Un gâteau de riz est un entremets servi froid ou tiède à base de riz au lait lié à l'œuf, cuit au four dans un moule pour qu'il prenne la consistance d'un gâteau[1]. Il est souvent servi avec des fruits et nappé de crème anglaise, caramel, chocolat, sauce, coulis, ou compote de fruits.
À la différence de la tarte au riz du wallon liégeois, le gâteau de riz n'est pas moulé dans une pâte levée, ni dans une pâte feuilletée comme l'est le pastel de arroz de Bibao, ni encore comme le budino di riso cuit dans une pâte brisée [2],[3]. Il ne doit pas être confondu avec le bolo de arroz du monde lusophone, originaire du Goiás, qui est un cake à la farine de riz[4].
L'anglais rice pudding signifie riz au lait alors que rice cake et l'allemand Reiskuchen désignent les pâtisseries à base riz sans aucune précision, des mochis japonais aux nian gao chinois [11],[12]. Autrement dit rice cake n'est pas la traduction du français gâteau de riz.
Le chinois大米牛奶糕 (Dàmǐ niúnǎi gāo) littéralement gâteau de riz au lait renvoie à une pâte de farine de riz glutineux et non au riz au lait inconnu en Chine[13]. Le grecκέικ ρυζιού est imprécis, le trucpirinç keki désigne les pâtisseries à base de riz asiatiques [14],[15].
Le nom de gâteaux de riz est également utilisé pour décrire une grande variété de pâtisseries à base de riz du monde entier et ayant la forme d'un gâteau comme les lontong indonésiens, les bái táng gāo chinois, les mochi japonais ou les tteok coréens. L'expression gâteau de riz gluant se rencontrait dans la littérature francophone du temps de l'Indochine française pour décrire les Nang-Nôt, bánh cốm-xanh(vi), No-Mi ou No-Mai[17],[18],[19]. Les Banh Chung, gâteau de riz gluant pour la fête du Têt au Vietnam se font de riz gluant, poivré, aux haricots mungo jaunes, à la poitrine de porc, aromatisés au nuoc mam [20].
Timbale de riz aux abricots par Gustave Carlin (Le pâtissier moderne, 1889) [22]. Le même auteur donne aussi un superbe gâteau de riz meringué dans Le petit cuisinier moderne 1890)[23].
Autant l'histoire du riz au lait est établie dans ses grandes étapes, autant celle du gâteau de riz qui en est issu est peu documentée.
Au Moyen Âge, l'Anonyme andalou donne une recette de riz sucré qu'on peut cuire dans du lait (L384) au sucre blanc égyptien pilé, versé dans un plat une fois cuit qu’on remplit de beurre frais, ou l’huile d’amande douce fraîche, mais il n'y a pas la double cuisson au four [24].
Des gâteaux de riz sont mentionnés en Italie au XVe siècle et XVIe siècle : La torta di riso(it) dans sa version bolognaise ou torta degli addobbi qui signifie gâteau décoré (gâteau de riz fait de riz au lait texturée avec de la poudre d'amandes, aromatisé de cédrat confit, de liqueur d'amande amère ou de marasquin) remonterait à la festa degli Addobbi instituée en 1470 par Gabriele Paleotti[25],[26]. Sa recette authentique a été déposée en 2005 à la délégation bolonaise de l'Académie de cuisine [27],[26]. Domenico Romoli (1570) mentionne dans ses menus la torta di riso au service des fruits[28]. Il existe un gâteau de riz toscan à Massa-Carrara, la torta del riso carrarina, à l'anis et au zeste de citron râpé, texturée à la farine, qui est traditionnellement servi pour la fête de Pâques[29],[30],[31].
Jusqu'au XIXe siècle le gâteau de riz est souvent fait avec un rognon de veau d'où les recettes de gâteau de riz au rognon - sucré, aux fruits, raisins, pistaches («ces sortes de fruits se lient parfaitement aux petites parties de rognons et leur réunion rend cet entremets plus agréable» selon Le pâtissier royal parisien - 1841) [32].
En 1746, dans La Cuisinière bourgeoise, Menon donne une recette de gâteau de ris préparé avec du riz cuit dans de l'eau et du lait puis mélangé avec de la farine [33]. La recette donnée en 1806 par Viard dans Le Cuisinier impérial est plus riche : le riz est cuit dans de la crème avec du sucre et du beurre [34]. Une fois froid, il est mélangé avec des œufs et cuit dans un moule beurré recouvert de chapelure. En 1785, la recette du gâteau de riz aux pommes, sans œufs, figure dans les Conseils à une jeune fille qui veut faire la cuisine de Johanna K. Morgenstern-Schulze [35]. Au XIXe siècle, le gâteau de riz est un entremets très répandu et connaît de nombreuses variantes dont la version à la bourgeoise avec des macarons et dont les blancs d'œuf sont battus en neige [36]. La recette n'évolue pas jusqu'à nos jours, le gâteau de riz aux pruneaux apparait au XXe siècle [37].
Les restes de gâteaux de riz pouvaient alors être aussi transformés en croquettes ou accompagnés d'une nouvelle sauce et flambés au rhum.
Moules à charlotte dans La cuisine de la campagne par Louis-Eustache Audot (1851) [22].
La préparation se fait en 2 temps: cuisson d'un riz au lait, liaison avec œuf et éventuellement crème puis moulage et seconde cuisson généralement au four.
Le moule est traditionnellement un moule à charlotte lisse ou cannelé qu'on ne rempli pas complètement [38]. Dès le XVIIIe siècle le moule est tapissé de caramel, Jourdan Le Cointe (1790) donne un gâteau de riz marbré au caramel (il fait des marbrures de caramel en tournant le moule) [39]. Chez Carême (1815) le gâteau de riz au caramel devient une recette à part entière [40]. L'alternative est de beurrer le moule et d'y passer de la chapelure[41]. Le temps de cuisson est 30 min à 150°C, four préchauffé.
En autocuiseur, le lait et le riz lavé cuisent 10 minutes, après quoi, quand il a refroidi on ajoute beurre, sucre, jaunes d'œufs et blancs battus en neige. La seconde étape est de verser le mélange dans un moule à couvercle et cuire au bain-marie 20 minutes dans l'autocuiseur [42].
Difficile de trouver une innovation radicale chez les gâteaux de riz des chefs: Jean Imbert aromatisé à la vanille, au citron et à l'orange, Yves Camdeborde y met du rhum [44],[45].
Variantes
Le gâteau de riz est une forme améliorée du riz à la paysanne, riz cuit au lait et au four dans une terrine mais sans œuf. Le riz à la Dauphine, classique du XIXe siècle, était lié au jaune d'œuf, aromatisé de zeste d'agrumes et lié aux macarons amers écrasés (gout de noyau d'amande amère) [46].
Curiosités
Gâteau de riz Marinette: remplacer le lait par du vin blanc [47].
Gâteau de riz à l'eau: à l'eau sucrée au lieu de lait par un capitaine de navire qui ne prétend pas que c'est aussi bon[48]...
Gâteau de riz impérial: fourré d'une purée de dattes, aromatisé aux grains d'anis et au cognac[50].
Teurgoule normande, un gâteau de riz au lait bien gras longuement cuit
Classiques
La teurgoule normande, «fleuron de la gastronomie Augeronne», est un gâteau de riz à la cannelle qui fait honneur au lait normand (2 litres de lait entier pour 130 g de riz rond et 170 g de sucre) cuit 6 h. (1 h à 150° puis 5 h à 110°) [51]. Ce dessert riche daterait du début de la guerre de sept ans (1756-57) et aurait été mis au point par un cuisinier local en temps de disette [52]. La Confrérie des Gastronomes de la Teurgoule et de la Fallue de Normandie siège à Houlgate.
« Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l'innocence vos premiers jours, en vous exerçant aux bienfaits ! Combien de fois, dans ce lieu, vos mères, vous serrant dans leurs bras, bénissaient le Ciel de la consolation que vous prépariez à leur vieillesse, et de vous voir entrer dans la vie sous de si heureux auspices ! combien de fois, à l'ombre de ces rochers, ai-je partagé avec elles vos repas champêtres, qui n'avoient coûté la vie à aucun animal ! Des calebasses pleines de lait, des œufs frais, des gâteaux de riz sur des feuilles de bananier, des corbeilles chargées de patates, de mangues, d'oranges, de grenades, de bananes, de dattes, d'ananas, offroient à la fois les mets les plus sains, les couleurs les plus gaies et les sucs les plus agréables. »
Charles Lemire, L'Indo-Chine. Cochinchine française, 1884 [59].
« Comme dans tous les pays chauds, le cary indien est un mets qui paraît très fréquemment sur les tables annamitico-européennes. Relevé par des condiments excitants, adouci par l'eau d'une noix de coco, coloré avec la racine du curcuma ou safran indien, accommodé au poulet ou aux crevettes, c'est un excellent assaisonnement que l'on sert avec un gâteau de riz cuit à la façon annamite, c'est-à-dire dans la vapeur d'eau et d'une éclatante blancheur. »
Jean Yanne, Dictionnaire des mots qu'il y a que moi qui les connais2000[60] .
« la Chine a mis au point le wouchimou, gâteau de riz contenant tous les éléments nécessaires à l'alimentation en apesanteur (produits lactés, sucre, amidon, vitamines, fer, cuivre, sodium, etc. (...) »
↑ a et bAuguste Escoffier, Le riz : l'aliment le meilleur, le plus nutritif : 120 recettes pour l'accommoder ([Reprod. en fac-sim.]), (lire en ligne)
↑Menon, La Cuisinière bourgeoise , suivie de L'office, à l'usage de tous ceux qui se mêlent de dépenses de maisons ; contenant la manière de disséquer, connaître et servir toutes sortes de viandes. >Nouvelle édition..., (lire en ligne)
↑(en) Gibbons MERLE, The Domestic Dictionary and Housekeeper's Manual : ... The Medical Portion of the Work by John Reitch, William Strange, (lire en ligne)
↑(el) Κέλλυ Ρέι, Βίγκαν Διατροφή για Αρχάριους : Γρήγορες και Εύκολες συμβουλές για να Ξεκινήσετε ένα Βίγκαν Tρόπο Ζωής, Babelcube Inc., , 38 p. (ISBN978-1-0715-3716-9, lire en ligne)
↑Marquis de Barthélemy, En Indo-Chine : Tonquin, Haut Laos, Annam septentrional (1896-1897), Collection XIX, , 435 p. (ISBN978-2-346-11128-2, lire en ligne)
↑Étienne Lunet de La Jonquière, Ethnographie du Tonkin septentrional : rédigée sur l'ordre de M. Beau, gouverneur général de l'Indo-Chine française, (lire en ligne)
↑ a et bGustave Garlin, Le pâtissier moderne : suivi d'un traité de confiserie d'office, (lire en ligne)
↑Gustave Garlin, Le petit cuisinier moderne, ou, Les secrets de l'art culinaire ...suivi d'un dictionnaire de cuisine et de la table des planches, Garnier frères, (lire en ligne), illustration p.646
↑Anonyme Andalou traduit par Jean-Michel Laurent, Traité de Cuisine arabo-andalouse dit Anonyme andalou : Traduction du manuscrit Colin, ms 7009 – BnF, 92150 Suresnes, LES ÉDITIONS DU NET, , 284 p. (ISBN978-2-312-04291-6, lire en ligne), recette n°384
↑ a et b(it) Katia Brentani, Bologna la dolce. Curiosando sotto i portici tra antichi sapori : (I Quaderni del Loggione : Damster), Damster edizioni, , 128 p. (ISBN978-88-6810-090-2, lire en ligne)
↑(it) Daniela Guaiti, Emilia Romagna : La grande cucina regionale italiana, Edizioni Gribaudo, , 125 p. (ISBN978-88-580-0333-6, lire en ligne)
↑(it) Domenico Romoli, La singolare dottrina de D. R. sopra nominato Panonto dell'ufficio delle scalco, (lire en ligne)
↑Le patissier royal parisien ou traite elementaire et pratique de la patisserie ancienne et moderne, suivi d'observations utiles aux progres de cet art et d'une revue critique des grands bals de 1810 et 1811, Chez MM, (lire en ligne)
↑Menon, La cuisinière bourgeoise, Chez François Foppens, (lire en ligne), page 360 Gâteau de ris
↑A. Viard, Le cuisinier impʹerial, ou, L'art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes : avec différentes recettes d'office et de fruits confits, et la manière de servir une table depuis vingt jusquà̕ soixante couverts, Barba, (lire en ligne)
↑(de) Johanna Katharina Morgenstern-Schulze, Unterricht für ein junges Frauenzimmer, das Küche und Haushaltung selbst besorgen will, (lire en ligne)
↑Almanach de la bonne cuisine et de la maitresse de maison, Pagnerre, (lire en ligne)
↑A. Viard, Fouret et Délan, Le cuisinier impérial de la ville et de la campagne : (ex-cuisinier royal), G. Barba, (lire en ligne)
↑Jourdan Lecointe, La cuisine de santé, ou Moyens faciles & économiques de préparer toutes nos productions alimentaires de la manière la plus délicate & la plus salutaire, d'après les nouvelles découvertes de la cuisine française & italienne. T. 3, (lire en ligne)
↑Marie-Antoine (1784-1833) Auteur du texte Carême, Le pâtissier royal parisien ou Traité élémentaire et pratique de la pâtisserie ancienne et moderne.... Tome II : composé par M. A. Carême..., (lire en ligne)
↑ a et bGustave Garlin, Le petit cuisinier moderne, ou, Les secrets de l'art culinaire ...suivi d'un dictionnaire de cuisine et de la table des planches, Garnier frères, (lire en ligne)
↑Dictionnaire général de la cuisine française ancienne et moderne ainsi que de l'office et de la pharmacie domestique : ouvrage où l'on trouvera toutes les prescriptions nécessaires à la confection des aliments nutritifs ou d'agrément, à l'usage des plus grandes et des plus petites fortunes... (2e éd.), (lire en ligne)
↑Marie-Antoine Carême, Le maître-d'hôtel français : traité des menus à servir à Paris, à St.-Pétersbourg, à Londres et à Vienne, J. Renouard, (lire en ligne)
↑Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de La Reynière, Néo-physiologie du gout par ordre alphabétique, ou, Dictionnaire génerál de la cuisine francaise, ancient et moderne, ainsi que de l'office et de la pharmacie domestique : ouvrage ou l'on trouvera toutes les prescriptions nécessaires à la confection des aliments nutritifs ou d'agrément à l'usage des plus grandes et des plus petites fortunes; publication qui doit suppléer à tous les livres de cuisine dont le public n'a que trop expérimenté le charlatanisme, l'insuffisance et l'obscurité : enrichi de plusieurs menus, prescription culinaires, et autres opuscules inédits de M. de la Reynière ... suivi d'une collection générale des menus français depuis le douzième siècle, et terminé par une pharmacopé..., Au Bureau du Dictionnaire Général de Cuisine, (lire en ligne)
↑Belon, Le Pâtissier national et universel, (lire en ligne)
↑Charles-Yves Cousin d'Avallon, Le cuisinier moderne, mis à la portée de tout le monde, ou Traité des substances alimentaires..., (lire en ligne)
↑Henri Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie ; édition décorée d'un frontispice... par F.-L. Schmied ; texte revu sur l'édition de MDCCCVI, précédé d'une préface par Tristan Bernard ; et suivi d'un essai de bibliographie, (lire en ligne)
↑L'Indo-Chine. Cochinchine française, royaume de Cambodge, royaume d'Annam et Tonkin ; par Ch. Lemire,... 3e édition..., (lire en ligne)
↑Jean Yanne, Dictionnaire des mots qu'il y a que moi qui les connais, (lire en ligne)