Toulouse un service de la BDIC en zone sud. Elle parvient, seule, à effectuer un travail de collecte de documents, inaccessibles en zone occupée, sur le régime de Vichy, les périodiques de la zone sud et de la documentation de la Résistance. Elle fait ainsi parvenir 50 caisses de documents à Paris[7]. Plusieurs bibliothécaires s'engagent dans des mouvements de la Résistance, dont le Réseau du musée de l'Homme[7]. Au cours de la Libération de Paris, les Allemands font sauter des dépôts de munitions, ce qui provoque le un gigantesque incendie au château de Vincennes[9]. Le Pavillon de la Reine est partiellement détruit par le sinistre, ce qui entraîne la perte d'une partie des collections[2].
En 1948 la bibliothèque est installée 5 rue Auguste-Vacquerie dans le 16e arrondissement de Paris mais les magasins demeurent à Vincennes[2].
En 1970, la BDIC quitte Vincennes pour le campus de l'université Paris X à Nanterre, tandis que sa section iconographique est accueillie en 1973 dans l'hôtel des Invalides, où il devient en 1987 le musée d'histoire contemporaine. La BDIC est ensuite rattachée à la bibliothèque interuniversitaire B avant de reprendre son autonomie en 1978. À la fin des années 1970, l'établissement est confronté à de graves difficultés financières liées en partie aux coûts de fonctionnement du bâtiment de Nanterre, bien plus importants à Nanterre qu'à Paris. Le Conseil de la BDIC, dirigé par René Rémond, ancien président de Paris X, mène la mobilisation pour la sauvegarde de l'établissement. Une conférence de presse est organisée et les médias se font largement l'écho des problèmes rencontrés par l'institution. Des questions écrites sont déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat. Des chercheurs de neuf pays réunissent à Rome, l'été 1980, un colloque où ils appellent le ministère des Universités à sauver la « bibliothèque la plus intelligente du monde »[10].
La Contemporaine. Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains
En 2018, à l’approche de l’ouverture d’un nouvel équipement qui permettra de rassembler les collections et d’offrir des services renouvelés, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) change de nom et devient La Contemporaine.
Ce nouveau bâtiment réunissant les différentes composantes de l'institution, bibliothèque, archives et musée, ouvre au public à l'automne 2021. Il propose à un large public une salle de lecture, des espaces de formation, des espaces d'expositions temporaires[13] et un parcours muséographique permanent : l'Atelier de l'histoire. Ce dernier a pour but d'expliquer à un large public comment un document acquiert progressivement le statut de source pour l'historien[14].
Collections
Seule institution en France à collecter et conserver des fonds sur toute l’histoire des XXe et XXIe siècles, La contemporaine est réputée pour la richesse de ses fonds dans le domaine de l’histoire européenne et des relations internationales et pour la composition de ses collections. En plus des 3 millions de documents multi supports en langues française et étrangère (livres et périodiques, archives écrites et audiovisuelles) consultables sur le site de Nanterre, sont rassemblés aux Invalides, à Paris, des œuvres d’art, des photographies, des affiches, des dessins de presse et des objets, soit près de 1,5 million de documents iconographiques[15].
Les grandes thématiques abordées par La contemporaine au travers de sa bibliothèque, de son musée et de ses archives sont[16] :
les guerres, conflits et sorties de conflits de 1914 à nos jours ;
La Contemporaine poursuit également l'enrichissement de la documentation sur des axes forts dans l’histoire des collections : l’histoire des relations internationales, l’histoire politique interne aux États et l’histoire des médias sur le long 20e siècle et le 21e siècle.
L'institution a amorcé une politique de numérisation de ses fonds. On retrouve plus de 150 000 documents en ligne, librement accessibles à distance sur L'Argonnaute[17], sa bibliothèque numérique. Un nombre équivalent de documents sous droit est consultable sous forme numérique sur les postes de l'institution[18].
Les acquisitions portent sur les études et travaux universitaires essentiels pour la recherche, mais se distingue par un intérêt porté aux sources pour la recherche : périodiques, expression militante, témoignages. La collecte de documents en langues originales a été un principe important depuis l’origine de l’établissement[19].
La bibliothèque contient notamment 40 000 titres de périodiques, étrangers pour les deux tiers d'entre eux : presse d’organisations internationales, presses officielle, générale d’information, informelle, revues spécialisées.
Archives
Dès ses origines, La Contemporaine collecte, conserve et met à disposition de ses lecteurs des fonds d'archives privées, qui lui sont donnés ou confiés en dépôt. C'est le cas par exemple de la ligue des droits de l'homme qui a confié en 2000 ses archives à l'institution[20], de l'avocat Jean-Jacques de Felice, de l'Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR)… Depuis la fin des années 1980, s'est ajoutée la collecte et la production d'archives audiovisuelles, fonds régulièrement enrichis grâce aux travaux des chercheurs, des associations et aux projets de collecte des sources orales que La contemporaine met en place[21]. Les documents et collections de personnalités, notamment féminines, y sont conservés, comme le fonds de la résistante Neus Català[22] et les archives de l'artiste Madeleine Zillhardt[23].
Les fonds d'archives sont signalés dans Calames (catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l'enseignement supérieur) et sont en principe librement consultables, sous réserve des dispositions prévues par la loi pour le droit au respect de la vie privée.
Le musée situé, depuis 1973 dans l'hôtel des Invalides à Paris, rejoint en 2021 le nouvel équipement sur le campus de l'université Paris-Nanterre. Il a pour mission de conserver les ressources iconographiques de La contemporaine et de les enrichir par des acquisitions ; y sont conservées photographies, tableaux, peintures, gravures, objets, cartes postales et affiches.
↑Martine Lemaître, « Le documentaire historique et ses rushes, à la BDIC », Matériaux pour l’histoire de notre temps, no 100, , p. 42–45 (ISSN0769-3206, lire en ligne, consulté le )
↑Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, page 67.
↑Dominique Bouchery, « Le « Fonds Séquestres » de la BDIC, histoire d’une spoliation invisible », Bibliothèque numérique de l’Enssib : Actes numériques du colloque « Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ? Tentatives d'identification et de restitution, un chantier en cours », 23 et 24 mars 2017 (lire en ligne)
↑Cécile Tardy, « Construire La contemporaine : tout un programme ! », Matériaux pour l’histoire de notre temps, nos 125-126, , p. 10–11 (ISSN0769-3206, lire en ligne, consulté le )
↑Valérie Tesnière, « De la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine à La contemporaine », Matériaux pour l’histoire de notre temps, nos 125-126, , p. 4–9 (ISSN0769-3206, lire en ligne, consulté le ).
↑Valérie Tesnière, « De la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine à La contemporaine », Matériaux pour l histoire de notre temps, vol. no 125-126, no 3, , p. 4 (ISSN0769-3206 et 1952-4226, DOI10.3917/mate.125.0004, lire en ligne, consulté le )
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, BDIC (1917-2000) : Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, un organisme public d'information et de recherche international, Nanterre, BDIC, 1997, 128 p. (ISBN2-901658-56-3).
La Lettre de l'Association des Amis de la BDIC et du Musée, Association des Amis de la BDIC et du Musée, 1981-1984 (ISSN0293-2245) (en ligne).
Matériaux pour l'histoire de notre temps, La contemporaine (ISSN0769-3206) (en ligne).