Histoire des Juifs du MzabJuifs du Mzab
Les Juifs du Mzab sont une petite communauté juive d'Algérie originaire du Mzab, une région isolée située dans le Sahara et principalement peuplée de musulmans ibadites. Contrairement aux autres Juifs d'Algérie, ils ne bénéficient pas du décret Crémieux de 1870, le Mzab n'étant à cette époque que partiellement colonisé et conservent leur statut personnel jusqu'à la veille de l'indépendance algérienne. Tous ont émigré dans la seconde moitié du xxe siècle pour s'installer en France et, dans une moindre mesure, en Israël. HistoireOriginesSelon une tradition ibadite, les premières familles furent amenés à Ghardaïa sur une invitation des Mozabites par un ibadite de Djerba au XIIe siècle. Une tradition juive relate qu'ils seraient arrivés depuis le Caire à une époque plus ancienne[1]. Quoi qu'il en soit, la première attestation historique de la présence de Juifs dans le Mzab remonte à la seconde moitié du XVIIe siècle sous la forme de responsas émises par des rabbins d'Alger[1]. Nombre de juifs du Mzab revendiquent une origine espagnole antérieure à leur passage au Maroc (Figuig, Fès) ce qui semble corroboré par la similarité entre certaines de leurs traditions religieuses et celles des Juifs marocains[1]. Certains reconnaissent Mouchi Sobano d'Alger comme ancêtre éponyme[2]. d'autres se disent originaire de l'oued Righ et de Tripolitaine, d'autres encore de la région du Touat qu'ils auraient fui au XVe siècle à la suite d'un désastre. Cette dernière hypothèse s'appuie sur une tradition juive locale voulant que certaines familles prononcent à l'issue du séder (veillée pascale) la formule « l'an prochain à Tamentit » du nom d'une localité du Touat[1]. L'historien Jacques Taïeb estime que leur installation a lieu entre le XIIIe siècle et le XVe siècle[3]. Colonisation françaiseLa région est conquise par l'armée française en 1852 mais la loi française ne s'y applique qu'à partir de 1882[4]. De ce fait, les Juifs du Mzab sont exclus du décret Crémieux qui octroie aux Juifs résidant dans les départements français d'Algérie la nationalité française en 1870 et ces Juifs vont ainsi être les seuls Juifs de l'Empire colonial français à conserver leur statut civil mosaïque jusqu'à une date très tardive, pratiquement jusqu'à l'indépendance de l'Algérie[4]. En effet, le , le conseil de préfecture d'Alger décide que « le décret du , qui a déclaré citoyens français les israélites indigènes des départements de l'Algérie, n'est pas applicable aux israélites nés dans le Mzab ou originaires de ce pays, établis sur le territoire algérien »[5],[6]. Dans un arrêt du , la cour d'appel d'Alger parvient à des conclusions similaires[7],[8]. Dans une circulaire du , le gouverneur général de l'Algérie, Jules Cambon, suggère aux juifs du Mzab d'accéder à la citoyenneté au moyen du sénatus-consulte du [9],[10]. Les 18-27 avril 1896, la Cour de cassation refuse de leur donner satisfaction[11]. Il semble que le fait que le statut n'ait pas été étendu à ces juifs après 1882 s'explique par le climat antisémite qui règne alors en Algérie française. Après 1947, les autorités françaises commencent à évoquer la possibilité de leur octroyer la nationalité française. La première proposition en ce sens est discutée au sein de l'assemblée de l'Union française en 1953 et, en 1956 un projet de loi est débattu à l'Assemblée nationale[4]. Les Juifs du Mzab sont réticents à perdre leur statut en raison de leur volonté à maintenir leurs traditions. En revanche, la bureaucratie française est favorable à un tel changement, elle pointe le fait que ce statut spécifique maintient cette population en dehors du système judiciaire français. En particulier, concernant les droits de la femme, la polygamie est alors encore pratiquée par la communauté ainsi que le divorce sans consentement de l'épouse. Les femmes ne bénéficient d'aucun droit en matière de succession[4]. À la création d'Israël en 1948, 1 034 Juifs choisissent de faire leur Aliyah mais le reste de la communauté est confiant dans l'avenir, surtout à la suite de la découverte du pétrole de Hassi Messaoud en 1956 qui doit alors assurer la prospérité du Mzab[12]. La montée des violences durant la guerre d'Algérie qui s'accompagne de manifestations de haine antisémite[12] pousse la communauté à demander d'elle-même la nationalité française en dépit de l'opposition traditionaliste passée. Un projet de loi similaire à celui de 1956 est alors déposé et la loi 61-805 du 28 juillet 1961 fait d'eux des citoyens français[4],[13], tout comme les Juifs des oasis et des confins algéro-marocains annexés de à . Ils insistent pour être évacués avant l'indépendance de l'Algérie fixée au mais craignent d'affronter les centaines de kilomètres de route les séparant d'Alger. Un pont aérien de dix appareils est alors mis en place pour évacuer les 978 derniers Juifs du Mzab vers Marseille[12]. Avant le départ, ils enterrent dans des tombes les textes religieux abimés comme le veut la tradition juive et se répartissent leurs 17 rouleaux de la torah dont certains très anciens. Départ pour la FranceArrivée à Marseille dans un environnement qui lui est totalement étranger, la communauté est dispersée sur tout le territoire français. Environ 400 Juifs du Mzab choisissent de rejoindre leurs proches en Israël[12]. Les Juifs restés en métropole entament un difficile processus d'intégration. Il s'agit d'une population observante pour qui le respect de la loi juive, la halakha et notamment la cacherout est très important. Aussi trouvent-ils un lieu d'établissement propice à Strasbourg, capitale du judaïsme alsacien ashkénaze dotée d'un bon réseau de services communautaires[12]. Voici comment la presse locale alsacienne relate leur installation :
Peu à peu, aidés par la communauté locale, ils parviennent à s'intégrer professionnellement et socialement jusqu'à devenir un élément supplémentaire de cette communauté[12]. DémographieEntre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, le Mzab connait une forte croissance démographique, ainsi le nombre de Mozabites ibadistes passe de 28 108 à 40 000 entre 1882, date de l'annexion du Mzab par la France, et 1960. Durant cette période, beaucoup de migrants algériens arabophones sunnis viennent s'installer dans la région. Seulement 798 en 1882, ils sont 18 000 en 1960[1]. En revanche, la population juive, après avoir doublé de 1882 à 1921, connait un déclin démographique jusqu'à son départ final en 1962. Ceci s'explique par le nombre d'alyas ; 628 Juifs se rendent en Israël entre 1948, date de son indépendance et 1957. Il y a aussi un phénomène de migrations internes vers le Sud-algérien[1]. Notes et références
Voir aussiBibliographie
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