Présentant dans sa première exposition de 1974 des tableaux de petits formats constitués de croix monochromes qu'il évoque lui-même comme « traversés par des références à l'art de l'époque »[1] (il percevra rétrospectivement ces premiers travaux comme proches de Roman Opalka[2]), Denis Castellas n'en est pas moins totalement figuratif dans sa deuxième exposition, chez Anne et Jean-Pierre Roger à Nice en 1976. Il est ainsi remarqué comme appartenant à la génération française située entre Supports/Surfaces et la Nouvelle figuration des années 1980[3]. Dans son approche de ce dernier mouvement, en 1982, Pierre Cabanne souligne « les perceptions plus sensibles de Denis Castellas » qu'il oppose ainsi, en même temps que Patrick Lanneau, « à la violence d'expression insolente et braillarde de Robert Combas, de Rémi Blanchard, d'Hervé di Rosa ou du groupe "En Avant comme Avant" »[4].
L'exposition que lui consacre en 2009 le Musée d'Art moderne et contemporain de Genève restitue que, des années 1980 à la fin des années 1990, « il utilise toutes sortes de supports et de matériaux (feuilles, toiles, panneaux en bois, objets récupérés…) pour produire des constructions fragiles, bricolées, des pièces bien souvent fragmentaires marquées du sceau de l'inachèvement, voire de la destruction »[1]. Il se recentre ensuite exclusivement vers la peinture.
À partir de 2010 où il passe une année entière à New York avec le soutien de la Triangle Arts Association et de l'ambassade de France et où il connaît sa première exposition personnelle aux États-Unis[7],[8], sa vie se partage entre deux ateliers situés à Nice et à Brooklyn[9].
Si une large période de son œuvre s'étend jusqu'en 2012 sur le thème des personnages et de l'effacement, Denis Castellas propose ensuite un travail plus abstrait qui lui offre de confirmer à Clément Coutelle : « j'ai éliminé les personnages de mes œuvres. Je souhaitais enlever cet aspect psychologique. Quand on regarde les personnages, on oublie de regarder la peinture »[10].
Contributions bibliophiliques
Le théorème décalé, portfolio 6 pages rehaussées à l'aquarelle comprenant 34 gravures et 17 textes, 30 exemplaires numérotés et signés, atelier Pascal Paradis, Nice, 1971.
Inépuisable bestiaire - Œuvres de la collection du FRAC, Centre culturel de Saint-Raphaël (Var), janvier-[53].
Collection Nina et Jean-Claude Mosconi - Une affaire de passion, Maison Zervos, Vézelay, juin-[54].
Provence - Côte d'Azur, Maison des Arts de Créteil, 2020.
La partie reversée - Œuvres de la collection du FRAC Bourgogne, Halle 38, ateliers de la ville de Dijon, juin-[55].
Citations
Dits de Denis Castellas
« Les tâches peuvent être des fleurs, des planètes ou des masques. Les choses ne sont pas forcément ce que l'on croit. L'inconscient joue beaucoup. Je ne peins pas la peinture, l'important c'est ce que l'on est. Ces points sont comme une ponctuation dans l'espace. J'aime l'idée de hasard. Je me laisse porter par les sentiments, les sensations, sans aucune théorisation. » - Denis Castellas[10]
« Les sujets n'ont pas d'importance, ils ne donnent pas de sens, ce sont des vecteurs. Picasso disait : "un tableau, c'est de la poésie non avec des mots, mais avec des signes". Comme les ombres chinoises qui creusent la toile, que ce soit le propre profil de l'artiste ou celui de Cézanne, ils donnent un point d'accroche à l'aventure créative. » - Denis Castellas[32]
Réception critique
« De tous temps, le travail de Castellas a contenu des provocations : "je peins des petits dessins figuratifs parce que vous n'en voulez pas". Mais je crois que son propos se situe plus entre David Hockney et Martial Raysse que vers Rainer Fetting et Julian Schnabel. Depuis 1979, le travail de Castellas s'est affirmé tout en gardant son esprit de provocation et sa veine romantique. Ses grandes toiles romantiques dont, par exemple, Françoise assise dans un fauteuil, me semblent très personnelles. » - Ben[56]
« Un artiste qui a de l'or dans les doigts et des fantômes dans la tête. » - Thierry de Duve[57]
« L'œuvre de Castellas est protéiforme : de petites constructions de métal et de papier voisinent avec de grandes feuilles de papier kraft et de grands panneaux de bois. L'extrême dénuement, la fragilité et le peu de moyens sont une constante des travaux, parfois éclairés du visage d'artistes comme Proust, Mapplethorpe ou Mozart. » - Dictionnaire Bénézit[11]
« Il y a du fantôme en Denis Castellas et du fantomatique dans sa peinture. Né en 1951 à Marseille, vivant à Nice, il expose de temps en temps, sans souci de stratégie. Même liberté dans ses toiles. Les dernières ont pour sujet les jambes des femmes, des buveurs ou le Songe d'une nuit d'été. Cette œuvre semble en effet écrite pour lui : joueuse étrange, elle pirouette du pathétique au burlesque, et Shakespeare y revêt de costumes de fantaisie des vérités de moraliste. Castellas sait aussi se montrer léger et pénétrant. Ses buveurs, au premier regard, n'évoquent que la mondanité, mais se révèlent les tristes incarnations de l'hébétude et de l'ennui. Ils sont tout juste esquissés et cela suffit. Les jambes des belles ne s'attachent à aucun corps : elles passent comme dans un rêve érotique fragile. Quant aux toiles d'après le Songe, Castellas s'y délecte de figures en costumes d'époque, de cuirasses et de draperies qui n'enveloppent que le vide. » - Philippe Dagen[17]
« Son iconographie éclectique résonne d'images faussement anodines et de souvenirs d'enfance parfois travestis par des références à l'histoire de l'art. Un humour nonchalant masque le tragique, sans une note de cynisme et d'ironie. Chez Castellas, l'œuvre est fragile, incongrue, ni achevée, ni inachevée. Travailler comme un peintre abstrait - ce qu'il n'est pas - est sa méthode. La peinture se morcelle jusqu'à sa déstructuration et son effacement, métamorphosée au cours d'un processus faisant naître de nouvelles figures. Placées sous le signe de l'étrange, le dénuement de ses constructions sur d'immenses toiles reflète la profondeur vide d'un désœuvrement. » - Stéphanie Delpeuch[36]
« Denis Castellas qui, par ailleurs, reproduit des motifs de papiers peints ou de couvertures, de manière à toujours en revenir à la trame - trame des jours, trame où s'inscrivent les motifs, les lettres -, s'entend à capter l'attention tout en réduisant ses moyens, jusqu'à une expression particulièrement ténue. De la figure, il ne subsiste plus que quelques ombres, la forme ajourée d'une théière très British, une vague allusion à une carriole immobilisée derrière un cheval à l'arrêt. Et les lettres, ces lettres dont la présence sur la toile crée un dialogue entre l'écrit et l'image, la lettre et l'esprit, la poésie et la peinture. » - Laurence Chauvy[20]
« C'est à la fois ample et turbulent. Il y a aussi comme une certaine douceur des choses. La peinture de Denis Castellas dégage une énergie singulière et c'est en cela qu'elle n'en finit pas de s'imposer au regard. D'émouvoir, en un mot… À la surface de ses tableaux persiste l'effervescence d'un monde d'images, reflets de l'air du temps, entre cinéma, BD, photo, univers du sport… Denis Castellas vit et travaille entre Nice et New York. Ceci explique peut-être cela. Un grand écart entre des polarités picturales contrastées et fondues en une matière qui est sa signature esthétique. » - Frank Davit[58]
↑ Ben (interview par Andy Warhol), L'air du temps - Figuration libre en France, éditions de la Galerie d'art contemporain des musées de Nice, février 1982.
↑ Thierry de Duve, Maurice Fréchuret, Emmanuel Latreille et Joseph Mouton, Denis Castellas, coédition Musée Picasso / FRAC Bourgogne, 1999.
↑ abc et d Les collections des FRAC, Denis Castellas.