Après la bataille des Alpes, la zone d’occupation italienne en France couvre initialement plusieurs zones frontalières. En effet, Hitler a rencontré Mussolini le à Munich pour le convaincre de s’en tenir à ses vues[2]. Le Duce exigeait la flotte et l’aviation françaises, et voulait occuper la France jusqu’au Rhône, annexer Nice, la Savoie, la Corse, la Tunisie, Djibouti, les villes d’Alger, d’Oran et de Casablanca. Hitler considérait ces prétentions démesurées et de nature à compromettre la signature de l’armistice et la future « satellisation » de la France[2], d’autant que les Français protestent énergiquement contre les prétentions italiennes, la France n’ayant pas été vaincue par l’Italie, et « les hostilités n'[ayant] pratiquement jamais été ouvertes »[3].
C’est pourquoi, initialement, la zone d’occupation italienne est réduite : 800 km2, 28 000 habitants[4] dont les 3/4 à Menton, mais comprend tout de même l’essentiel des fortifications bâties par la France sur sa frontière alpine : la « Ligne Maginot alpine ». Quatre départements sont ainsi partiellement occupés : Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence depuis 1970), Hautes-Alpes, Savoie[4]. Une deuxième ligne dite logistique ou de commodité, à l'ouest de leurs zones d'occupation, forme un secteur où les troupes italiennes ont un droit de passage compte-tenu du caractère montagneux de leur zone. En outre, une zone démilitarisée était établie en territoire français sur une largeur de 50 km à vol d’oiseau à partir de la nouvelle frontière ou de la limite des zones d’occupation italienne en France[5]. Enfin une quatrième ligne, suivant le Rhône de son embouchure à Lyon puis une ligne de Lyon à la frontière suisse, délimite un secteur dans lequel les italiens peuvent opèrer des contrôles du désarmement français suivant les conventions de l'armistice.
Les petits territoires constituant la zone d'occupation sont annexés par l’Italie, sans que cela soit officiellement reconnu par la France (pas plus que l’annexion de l’Alsace-Moselle opérée par l’Allemagne), Menton est la plus peuplée de ces zones[6]. Les occupants s'efforcent de re-italianiser Menton[6] : l'italien redevient la langue officielle et obligatoire[6]. L'enseignement est redonné en italien. La signalisation des rues est en italien. De nouvelles bornes kilométriques indiquent la distance avec Rome. Les habitants reçoivent une carte d'identité italienne et utilisent des timbres-poste italiens. Un nouveau journal, Il Nizzardo, est créé. La lire italienne est la monnaie légale.
Les deux départements de Savoie et le département de la Corse restent français : durant cette première période, ils ne furent ni annexés, ni occupés, ni démilitarisés, à l’exception d’une bande de territoire en Haute-Savoie[7].
Invasion de la zone libre
Les autres territoires revendiqués par Mussolini à la frontière entre la France et l'Italie sont occupés par l’armée italienne à partir du , en concordance avec l’invasion par les Allemands de la zone libre, antérieurement non occupée, en représailles au débarquement allié en Afrique du Nord[8],[9]. La ville de Nice par exemple est occupée par les Italiens dès le [10]. Une zone d’occupation italienne en France bien plus importante est alors établie[9], par voie d'accords entre l'Allemagne nazie et l’Italie fasciste, jusqu’à la rive gauche du Rhône et en Corse (sans pour autant que cette dernière soit officiellement annexée)[10],[11].
Pour sa part, le maréchal Ugo Cavallero, chef d'État-Major général des armées italiennes, manifesta, début , sa désapprobation concernant certains aspects de la politique allemande, notamment envers les Juifs[22]. Il déclara aux Allemands[23] : « Les violences contre les Juifs ne sont pas compatibles avec l'honneur de l'armée italienne. »
D'autres raisons, moins idéalistes et plus intéressées pécuniairement, sont toutefois évoquées par l'historien Davide Rodogno[24].
Fin de l'occupation italienne en France
Le , à la suite de la signature de l’armistice de Cassibile entre l'Italie et les Alliés, les Allemands prennent le contrôle des territoires jusque-là occupés par les Italiens en France. Les territoires annexés de facto par l’Italie (Menton…) reviennent sous administration du régime de Vichy. Les troupes italiennes présentes sur le territoire français ne se considèrent plus comme des troupes d’occupation et regagnent progressivement l’Italie[6]. Alors que dans le Nord de l’Italie, se met en place une République sociale italienne (RSI) vassale de l’Allemagne, les troupes italiennes qui n’ont pas évacué à temps la France sont désarmées par la Wehrmacht et envoyées dans des camps de prisonniers en Allemagne.
La Libération
Entre le et le , les Allemands et le régime de Vichy tentent de reprendre le contrôle de la Corse, mais grâce au concours des Alliés (opération Vésuve coordonnée, depuis Alger, par le général Giraud), les résistants locaux et une partie des troupes italiennes font de l’île le premier département français métropolitain libéré ; les Italiens pro-Alliés perdent 600 hommes dans ces combats[25]. Le reste des territoires de l’ancienne zone d’occupation italienne est libéré des Allemands en septembre 1944, par les troupes américaines et françaises débarquées en Provence à partir du , entre Hyères (à l’est de Toulon) et Cannes.
Notes et références
↑Jean-Louis Panicacci, cartes intitulées « Carte 1 - L’occupation limitée du Sud-Est (1940-1942) et « Carte 2 - L’occupation généralisée du Sud-Est (1942-1943) in ’’L’Occupation italienne – Sud-Est de la France, juin 1940-septembre 1943 p. 28 et p. 108.
↑ a et bEberhard Jäckel, Frankreich in Hitlers Europa – Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg, Deutsche Verlag-Anstalg GmbH, Stuttgart, 1966 ; traduction : La France dans l'Europe de Hitler (préface de Alfred Grosser, traduction de Denise Meunier), éd. Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1968, 554 p., p. 55-58.
↑Eberhard Jäckel, La France dans l'Europe de Hitler, op. cit., p. 64-65.
↑ a et bJacques Delperrié de Bayac, Le Royaume du maréchal – Histoire de la zone libre, Éditions Robert Laffont, 1975, p. 14.
↑Frédéric le Moal et Max Schiavon, Juin 1940, La Guerre des Alpes[1].
↑Carte intitulée « La France compartimentée (1940-1943) », 3e page insérée entre les pages 326 et 327, dans Éric Alary, La Ligne de démarcation – 1940-1944, éd. Perrin, Paris, 2003, 429 p. (ISBN2-262-01598-8 et 978-2262015985).
↑ a et b(en) Winston Churchill, The Second World War, Plon, 1948-1954 ; rééd. La Deuxième Guerre mondiale, Le Cercle du Bibliophile, 12 vol. , 1965-1966, tome huitième, « Le tournant du destin - L’Afrique sauvée, 1942-1943 », chap. XI : « La torche est allumée », p. 221-222.
↑Jean-Rémy Bézias et Jean-Louis Panicacci, L’occupation italienne. Sud-Est de la France, juin 1940 - septembre 1943 in : Cahiers de la Méditerranée n° 86, 2013, [2] mis en ligne le 13 décembre 2013, consulté le 14 février 2019 (préf.: Jean-Marie Guillon), Presses Universitaires de Rennes.
↑Éric Alary, La Ligne de démarcation – 1940-1944, op. cit., p. 265.
↑« Italie », Encyclopédie multimédia de la Shoah, sur le site memorial-wlc.recette.lbn.fr.
↑Robert O. Paxton, La France de Vichy 1940-1944 (préface de Stanley Hoffmann, traduction Claude Bertrand), Éditions du Seuil, 1973 ; rééd. 1997 ; réimp. Seuil, coll. « Points Histoire », novembre 1999, 475 p. (ISBN978-2-02-039210-5), p. 426-427 :
« Il était naturellement beaucoup plus facile de cacher des Juifs dans le midi de la France que dans le ghetto d'Amsterdam par exemple. […] Il n'en reste pas moins qu'en 1943 ce furent les Alpes occupées par les Italiens qui offrirent le refuge refusé par Vichy. »
« […] Nice ne cessait d'accueillir des réfugiés juifs qui fuyaient le Nord de la France […] phénomène qui s'accentua encore avec l'occupation du Midi par les troupes italiennes, fin 1942. […] Il convient de souligner que les Italiens avaient une attitude de tolérance à l'égard des Juifs français. Paradoxalement ils se montraient plus libéraux à notre égard que les autorités de notre pays ne l'avaient été. Les Allemands […] ne tardèrent d'ailleurs pas à condamner la relative bienveillance des Italiens, mais en pure perte. De sorte que, jusqu'à l'été 1943, le Sud-Est de la France constitua un refuge pour les Juifs […]. Nice vit ainsi sa population s'accroître de près de trente mille habitants en quelques mois seulement. […] Après le chute de Mussolini, dans l'été 1943, les Italiens […] quittèrent la région. On entra dans la tragédie. Le 9 septembre 1943, la Gestapo débarquait en force à Nice, avant même les troupes allemandes. […] Les arrestations massives commencèrent aussitôt. Elles étaient conduites par Alois Brunner […] »
↑(en) Lucio Monaco (trad. Corey Dimarco), « Borgo San Dalmazzo », Fondazione Memoria della Deportazione, sur le site deportati.it.
↑« Remond Paul », Comité français pour Yad Vashem, yadvashem-france.org, consulté le 10 avril 2010.
« [...] Cavallero told Pirelli [Alberto Pirelli] that Mussolini would have to make clear to their German ally' our disagreement on three points: treatment of the occupied countries, excesses towards Jews, and relation with the Papacy. »
↑(it) Giorgio Bocca, Storia d'Italia nella guerra fascista 1940-1943, éd. A. Mondadori, Milan, 1997 (1re édition 1969) (ISBN978-8804426998), p. 414.
Eddy Florentin, – L'invasion de la zone libre, éd. Perrin, Paris, 2000, 514 p. (ISBN2-262-01488-4).
Éric Alary, La Ligne de démarcation (1940-1944), éd. Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », no 3045, 1995, 128 p. (ISBN2130474160 et 978-2130474166).