Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier
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Bertrand Tavernier au Salon du livre de Paris en 2010.
Nom de naissance Bertrand René Maurice Tavernier
Naissance
Lyon 6e (France)
Nationalité Française
Décès (à 79 ans)
Sainte-Maxime (France)
Profession Réalisateur
Scénariste
Producteur
Écrivain
Films notables voir filmographie.

Bertrand Tavernier est un réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français, né le à Lyon 6e, et mort le à Sainte-Maxime (Var).

Fils de l'écrivain et résistant lyonnais René Tavernier, il est d'abord assistant-réalisateur, attaché de presse (notamment pour Stanley Kubrick) et critique avant de passer à la mise en scène avec L'Horloger de Saint-Paul, son premier succès critique, à l'origine d'une longue collaboration avec l'acteur Philippe Noiret (Que la fête commence..., Le Juge et l'Assassin, Coup de torchon, La Vie et rien d'autre, La Fille de d'Artagnan).

Éclectique, il a abordé plusieurs genres cinématographiques, de la comédie dramatique (Un dimanche à la campagne, Daddy nostalgie) au film de guerre (Capitaine Conan) en passant par le film historique (Laissez-passer, La Princesse de Montpensier) ou le polar (L.627, L'Appât). Plusieurs de ses films ont été récompensés, en France et à l'étranger (dont Autour de minuit qui remporta un Oscar et fut nommé aux Golden Globes). Il est président de l'Institut Lumière de 1982, année de création de l'Institut, à sa mort[1].

Il est le père du réalisateur et comédien Nils Tavernier et de la romancière Tiffany Tavernier.

Biographie

Origines familiales et débuts

Bertrand René Maurice Tavernier naît le dans le 6e arrondissement de Lyon[2],[3] de René Tavernier, poète, et de Geneviève Dumond (1918-2002).

Son père, fondateur de la revue Confluences, publia sous l'Occupation de grandes plumes comme Paul Éluard et Louis Aragon[4] ; ce dernier vécut pendant la Seconde Guerre mondiale avec son épouse Elsa Triolet au premier étage du domicile des Tavernier. Selon Bertrand Tavernier, c'est pour sa mère, Geneviève Dumond, que fut écrit l'un des plus beaux poèmes d'Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux[5].

Plus tard, en 1965, en tant qu'attaché de presse de Jean-Luc Godard, Bertrand Tavernier invita Aragon à voir Pierrot le Fou dont le poète fit l'éloge à travers un article devenu fameux, « Qu'est ce que l'art, Jean-Luc Godard » dans les Lettres françaises[6]. Au sujet de son enfance :

« Mon enfance est à Lyon. Mon premier souvenir d’images — comme je le dis — c’est la libération de Lyon, les fusées, tout ça […] Je me souviens surtout d’une après-midi où mes parents m’avaient emmené sur la terrasse qui dominait Lyon. J’avais trois ans, c’était en septembre 44. Là, j’avais vu plein de fusées éclairantes dans le ciel. Cela marquait l’entrée des troupes américaines ou françaises qui libéraient Lyon. Et quand j’allais au cinéma et que, tout d’un coup, la lumière commençait à éclairer un écran, que le rideau s’ouvrait, je revoyais ces lumières dans le ciel[2]. »

Il découvre le cinéma dans un séjour au sanatorium pour soigner sa tuberculose[Quand ?], le premier film qui le marque est Dernier Atout[7]. Au sujet de cette passion débutante, il déclare en 2016 : « J’avais une enfance difficile, pour des problèmes de santé. Et c’est vrai que le cinéma était une béquille. C’est quelque chose qui m’aidait à vivre. La tuberculose, ça m’empêchait de courir, de marcher. Et donc, pour réagir, il fallait que je rêve à des ciels, à des grands espaces »[2].

Ses parents quittent Lyon pour Paris en 1950 car René Tavernier est un mauvais gestionnaire et sa revue Confluences ne marche plus[8],[9]. Comme il le montrera tout sa vie, il n'est jamais vraiment parti de la ville : « Lyon m'a appris un enracinement dans un lieu. Je suis provincial et content de l'être, je ne me sens pas parisien »[2]. Ses parents envoient leur jeune fils trois ans en pension à l'école Saint-Martin-de-France dirigée par la congrégation des Oratoriens où il fait l'expérience du sadisme et de l'humiliation[10].

Après avoir réussi son baccalauréat à la seconde tentative[réf. nécessaire], il entame des études de droit à la Sorbonne où il fonde avec des amis l'Étrave, revue d'étudiants sur le cinéma[11]. Passionné de cinéma depuis l'âge de douze ans, il a notamment fréquenté la cinémathèque, fondé avec Yves Martin et Bernard Martinand en 1961 un ciné-club, le Nickel Odéon, pour promouvoir le cinéma de genre hollywoodien (westerns, films noirs, comédies musicales)[12]. Il commence à gagner sa vie en faisant des piges pour Télérama puis devient critique à Cinéma[13],[14].

Il fait ses débuts dans le cinéma comme assistant de Jean-Pierre Melville dans Léon Morin, prêtre, expérience qu'il évoque dans le documentaire Sous le nom de Melville réalisé par Olivier Bohler[réf. nécessaire][11].

Il est également attaché de presse à plein temps entre 1964 et 1974[15], notamment pour Stanley Kubrick sur 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968), Orange mécanique (1971) et Barry Lyndon (1975). Il a raconté lui avoir envoyé ce télégramme de démission[16],[17] : « En tant que cinéaste vous êtes un génie, mais dans le travail, vous êtes un crétin » (As a director, a creator, you are a genius, but in the work, you are an imbecile)[18].

Critique de cinéma, chroniqueur et cinéphile

Comme critique de cinéma, Bertrand Tavernier collabore dans les années 1960 à plusieurs revues : les Cahiers du cinéma, Cinéma, Positif, Présence du cinéma, Fiction, etc[réf. nécessaire][11]. Pendant ces années-là, il est l'un des premiers à interviewer des réalisateurs étrangers et analyser thématiquement leurs filmographies[19]. Outre les metteurs en scène connus, tels John Ford, Raoul Walsh ou John Huston, il a contribué à faire connaître en France Delmer Daves, André de Toth ou Budd Boetticher (dont il programmait les films avec son ciné-club, le « Nickel Odéon ») et participa, entre autres avec Martin Scorsese, à la redécouverte de l’œuvre de Michael Powell.

Cinéphile passionné, il écrit plusieurs ouvrages importants sur le cinéma américain notamment, 30 ans de cinéma américain et 50 ans de cinéma américain[20], écrits en collaboration avec Jean-Pierre Coursodon, deux ouvrages considérés comme des références. Il donne également de nombreuses conférences et participe régulièrement à des bonus DVD.

Le , il publie grâce à la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques) et son directeur général Pascal Rogard, sa première chronique sur son blog appelé « dvdblog »[21]. Ces chroniques lui permettent de mettre en avant les films de patrimoine qu'il aime, sortis en DVD ou Blu-ray, ainsi qu'à l'occasion ses coups de cœurs littéraires et musicaux. Il répond et échange par ailleurs dans les commentaires avec de multiples cinéphiles passionnés comme lui constituant ainsi une source unique de discussions et débats sur le cinéma et la cinéphilie. Il tiendra ces chroniques jusqu'à son décès : une dernière chronique posthume qu'il avait lui-même préparée sera d'ailleurs publiée et introduite d'un hommage de la SACD le .

En tant que chroniqueur, il participe, en 2006, à la dernière saison de l'émission de radio hebdomadaire Cinéfilms sur France Inter[22],[23].

En , il accepte d'être parrain de l'émission Printemps du polar diffusée sur Arte[24]. Il s'agit d'un cycle de 12 célèbres polars dont il fait la présentation de six d'entre eux : Serpico, Chinatown, Quai des Orfèvres, Classe tous risques, Pour toi j'ai tué et son propre film L.627.

Réalisateur et producteur

« Je crois qu'il y a deux types de cinéastes : les grands, qui acceptent les idées des autres, et les pas bons, qui les refusent[25]. »

En 1963, puis en 1964, il réalise un segment pour les films à sketches Les Baisers et La Chance et l'Amour[9].

Il sort son premier long métrage en 1974, L'Horloger de Saint-Paul, d'après le roman L'Horloger d'Everton de Georges Simenon paru en 1954[8]. Pour l'écriture du scénario, il s'associe à Jean Aurenche et Pierre Bost[8]. Ce premier essai est un succès, le film dépasse le million d'entrées et reçoit le prix spécial du jury durant la Berlinale 1974 ainsi que le prix Prix Louis-Delluc[8]. Le film marque également la première collaboration avec l'acteur Philippe Noiret, ce dernier tournera en tout dans huit films du cinéaste espacés sur 20 ans[8]. Si l'action du roman se déroule aux États-Unis, Tavernier décide de délocaliser son intrigue dans sa ville natale, trouvant que « Lyon est une belle ville, et qu'on ne l'a pas souvent montrée au cinéma », comme il le déclare à la sortie du film et qu'il ne cessera de prouver durant toute sa carrière de réalisateur[26].

Son deuxième long métrage, le film historique Que la fête commence... sorti en 1975, montre déjà son envie de parcourir les différents genres du cinéma[27]. Le film parle notamment de la conspiration de Pontcallec durant la Régence[27]. Le cinéaste retrouve Philippe Noiret qui campe Philippe d'Orléans et Jean Rochefort dans le rôle de l’abbé Dubois, tandis que Jean-Pierre Marielle vient compléter le trio dans le rôle du marquis de Pontcallec[27]. Lecteur assidu passionné d'Histoire, il parle de son intérêt pour le Régent : « Ce personnage était en avance sur son temps, et [il] n'a pas eu la force, ni la volonté, ni la possibilité, d'accomplir les choses dont il rêvait. C'est un personnage qui me plaît, parce que je trouve que c'est un personnage prodigieusement moderne ; [il fait partie de ces] gens qui entrevoient un certain nombre de choses, et qui ne peuvent les réaliser »[28]. Le film obtient le prix Méliès, ainsi que plusieurs nominations durant la 1re cérémonie des César[28]. Parmi les quatre Césars glanés, Bertrand Tavernier remporte celui du meilleur réalisateur et partage celui du meilleur scénario original ou adaptation avec Jean Aurenche[28].

La même année, il fonde sa société de production Little Bear[11].

En 1976, Bertrand Tavernier réalise le film de procès Le Juge et l'Assassin, inspiré de la vie du tueur en série Joseph Vacher[29]. Si Tavernier retrouve Philippe Noiret dans le rôle du juge, l'assassin est quant à lui campé par Michel Galabru[29]. Durant la 2e cérémonie des César, ce dernier est sacré dans la catégorie du meilleur acteur, tandis que la paire Bertrand Tavernier-Jean Aurenche remporte une nouvelle fois le César du meilleur scénario original ou adaptation[29],[30].

En 1977, il sort son quatrième film Des enfants gâtés[31]. Le film narre le combat de locataires injustement expulsés par un propriétaire avare, l'un d'entre eux étant un cinéaste fraîchement arrivé qui essaye d'écrire un scénario et qui est interprété par Michel Piccoli[31]. Le point de départ de l'intrigue vient de l'expérience même du réalisateur qui a, un jour, crée un comité de locataires après avoir été expulsé pour avoir révélé des irrégularités[31]. Il explique également le changement de cadre par rapport à ses précédents films : « Je sortais de deux films historiques, j'avais envie d'un sujet contemporain, d'abord parce qu'à chaque fois j'ai envie de changer, et aussi parce que j'en avais marre de cauchemarder sur les antennes de télé, les extérieurs gâchés par les pylônes et les poteaux télégraphiques. Après deux sujets très vastes, j'avais aussi envie de quelque chose d'intime et qui soit proche de moi. »[31].

Il développe les thématiques du film : « Je voulais qu’il y ait la même liberté et la même profusion de Que la fête commence, et pas toujours liés à des péripéties fortes. J’étais très influencé à l’époque par la manière dont John Dos Passos casse parfois ses récits : il interrompt la narration principale par ce qu’il appelle « camera obscura », des détails de la vie quotidienne, un article de journal, etc. Je voulais essayer cela, multiplier les échappées du récit : les enfants qu’on essaye de soigner, plus largement la situation urbanistique, des impressions que j’avais de Paris, plutôt négatives et j’avais raison. À l’époque, c’était le début de cette politique urbanistique qui a consisté à détruire des quartiers populaires. On transformait Paris en une ville de bureaux, dont le premier symbole est l’établissement des tours de la Défense, qui a vidé un quartier de sa vie et de son passé. C’était le début de la spéculation immobilière, c’était la destruction des Halles, l’un des grands crimes urbanistiques commis par Chirac et consorts. Et on est arrivés au Paris d’aujourd’hui, où il n’y a plus d’artisan. Je voulais raconter cette transformation à travers des gens appartenant une petite classe moyenne, des gens qui ont une forme de confort, ils sont « gâtés » par rapport à d’autres, mais ils sont aussi traités comme des moins que rien. Les locataires n’avaient aucun droit, les lois ont changé cela depuis. »[31]. Le tournage dure moins d'un mois et le budget est faible : « Une partie du souvenir un peu déstabilisant, c’est qu’on ne tournait que dans des décors sinistres, enfin disons, pas visuellement transcendant. Je sortais de films avec des extérieurs splendides, ceux du Juge et l’Assassin éclairés par Pierre-William Glenn. Là j’avais des F2, des F4, on était entassés dans des appartements sinistres, au bout d’un moment on n’en pouvait plus. »[31].

En 1980, Bertrand Tavernier s'aventure dans un environnement qui lui est encore inconnu, à savoir celui de la science-fiction avec le film La Mort en direct qu'il coécrit avec David Rayfiel (en) et qu'il tourne l'année d'avant en Écosse[32]. Dédié à Jacques Tourneur et adapté du roman The Unsleeping Eye (en) de David Guy Compton, le film traite notamment du voyeurisme et du « pouvoir de l'image » par le biais de la télévision[32]. La distribution est internationale avec la notable présence de la germano-française Romy Schneider et de l'américain Harvey Keitel dans les rôles principaux[32].

En 1980, Nathalie Baye interprète une enseignante en plein doute dans Une semaine de vacances.

La même année, Bertrand Tavernier tente de raconter le mal-être enseignant dans Une semaine de vacances[33]. La genèse du film vient de l'envie du cinéaste d'adapter le livre Je suis comme une truie qui doute de l'ancien professeur Claude Duneton[34]. Afin d'éviter le biopic et souhaitant marquer son intrigue dans le présent[34], le protagoniste devient une femme inspiré par une homologue conseillée par l'auteur, Marie-Françoise Hans, qui explique au réalisateur « ce moment de découragement qui leur [les enseignants] fait perdre le goût d’enseigner et ressentir ce besoin irrépressible de prendre un congé pour s’éloigner de l’école » [33]. Si cette dernière est rattachée au scénario, Bertrand Tavernier demande également à Colo Tavernier, sa femme de l'époque avec laquelle il vient de se séparer, de débuter comme scénariste[33]. Au sujet des divers parallèles entre lui et le premier rôle joué par Nathalie Baye, Tavernier déclare en 2020 : « Je me retrouvais totalement dans cette femme qui a soudain peur d’affronter les élèves. Cette angoisse ressemble à celle que je peux avoir sur un plateau. Est-ce que je vais savoir diriger la scène ? Est-ce que je vais être à la hauteur ? Est-ce que je vais réussir à ne pas être débordé ? Est-ce que ce que je suis en train de faire va intéresser des gens ? C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles on croise autant de professeurs et d’instituteurs dans mes films. »[33]. Le Rhodanien tourne de nouveau au sein de sa ville natale afin de « retrouver des racines nationales, culturelles, des racines locales et régionales [...] revenir vers Lyon, vers l'enfance, de me refaire une cuirasse de protection. »[34]. Il en profite pour faire réapparaitre à l'écran le personnage de Michel Descombes du film L'Horloger de Saint-Paul, toujours joué par Philippe Noiret, ainsi que Michel Galabru qui puise ici dans son passé de cancre[33].

À partir de 1982, il devient le président de l'Institut Lumière[35] créée la même année à Lyon, Bernard Chardère en étant le directeur[36].

En 2013, il sort son dernier long-métrage de fiction, à savoir Quai d'Orsay, d'après la bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac[37]. Le film est un succès critique en France ainsi qu'à l'international[37],[38].

En 2016, il sort le documentaire Voyage à travers le cinéma français de plus de 3h10, dans lequel il revient sur le cinéma français[39]. Pour Télérama, il revient sur la nécessité de montrer ce genre de documentaire : « Aujourd'hui, tout se passe comme si on avait peur ou honte de parler de ce qu'on a fait de bien. C'est vrai en littérature, et probablement dans tous les arts. Mais c'est encore plus net au cinéma, qui passe pour ringard aux yeux des jeunes. Alors qu'il leur suffirait de voir quelques minutes de Toni, avec tous les étrangers qui arrivent à la frontière, pour les convaincre de son actualité. Seulement, voilà : cela fait longtemps que tout le monde a renoncé à transmettre, à informer. Surtout à la télé : le service public a totalement lâché le cinéma. C'est lamentable. Je voulais aussi rappeler à mes confrères, et aux spectateurs, que les neuf dixièmes des cinéastes dont je parle se sont battus contre la bêtise de la censure. Si je fais des films, si Olivier Assayas fait des films, si Arnaud Desplechin fait des films, librement, c'est parce qu'avec son foutu caractère et, hélas, plus tard, son penchant pour l'extrême droite, Claude Autant-Lara a menacé de procès le producteur du Diable au corps (1947) et a gagné le droit au montage final, dont nous profitons tous. Enfin et surtout, je fais mienne la formule de Victor Hugo : « Il y a, dans l'admiration, quelque chose de réconfortant. » J'adore admirer… »[25]. Dans la même veine, il conçoit la série documentaire Voyages à travers le cinéma français, composée de huit épisodes de 52 minutes qui sont diffusés sur la chaine France 5[40].

Contre la coupure publicitaire

En , Bertrand Tavernier prend la tête d'un mouvement de contestation composé de réalisateurs[41]. Afin de protester contre le « saucissonnage des films » par la publicité sur La Cinq, il renvoie sa médaille de chevalier des Arts et des Lettres[42].

À la suite des élections législatives de mars 1986, la droite revient au pouvoir. La Cinq est autorisée à continuer à émettre mais doit immédiatement cesser de diffuser des films de cinéma[43]. Dès le dimanche , un téléfilm remplace le film prévu et les films programmés ultérieurement voient leur case réattribuée à des séries ou téléfilms. Pour pallier ce manque de longs-métrages, la chaîne achète des mini-séries de prestige [44]. En décembre de la même année, La Cinq est autorisée, de nouveau, à diffuser des films de cinéma.

En 1992, il dit avoir été blacklisté par La Cinq et TF1 :

« Au départ La Cinq est tellement mal née (...) Elle a été conçue dans des conditions imbéciles, et vous payez les conditions de sa naissance (...) J'ai été interdit sur La Cinq. J'ai eu aucun de mes films produits, parce que je m'étais battu contre les coupes publicitaires (...) Donc je m'en fous de la chaîne. Puisque les gens m'ont carrément dit, comme sur la Une et sur La Cinq, étant donné que vous vous êtes battus contre la coupure publicitaire (...) Y'a même pas à envoyer les scénarios. »

— Bertrand Tavernier dans Les coulisses de La Cinq le [45],[46]

Procès de Jean-Claude Brisseau

Auditionné lors du procès de Jean-Claude Brisseau pour harcèlement sexuel, Bertrand Tavernier met en cause les essais organisés par ce dernier avec des comédiennes pour préparer son film Choses secrètes[47]. L'actrice Noémie Kocher, plaignante, se confie auprès de lui et indique avoir « trouvé une épaule très réconfortante »[48],[49].

Vie privée

Bertrand Tavernier est le père de Nils Tavernier, également réalisateur, mais aussi comédien, et de la scénariste et romancière Tiffany Tavernier, tous deux issus de son mariage avec Colo Tavernier. Volker Schlöndorff[50] est devenu le parrain de son fils : il avait connu Tavernier lorsqu'ils fréquentaient tous deux le lycée Henri-IV.

En 2005, Bertrand Tavernier épouse en secondes noces Sarah Tavernier.

Mort

Depuis son enfance, Bertrand Tavernier est un hôte assidu de Sainte-Maxime dans le Var, résidant dans la villa familiale[51], où il meurt le [9],[3] d'une pancréatite dont il est atteint depuis quelques années[52]. Ses obsèques ont lieu le dans l'intimité familiale, suivies de la crémation puis de l'inhumation dans le cimetière de la ville[53].

Hommages

  • En 1998, la toute nouvelle salle du cinéma municipal du Buisson-de-Cadouin Louis Delluc (né à Cadouin) est baptisée en son nom et en sa présence.
  • En , il est choisi pour présider la deuxième cérémonie des Magritte du cinéma, qui récompense le cinéma belge.
  • Le , il est invité pour une journée spéciale sur France Musique.
  • En , il est le parrain des 50 ans des cinémas Studio à Tours, le plus grand complexe de cinémas indépendants « art et essai » de France.
  • Il est représenté sur la Fresque des Lyonnais située dans le 1er arrondissement de Lyon.
  • En juin 2024, le Collège du Tonkin, situé dans le quartier Charpennes-Tonkin de Villeurbanne, est rebaptisé en son honneur, Collège du cinéma-Bertrand Tavernier[54].

Filmographie

Il se démarque des réalisateurs de sa génération par la volonté de redonner une place primordiale à une narration passée à la trappe à la fin des années 1950. Il redonne ainsi leur chance à de grands scénaristes et dialoguistes restés sur le bord du chemin, principalement à Jean Aurenche et Pierre Bost (les « bêtes noires », avec le réalisateur Claude Autant-Lara, de François Truffaut dans son fameux article « Une certaine tendance du cinéma français »).

Grand cinéphile, il fait redécouvrir des auteurs comme Jean Devaivre dont il adapte l'autobiographie dans son film Laissez-passer. Si son goût le porte parfois vers les films à costumes, il ne s'éloigne jamais des préoccupations contemporaines et son art reste profondément enraciné dans notre époque.

Tavernier exprime, au gré de ses films, son aversion contre les injustices, son engagement contre la guerre, le racisme, les côtés sombres du colonialisme, la peine de mort et son combat contre les travers de nos sociétés contemporaines : délinquance, violence, chômage, misères physique et affective, voyeurisme, drogue, sida[réf. nécessaire]etc.[9],[11],[55],[56].

Certains longs métrages plus apaisés ou nostalgiques sont, à plusieurs reprises, imprégnés de la figure du père[9] ou du temps qui passe et que l'on ne peut retenir (Un dimanche à la campagne, Daddy nostalgie).

Pour le réalisateur, la musique n'est jamais comme plaquée et fait toujours corps avec l'image. Dans ses premiers films tout particulièrement, une importante scène musicale ponctue le film et annonce un drame imminent : un chanteur des rues (Le Juge et l'Assassin), la scène de la guinguette (Un dimanche à la campagne), etc.

Ses amitiés et fidélités professionnelles donnent aussi un certain ton à son cinéma : les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, mais aussi le producteur Alain Sarde[57] et son frère le compositeur Philippe Sarde[58]. Pour la musique, on peut également citer l'auteur-compositeur-interprète Marc Perrone mais aussi Antoine Duhamel[58]. Devant sa caméra, on retrouve fréquemment les acteurs et actrices Philippe Noiret, Philippe Torreton et Charlotte Kady, puis plus tard, Jacques Gamblin[8],[59],[60],[61].

Paradoxalement, sa filmographie, aux sujets et aux traitements très divers, reste tiraillée entre sa défense pour un cinéma français fort et indépendant et sa fascination pour une certaine culture nord-américaine[réf. nécessaire].

Producteur, sa société se nomme Little Bear, il exerce aussi des activités associatives comme celle de président de l'institut Lumière à Lyon[11],[62].

Réalisateur

Cinéma

Télévision

Scénariste

Dialoguiste

Production

Acteur ou intervenant

Publications

En 1970, Bertrand Tavernier publie avec Jean-Pierre Coursodon 30 ans de cinéma américain (éd. C.I.B.), qui est considéré par beaucoup de cinéphiles comme la bible française sur ce sujet. L'ouvrage connaît une nouvelle édition en 1991 sous le titre 50 ans de cinéma américain (éd. Nathan), puis est révisé et mis à jour en 1995 (éd. Nathan, coll. « Omnibus ») sous le même titre. Lors des rééditions, les notules de la précédente édition sont conservées, avec des évolutions en fonction de l'évolution de la filmographie, de la disponibilité en vidéo ainsi que de nombreuses réévaluations critiques, surtout sur le trio très éreinté George Stevens-William Wyler-Fred Zinnemann.

En , il annonce dans les commentaires de son blog préparer une troisième édition sous le titre de 70 ans de cinéma américain. Le projet change et devient 100 ans de cinéma américain qui est annoncé après son décès comme devant être publié début 2022 par Thierry Frémaux aux éditions Actes Sud.

En 2013, il crée et dirige par ailleurs chez Actes Sud une nouvelle collection appelée L'Ouest, le vrai. Il s'agit d'une collection de romans permettant de faire découvrir au grand public les véritables origines des westerns les plus connus comme La Captive aux yeux clairs et L'Aventurier du Rio Grande à travers des auteurs qu'il remet en avant... Il la présente ainsi : « La série L'Ouest, le vrai veut faire redécouvrir ces auteurs aujourd'hui oubliés ou méconnus (du moins en France), dans des traductions inédites. Tout à la fois films et livres, j'ai choisi ces romans pour l'originalité avec laquelle ils racontent cette époque, pour leur fidélité aux événements historiques, pour leurs personnages attachants, le suspense qu’ils créent… mais aussi pour leur art d'évoquer des paysages si divers dont leurs auteurs sont amoureux : Dakota, Oregon, Texas, Arizona, Utah, Montana… l'Ouest, le vrai, quel irrésistible dépaysement !... »[63]. Il en assure pour chacun des romans la préface ou la postface. La collection atteint une vingtaine de titres dont le dernier de son vivant est publié en début d'année 2021 : Les Pionniers d'Ernest Haycox. Cette parution sera l'occasion de sa dernière apparition médiatique dans un petit documentaire réalisé par Arte en [64].

Ouvrages

  • Avec Jean-Pierre Coursodon, 30 ans de cinéma américain, Paris, éditions C.I.B., 1970, 675 p.
  • Avec Jean-Pierre Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Paris, éditions Nathan, 1991, 1246 p. (ISBN 2-09-241002-4)
  • Qu'est-ce qu'on attend ?, Paris, éditions du Seuil, , 259 p. (ISBN 978-2-02-020301-2)
  • Amis américains : entretiens avec les grands auteurs d'Hollywood, coédition Institut Lumière/Actes Sud, 1993, 828 p. (ISBN 2-7427-0056-0) ; nouvelle éd. revue et enrichie, établie par Thierry Frémaux, 2019 (ISBN 978-2-7427-6394-8)
  • Avec Dominique Sampiero et Tiffany Tavernier, Ça commence aujourd'hui, Paris, éditions Mango, , 97 p. (ISBN 978-2-84270-135-2)
  • Avec Patrick Rotman, La Guerre sans nom : les appelés d'Algérie 54-62, Paris, éditions du Seuil, , 305 p. (ISBN 978-2-02-014620-3)
  • Avec Michel Mercier, La Vie en couleur ! : centenaire de l'Autochrome Lumière, plaques autochromes Lumière 1904-1935, Lyon, France, institut Lumière, , 56 p. (ISBN 978-2-909870-02-1)
  • Pas à pas dans la brume électrique, Paris, éditions Flammarion, , 267 p. (ISBN 978-2-08-123311-9)
  • La Princesse de Montpensier, Paris, éditions Flammarion, (ISBN 978-2-08-124588-4)
  • Avec Noël Simsolo, Le Cinéma dans le sang, Paris : Écriture, coll. « Essais et entretiens », 2011
  • L'amour du cinéma m'a permis de trouver une place dans l'existence : post-scriptum à "Amis américains", conversation avec Thierry Frémaux, Arles, Actes Sud / Lyon, institut Lumière, 2019 (ISBN 978-2-330-13145-6) Entretien réalisé à Paris à l'occasion de la réédition d'Amis américains en octobre 2019.

Articles

Bertrand Tavernier a publié de nombreux articles et entretiens tout au long de sa carrière, dans des revues telles que Présence du cinéma, Cinéma, les Cahiers du cinéma et Positif. Il confie à cette dernière un ultime texte en hommage à son ami et comédien Didier Bezace au printemps 2020[12],[14].

Distinctions

Cérémonie Année Catégorie Film Statut Source
César 1976 Meilleur film Que la fête commence... Nommé [66]
Meilleure réalisation Lauréat
Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec Jean Aurenche)
Lauréat
1977 Meilleur film Le Juge et l'Assassin Nommé
Meilleure réalisation Nommé
Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec Jean Aurenche)
Lauréat
1981 Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec David Rayfiel)
La Mort en direct Nommé
1982 Meilleur film Coup de torchon Nommé
Meilleure réalisation Nommé
Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec Jean Aurenche)
Nommé
1985 Meilleur film Un dimanche à la campagne Nommé
Meilleure réalisation Nommé
Meilleure adaptation
(conjointement avec Colo Tavernier)
Lauréat
1990 Meilleur film La Vie et rien d'autre Nommé
Meilleure réalisation Nommé
Meilleure scénario original ou adaptation
(conjointement avec Jean Cosmos)
Nommé
1993 Meilleur film L.627 Nommé
Meilleure réalisation Nommé
Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec Michel Alexandre)
Nommé
1997 Meilleur film Capitaine Conan Nommé
Meilleure réalisation Lauréat
Meilleur scénario original ou adaptation
(conjointement avec Jean Cosmos)
Nommé
2011 Meilleure adaptation
(conjointement avec Jean Cosmos et François-Olivier Rousseau)
La Princesse de Montpensier Nommé
2014 Meilleure adaptation
(conjointement avec Antonin Baudry et Christophe Blain)
Quai d'Orsay Nommé
2017 Meilleur film documentaire Voyage à travers le cinéma français Nommé
Oscars 1983 Meilleur film en langue étrangère Coup de torchon Nommé [67]
BAFTA 1985 Meilleur film en langue étrangère Un dimanche à la campagne Nommé [68]
1990 La Vie et rien d'autre Lauréat [69]
Festival de Cannes 1980 Palme d'or Une semaine de vacances Nommé [70]
1984 Un dimanche à la campagne Nommé [71]
Prix de la mise en scène Lauréat
1990 Palme d'or Daddy nostalgie Nommé [72]
2010 La Princesse de Montpensier Nommé [73]
2016 L'Œil d'or Voyage à travers le cinéma français Nommé
Berlinale 1974 Ours d'or L'Horloger de Saint-Paul Nommé [74]
Grand prix du jury Lauréat [75]
1980 Ours d'or La Mort en direct Nommé
1995 L'Appât Lauréat [76]
1999 Ça commence aujourd'hui Nommé [77]
Prix FIPRESCI Lauréat
Prix du jury œcuménique Lauréat
Mention honorable Lauréat [78]
2002 Ours d'or Laissez-passer Nommé [79]
2009 Dans la brume électrique Nommé [80]
Mostra de Venise 1986 Lion d'or Autour de minuit Nommé [81]
Prix Pasinetti Lauréat
1992 Lion d'or L.627 Nommé [82]
2015 Lion d'or pour l'ensemble de la carrière Lauréat [83]
Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision 1975 Prix du meilleur film français Que la fête commence... Lauréat [12]
1981 Coup de torchon Lauréat
1996 Capitaine Conan Lauréat
Prix Louis-Delluc 1973 L'Horloger de Saint-Paul Lauréat [84]
Lumières de la presse internationale 2014 Meilleur film Quai d'Orsay Nommé
Meilleure mise en scène Nommé
Meilleur scénario
(conjointement avec Antonin Baudry et Christophe Blain)
Nommé
2017 Meilleur documentaire Voyage à travers le cinéma français Lauréat [85]
Prix de l'Académie française 1990 Prix Jean-Le-Duc Pour l'ensemble de son œuvre cinématographique Lauréat [86]
2009 Prix René-Clair Lauréat
Festival international du film de Saint-Sébastien 1996 Coquille d'or Capitaine Conan Nommé
Prix FIPRESCI Lauréat [87]
Prix de la solidarité Lauréat
1999 Prix du public Ça commence aujourd'hui Lauréat [87],[88]
2005 Prix TCM du public Holy Lola Lauréat [89],[90]
2013 Coquille d'or Quai d'Orsay Nommé [91]
Prix du jury pour le meilleur scénario
(conjointement avec Antonin Baudry et Christophe Blain)
Lauréat [92],[93]

Notes et références

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  43. « Notre inépuisable besoin d'images », sur Le Monde, - Depuis que les cinéastes ont obtenu gain de cause, elle ne diffuse plus de films. Chefs-d'œuvre et nanars ne risquent plus d'être dénaturés par un saucissonnage publicitaire qui ne gêne pas les feuilletons, puisqu'ils sont conçus pour. Plus rien d'ailleurs ne gêne les feuilletons dans les programmes d'été dont les jeux ont disparu.
  44. « Séries : la concurrence des chaînes fait le jeu des Américains », sur Le Monde, - La partie a repris de plus belle à l'occasion du marché des programmes à Cannes. Privée de films par la décision du Conseil d'État, la 5 ne peut survivre qu'en programmant des feuilletons et des séries de prestige. La 5 a emporté haut la main « Pierre le Grand », une minisérie de prestige et a acheté quelques autres programmes boudés par le club d'Antenne 2.
  45. [vidéo] « La 5 13/01/1992 20:00:00 00:31:00 Le journal 20h : émission du 13 janvier 1992 - invité Claude Berry », sur ina.fr.
  46. [vidéo] Les coulisses de La Cinq, filmées par Guy Réchard 13/01/1992 (), La Cinq, la scène se produit à 8:30.
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Voir aussi

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Documentation académique

  • Magali Lunel, sous la direction de Pascal Ory. Bertrand Tavernier, témoin de son temps. Mémoire de maîtrise en histoire sociale. Université Paris 1, CRHMSS, 1999, 186 pages.

Bibliographie

  • Danièle Bion, Bertrand Tavernier : cinéaste de l'émotion. Paris : Bibliothèque du cinéma, coll. « 5 continents », 1984
  • Jean-Luc Douin, Tavernier. Paris : Mensuel cinéma, coll. « Cinégraphique », 1988
  • Jean-Luc Douin Bertrand Tavernier. Paris : Ramsay, coll. « Ramsay Biograph », 1999
  • Jean-Claude Raspiengeas, Bertrand Tavernier, Paris : Flammarion, 2001
  • Jean-Luc Douin, Bertrand Tavernier, cinéaste insurgé. Paris : Ramsay, coll. « Poche cinéma », 2006
  • Jean-Dominique Nuttens, Bertrand Tavernier, Rome : Gremese, coll. « Les grands cinéastes », 2009
  • Lynn Anthony Higgins, Bertrand Tavernier, Manchester University Press, coll. « French Film Directors », 2011
  • Michel Mourlet, « Tavernier, le regard droit », chapitre de L'Écran éblouissant, Presses universitaires de France, 2011
  • Thomas Pillard, Bertrand Tavernier - Un dimanche à la campagne, Neuilly : Atlande, coll. « Clefs concours cinéma », 2015
  • Nadja Cohen, « Du récit épique à la construction d’un ethos d’auteur : les journaux de tournage de Cocteau, Truffaut et Tavernier », Études françaises, vol. 55, no 2,‎ , p. 75-93 (lire en ligne)
  • Positif, no 725-726 spécial Bertrand Tavernier, juillet-août 2021, p. 6-88
  • Thierry Frémaux, Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage (Récits personnels), Paris, Éditions Grasset, , 216 p.
  • Bertrand Tavernier, Mémoires interrompus, Actes Sud, Institut Lumière, 2024, 544 p.

Liens externes

Bases de données et notices