Le scrutin compte 39 candidats en lice, ce qui constitue un record pour une élection présidentielle en Ukraine. L’acteur Volodymyr Zelensky arrive en tête du premier tour, devant le président sortant, Petro Porochenko, candidat à un second mandat. Longtemps donnée favorite, l’ancienne Première ministre Ioulia Tymochenko échoue de peu à se qualifier pour le second tour.
Sans surprise, Volodymyr Zelensky remporte le second tour, avec 73,2 % des voix. Petro Porochenko reconnaît sa défaite dès la fin du scrutin. La transition présidentielle se traduit cependant par des dissensions entre le président élu et la majorité parlementaire sortante.
Petro Porochenko — dont le parti, le Bloc Petro Porochenko « Solidarité », a remporté la même année les élections législatives — a rapidement vu sa popularité chuter en raison de l’aggravation de la crise économique rencontrée par le pays, de la lenteur de la mise en place des réformes promises et de la multiplication des scandales l’entourant[2],[3],[4]. Selon une étude réalisée par le portail analytique Slovo i Dilo en 2018, le chef de l’État a tenu 41 % de ses engagements de campagne : la fin de la guerre du Donbass apparaît comme étant sa principale promesse non respectée[5]. L'institut Gallup indique que seulement 9 % des Ukrainiens font confiance à leur gouvernement en 2018 — ce qui est le taux le plus bas au monde pour la deuxième année consécutive — et que seuls 12 % croient en l'honnêteté des élections[6].
Petro Porochenko et son entourage sont régulièrement accusés de corruption et d’enrichissement personnel. Le président est aussi critiqué pour avoir déchu de la nationalité ukrainienne Mikheïl Saakachvili, ses adversaires considérant qu’il a ainsi écarté un potentiel rival en vue de sa réélection[7]. En , alors que les tensions avec la Russie s’étaient quelque peu apaisées, un incident entre les marines ukrainienne et russe dans le détroit de Kertch conduit Petro Porochenko à signer un décret de loi martiale s’appliquant pour une durée de 30 jours dans les oblasts à majorité russophone de l’Ukraine[8]. Redoutant une manœuvre électorale et une dérive autoritaire à l’approche de l’élection présidentielle, l’opposition bloque le prolongement de cet état d’exception[9].
Aux débuts de la guerre du Donbass, l'Ukraine connaît une importante récession[10]. À partir de 2016, la croissance revient, les salaires et retraites progressent et l'inflation diminue[11],[12],[13]. Néanmoins, le déficit budgétaire est toujours élevé et le PIB par habitant de l'Ukraine reste faible[14],[15]. L’Ukraine connaît également une importante émigration de sa population, notamment vers la Pologne[16].
Pour s’assurer les aides du Fonds monétaire international (FMI), Porochenko conduit une politique de rigueur, augmentant le prix du gaz et des produits alimentaires[17],[18]. Le gouvernement procède aussi à des privatisations et réforme les retraites[16],[19]. Alors que l’Ukraine reste le pays européen le moins libre économiquement, Porochenko réduit les pouvoirs de l'administration fiscale en matière de contrôle des entreprises[20]. Le FMI et l’opinion publique se montrent régulièrement critiques sur les réformes économiques mises en œuvre et sur la lutte anticorruption[21].
Modalités
Mode de scrutin
Les modalités du scrutin sont régies par la constitution de 1996 et la loi électorale. Le Président de l'Ukraine est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois de manière consécutive. Est élu le candidat qui réunit la majorité absolue de l'ensemble des suffrages, y compris les votes blancs et nuls. Si aucun candidat n’obtient cette majorité au premier tour, un second tour est organisé trois semaines plus tard entre les deux candidats arrivés en tête, et celui recueillant le plus de suffrages est déclaré élu[22].
La constitution dispose que l'élection a lieu le dernier dimanche du mois de mars de la cinquième année du mandat du président sortant, sauf changement de date voté par le parlement.
Le premier tour de l’élection présidentielle se tient le dernier dimanche du dernier mois de mars du mandat du président sortant. Toutefois, en cas de démission ou de destitution du président, une élection anticipée est organisée dans les 90 jours afin d’élire un président pour un mandat complet et non pour le reste de celui de son prédécesseur[24]. En , le Parlement ukrainien fixe ainsi le premier tour de l'élection au et le second tour au [25],[26]. Le nouveau président doit être investi avant le suivant[22].
Candidatures
Les candidats à l’élection présidentielle doivent être citoyens ukrainiens, âgés d’au moins 35 ans, résider dans le pays depuis au moins dix ans au jour du scrutin et maîtriser la langue ukrainienne. Ils doivent remplir une déclaration de revenus de l'année passée, qui est étudiée par l’Agence nationale pour la prévention de la corruption (NAPC), et verser une contribution de 2,5 millions de hryvnias (~ 80 000 euros). Ils peuvent se présenter avec l’investiture d'un parti ou de façon indépendante[22].
Pour le scrutin de 2019, les dossiers de candidature doivent être communiquées entre le et le à la Commission électorale centrale d'Ukraine (CvkU)[22]. Celle-ci se prononce sur la validité de chaque candidature dans les cinq jours suivant le dépôt d'un dossier[27]. Tout candidat peut se retirer — auprès de la CvkU — au plus tard 23 jours avant la tenue du scrutin, soit le [23].
Organisation et surveillance
Compte tenu de la situation géopolitique suivant la révolution ukrainienne de 2014, quelque 12 % d’électeurs inscrits sur les listes électorales ukrainiennes auront des difficultés pour prendre part au scrutin[23],[28]. C’est le cas :
de la Crimée, annexée par la Russie à la suite de la crise de Crimée et dont les habitants russes prennent part aux élections russes, une situation qui est contestée par l’Ukraine et un grand nombre de pays ;
d'une partie du territoire des oblats de Donetsk et de Louhansk contrôlée par les séparatistes à la suite de la guerre du Donbass.
Ils pourront toutefois se déplacer vers les territoires sous contrôle du gouvernement ukrainien et y voter. La Commission électorale centrale d'Ukraine simplifie la procédure de changement du lieu de vote pour ces personnes[29].
Le , la Commission électorale centrale d'Ukraine annonce que 2 344 observateurs internationaux sont enregistrés pour surveiller le scrutin[30],[31]. L’OSCE et le Réseau européen des organisations d’observation des élections enverront notamment plusieurs centaines d’observateurs[32],[33]. Le Parlement ukrainien a en revanche interdit l'accès aux observateurs russes, qu'ils soient ou non mandatés par l'OSCE[34]. Pour le second tour, la Commission électorale enregistre 2 700 observateurs internationaux[35].
Candidats
Au , sur les 91 candidatures qui lui ont été soumises, la Commission électorale centrale d'Ukraine en a approuvées 44 et rejetées 47[36]. Cinq candidats (Andri Sadovy, Dmytro Hnap, Serhi Kryvonos, Evheny Mourayev et Dmytro Dobrodomov) renoncent ensuite à se présenter avant la date limite du . Avec un total de 39 candidats en lice, il s'agit ainsi de l'élection présidentielle ukrainienne comptant le plus grand nombre de candidats (le deuxième scrutin comptant le plus de participants est celui de 2004, avec 24 candidats)[37]. Deux candidats (Serhiy Tarouta et Oleksandr Moroz) décident ensuite de se retirer, mais après la date limite, ce qui fait que leurs noms apparaîtront tout de même sur les bulletins de vote[38],[39].
Ancien président du Bloc d'opposition. Désigné candidat de la Plateforme d'opposition-Pour la vie le , après le retrait de Vadim Rabinovich[48]. Le Bloc d'opposition refuse alors de lui apporter son soutien[49]. Se présente comme indépendant[50].
Membre de la faction parlementaire du Bloc Petro Porochenko. Tente de se présenter au titre du Parti socialiste d'Ukraine, mais Illia Kyva est désigné par le parti[65],[66]. Investi candidat du Parti social-démocrate le [67].
Se déclare candidat le et investi par son parti le lendemain[83],[84]. Le , il invoque la préparation de fraudes électorales massives pour se retirer de la course ; sa décision n’a aucun effet juridique car intervenant après la date limite de retrait des candidatures[85].
Désigné candidat de son parti le [100]. Candidature dans un premier temps rejetée en raison de son souhait de négocier avec les républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk[101].
Désigné candidat d’Osnova le [103]. Le , il annonce qu’il se retire en faveur de Ioulia Tymochenko, mais cette décision intervenant après la date limite de retrait des candidatures, son nom figurera sur les bulletins de vote[38].
Déjà candidate aux élections présidentielles de 2010 (45,5 % au second tour) et de 2014 (12,8 % à l’unique tour). Annonce sa candidature le [104],[105],[106]. Désignée candidate de son parti le [107]
Désigné candidat du Bloc d'opposition le , lors d'un congrès qui est invalidé par la justice sur fond de dissidence d'Iouri Boïko[111]. Nommé le par le Bloc d'opposition-Parti pour le développement et la paix, qui était auparavant le Parti industriel d'Ukraine[112].
Candidat aux élections présidentielles de 1999 (38,8 % au second tour), de 2004 (5,0 % au premier tour), de 2010 (3,5 %) et de 2014 (1,5 %). Désigné candidat de son parti le , il voit sa candidature rejetée par la Commission électorale centrale d'Ukraine le suivant, en raison de la législation anti-communiste votée en 2015[126],[127].
Plateforme sociale et politique de Nadia Savtchenko (centre droit)
Députée
Désignée candidate par son parti le [128]. Incarcérée depuis 2018[129]. Candidature rejetée pour papiers manquants et pour ne pas avoir payé la caution pour déposer sa candidature[130].
Personnalités ayant renoncé à se présenter
Personnalités pressenties pour se présenter n’ayant pas fait acte de candidature
Membre du populaire groupe de rock Okean Elzy, il est au cours de l’année 2018 crédité de près de 10 % d'intentions de vote[136],[137]. Il voit ensuite sa popularité décroître et annonce qu'il ne sera pas candidat le [138].
Donné candidat en cas de renoncement de Petro Porochenko, il apporte son soutien à celui-ci lors de l’annonce de sa candidature à un second mandat[139].
Entrée très tôt en campagne, Tymochenko aborde surtout la situation économique du pays, attaquant la politique d’austérité imposée par le Fonds monétaire international (FMI) : elle promet notamment de diviser par deux les prix du gaz, qui ont été nettement augmentés sous la présidence Porochenko, ce qui suscite les craintes des créanciers du pays et lui vaut parfois d’être qualifiée de populiste[143],[144]. Si elle prône le retour à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, elle évoque beaucoup moins que Porochenko la situation dans le Donbass et en Crimée. Comme Zelensky, elle souhaite des négociations selon un format proche du mémorandum de Budapest[145]. Considérée comme plus russophile que le président sortant bien que prônant l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN, elle suscite l’inquiétude de pays européens et des États-Unis, qui jugent son programme assez flou et isolationniste[146]. En cas de victoire, elle s’engage à organiser un référendum sur l'adoption d'une Constitution instaurant un meilleur équilibre des pouvoirs[105],[106].
D'une durée de 90 jours, la campagne officielle commence le [22]. À cette date, six candidats approchent ou dépassent la barre des 10 % dans les sondages : Ioulia Tymochenko, Volodymyr Zelensky, Petro Porochenko, Anatoliï Hrytsenko, Oleh Liachko et Iouri Boïko[147]. À l’exception du comédien Volodymyr Zelensky, ils sont tous critiqués pour leur longévité en politique[147].
Faiblesse des candidats pro-russes
Alors que l’Ukraine indépendante a connu deux présidents considérés comme pro-russes, Leonid Koutchma et Viktor Ianoukovytch, aucun candidat pro-russe ne semble cette fois en mesure de l’emporter, notamment en raison de la non-organisation du vote dans une partie de l’Est du pays, fief traditionnel des pro-russes[147]. Cette situation est renforcée par la division des candidats partisans d'un rapprochement avec la Russie : en particulier, après avoir été pressenti pour représenter le Bloc d'opposition, Iouri Boïko s'allie avec le Parti pour la vie de Vadim Rabinovich alors que les discussions entre les deux partis s'enlisaient ; après l'invalidation par la justice du congrès du Bloc d'opposition l'ayant désigné, Oleksandr Vilkoul devient le candidat d'une nouvelle formation, le Bloc d'opposition-Parti pour le développement et la paix[112].
Campagne nationaliste de Porochenko
Donné perdant par tous les sondages, Porochenko s'affiche davantage nationaliste et conservateur qu'en 2014, adoptant pour slogan « armée, langue, foi »[149]. Il met à son crédit la reconnaissance par le patriarcat de Constantinople d’une Église ukrainienne orthodoxe indépendante et le non-renouvellement du traité d'amitié entre l'Ukraine et la Russie, dont il se présente comme l’adversaire le plus intransigeant[150],[151],[152]. Il promet le retour de la Crimée en Ukraine, l’augmentation des dépenses militaire et l’adhésion du pays à l’UE et à l’OTAN d'ici à 2024[150]. De la sorte, le président sortant évite les sujets économiques alors qu'il est contraint par le FMI de poursuivre sa politique d’austérité, qui se traduit notamment par une hausse des prix du gaz[153],[154]. Les intentions de vote augmentent sensiblement après l’annonce de sa candidature[150].
Il pâtit d’un scandale de corruption dans le secteur de la défense ayant enrichi plusieurs de ses proches, ce qui conduit Ioulia Tymochenko et d'autres opposants à lancer à son encontre une procédure de destitution pour « haute trahison »[155],[156],[157]. Il est également critiqué pour avoir octroyé des prestations sociales ciblées à des Ukrainiens identifiés au préalable comme prêts à voter pour lui[152]. L’importance et l’origine des moyens financiers déployés pour promouvoir sa candidature suscitent également des interrogations[152].
Émergence du comédien Zelensky
À la suite de l'annonce de sa candidature lors du réveillon de la Saint-Sylvestre de 2019, Volodymyr Zelensky, qui bénéficie du rejet des figures politiques traditionnelles et s'est rendu populaire grâce à son premier rôle dans la série Serviteur du peuple, se retrouve systématiquement en tête des sondages[158]. En parallèle, sur fond d'accusations de corruption, les intentions de vote en faveur de Ioulia Tymochenko déclinent de façon continue tandis que celles pour Petro Porochenko peinent à augmenter[6],[159].
Volodymyr Zelensky mène une campagne non conventionnelle et limitée[160] : il refuse de s’entretenir avec les journalistes, utilisant principalement les réseaux sociaux et poursuivant ses spectacles humoristiques[1]. Insistant davantage sur le clivage générationnel que sur le traditionnel clivage Est-Ouest, il présente un programme relativement flou et idéaliste[152]. Il promet un cessez-le-feu dans le Donbass et un référendum sur l’intégration de l’Ukraine à l’OTAN[152] et propose à ses trois millions d’abonnés sur Instagram de lui faire parvenir le nom de personnalités qu’ils aimeraient voir intégrer au gouvernement en cas de victoire[152]. Ses adversaires mettent en avant son manque d'expérience en politique et l’accusent d’être une « marionnette » de l'oligarque Ihor Kolomoïsky, adversaire de Porochenko qui est propriétaire de la deuxième chaîne de télévision du pays, 1+1, sur laquelle est diffusée sa série[161],[162]. Cette chaîne consacre à Zelensky une couverture médiatique abondante et positive ; la veille du premier tour, alors que la campagne est censée être terminée, elle accorde sept heures d’antenne à ses spectacles et diffuse un documentaire sur Ronald Reagan doublée avec sa propre voix[163].
Accusations d’ingérence et de fraudes
Alors que le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine, déclare souhaiter la défaite de Petro Porochenko, qui est selon lui un obstacle à la paix entre l’Ukraine et la Russie, le Gouvernement ukrainien accuse la Russie d'ingérences dans la campagne, notamment au moyens d’attaques informatiques[150],[164]. Les diplomates européens présents en Ukraine ne font cependant pas état de tentatives d'ingérence[152].
Des accusations de fraude électorale sont portées dans les semaines précédant le premier tour de scrutin. Plusieurs candidats portent plainte, notamment Ioulia Tymochenko, qui dénonce « des fraudes et achats de voix à grande échelle » en faveur du président sortant[165]. Celui-ci est aussi accusé d’avoir recours à des fonctionnaires et agents des forces de l’ordre pour sa campagne[166]. Oleksandr Moroz annonce le retrait de sa candidature quelques jours avant le premier tour, invoquant la préparation de fraudes électorales massives[167]. Dans ce contexte, le Service de sécurité d'Ukraine (SBU) mène des dizaines de perquisitions à travers le pays[165].
Ioulia Tymochenko dénonce les « fausses » candidatures de Iouri Tymochenko et de Ioulia Lytvynenko, inconnus du grand public, estimant qu'il s'agit d'une manœuvre de Porochenko pour l’éliminer dès le premier tour en créant la confusion dans l'esprit de ses électeurs[168]. Les observateurs internationaux s’étonnent d’ailleurs que plusieurs candidats ne mènent pas campagne, s'interrogeant sur l’objectif de leurs candidatures[169].
Plusieurs scandales financiers marquent également la campagne[170].
Entre-deux-tours
Photo 1 : Porochenko le 14 avril 2019 lors du débat avorté au Stade olympique de Kiev. Photo 2 : Débat entre Zelensky et Porochenko au Stade olympique de Kiev, le .
Critiqué pour le manque de transparence sur son équipe, Volodymyr Zelensky dévoile le le nom de certains de ses conseillers[171]. L'ancien candidat Oleksandr Danylouk en fait partie[172]. Ses liens avec l'oligarque Ihor Kolomoïsky sont à nouveau soulignés[173], mais il réussit à en faire fi[174]. Il revendique son manque d'expérience et le fait de ne pas « s'y connaître en politique » mais affirme « pouvoir rassembler »[175]. Alors que Zelensky continue à communiquer uniquement sur les réseaux sociaux, une vingtaine de médias et associations de journalistes publient une lettre ouverte dans laquelle ils l'appellent à s'exprimer auprès d'eux dans un souci démocratique[176]. Il rend finalement publiques certaines de ses positions en matière sociétale (légalisation du cannabis thérapeutique, de la prostitution ou encore des jeux de hasard)[177]. Il promet en outre de fixer le salaire des professeurs à 4 000 euros mensuels[178]. Des citoyens craignent que Zelensky ne soit trop proche du Kremlin[179].
Juste après le premier tour, Petro Porochenko propose à Volodymyr Zelensky de l'affronter lors du traditionnel débat d'entre-deux-tours. Celui-ci pose plusieurs conditions, que le président sortant accepte, notamment l'organisation du débat au Stade olympique de Kiev ou le passage de dépistage de drogue et d'alcool[180],[181]. Ioulia Tymochenko refuse l’idée de Zelensky d’arbitrer le débat et ne donne pas de consigne de vote en vue du second tour[182],[183]. Le , Porochenko s'introduit sur 1+1 en exigeant de s'entretenir au téléphone avec son rival afin de fixer la date du débat, mais la conversation tourne à l'invective et prend fin rapidement[184]. Le , Porochenko répond seul aux questions des journalistes à côté d'un pupitre vide, son adversaire s’étant opposé à la tenue d'un débat à cette date[185],[186]. Les équipes des deux candidats annoncent ensuite avoir trouvé un accord sur la tenue du débat pour le [187]. Alors que le stade peut accueillir quelque 70 000 personnes, Zelensky propose de fournir gratuitement des billets d'entrée pour le débat[188]. Après des incertitudes sur sa tenue et ses modalités, le débat a lieu le . Il tourne à l'invective, comme depuis le début de la campagne de second tour[189].
Le , le président de la République française, Emmanuel Macron, reçoit séparément les deux candidats, au palais de l'Élysée[190] ; Petro Porochenko s'entretient également avec la chancelière allemande, Angela Merkel[191]. Le , Porochenko présente ses excuses à ses électeurs pour ses « erreurs », tout en réclamant une seconde chance pour lui permettre d'achever son programme et « de ne pas perdre ce qui a été fait »[192]. Le jour même, des juges réputés « douteux » annulent en appel la nationalisation en 2016 de PrivatBank, propriété d'Ihor Kolomoïsky[193].
Sondages
Résultats
Au niveau national
Résultats de la présidentielle ukrainienne de 2019[194],[195]
Plus de 2 100 plaintes sont déposées pour fraudes à l’issue du premier tour[196]. Donnée troisième juste derrière Petro Porochenko, Ioulia Tymochenko revendique sa qualification au second tour, mettant en avant les accusations de manipulation du scrutin dont a fait l’objet le président sortant avant même le premier tour[197]. Elle refuse cependant de saisir la justice pour contester les résultats, considérant que celle-ci est proche du pouvoir en place[198],[182]. La Commission électorale centrale d'Ukraine estime n'avoir « constaté aucune infraction majeure », tandis que les observateurs considèrent que le scrutin était pluraliste, transparent et que le dépouillement a donné lieu à « peu de violations »[199].
Analyse
Soutenu par une grande partie de citoyens jeunes, apolitiques et issus de zones urbaines, Volodymyr Zelensky réalise à l’issue du premier tour un résultat situé dans la fourchette haute de ce que lui accordaient les derniers sondages[200]. Il obtient un nombre de voix élevé dans l’Est du pays, dépassant ainsi les traditionnels clivages ethniques du pays[201],[202].
Même s'il parvient à se qualifier pour le second tour — grâce au vote des régions pro-occidentales —, le résultat de Petro Porochenko est jugé mauvais, lui-même parlant de « dure leçon »[203]. Ioulia Tymochenko arrive 2,5 points derrière lui, n’étant pas parvenue à retrouver la confiance des électeurs au-delà de son socle traditionnel (retraités, milieux modestes) ou à dissiper l’hostilité à son encontre des régions russophones, et ce bien qu’elle fût jugée plus prête au compromis avec la Russie que Porochenko[204],[152].
Au terme d'une campagne et surtout d'un entre-deux-tours généralement dépeints comme médiocres, Petro Porochenko obtient le plus faible résultat pour un candidat au second tour d'une élection présidentielle depuis l'indépendance de l'Ukraine. À l'inverse, Zelensky obtient le pourcentage le plus élevé d'un vainqueur d'une élection présidentielle. Pour autant, les commentateurs soulignent le fait que Zelensky est surtout apparu comme un choix par défaut, n'ayant guère suscité l'enthousiasme de ses électeurs[205].
Conséquences
Le nouveau président se retrouve en situation de cohabitation, son parti ne détenant que deux sièges à la Rada. Alors que des élections législatives sont prévues pour le , Volodymyr Zelensky réclame de prêter serment dès le , pour être certain de pouvoir dissoudre la chambre d'ici à l'expiration du délai légal, le [206]. Il déclare ensuite « on va se la faire » à ses partisans à propos de la Rada, qui a fixé son investiture une journée plus tard en raison de la coïncidence de la date souhaitée avec la journée d'hommage aux victimes de la répression du régime stalinien[207],[208]. Dans son discours d'investiture, le nouveau chef de l'État annonce la dissolution de la Rada et la tenue d'élections anticipées[209]. Le président du Parlement ayant annoncé peu auparavant la fin de la coalition au pouvoir, l'opposition et des juristes estiment que la décision de Zelensky de dissoudre viole la Constitution, qui prévoit dans un tel cas un délai préalable d'un mois en vue de former un nouveau gouvernement[210],[211]. En désaccord avec Zelensky, le Premier ministre, Volodymyr Hroïsman, annonce aussitôt sa démission[212].
Notes et références
Notes
↑ abcde et fSe présente administrativement comme indépendant.
↑(en) « Ukraine's new president calls snap parliamentary elections », Financial Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) « The Times view on Ukraine’s President Zelensky: Standing up to Putin », The Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Investi président, Zelensky convoque des législatives anticipées », L'Orient-Le Jour, (lire en ligne, consulté le ).
Bibliographie
(en) Joanna Rohozinska et Vitaliy Shpak, « Ukraine's Post-Maidan Struggles - The Rise of an "Outsider" President », Journal of Democracy, vol. 30, no 3, , p. 31-41 (lire en ligne)
Contexte et déroulement de l'élection présidentielle de 2019.