Arme blindée et cavalerie
L’arme blindée et cavalerie (ABC) est une composante de l'Armée de terre française chargée de la guerre blindée. Elle a été créée le en Afrique française du Nord, sur l'ordre du donné par le général d'armée Henri Giraud[1]. Elle regroupe ainsi des unités de chars et de cavalerie de l'armée française. L’arme blindée et cavalerie a repris les traditions et les missions de la cavalerie et de l’artillerie à cheval. Son ancêtre était l’artillerie spéciale créée en 1916. Aujourd'hui, elle est chargée de la mise en œuvre de la majeure partie des blindés français, quelques-uns dépendant encore des régiments d'infanterie[a]. Les appellations « cavalerie blindée » ou même « cavalerie » sont aussi fréquemment utilisées[3]. HistoriqueFin de la cavalerie à chevalLa Première Guerre mondiale voit de nombreux changements dans l'utilisation de la cavalerie : la guerre de mouvement ayant rapidement laissé place à une longue guerre de tranchées avec l'utilisation de mitrailleuses, barbelés, gaz et autres armes nouvelles, la cavalerie traditionnelle est devenue vulnérable. Le rôle du cheval dans la guerre se limite peu à peu au transport et à la reconnaissance[4]. Durant l'entre-deux-guerres, seules les troupes coloniales d'Afrique et d'Asie disposent encore d'unités à cheval. Le , Paul Jourdier, officier de cavalerie français de la France libre, engage le combat avec son escadron de spahis contre des unités italiennes, à Umbrega (actuel Soudan). Il va s'agir de la dernière charge au sabre de la cavalerie française et du premier succès terrestre des Forces françaises libres[5]. Première Guerre mondiale, début de l'ère des blindésÀ la suite de la mobilisation de l’armée française en 1914, la cavalerie représente 10 % des effectifs de l’armée de terre dans 79 régiments principalement répartis entre les 10 divisions de cavalerie. Elle n'est presque plus utilisée comme arme de choc mais sert surtout pour la reconnaissance et les coups de main. Le règlement anachronique de 1913 prévoit « l'attaque à cheval et à l'arme blanche, mode d'action principal. »[6]. Après la course à la mer et l'établissement de la guerre de tranchées sur le front de l'Ouest, son rôle face à la puissance de feu des armements modernes est considérablement réduit. Le colonel Jean Estienne comprend dès l'été 1915, le potentiel des prototypes des premiers chars. Il va dès lors multiplier ses contacts avec l'état-major (Joffre) et les industriels (Louis Renault et Schneider et Cie)[7]. Après de multiples échanges, Joffre est convaincu par les essais et décide le de commander 400 chars Schneider CA1 : les tout premiers de l'armée française[7]. Leur objectif est d'ouvrir des passages à l'infanterie à travers les réseaux des barbelés et de détruire les nids de mitrailleuses ennemies. Le , le colonel Estienne est nommé directeur de l'artillerie spéciale. Il devient général le suivant et continue d’œuvrer pour le développement des chars durant toute la guerre. Le , l'artillerie spéciale est engagée pour la première fois près de Berry-au-Bac, lors de la bataille du Chemin des Dames[8]. Cette première tentative prématurée est un échec : sur les 132 chars Schneider engagés, 52 sont détruits, 64 abandonnés, seuls les 11 derniers regagnent leur base de départ[9]. Un an plus tard, le , le char Renault FT fait son entrée sur le front dans la Somme : l'opération est cette fois-ci un succès. Ce blindé léger, le premier à être équipé d’une tourelle pivotante sur 360° est tellement performant que plus de 3 000 exemplaires ont été produits et ce même après la guerre[10]. L'entre-deux-guerres : vers la cavalerie sans chevaux
— Général de division François Lescel, Naissance de notre armée blindée[11] Durant l'entre-deux-guerres, des unités de chars FT sont utilisées durant les révoltes coloniales. Un régiment est déployé durant la grande révolte syrienne et des chars sont utilisés durant la guerre du Rif. En 1933, la transformation de l'une des cinq divisions de cavalerie restantes en division légère mécanique (DLM) est décidée[12]. Pour les autres régiments, la moitié des escadrons est motorisée pour créer des « groupes de reconnaissance au profit des corps d'armée » (GRCA) ou « au profit des divisions d'infanterie » (GRDI)[12]. En 1935 devaient apparaître les premières « divisions légères mécaniques » par transformation des divisions de cavalerie, premières unités entièrement mécanisées de l'arme. Le programme d'armement de 1937 prévoit la création de deux nouvelles DLM et de cinq divisions légères de cavalerie (DLC). Ces dernières sont composées d'une brigade motorisée et d'une brigade à cheval, faisant cohabiter des vitesses, des rayons d'action et des approvisionnements différents[13]. Seconde Guerre mondialeAu début de la guerre, la stratégie de la France consiste à attendre derrière la ligne Maginot avant de pouvoir lancer une contre-attaque générale. La cavalerie est chargée de couvrir les déploiements et a donc formé les divisions légères mécaniques, unités équipées de chars SOMUA S35 et d'infanterie motorisée, et les divisions légères de cavalerie, avec une brigade mécanique et une brigade à cheval. Le corps de cavalerie (2e et 3e DLM) parvient à couvrir l'entrée en Belgique des Français lors de la bataille de Hannut mais les trois DLM sont piégées à Dunkerque et perdent leur matériel. Les DLC sont éprouvées dans les Ardennes et ne parviennent pas à stopper les Panzerdivision. Les unités de la cavalerie seront reconstituées en juin. Les divisions cuirassées destinées à la contre-attaque sont inexistantes en 1939 et viennent à peine d’être créées lors de l’offensive allemande de mai 1940. Elles sont malheureusement pour les français trop peu nombreuses et pas assez entraînées. Par exemple, la 4e division cuirassée, commandée par le colonel De Gaulle, est formée d'éléments qui se rejoignent sur le champ de bataille. Au sein de l'Armée d'Armistice, les chars de combat des bataillons de chars de combat stationnés aux colonies rejoignent dès novembre 1940 des régiments de chasseurs d'Afrique. En décembre 1942, la cavalerie et les chars de combat fusionnent. En plus du remplacement des pertes, 657 chars M4 Sherman sont perçus lors du rééquipement de l’Armée française de la Libération[14]. Ce char moyen équipe trois divisions blindées françaises : la 2e D.B. qui débarque en Normandie en août et libère notamment Paris, et les 1re et 5e D.B. qui débarquent en Provence au sein de la 1re armée. La France a initialement reçu des M4A2 et A4 mais perçoit également d'autres modèles en provenance des stocks américains pendant la campagne pour remplacer ses pertes. Guerre froideAu sortir de la Seconde Guerre mondiale, les forces blindées se retrouvent en majorité avec du matériel d'origine américaine et britannique et se rééquipent avec du matériel disparate, allant de véhicules français d'avant 1940 à quelques dizaines de chars allemands Tiger I[15] et Panther récupérés[16]. Le char M4 Sherman reste le principal char de combat de l’armée de terre avec 1 254 unités reçues après guerre[14]. Il reste en ligne jusqu'en 1960 après nombre de modifications. Le char M47 Patton remplace le M4 Sherman (dans ses nombreuses versions et variantes) dans les régiments de chars de combat à partir de 1953. Livré à 856 exemplaires, il reste en service jusqu'en 1970[17]. Les faibles performances de son canon de 90 mm ont conduit à la constitution d'un escadron de « chasseurs de chars » AMX-13 armés de missiles Nord SS.11 dans chaque régiment de chars de bataille. Guerres de décolonisationSi les chars de combat lourds ne sont pas utilisés dans les diverses guerres de décolonisation des années 1940 à 1960, les chars légers et engins de reconnaissance tiennent toute leur place dans les dispositifs militaires français bien qu'ils agissent dans l'immense majorité des cas dans de petites formations en deçà du niveau de l'escadron. Au début de la guerre d'Indochine, le matériel de l'ABC sur place est hétéroclite, comprenant entre autres des chars japonais et voitures blindées britanniques laissés sur place par les armées de ces pays après la guerre du Pacifique. À partir de la défaite de la bataille de la RC 4 en octobre 1950, des moyens blindés plus modernes sont déployés. Des M5 Stuart armés de canons de 37 mm, des M24 Chaffee, des M36 Jackson ainsi que des chars Sherman armés de canons de 75 mm puis de 90 et 105 mm. Après quatre ans d'aide militaire américaine, le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) dispose en 1954 de 452 chars et chasseurs de chars, 1 985 voitures blindées, half-tracks et véhicules amphibies[19]. Le nombre de cavaliers engagés passe de 72 hommes en décembre 1946 à 2 925 en décembre 1950 et à 7 391 en décembre 1951. Voici l'évolution de l'armement du CEFEO durant cette période[20] :
Durant la guerre d'Algérie, la cavalerie est fortement employée. Entre autres, en mars 1958, 114 AMX-13 sont déployés ; en juin 1958, on compte 355 chars M24 Chaffee et 340 Panhard EBR, 889 M8 Greyhound (222 pour la gendarmerie), 3 156 half-track et scout-car pour l'armée de terre et 326 pour la gendarmerie en mars 1956[21]. Le EBR est employé pour surveiller entre autres les lignes Morice et Challe et il est utilisé durant la crise de Bizerte[22]. Durant la Crise de Suez, le 2e escadron du 2e REC équipé d'AMX-13[23],[24] et le 1er escadron du 8e régiment de Dragons équipé de M47 Patton[25], soit un total de 35 chars[26], débarquent en Égypte les 6 et 7 novembre 1956 lors de l'opération Mousquetaire. Depuis 1990, les opérations extérieuresDurant la guerre du Golfe, la division Daguet créée spécialement pour la participation française compte près de 500 véhicules blindés dont 96 AMX-10 RC, 44 chars AMX-30 et 13 ERC-90 Sagaie[27]. Juste après ce conflit, à partir de 1993, les premiers chars Leclerc sont livrés aux régiments français. Conçu pendant la guerre froide, ce char lourd arrive trop tard et est dénoncé pour son coût : 113 millions d'euros par an rien que pour la maintenance[28]. Il n'avait été déployé que deux fois avant 2015[29] :
L'utilisation de blindés relativement légers a été efficace lors des OPEX en Afrique et en Afghanistan. Les cuirassiers engagés face à une foule hostile à Abidjan en 2004 ont réussi une opération de maintien de l'ordre hors du commun. En zone urbaine, les éléments du 1er régiment étranger de cavalerie sur place durant la Bataille de Ndjamena en février 2008 sont parvenus à protéger l'évacuation des ressortissants. De leur côté, en zone montagneuse, les cavaliers du 4e régiment de chasseurs ont proposé en Afghanistan en 2011 une organisation très optimisée pour accroître les capacités opérationnelles des sous-groupements tactiques d'infanterie lors d'engagements de grande ampleur. À la suite de la crise ukrainienne, un escadron de quinze chars Leclerc est déployé à partir du 20 avril 2015 sur le camp d’entrainement de Drawsko Pomorskie, dans le nord-ouest de la Pologne pour sept semaines[32]. Il était prévu en 2014 que 248 nouveaux EBRC « Jaguar » (Engin blindé de reconnaissance et de combat) arrive à partir de 2020 en remplacement des anciens chars légers (ERC-90 Sagaie et AMX-10 RC)[33], en 2018, avec l'arrêt de la baisse des effectifs dans les armées, 300 exemplaires sont prévus[34]. Doctrine d'emploiLa doctrine d'emploi de l'arme blindée et cavalerie reprend les missions traditionnelles de la cavalerie adaptées au contexte moderne :
Enfin, une des anciennes missions de la cavalerie, les transmissions, remplie autrefois par les estafettes et actuellement par les moyens utilisant la radio, est souvent montée au niveau divisionnaire ou supérieur. Depuis la fin de l'URSS, l'utilité de l'arme blindée est parfois remise en question, cependant elle a participé a toutes les grandes opérations extérieures en Bosnie, au Liban, en Afrique et même en Afghanistan[35]. Pour ce dernier pays, force est de constater que le terrain se prête mal à l'emploi des blindés : un fort relief rendant les manœuvres compliquées, la cavalerie blindée française déployée compte moins de 120 hommes, soit moins de 3 % des effectifs[36]. Finalement, les régiments ont vu leur nombre d’escadrons réduit[37] mais 20 % d'entre eux sont aussi projetés en permanence[38]. Organisation et équipementsL'ABC disposait de 78 régiments en 1959, période de la guerre froide et de la guerre d'Algérie ; en 2012, elle compte 11 régiments[39], 10 depuis le . On compte parmi ceux-ci 17 régiments de chars de combat en 1988, 6 en 2001, 4 en 2011, 3 depuis le . Après la seconde guerre mondialeAprès la guerre, de nombreuses unités blindés de l’armée française furent équipées de Jagdpanther (ainsi que de Panther et de Bergepanthers d’ailleurs) jusque dans les années 1950[réf. nécessaire]
Fin de la Guerre FroideEn 1989, l'arme blindée cavalerie dispose de 37 grandes unités réparties dans les trois grands ensembles de l'Armée de terre française et à Berlin-Ouest[41],[42]. La 1re Armée dispose de 22 unités blindées, organisées au sein du :
Les Forces françaises à Berlin disposent d'un régiment. La défense opérationnelle du territoire dispose de 8 unités blindées réparties entre les six régions militaires. La force d'action rapide dispose d'un groupe de combat blindé composé de 6 unités réparties dans : Voici les moyens blindés à cette date (hors Berlin-Ouest et Outre-Mer) :
Évolutions depuis 2005Si on y intègre les unités de cavalerie des troupes de marine et de la Légion étrangère, l'ABC rassemble en janvier 2005 un total de 12 485 militaires (964 officiers, 4 176 sous-officiers et 7 345 engagés volontaires) et 892 membres du personnel civil de la défense, soit 10 % environ des effectifs de l'armée de terre. Son parc comprend alors :
En 2020, l'arme blindée et cavalerie est constituée des régiments suivants :
Le 5e régiment de cuirassiers recréé en au sein des Forces françaises aux Émirats arabes unis.
Livres blancs 2008 et 2013 : prévisions pour 2025Le Livre blanc 2008 réduit le nombre de chars de combat Leclerc à 250, soit 4 régiments équipé de 60 chars Leclerc contre 4 à 80 en 2008[47]. Le Livre blanc 2013 prévoit pour 2025 que les forces terrestres disposent de 200 chars lourds, 250 chars médians et 2 700 véhicules blindés multirôles et de combat[48],[49]. FormationÉcole de CavalerieÀ l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la cavalerie (principalement chargée de la reconnaissance) et les chars de combat fusionnent pour donner naissance à l'arme blindée et cavalerie (ABC). L'École d'application de la cavalerie de Saumur devient alors l'École d'application de l'arme blindée et de la cavalerie (EAABC). L'école prend son nom actuel le [3]. Elle forme tous les officiers et sous-officiers de l'armée française sur l'ensemble des matériels en service au sein de l'arme blindée et cavalerie : elle dispose ainsi de tous les véhicules blindés, mais aussi de simulateurs d'entrainement[50]. Le musée des Blindés de Saumur, initialement appelé « Centre de documentation sur les engins blindés » (CEDB) avait été fondé en 1965 pour aider à la formation des élèves de l'EAABC. En 1983, sa gestion a été confiée par le ministère de la Défense à l'association des amis du musée des Blindés (AAMB). Près de 880 véhicules sont ainsi exposés dont environ deux cents sont en complet état de marche[51]. École militaire d'équitationVoir aussiArme équivalente
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Notes et référencesNotes
Références
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