Stella est une jeune femme issue de la classe ouvrière. Elle a l’ambition d’épouser Stephen Dallas, un homme issu d’une autre classe, montant ainsi dans la « haute ». Elle n’y arrivera pas, ou si mal, et Stephen sera de plus en plus distant vis-à-vis de Stella. Le ménage finit par sombrer, et Stella se retrouve seule avec sa fille Laurel, pour laquelle elle se bat afin de lui assurer un avenir meilleur. Seule Laurel, élevée tantôt chez sa mère, tantôt chez son père, parviendra à réaliser le rêve de sa mère, au prix du sacrifice affectif de cette dernière.
L’approche la plus évidente consiste à voir dans Stella Dallas un questionnement sur l’ascension sociale. En effet, Stella, d’origine modeste, va changer de classe sociale le temps d’un mariage. Elle déchantera vite, sans doute parce qu’elle veut rester elle-même dans un milieu où elle ne peut l’être. Le film présente l’échec de cette adaptation à cette classe sociale : pour elle, cela semble impossible, mais pour sa fille, l’espoir subsiste. Laurel a le sang nécessaire : son père fait partie de la classe convoitée.
Outre un aspect social assurément conservateur, Stella Dallas se caractérise par deux rôles principaux féminins, la mère Dallas et sa fille. Le film a donc été l’objet de nombreux articles sur ce thème, dont un de Linda Williams, suggérant que « la simple existence […] d’un regard féminin en tant que trait central du récit mérite un examen attentif ».
Autour du film
Nommée pour son interprétation de Stella Dallas, Barbara Stanwyck faillit ne pas avoir le rôle. King Vidor l’avait recommandée mais Samuel Goldwyn, le producteur, refusait d’en entendre parler en argumentant qu’elle était « trop jeune pour le rôle » et qu’elle « n’avait aucune expérience des enfants[1] ». Il voyait plutôt une actrice moins connue comme Ruth Chatterton[2] ou Gladys George. Après avoir fait passer des essais à différentes actrices[3], il consent à considérer Barbara Stanwyck et lui propose de faire elle aussi un essai. Mais elle refuse. Joel McCrea, acteur sous contrat avec Goldwyn et partenaire de Barbara Stanwyck dans La Loi du milieu, déclara : « Il n’y avait aucune raison pour qu’elle passe une audition. Elle avait fait des films avec William Wellman, George Stevens et John Ford ; Il pouvait voir ce qu’elle était capable de faire[1]. » Son agent artistique de l'époque, Zeppo Marx (le frère des Marx Brothers), insista pour qu’elle passe l’audition et elle finit par accepter[1]. Vidor lui fait tourner une scène : « L’essai de Stanwyck était incontestable. Elle faisait honte à toutes les autres[1] ». Elle eut le rôle et fournit, comme le considérèrent les critiques, ses admirateurs et elle-même, la meilleure interprétation de sa vie[1].
Le film fut l’une des grandes réussites de 1937 avec une recette de deux millions de dollars et un profit de plus de 500 000 dollars à Samuel Goldwyn[1]. Le film a été si populaire qu’il est devenu une série radiophonique le et diffusé pendant plus de 18 ans sur NBC[2].
Critique
« C’est encore le sacrifice d’une femme pour des raisons de « caste », mais cette fois au nom de l’amour maternel, King Vidor s’est attaqué à cette histoire banale afin de montrer sans doute qu’il n’est pas de thème médiocre pour un grand réalisateur. En vérité, il y réussit grâce à Barbara Stanwyck, qui, aux antipodes de Greta Garbo, parvient à nous émouvoir presque autant qu’elle. »
« Un grand mélodrame construit sur le sacrifice d'une mère. La peinture d'une société figée, dépossédant l'individu en raison de l'existence d'un découpage implacable en classes sociales. Le sacrifice personnel devient une pulsion irrépressible[4]. »
« Dans Stella Dallas, Vidor imposa Barbara Stanwyck à Goldwyn, et sa présence, sa force de conviction, son jeu très moderne apportent une ambiguïté à un sujet pourtant sentimental et lacrymal, apologie du sacrifice féminin[5]. »
« Stella Dallas transcende des données mélodramatiques pour aboutir (selon Louis Marcorelles) à l’un des deux « spécimens les plus achevés de la geste vidorienne » (l’autre étant Le Rebelle), dans la « passionnante tradition unanimiste » d’un Sinclair Lewis[6]. »
(fr) Laura Mulvey, “Visual Pleasure and Narrative Cinema”, Screen, 16:3, Autumn 1975, traduction partielle in Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud, « Vingt ans de théories féministes sur le cinéma », Cinémaction, numéro 57, 1993