Quarantième des quarante cinq préludes de l’Orgelbüchlein, le « petit livre d'orgue » où il a été inscrit vers 1720 sous le numéro 91 parmi les cent soixante quatre prévus, il servait très vraisemblablement durant l'office à préparer le chœur entonnant un hymne du même nom adopté par la liturgie protestante dès le temps de Luther, au début du XVIe siècle. Il a été rendu célèbre par la transcription pour piano qu'en a publié Ferruccio Busoni en 1898 (BV(de) B27 no 5).
À partir de 1533[10] est imprimée avec ces paroles une musique[11] différente, en ré authente, qui demeure anonyme.
Un siècle et demi plus tard, Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ! fait toujours partie des cantiques de l'office luthérien. Jean Christophe Bach, le cousin germain de celui qui n'est pas encore le père de Jean Sébastien, le joue à l'orgue et l'inscrit dans son recueil de chorals[12]. En 1677, l'organiste d'Eisenach reçoit le jeune Jean Pachelbel. Celui ci écrit en 1693 pour le même hymne une partition[13] d'orgue qui n'a plus qu'un lointain rapport avec les premières mesures de la mélodie de 1533. Il est, semble-t il, assisté dans cette publication par un autre Jean Christophe Bach, le frère aîné de Jean-Sébastien Bach, lequel n'a alors que huit ans.
C'est cette même mélodie qui, à une date incertaine, est reprise pour faire le thème de la main droite du prélude de choral aujourd'hui noté BWV 639. Le compositeur la transpose en fa mineur et la développe pour l'orgue, soit deux claviers et pédalier. Il reprend l'idée apprise de Pachelbel de créer une atmosphère en plaçant le cantus firmus à la voix supérieure[14] et de la rythmer par imitation libre aux voix inférieures[15]. La pièce est une des dernières inscrites dans l’Orgelbüchlein, dont la rédaction a été vraisemblablement abandonnée au moins pour un temps en 1717 mais qui a pu être complété en 1720, date à laquelle l'auteur lui donne son titre comme pour mieux y renoncer, voire postérieurement.
La forme prélude pour orgue n'est pas pour autant négligée par le maître, puisqu'une transcription est recopiée, après 1748, par un autre élève, Johann Christian Kittel. Elle a été retrouvée dans la collection de Johann Christian Heinrich Rinck et n'a pas reçu de code BWV[16], la mélodie étant celle de BWV 639. La variante référencée BWV Anh.(en) 73 en revanche diffère en plusieurs points, notamment par l'ajout d'une introduction[17] et par un développement des motifs de la partie basse dans un style plus décoratif, la mélodie de la main droite touchant par contraste à l'ostinato. Il s'agit vraisemblablement d'une réécriture opérée par le second fils de Jean-Sébastien Bach, Carl Philipp Emanuel Bach, peut être pour servir aux messes de Hambourg, où, directeur de la musique dès mars 1768, celui ci abuse du pasticcio.
Paroles
Elles sont absentes du prélude pour orgue, mais certainement pas de l'esprit qui animait les fidèles de l'époque. Elles reprennent le thème du De profundis en y ajoutant une référence à la théorie de la grâce.
« Je crie vers toi, Seigneur Jésus-Christ !
Je t'en prie, entends ma plainte !
Accorde moi la grâce en cette échéance !
Ne me laisse pas désespérer !
La juste foi, Seigneur, c'est bien
Celle que tu me veux donner,
Vivre pour toi,
Être utile à mon prochain,
Soutenir à jamais ta parole. »
Dans les éditions tardives, Weg, « voie », remplace Glauben, « foi »[18].
« Ich ruf’ zu dir, Herr Jesu Christ!
Ich bitt’, erhör’ mein Klagen!
Verleih’ mir Gnad’ zu dieser Frist!
Lass mich doch nicht verzagen!
Den rechten Glauben, Herr, ich mein’,
Den wollest du mir geben,
Dir zu leben,
Mein’m Nächsten nütz zu sein,
Dein Wort zu halten eben. »
André Isoir, orgue Jürgen Ahrend 1975 de l'église cantate domino de Francfort (1977, Calliope CAL9711/La dolce volta LDV 153.7) (OCLC493836089 et 923826652)
Arnaud Thorette, violon ; Maria Mosconi, alto ; Antoine Pierlot, violoncelle (octobre 2011, La Dolce volta LDV04) (OCLC887457760)
Orchestre de chambre
Ophélie Gaillard, violoncelle piccolo ; Ensemble Pulcinella : Laurent Stewart, orgue coffre Blumenroeden 2004 et contrebasse (juillet 2012, Aparté) (OCLC889983292)
Flûte accompagnée
Michael Form, flûte à bec ; Marie Rouquié, violon ; Étienne Floutier, basse de viole ; Dirk Börner, clavecin (juin 2017, Pan Classics PC 10384) (OCLC1088415392)
↑(de) Ms. CCXXX, dans Ph. Wackernagel(de), Bibliographie zur Geschichte des deutschen Kirchenliedes im 16. Jahrhundert, p. 89, Heyder & Zimmer, Francfort, 1855, cité dans Ph. Wackernagel, Das deutsche Kirchenlied : von der ältesten zeit bis zu Anfang des XVII Jahrhunderts, vol. III, p. 54, Teubner, Dresde, 1870.
↑(de) Ph. Wackernagel(de), Das deutsche Kirchenlied : von der ältesten zeit bis zu Anfang des XVII Jahrhunderts, vol. III, p. 55, Teubner, Dresde, 1870.
↑(en) Kathryn Jane Welter, Johann Pachelbel : Organist, Teacher, Composer. A Critical Reexamination of His Life, Works, and Historical Significance, Harvard, Cambridge (Massachusetts), 1998 (thèse de doctorat), p. 144.
↑James Lyon, Johann Sebastian Bach, chorals : sources hymnologiques des mélodies, des textes et des théologies., p. 36, coll. Guides musicologiques, vol. VI (ISSN0246-3865), Beauchesne, Paris, 2005 (ISBN9782701014937).