L'abbaye Notre-Dame d'Yerres est un ancien monastère construit entre 1124 et 1132[1], sous l'épiscopat d'Étienne de Senlis, et grâce au don de quatre arpents de terre d'Eustachie de Corbeil[2], fille de Ferry de Châtillon, épouse de Baudoin de Corbeil, puis de Jean d'Étampes, pour accueillir les religieuses en transit de maison en maison, « errantes loin de leurs maisons ». Elles venaient de différents monastères, de Champagne, de Picardie, et d'Argenteuil, après leur expulsion de l'abbaye Sainte-Marie d'Argenteuil dirigée par Héloïse[3].
Abbaye d'Île-de-France, elle faisait partie du diocèse de Sens (de Paris à partir de 1622), et elle était établie au confluent du Réveillon et de l'Yerres, à une quinzaine de kilomètres au sud de Paris[4].
Guillaume Ier Le Loup de Senlis, bouteiller de France dès 1134, est un des bienfaiteurs de l'abbaye[6]
En 1132, Eustachie donne la moitié de la dîme de la paroisse Saint-Marcel de Villabé pour l'entretien de la communauté de l'abbaye qu’elle venait de fonder[7], puis, en 1138, elle donne les dîmes d'Oysonville à l’abbaye Notre-Dame d'Yerres[8]. Vers 1280[9], pour installer ses moniales, la communauté fait construire une maison à Paris, nommée plus tard maison de la Pie, qui était située au 14, rue des Nonnains-d'Hyères, à côté de l'hôtel de Sens.
L'abbaye a connu bien des vicissitudes et notamment de grandes difficultés financières, conduisant à la dégradation des bâtiments, à plusieurs reprises au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.
Lors de la Révolution, les bénédictines sont expulsées en 1792, une partie des bâtiments est détruite en 1793 et les autres sont vendus en plusieurs lots. Une manufacture de laine occupera l'essentiel des bâtiments au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, jusqu'au milieu du XXe siècle. Certains éléments architecturaux font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques[10].
Paul Chaslin, ancien résistant (et qui fut aussi adjoint au maire de Yerres), fondateur de l'entreprise de construction métallique GEEP Industrie (spécialisée dans la construction de bâtiments scolaires et universitaires[11]), achète l'ancienne abbaye et y effectue d'importants travaux, qui sauvent (temporairement) l'édifice et y installe son entreprise.
Après la faillite de GEEP Industries en 1971 à la suite du non-paiement par l'État de chantiers universitaires, l'abbaye devient le siège de la SNCI (Société nouvelle de constructions industrialisées). Cette société y a ses bureaux jusqu'en 1980 avant d'être liquidée à son tour le [12]. Les bâtiments sont ensuite à nouveau abandonnés après 1980. Les municipalités (dont l'une qui avait déclaré ne pas avoir les moyens d'intervenir pour l'abbaye mais qui est connue pour avoir dépensé dans un projet de centre aquatique dit « le Triton » qui a fermé quelques jours après son ouverture) qui se succèdent laissent les pilleurs et les intempéries faire leur « œuvre »[évasif]. Malgré la protection au titre des monuments historiques de certains éléments monumentaux, le destin de l'édifice paraît très compromis, d'autant qu'un incendie touche une partie du bâtiment, jusqu'à ce que plusieurs habitants d'Yerres ou de Brunoy, regroupés autour de l'association Sahavy (Société d'art, histoire et archéologie de la vallée de l'Yerres)[13] recensent les éléments historiques et constituent un dossier de classement au titre des monuments historiques de l'ensemble de l'édifice.
Malgré l'avis défavorable du maire, la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) donne finalement un avis favorable, grâce notamment au soutien des associations qui y siégeaient, notamment la SPPEF (Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France), devenue Sites et Monuments, et VMF (Vieilles maisons françaises).
L'inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH) est prononcée en 1996 (arrêté préfectoral du ). Les bâtiments ne pouvant plus désormais être démolis, cette protection conduit, après encore plusieurs années d'incertitudes, un promoteur à concevoir un projet bénéficiant de la fiscalité Malraux, et des appartements y sont construits en 2008-2009. Ainsi ont été conciliées la restauration d'un édifice rare en Île-de-France, donc la préservation du patrimoine, et la création de logements.
De nos jours ne subsistent que le bâtiment du dortoir (XVIe siècle) et les bâtiments de la pharmacie et de l'abbesse (XVIIIe siècle), ces deux derniers renfermant des structures du XVIe siècle.
Les abbesses
Dès 1132, quarante-cinq abbesses, de l'ordre de Saint-Benoît au titre de la Sainte Vierge, se succédèrent à la tête de l'abbaye jusqu'à la Révolution française. Elles y menaient une vie très austère. Au XIVe siècle, l'usage des œufs commença à être permis, on en mangeait quelques jours dans l'année. Agnès laissa un don pour la pitance d'œufs le jour de son anniversaire et, vers 1400, des particuliers, fondant leur obit, spécifièrent que ce jour-là chaque religieuse recevrait quatre œufs. Un autre particulier donna un fonds de terre afin que les religieuses reçoivent le jour de la Fête-Dieu le même nombre d'œufs[14].
1155-1180 : Clémence Ire "le Loup" de Senlis, fait réaliser les premières constructions en pierre, dont le cloître
1180-1210 : Eve de Senlis (1149-1223), élue en 1183
1210-1226 : Eustachie Ire Dulers
1226-1244 : Aveline
1245-1254 : Ermengarde
1255-1261 : Eustachie II d'Andresel
1261-1267 : Isabelle Ire
1267-1274 : Marguerite Ire
1274-1280 : Jeanne Ire
1280-1299 : Agnès Ire de Brétigny
1300-1311 : Élisabeth Ire
1311-1312 : Marguerite II de Courtenay, morte le , après 1 an, 3 mois et 6 jours, à la tête de l'abbaye, à la suite d'une épidémie[16]
1312-1317 : Agnès II de Brie, nouvelle épidémie à l'abbaye et grandes difficultés financières. Elle fait agrandir la prison de l'abbaye. Le clocher menace de s'écrouler. Adoption des règles de Cluny pour la nourriture.
1318-1332 : Clémence II de Corbeil des Grez
1332-1338 : Élisabeth II de Versailles
1338-1349 : Agnès III de Courciaux,
1349-1360 : Agnès IV de Chartrettes
1360-1394 : Pétronille de Mackau, sous son abbatiat on ne compte plus que 30 religieuses
1394-1406 : Marguerite III des Chesnes
1406-1407 : Jeanne La Pastée
1407-1427 : Marguerite IV
1427-1430 : Marguerite V
1430 : Marguerite VI de Montaglant
1430-1436 : Marguerite VIII de Guaculs, les Anglais sont en Île-de-France, l'abbesse quitte l'abbaye
1436-1450 : Huguette de Chacy, état lamentable de l'abbaye qui n'a plus que 3 religieuses, l'abbaye est abandonnée pour 6 mois.
1520-1537 : Marie II d’Estouteville de Villebon, elle fait reconstruire en plus grand cloître, réfectoire, salle du chapitre, la nef est agrandie. Une centaine de personnes vivent à l'abbaye dont 49 religieuses, plus les domestiques et une trentaine d'élèves
1537-1541 : Anne de La Rainville
1541-1543 : Marguerite Le Grand
1544 : Étiennette de Guaigny,
Abbesses perpétuelles nommées par le Roi :
1544-1553 : Marie de Pisseleu d’Heilly
1553-1603 : Antoinette de Luxembourg-Ligny († 30 septembre 1603), il ne reste que 30 religieuses en 1587
1604-1636 : Catherine-Alphonsine Jouvenel des Ursins de Trainel, Abandon de la robe blanche que portent les religieuses depuis 500 ans pour revêtir une robe noire. L'abbaye dépend uniquement de Rome.
1637-1670 : Claire-Diane d’Angennes de Rambouillet, nommée par le roi 15 religieuses n'étant pas d'accord avec sa nomination, quittent le monastère, puis 6 à nouveau, ce qui porta le nombre des présentes à 6. Repeuplement avec des religieuses venues d'autres établissements en 1640. En 1652 les religieuses s'enfuient devant les armées du Duc de Lorraine, puis de celles de Turenne qui occupent l'abbaye et la pillent.
1670-1691 : Catherine-Charlotte d’Angennes de Rambouillet, sœur de la précédente.
1691-résigne 1709 : Suzanne de Crussol d’Uzès, se retire à l'abbaye de Port-Royal de Paris, puis chez les Filles du Précieux-Sang (1612-1792)[17], religieuses Bernardines, rue de Vaugirard où elle meurt le 12 janvier 1730[18].
1709-1761 : Marie-Thérèse Desmarets de Maillebois, petite-nièce de Colbert.
1761-résigne en 1770 : Anne-Louise-Marie-Thérèse de Clermont d’Amboise de Reynel de Montglas, ancienne religieuse bénédictine de l'Abbaye Notre-Dame de Saint-Paul-lès-Beauvais.
1770-1792 : Thérèse-Angélique de Pasquier de Franclieu, ancienne religieuse de l'abbaye de Chelles, morte à Éraine hameau de Bailleul-le-Soc le 10 décembre 1814, à l’âge de 84 ans, et inhumée à Bailleul-le-Soc (Oise) dans sa famille.
Religieuses, et personnalités célèbres
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Fief de Bourg-la-Reine, considérable ensemble de terres que les religieuses tenaient depuis la fondation de leur établissement soit par aumônes ou possédées par l'une d'elles dont le lieu-dit Pré Houdoin (Pratellum Holduini), que le roi Louis VI le Gros (1081-1137) leur échangea pour le donner aux religieuses de l'abbaye de Montmartre, contre la terre d'Inoilliers qu'il venait d'acquérir des chanoines de Notre-Dame de Paris en octobre 1132 [20]
↑Père Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la Maison de France..., Compagnie des Libraires associés, Paris, 1726, 3e édition, chapitre XVII, p.518.
↑Archives nationales de France: H5 4210, L 1072, LL 1708, S 4750-4751
↑ a et bAlexis Martin, Promenades et excursions dans les environs de Paris, région sud, Imprimeur-éditeur. A. Hennuyer, 1896
Annexes
Sources
A. M. Le Fèvre, prêtre de Paris et bachelier en théologie, Calendrier historique et chronologique de l'Église de Paris, 1747.
Jean-Marie Alliot (1848-1927), curé de Bièvres, Histoire de l'abbaye des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres, A. Picard, Paris, 1899, rééd. Res Universis, 1991, 313 p.