En France, le collaborateur parlementaire, aussi appelé attaché parlementaire ou assistant parlementaire, est une personne travaillant dans une institution parlementaire auprès d'un élu ou d'un groupe politique.
Histoire
La fonction de collaborateur parlementaire a été créée en France en 1975[1], par Edgar Faure à la suite d'un voyage aux États-Unis et de la visite du Congrès américain où le parlementaire bénéficie d'un « staff » et de moyens financiers et matériels considérables. Avant cette date, le député français bénéficiait d'une enveloppe lui permettant de bénéficier d'un secrétariat particulier ou d'utiliser les services d'un secrétariat collectif organisé au sein des groupes politiques.
Cette décision est l'aboutissement d'un long processus de maturation. Dès le début du XIXe siècle, les députés disposent de secrétaires particuliers qu'ils rémunèrent eux-mêmes. Sous la IIIe République, ces derniers se recrutent notamment chez les plumitifs de presse. Cette activité est par nature ponctuelle et intermittente. Elle permet de compléter le plus souvent la rémunération offerte par un emploi principal. Pour autant, la profession tend à se structurer. En 1910 est créée l'Association des publicistes et secrétaires parlementaires[2].
Aujourd'hui, les parlementaires, députés sur les bancs de l'Assemblée nationale et sénateurs dans les fauteuils du Sénat, disposent d'une enveloppe mensuelle, appelée crédit collaborateur, permettant de rémunérer jusqu'à cinq salariés de droit privé en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée dans le cas d'un remplacement ou d'une mission ponctuelle. Selon l'Association de lutte et de prévention contre les abus de gestion dans les administrations publiques (ALPAGA), la faiblesse du statut de collaborateur parlementaire serait porteur de risque pénal en cas d'emploi de proches par un parlementaire[3].
Le collaborateur parlementaire est un salarié d'un ou plusieurs parlementaires (577 à l'Assemblée, 348 au Sénat), d'un groupe parlementaire (une centaine de salariés pour huit groupes à l'Assemblée), d'un président de commission permanente (huit commissions à l'Assemblée nationale, sept au Sénat) ou du cabinet du Président (13 personnes plus 17 de droit public) ou des vice-présidents de la chambre parlementaire.
À l'Assemblée nationale, si l'élu signe un mandat de gestion, c'est le service de la gestion financière et sociale qui gère ce crédit pour le compte de l'employeur. A défaut, la gestion est directe. Au Sénat, pour les parlementaires comme pour les groupes, c'est une association de gestion qui assure l'établissement des fiches de paye et les différentes obligations liées au contrat de travail : l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS).
Sur le même principe, les 705 députés européens siégeant au Parlement européen, à Bruxelles et à Strasbourg, disposent également d'une enveloppe parlementaire leur permettant de recruter des assistants parlementaires. Ces assistants sont de deux types : assistants parlementaires accrédités (ou « APA ») effectuant leur travail au sein même du Parlement, et assistants locaux, basés dans la circonscription d'élection de leur député.
Le travail du collaborateur parlementaire est extrêmement variable, notamment en fonction du profil et des attentes du parlementaire.
Néanmoins, ce travail recouvre le plus souvent une fonction administrative liée à la gestion des relations en rapport avec le mandat du député, comme les responsables associatifs et politiques, les responsables économiques et syndicaux, les élus locaux, les citoyens et militants de la circonscription.
Dans certains cas, cela peut se rapprocher, a minima, d'un travail de secrétariat particulier ou d'assistanat de direction : rédiger et suivre le courrier et les mails, répondre aux sollicitations téléphoniques, gérer l'agenda, etc.
De manière plus courante, le métier consiste en un travail légistique : rédaction de discours ou d'interventions politiques pour la commission ou la séance, rédaction de notes, travail sur les textes de loi ou encore préparation d'amendements.
Certains collaborateurs ont une fonction plus spécifiquement liée à la communication ou aux relations avec la presse : rédiger des discours ou des communiqués de presse, actualiser un site internet, écrire et suivre la réalisation du journal ou de la lettre parlementaire, animer les réseaux sociaux sur internet, etc.
Il peut y avoir aussi la coordination entre les deux aspects du travail du député : dans ses dimensions locales ou nationales mais aussi du conseil politique.
Le collaborateur peut également représenter le parlementaire lors de manifestations avec d'autres élus ou responsables institutionnels.
Le collaborateur peut être basé à Paris (un tiers des effectifs), en circonscription ou plus rarement effectuer des allers-retours. C'est un métier plutôt féminin (60 % de femmes pour l'Assemblée nationale selon les chiffres donnés par la Questure). Il peut être à temps partiel et travailler à la fois pour deux députés, deux sénateurs ou un député et un sénateur.
Compte tenu du degré de proximité avec l'élu et de la nécessaire discrétion du collaborateur, il est parfois recruté dans l'entourage direct de l'élu, militant par exemple.
On distingue trois profils de collaborateurs parlementaires : le technicien, issu de grandes écoles, de facultés, d'instituts d'études politiques, etc. Il est diplômé et parfois même sur-diplômé (deux masters ou un doctorat). Le militant connaît, généralement, parfaitement les réseaux politiques, partisans et médiatiques locaux ou nationaux. Le troisième est hybride, à l'intersection des deux autres profils.
Il y a une véritable tendance à la professionnalisation avec plusieurs masters spécifiques.
Depuis 2017, une fiche-métier type et personnalisable, rédigée par les syndicats de collaborateurs parlementaires et l'association des députés employeurs, est proposée à la signature du contrat de travail.
Les députés et les sénateurs peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs qui les assistent dans l'exercice de leurs fonctions et dont ils sont les employeurs directs. Les députés et les sénateurs bénéficient à cet effet d'un crédit affecté à la rémunération de leurs collaborateurs. Le bureau de chaque assemblée définit les conditions d'emploi des collaborateurs parlementaires. Les députés et les sénateurs définissent les tâches confiées à leurs collaborateurs et en contrôlent l'exécution. Le bureau de chaque assemblée s'assure de la mise en œuvre d'un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et les représentants des collaborateurs parlementaires[4].
Dès lors qu'ils en sont informés, les parlementaires avisent le bureau de leur assemblée des fonctions exercées par leurs collaborateurs au sein d'un parti ou d'un groupement politique. Ces fonctions doivent être déclarées auprès de la HATVP. Le cumul d'une collaboration parlementaire avec une activité au profit d'une structure de représentation d'intérêts[5] telle que recensée auprès de la HATVP est proscrite.
Il est interdit à un député ou à un sénateur d'employer en tant que collaborateur parlementaire :
Son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;
Ses parents ou les parents de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;
Ses enfants ou les enfants de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.
Le député ou le sénateur informe sans délai le bureau et l'organe chargé de la déontologie parlementaire de l'assemblée à laquelle il appartient du fait qu'il emploie comme collaborateur :
Son frère ou sa sœur, ou le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de celui-ci ou celle-ci ;
L'enfant de son frère ou de sa sœur, ou le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de cet enfant ;
Son ancien conjoint, la personne ayant été liée à lui par un pacte civil de solidarité ou son ancien concubin
Une personne ayant un lien familial avec un autre député ou sénateur[6]…
Les syndicats de collaborateurs parlementaires ont plaidé de 2012 à 2017 pour la création d’un véritable statut du collaborateur et que dans le cadre d’une fin de mandat, leur licenciement soit requalifié en licenciement pour motif économique[7]. Cependant la loi de 2017 prévoit que la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif spécifique de licenciement du collaborateur reposant sur une cause réelle et sérieuse. L'ancien député ou sénateur notifie le licenciement à son collaborateur après un délai minimal de cinq jours francs, qui court à compter du lendemain du dernier jour du mandat[8].
Rémunérations
À l'Assemblée nationale, le député bénéficie de 11.118 € de « crédit collaborateur » pour rémunérer jusqu'à 5 collaborateurs[9] depuis le 1er juillet 2023[1]. C'est l'Assemblée nationale qui paie les cotisations sociales patronales.
Au 1er janvier 2019, il y avait 2.064 contrats de travail pour 2.004 collaborateurs (contre 1,838 collaborateurs au 1er janvier 2018, dont 52 % de femmes[10]).
Au 30 septembre 2019, 88,90% des contrats étaient à durée indéterminée (CDI).
27 % des collaborateurs avaient un statut de cadre au 1er janvier 2019. Ce taux est passé à 38,37 % au 30 septembre 2019, soit 797 contrats. Les contrats de non cadres représentent 62,63 % (1.280 contrats).
La rémunération horaire brute médiane est de 18,85 € au 1er janvier 2018[10]. Au 30 septembre 2019, le salaire net moyen s’établit à 2.185,19€ (2.945,95€ net moyen pour les salariés cadres en CDI). Au 30 septembre 2019, 20% des salaires bruts mensuels étaient inférieurs à 1.473,06€.
Au 30 septembre 2019, 51,06% des contrats mentionnent l’Assemblée nationale comme lieu de travail, et 48,94% les circonscriptions.
Un premier accord collectif sur le statut des collaborateurs parlementaires a été signé entre trois organisations syndicales[11] et l’association représentant les députés le 24 novembre 2016 pour une entrée en vigueur le [12]. Un deuxième accord collectif, portant sur les critères de reconnaissance de la qualité de cadre et définissant une fiche-métier type, a été signé en novembre 2018.
Au Sénat, le crédit mensuel collaborateur est de 8 696,95 € brut[13], et il existe un encadrement plus fort : un salaire minimum de 1 862,51 € brut de base par collaborateur à temps plein[14]. Le salaire maximum versé à un collaborateur ne peut excéder les deux tiers de l’enveloppe. Un seul collaborateur ayant des liens de parenté avec le sénateur qui l’emploie est admis. Dans cette hypothèse, le salaire est encadré au tiers de la dotation.
Jean Pierre Camby : "actes parlementaires" rubrique Encyclopédie Dalloz, 2019 no 31 et s.
Sébastien Michon, « Assistant parlementaire au Parlement européen : un tremplin pour une carrière européenne », Sociologie du travail, vol. 50, no 2, 2008, p. 169-183.
↑Matthieu Boisdron, « L'assistance au travail parlementaire sous la IIIe République. Une étude de cas : les deux premiers mandats de député de Joseph Paul-Boncour (1909-1914) », Enquêtes, (lire en ligne, consulté le )
↑Robert Colonna d'Istria, Yvan Stefanovitch, Le Sénat: Enquête sur les superprivilégiés de la République, éditions du Rocher, (consulter sur Google Books.