Le grand-père maternel d'André Deslignères est rémouleur et sabotier à Nevers. Le jeune André vit ainsi au milieu des copeaux de hêtre, de noyer, aspirant à son tour à travailler le bois.
Sa famille quitte Nevers pour Paris. Il continue et achève de se perfectionner dans les arts du dessin à l’école Germain Pilon[2]. Il y passe trois années. Il devient ensuite dessinateur dans une manufacture de passementeries du Nord, où il crée des modèles de tulle et de dentelles. Il revient à Paris, travaillant pour des fabricants de bijoux, dessinant des modèles jusqu’en 1914. C’est alors qu’il entre chez un architecte, mais la correction des mémoires ne le satisfait pas.
Il expose et met en vente ses œuvres à la galerie Le Nouvel Essor, 40 rue des Saints-Pères, fin 1919.
Il collabore au collectif artistique de L'Encrier fondé par Roger Dévigne et à la revue du même nom : il donne par exemple trois bois taillés originaux dans la huitième livraison (). Jusqu'à la fin de l'année 1922, il participe à cette coopérative d'artistes initiée par Dévigne, lequel ouvre la Boutique de l'Encrier, au 74 rue du Bac. Il y expose des aquarelles, des croquis, des bois gravés (du 16 au ).
Dans son atelier, boulevard de Clichy, Deslignières fréquente les artistes de Montmartre et s’exerce à la peinture. On rencontre dans son atelier Utrillo, Carco, Mac Orlan, Dorgelès, toute la joyeuse bande montmartroise qui se retrouve, le soir, chez le père Frédé, au Lapin Agile, où la belle voix basse d’André Deslignères entonne des chansons à boire.
En 1925, André Deslignères s’installe à Épiais-Rhus, dans le Val-d'Oise, aux confins du Vexin, commune du canton de Marines. C’est dans ce cadre qu’il opte de façon définitive pour le bois gravé, auquel il doit ses nombreuses collaborations avec les éditeurs d’art et les auteurs de son temps. Dans son atelier, il s’essaie même à réaliser entièrement un livre — illustrations, typographie et impression — sur une presse à bras : Odes anacréontiques est publié en 1924 pour le compte de la Société[5] des médecins bibliophiles. En 1930, il récidive avec un autre livre, La Luciade ou L’Âne, traduit de Lucius de Patras, en utilisant cette fois-ci deux presses à bras, et publié par sa propre maison, les Éditions de l’Ours, symbolisant ainsi son esprit d’indépendance artistique. Il renouvelle l'expérience en 1938 avec Le Monologue du bon vigneron et, une dernière fois, en 1952, avec l'Abécédaire.
Il prend part à la Rétrospective du Salon des indépendants de 1926 en présentant les toiles Oliviers, marché, Nu, L'Ormale et Les Calfats et expose aux Indépendants de 1927 et 1928 des paysages[6]. Il démissionne des Indépendants cette même année. Par la suite, on le retrouve à la création du Salon d’art français indépendant, en compagnie de H. Villard, Lhote, Alix Gromaitre et Bompard. Des relations privilégiées l’unissent à un autre graveur nivernais, Fernand Chalandre (1879-1924).
Deslignères garde toutefois un pied à Nevers en prenant la présidence du Groupe d’émulation artistique du Nivernais en 1926 jusqu’en 1964. Il retrouve l’ambiance de Montmartre au café des Fontaines à Nevers, lieu de rendez-vous des artistes locaux ou amis parisiens (Raphaël Diligent, Georges Guyot, Jean Arnavielle, Louis Charlot), où « [lui] et ses chansons de mariniers, et tant d’autres sont chaleureusement applaudis… »
Œuvre
Les principales sources d’inspiration d'André Deslignères sont :
la vie de la cité, les scènes de la vie populaire, la cohue des marchés, le grouillement des ports ;
puis le monde des travailleurs : artisans, tâcherons, paysans. Son rémouleur, son potier, ses vignerons, ses moissonneurs sont célèbres. Il saisit le geste, l’effort des gens de la terre ;
les nus aux chairs fermes et musclées, aux ombres nettes, traitées avec beaucoup de relief et parfois une certaine audace.
Deslignères donne également ses impressions recueillies au cours de ses divers voyages en Corse, en Belgique, en Hollande.
Il aussi faut relever son penchant particulier pour la Loire. Maurice Rameau, secrétaire du Groupe d’émulation artistique du Nivernais, écrit, en 1968 : « Deslignères a espéré revenir vieillir en Nivernais. Longtemps il a rêvé d’une loge de vigneron, élevée dans les ceps de la côte marzyate, d’où il aurait pu contempler à satiété la Loire de son enfance. »
Le Devoir et l'Inquiétude, poèmes de Paul Éluard suivis de Le Rire d’un Autre, ornés d’une gravure sur bois par A. D. - Paris, A. J. Gonon, 1917
Le Jardinier de Samos, conte de Pierre-Édouard Lémontey ornés de gravures sur bois originales par Deslignères. - Paris, Marcel Seheur, 1920
La ballade du vieux marin(The Rime of the Ancient Mariner) de Samuel Taylor Coleridge & Alfred Jarry (trad.), A. D. (ill.) - Paris, Ronald Davis, 1921
Le Père Perdrix de Charles-Louis Philippe, préface d'Emile Guillaumin, trente-deux bois originaux - Paris (36, rue Bonaparte), André Coq, 1921
Aventures d'Arthur Gordon Pym d'Edgar Allan Poe & Charles Baudelaire (trad.), édition ornée de 40 vignettes dessinées et gravées sur bois par Deslignères et d'un portrait par J.-L. Perrichon - Paris (125, Boulevard Saint-Germain), Éditions d'Art Edouard Pelletan : Helleu et Sergent, 1924
Rémi des Rauches de Maurice Genevoix, bois gravés - Paris, Marcel Seheur, 1926
Odes Anacréontiques. Traduction nouvelle de Leconte de Lisle. Société des Médecins Bibliophiles. 1924. In-4°. Tirage à 150 exemplaires. Composé, dessiné et gravé par A. Deslignères, et imprimé sur ses presses.
"La maison de Claudine" de Colette. Bois en couleurs dessinés et gravés par A.D. - Éditions Rouffé - Paris - in-4° Tirage à 338 exemplaires - 1927
Le démon de la connaissance de François Mauriac, illustrations de A. D., édition originale -Paris, M.-P. Trémois, 1928
Nono de Gaston Roupnel, bois de A. D. - Paris (37, boulevard du Montparnasse), Mornay G. & A., 1928
Colette Baudoche, une jeune fille de Metz de Maurice Barrès, 25 bois de A. D. - Paris, Delagrave, 1928
Les Amours jaunes de Tristan Corbière, vignettes de A. D., introduction et notes de Yves-Gérard Le Dantec - Paris (14, rue de l'Abbaye), Emile-Paul frères, 1942 (Imprimerie Aranéenne), 2 vol. (190 p. + 170 p.)
L'Indienne de Blois, de Pierre Dominique, coll. Le Livre de demain, Arthème Fayard, Paris, 1932, 126 pages, 31 bois originaux.
Belle Jeunesse, de Marcelle Vioux, coll. Le livre de demain, Arthème Fayard, Paris, 1942, 126 pages, 38 bois originaux.
↑Société éditant des livres de bibliophilie à destination d'adhérents liés à une profession.
↑René Édouard-Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, tome 1, A-E, Art & Édition, 1930, p. 397
Annexes
Bibliographie
Association des courriéristes littéraires des journaux quotidiens, L'Ami du lettré pour 1923, Paris, Les éditions G. Grès & Cie, 1923
Édouard Michel, André Deslignères, mage du "Bois" in La Revue du Centre, numéro 4, , p. 88-91
Raymond Hesse, Le Livre d'art du XIXe siècle à nos jours, Paris, la Renaissance du livre, 1927
Catalogue du Salon international du Livre d'art, -. Suivi de Catalogue du Salon international... Sections étrangères, présentation de Clément-Janin, Petit Palais des Beaux-Arts de la ville de Paris, 1931
Salon d'Automne 1941 : catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, gravure, architecture et art décoratif exposés au Palais des Beaux-Arts de la ville de Paris du au , Paris, impr. E. Durand, 1941
Jean-François Lefébure, André Deslignères, Nancy, Association française pour la connaissance de l'ex-libris, 2006, 8 p., ill., 30 cm in Bulletin de l'Association française pour la connaissance de l'ex-libris, numéro 238.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1976
Maurice Bardin, Dictionnaire des peintres, sculpteurs et graveurs nivernais du XVe au XXe siècle, Nevers, Camosine, 2002
André Roussard, Dictionnaire des peintres à Montmartre : peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs, illustrateurs, plasticiens aux 19e et 20e siècles, Paris, André Roussard, 1999
Philippe Le Stum, Pierre Maille (préface), Impressions bretonnes : la gravure sur bois en Bretagne (1850-1950), Éditions Palantines, 2005
André Deslignères (1880 à 1968), peintre et graveur : septembre-. Nevers : bibliothèque municipale de Nevers, 2009
Revue L'Encrier no 6, -; n°8: .
Jean-François Lefébure, « André Deslignières, l'oeuvre d'un graveur talentueux et populaire », Arts et métiers du Livre, n°279, 2009, pp. 64-75.
Philippe Le Stum, La Gravure sur Bois en Bretagne, 1850-2000, Spézet, Coop Breizh, , 319 p. (ISBN9782843468216)