Une course-poursuite au cinéma est une scène dans un film au cours de laquelle un ou plusieurs personnages en poursuivent un ou plusieurs autres, fréquemment au moyen de véhicules. La course-poursuite est généralement agrémentée d'accidents de parcours et d'obstacles, ce qui renforce son aspect spectaculaire[1].
Le genre du « film de course-poursuite » existe en tant que tel entre 1903 et 1909[1] dans des déclinaisons dramatiques ou comiques. Il tombe ensuite en désuétude, mais les courses-poursuites sont depuis devenues fréquentes dans les films d'action, les policiers, les westerns ou même les comédies.
Au-delà de ces vues documentaires, la fiction s'empare de ce motif cinématographique et crée la course-poursuite. En 1903, Daring Daylight Burglary de Robert Mottershaw contient ainsi la première course-poursuite entre des cambrioleurs et un policier[3].
Les exemples britanniques font florès dans différents pays, suscitant la mode de véritables films de course-poursuite, appelés aussi Chase films, qui se déclinent dans des registres comiques ou dramatiques. Mais ceux-ci impliquent des coureurs et non des véhicules. Parmi eux, émergent en France les courses des sergents de ville, qui deviennent aux États-Unis les Keystone Cops, films burlesques où des policiers, de plus en plus nombreux mais maladroits, poursuivent vainement le protagoniste[1]. Par exemple, l'une des plus fameuses courses-poursuites à pied est celle de Frigo déménageur (Cops, 1922) de Buster Keaton et Edward F. Cline.
On considère généralement que la première course-poursuite moderne a été réalisée pour le film Bullitt (1968) de Peter Yates. Dans celui-ci, les caméras sont disposées à l'intérieur des voitures roulant réellement — et non en studio, avec le procédé de la transparence —, ce qui permet de placer le spectateur au cœur de l'action. Steve McQueen, l'acteur principal du film est vu au volant en train de conduire, même dans les moments les plus intenses.
Afin d’en accroître l’effet spectaculaire, des réalisateurs introduisent ensuite des éléments novateurs ou incongrus. Ainsi, les courses-poursuites ultérieures utilisent les véhicules les plus divers (bus, tanks, vélos, camion, etc.), incluant des changements de véhicules (éventuellement entre véhicules en mouvement), des poursuites à géométrie variable (l’un chassant l’autre, mais lui-même poursuivi par d’autres ou la police) ou des éléments externes dangereux (autres véhicules, circonstances atmosphériques, explosions, etc.).
Scènes de course-poursuite notables
Bullit (1968)
Dans Bullitt (1968) de Peter Yates, le lieutenant Bullitt (Steve McQueen), au volant de sa Ford Mustang Fastback V8 390 GT, poursuit à travers les rues et les alentours de San Francisco la Dodge Charger V8 440 des deux tueurs.
French Connection (1971)
Dans French Connection (1971) de William Friedkin, le film augmente encore le réalisme par rapport à Bullitt puisque cette poursuite entre une voiture et un métro aérien se fait en plein centre-ville de New York, alors que les poursuites antérieures sont sans réelle interaction avec les éléments extérieurs (piétons, autres transports...). Mais la grande originalité de cette scène réside dans le fait qu'il s'agit d'une course-poursuite en ligne droite et sans aucune autorisation.
Duel (1971)
Dans Duel (1971) de Steven Spielberg, premier téléfilm réalisé par Spielberg, l'unique sujet est une longue course poursuite sur les routes de Californie entre un représentant de commerce dans sa voiture défaillante, face à un camion conduit par un inconnu aux intentions meurtrières.
Mad Max 2 : Le Défi (1981)
Dans Mad Max 2 : Le Défi (1981) de George Miller, la poursuite finale du film entre Max et les pirates de la route est considérée comme l'une des plus grandes poursuites automobile de l'histoire du cinéma[4].
Liste chronologique de films contenant des scènes de course-poursuite
Sauf mention particulière, les films suivants contiennent des courses-poursuites impliquant des voitures.
1972 : On s'fait la valise, Doc ? de Peter Bogdanovich : course-poursuite entre une Coccinelle, deux Cadillac (dont une Fleetwood et une DeVille) et un taxi. A la fois course haletante et frénétique (durant environ dix minutes) et une parodie du genre, principalement constituée de gags s'enchaînant à grande vitesse dans la grande tradition du cinéma muet burlesque (Buster Keaton entre autres). Souvent considérée comme la course-poursuite la plus hilarante de l'histoire du cinéma.
1980 : The Blues Brothers de John Landis : deux poursuites d'anthologie entre une Dodge Monaco et des voitures de police : dans un centre commercial (dans le parking, puis dans la galerie marchande qui est quasiment détruite) et la séquence finale, peut-être le plus gros massacre de voitures de police de l'histoire du cinéma.
1989 : L'Arme fatale 2 de Richard Donner : deux courses-poursuites, l'une au début entre la BMW d'un diplomate sud-africain, les voitures de la police de Los Angeles et la voiture familiale de la femme de Roger Murtaugh (Danny Glover) dans les rues du centre-ville, et l'autre sur une route sinueuse entre une dépanneuse et des voitures de police.
1994 : Speed de Jan de Bont : poursuite entre l'autobus piégé par une bombe et les voitures de la police de Los Angeles sur les autoroutes de la ville ; le bus finira sa course dans l'aéroport, entrant en collision avec un avion alors que la bombe explose.
1995 : Toy Story de John Lasseter et Pete Docter : poursuite entre le camion de déménagement et une fusée sur laquelle se trouvent Woody et Buzz à travers les rues d'un quartier pavillonnaire.
1998 : Taxi de Gérard Pirès : poursuite entre la Peugeot 406 de Daniel Morales (Samy Naceri) et les deux Mercedes-Benz du gang allemand de braqueurs de banques dans les rues de Marseille, puis sur l'autoroute. La poursuite se termine sur un pont en chantier où les Mercedes sont bloquées après un saut périlleux, le taxi freinant de justesse avant le trou.
2003 : Bad Boys 2 de Michael Bay : plusieurs poursuites en voiture tout au long du film, notamment dans les rues du centre-ville de Miami, puis sur une autoroute entre une GMC Yukon conduite par Sydney Burnett (Gabrielle Union), une Ferrari Maranello conduite par Mike Lowrey (Will Smith), les voitures d'un gang d'Haïtiens, puis avec un camion transportant des voitures qui seront lancées sur la route des voitures de la police de Miami et une Buick Roadmaster de 1992, puis entre une Cadillac CTS et un fourgon transportant des cadavres destinés à une morgue, et enfin entre un Hummer H2 et un Land Rover 1971 sur les routes de Cuba qui finira à proximité de Guantánamo.
2006 : Fast and Furious: Tokyo Drift de Justin Lin : course poursuite entre une Dodge Viper 2003 conduite par Clay (Zachery Ty Bryan) et une Chevrolet Monte Carlo 1970 conduite par Sean Boswell (Lucas Black) à travers un chantier de construction de maisons neuves en Arizona qui se terminera par la collision de la Viper contre des tuyaux de construction alors que la Monte Carlo sera détruite à la suite de tonneaux0. Puis course poursuite dans les rues de Tokyo entre une Mitsubishi Lancer Evolution de 2006 conduite par Sean Boswell, une Mazda RX-7 conduite par Han Seoul-Oh (Sung Kang) et des Nissan 350Z qui se soldera par la mort de Han lorsque la RX-7 sera percutée de plein fouet par une Mercedes-Benz Classe S et explosera en flammes. Enfin, une poursuite entre une Nissan 350Z conduite par Takahashi (Brian Tee) et une Ford Mustang de 1967 conduite par Sean Boswell, la 350Z finissant sur le toit après une chute.
2008 : Max la Menace (film) de Peter Segal : course-poursuite dans une autoroute, puis sur une voie ferrée de Los Angeles avec un GMC Yukon qui entrera en collision avec un train de marchandises et explosera en flammes.
2011 : Fast and Furious 5 : course-poursuite dans les rues de Rio de Janeiro entre des Dodge Charger 2010 tractant un coffre-fort géant et conduites par Brian O'Conner (Paul Walker) et Dominic Toretto (Vin Diesel) et les voitures de la police brésilienne qui seront détruites durant cette dernière (de même que le hall d'entrée d'un immeuble de bureaux et plusieurs voitures stationnées), ainsi que le Volkswagen Touareg d'Hernan Reyes (Joaquim de Almeida) qui sera détruit par une des deux Charger et le véhicule blindé de Luke Hobbs (Dwayne Johnson). Cette course-poursuite a été en réalité tournée essentiellement à San Juan (Porto Rico).
Une longue et haletante scène de course poursuite, figure dans un thriller anglais de 1971 : Puppet on a chain, tiré d'un roman d'Alistair Mac Lean. Sur fond de trafic de drogue à Amsterdam, un agent du Narcotic bureau américain (incarné par l'acteur suédois Sven - Bertil Taube) pourchasse un inquiétant tueur à gages (Peter Hutchins), impeccablement vêtu d'un complet blanc et coiffé d'un Borsalino immaculé. La poursuite, émaillée de péripéties et de cascades impressionnantes se déroule dans le dédale des bras de mer et des canaux d'Amsterdam. Après maints rebondissements (dont un saut par-dessus une péniche) le tueur finit par s'auto-éliminer lorsque son canot s'écrase en flammes contre la porte d'une écluse[5]. Le runabout de course jaune vif piloté par Sven Bertil Taube est une coque fabriquée par William Shakespeare (un homonyme du dramaturge), coureur et constructeur motonautique maintes fois titré (notamment aux Six Heures de Paris) et décédé en course à 41 ans.) les deux protagonistes utilisent des moteurs Mercury 50 Cv[6].
Cette scène a été tournée à nouveau par le réalisateur néerlandais Dick Maas et figure dans son film de 1988, Amsterdamned. Le scénario tourne autour d'un homme grenouille-tueur en série qui massacre ses victimes avec un poignard de plongée. La scène de course poursuite ménage aussi des intermèdes comiques qui relâchent la tension, lorsque les deux poursuivants bousculent et aspergent d'innocents plaisanciers amstellodamois... dont un orchestre d'orphéon au grand complet qui donne un concert ambulant depuis une lente et paisible péniche hollandaise. Les moteurs (identiques) sont japonais : des Yamaha 4 cylindres 2 temps en V de 140 CV.
La très longue série des James Bond (dans laquelle une ou plusieurs courses poursuite automobiles figurent à chaque épisode) a abondamment utilisé la variante nautique de cet exercice quasi-obligé. On peut citer par exemple Vivre et laisser mourir avec des scènes de poursuite en hors-bord sur les bayous de Louisiane. À cette occasion la firme américaine Glastron avait fourni pas moins de 25 coques dont la plupart furent détruites lors des cascades du tournage. Le runabout Glastron piloté par Roger Moore, qui accomplit un saut en longueur par-dessus la voiture de patrouille du très rural Sheriff JW Pepper (Clifton James, qu'on reverra dans un autre épisode de la saga, L'homme au pistolet d'or, tourné en Thaïlande) est propulsé par un Evinrude 4 cylindres en V de 135 CV.
L'Homme au pistolet d'or inclut aussi une poursuite motonautique, mais, exotisme oblige, elle s'accomplit sur les canaux de Bangkok avec des embarcations traditionnelles thaïlandaises (long tail boats, littéralement bateaux longue queue) propulsées par des moteurs de voitures modifiés pour l'usage nautique (adaptation d'un arbre oblique à la façon de l'antique Motogodille française de la belle époque).
Un autre épisode de la saga Bond Le Monde ne suffit pas (1999) corse le genre : Bond (incarné cette fois par Pierce Brosnan) pourchasse une inquiétante espionne - tueuse à gages vêtue de cuir rouge qui pilote avec talent un gros cabin-cruiser Sunseeker lourdement armé (mitrailleuses et lance-roquettes, entre autres). L'embarcation de Bond est une création de l'armurier inventeur "Q" (Desmond Llewelyn), dont c'est la dernière apparition avant sa "retraite". Propulsé par un moteur de 350 Cv entraînant un hydrojet (comme sur un jet-ski), équipé de boosters (fusées d'appoint), de tubes lances torpilles et d'une multitude de gadgets, dont un système de géolocalisation dernier cri, le runabout noir de James Bond se fait brièvement sous-marin pour plonger sous un obstacle à fleur d'eau.
Dans un genre plus « Rétro », Indiana Jones et la Dernière Croisade (situé dans les années 1930) utilise des canots automobiles classiques en acajou verni produits par la firme Hacker. Une originalité : l'un de ces canots finit lentement débité en allumettes par l'hélice d'un cargo, tournant à fleur d'eau, pendant qu'Harrison Ford se bat avec un tueur ottoman coiffé d'un fez.
Notes et références
↑ ab et cVincent Pinel, « Course-poursuite (le film de) », dans Écoles, genres et mouvements au cinéma, Larousse, coll. « Comprendre et Reconnaître », Paris, 1999, p. 62-63.
Vincent Pinel, « Course-poursuite (le film de) », dans Écoles, genres et mouvements au cinéma, Larousse, coll. « Comprendre et Reconnaître », Paris, 1999, p. 62-63.
Philippe Marcel, La poursuite au cinéma : pérennité d’une forme esthétique, Musique, musicologie et arts de la scène, Université de la Sorbonne nouvelle Paris III, 2009, [lire en ligne].