Longtemps oublié, son œuvre est aujourd'hui considérée comme un chaînon significatif entre la tradition de l'opéra italien incarnée par Giovanni Paisiello et le bel cantoromantique de Gioachino Rossini. Il a en outre contribué à introduire dans la musique italienne certains des apports de la musique germanique, notamment la science de l'harmonie et une attention accrue portée à l'orchestration.
Biographie
Formation
Né en Bavière, Mayr est le deuxième des cinq enfants d'un organiste et maître d'école[1] de village, Joseph Mayr (1738–1807) et de sa femme Maria Anna Prantmayer, fille d'un brasseur d'Augsbourg. Son père lui donne ses premières leçons de musique[2], discipline pour laquelle il montre des dispositions précoces : à sept ans, il savait chanter à vue et à neuf il est déjà un pianiste confirmé, exécutant notamment les œuvres de Johann Schobert. Très jeune, il commence à composer des lieder et devient membre du chœur de l'église où son père tient l'orgue. Il poursuit l'étude de la musique très largement en autodidacte, apprenant lui-même à jouer de divers instruments à cordes et à vent.
Plusieurs auteurs soutiennent que, pendant ses études à Ingolstadt, Mayr fut en relations étroites avec les Illuminés de Bavière fondés par Adam Weishaupt et le baron de Bassus, dont les doctrines, tout comme les idéaux des Lumières dont elles sont inspirées, eurent une influence sur le développement de sa carrière musicale[5]. Mayr aurait été affilié aux Illuminati sous le nom d’Aristotiles et aurait également été franc-maçon[6],[7].
Après avoir quitté l'université, Mayr aurait tenu l'orgue de l'église des Augustiniens d'Ingolstadt, puis de la cathédrale en 1787[8]. En 1787 (ou 1786), il se rend en Italie pour compléter sa formation musicale. Il aurait suivi le baron de Bassus qui, après le séquestre de ses biens en Bavière, était allé s'installer en Suisse dans le canton des Grisons, à Poschiavo et, de là, serait passé en Valteline[6]. En , il compose une messe et des vêpres pour la fête annuelle du sanctuaire de Tirano en Lombardie[6]. À Bergame, il étudie auprès de Carlo Lenzi, maestro di cappella[2], avant d'aller à Venise en 1790, grâce à la protection du chanoine-comte Pesenti, pour étudier auprès de Ferdinando Bertoni, maître de chapelle de la Basilique Saint-Marc, composant essentiellement de la musique religieuse, notamment des oratorios pour l'hôpital des Mendicati, dont le premier s'intitule Jakob a Labano fugiens.
Premiers opéras et premiers succès
À Venise, Mayr fait la connaissance de Piccinni, revenu dans la cité des Doges en 1793 et de Peter von Winter, qui l'encouragèrent à écrire pour la scène lyrique. C'est à la Fenice – où l'on pense qu'il devait jouer plusieurs années dans l'orchestre comme altiste – qu'il produit son premier opéra, Saffo (1794)[2]. Son deuxième ouvrage, Lodoïska (1796), sur un sujet déjà traité par Cherubini, remporte un succès honorable et son premier opera buffa, Un pazzo ne fa cento, la même année, lui apporte la reconnaissance. Son premier véritable triomphe vient avec Ginevra di Scozia, donné en 1801 à Trieste.
Bientôt, ses opéras sont représentés dans toute l'Italie et dans toute l'Europe. Il reçoit des commandes de Milan (13 opéras), de Rome, de Florence, de Naples, de Venise (31 opéras) et de nombreux autres théâtres italiens, et ses ouvrages sont donnés également à Paris, Vienne, Londres, Dresde et Berlin. Il compose quelque soixante-dix opéras dont plusieurs eurent du succès. Le plus célèbre reste Medea in Corinto(de) créé au Teatro San Carlo de Naples en 1813.
Il épouse Angiola Venturali, fille d'un marchand vénitien, mais celle-ci meurt l'année suivante, en donnant naissance à leur enfant, qui meurt avant son premier mois. En 1804, il épouse la sœur cadette de sa première femme, Lucrezia Venturali († 1844), avec qui il eut une fille unique, Nina, en 1805[2], qui eut elle-même des descendants[9].
Cette stabilité fit de lui le personnage central de la vie musicale de Bergame, qui était particulièrement riche. Il y organisa des concerts, faisant notamment connaître la musique de Haydn, Mozart et Beethoven et fonda en 1805 les célèbres « Leçons charitables de musique » (Lezioni caritatevoli di musica) qui permettaient de former douze jeunes gens issus de familles pauvres. Elles permirent de découvrir le talent du jeune Gaetano Donizetti, qui lui resta toujours fidèle et ne cessa de reconnaître sa dette vis-à-vis de son ancien professeur. Ainsi, en 1840, lorsque la ville de Bergame lui rendit hommage en donnant une représentation de L'esule di Roma, Donizetti insista pour prendre Mayr dans sa loge afin que son vieux maître reçût sa part des applaudissements[10].
En 1809, Mayr fonda le « Pieux institut musical » (Pio istituto musicale), une institution charitable de secours aux musiciens nécessiteux et à leurs familles. En 1822, il participa à la création de l'Union philharmonique (Unione filarmonica), association de musiciens professionnels et amateurs et, en 1823, il fut élu président de l’Ateneo di scienze, lettere ed arti (Académie des sciences, lettres et arts de Bergame), poste qu'il occupa pendant une dizaine d'années.
Avec l'avènement de Rossini, les compositeurs d'opéras de la génération de Mayr se retrouvent brutalement éclipsés. Mayr se détourne progressivement de la scène lyrique pour se consacrer à nouveau à la musique sacrée et davantage à l'enseignement. D'autant plus qu'il est atteint de cataracte, il voit sa vue décliner à partir de 1822. Après une opération ratée, il devient complètement aveugle en 1826. Il donne son dernier opéra, Demetrio, en 1824. Il rend visite à sa sœur en Bavière en 1838, après quoi il ne quitte plus Bergame.
Il meurt d'une attaque à l'âge de 82 ans et est enterré dans la Basilique de Bergame, à peu de distance de son élève Donizetti.
Œuvres
Mayr totalise quelque 600 œuvres dont environ 70 opéras.
Un pazzo ne fa cento (autres titres : I rivali delusi ; La contessa immaginaria), dramma giocoso en 2 actes, livret de Giuseppe Foppa d'après Il conte villano de D. Somigli, Venise, Teatro San Samuele, 8 octobre
Telemaco nell'isola di Calipso, dramma per musica en 3 actes, livret d'Antonio Simone Sografi, Venise, Fenice, 16 janvier
Il segreto, Venise, Teatro (Zane a) San Moisè, 24 septembre
L'intrigo della lettera (autre titre : Il pittore astratto), farce en un acte, livret de Giuseppe Maria Foppa d'après L'intrigue épistolaire de Fabre d'Églantine, Venise, Teatro (Zane a) San Moisè, 24 septembre
Adriano in Siria, dramma per musica en 3 actes, livret de Pietro Metastasio, Venise, Teatro San Benedetto, 23 avril (ou 23 mai ?)
Che originali! (autres titres : Il trionfo della musica ; Il fanatico per la musica ; La musicomania), farce en 1 acte, livret de Gaetano Rossi d'après La musicomanie de Nicolas-Médard Audinot), Venise, Teatro San Benedetto, 18 octobre
Labino e Carlotta (autres titres : Werter e Carlotta, Sabino e Carlotta), farce en un acte, livret de Gaetano Rossi, Venise, Teatro San Benedetto, 9 octobre
L'avaro, farce en un acte, livret de Gaetano Rossi d'après L'Avare fastueux de Carlo Goldoni, Venise, Teatro San Benedetto,
Lodoiska [version révisée 1], dramma per musica en 2 actes, livret de Gaetano Rossi d'après Claude-François Fillette-Loraux, Milan, Teatro alla Scala, 26 décembre
Gli sciti, dramma per musica en 2 actes, livret de Gaetano Rossi d'après Les Scythes de Voltaire, Venise, Fenice, 21 février
La locandiera, dramma giocoso en 2 actes, livret de Gaetano Rossi d'après Carlo Goldoni, Vicence, Teatro Berico, printemps
Il caretto del venditore d'aceto (autres titres : L'oro fa tutto, L'acetaio, Il barile portentoso), farce en un acte livret de Giuseppe Foppa d'après La Brouette du vinaigrier de Louis-Sébastien Mercier, Venise, Teatro Sant' Angelo, 28 juin
L'equivoco, ovvero Le bizzarie dell'amore (autres titres : I due viaggiatori, I castelli in aria ossia Gli amanti per accidente), dramma giocoso en 2 actes, livret de Giuseppe Foppa d'après Les Châteaux en Espagne de Jean-François Collin d'Harleville, Milan, Teatro alla Scala, 5 novembre ; reprise : Venise, Teatro San Benedetto, mai 1802 ; Florence, Risoluti (Teatro di via S Maria), été 1804
L'imbroglione e il castiga-matti, farce en un acte, livret de Giuseppe Foppa, Venise, Teatro (Zane a) San Moisè, 19 novembre
Le due giornate (autre titre : Il portatore d'acqua), dramma eroicomico per musica en 3 actes, livret de Giuseppe Foppa d'après Les Deux journées de Jean-Nicolas Bouilly, Milan, Teatro alla Scala, 18 août
Argene, dramma eroica per musica en 2 actes, livret de Gaetano Rossi, Venise, Fenice, 16-28 décembre
I virtuosi (autre titre : I virtuosi a teatro), farce en un acte, livret de Gaetano Rossi, Venise, Teatro San Luca, 26 décembre
I misteri èleusini (autres titres : Antinoo in Eleusi, Polibete), dramma per musica en 2 actes, livret de Giuseppe Bernardoni, Milan, Teatro alla Scala, 6 janvier (ou 16 janvier ?)
Le finte rivali, melodramma giocoso en 2 actes, livret de Luigi Romanelli, Milan, Teatro alla Scala, 20 août
Alonso e Cora, dramma per musica en 2 actes, livret de Giuseppe Bernardoni d'après Les Incas de Jean-François Marmontel, Milan, Teatro alla Scala, 26 décembre ; reprises : Vienne, 1804 ; en version allemande : Francfort-sur-le-Main, 1805 ; nouvelle version : Naples, Teatro San Carlo, 1815 ; en version allemande : Vienne, 1822 (avec compléments de musique de Joseph Weigl)
Amor non ha ritegno (autre titre : La fedeltà delle verdove), melodramma eroicomico en 2 actes, livret de Francesco Marconi d'après La donna contraria al consiglio de Carlo Gozzi, Milan, Teatro alla Scala, 18 mai
Elisa ossia Il Monte San Bernardo (autre titre : Il passagio di Monte San Bernardo), dramma sentimentale per musica en un acte, livret de Gaetano Rossi d'après Eliza ou Le Voyage aux glaciers du Mont St. Bernard de Saint-Cyr, Venise, Teatro San Benedetto, 5 juillet
Zamori, ossia L'eroe dell'Indie, dramma serio per musica en 2 actes, livret de Luigi Prividali, Plaisance, 10 août
Eraldo ed Emma, dramma eroico per musica en 2 actes, livret de Gaetano Rossi, Milan, Teatro alla Scala, 8 janvier
Di locanda in locanda e sempre in sala, farce en un acte, livret de L. Giuseppe Buonavoglia d'après D'auberge en auberge ou Les Préventions d'Emmanuel Dupaty, Venise, Teatro (Zane a) San Moisè, 5 juin
L'amor coniugale (autre titre : Il custode di buon cuore), farce sentimentale en un acte, livret de Gaetano Rossi d'après Léonore ou L'Amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly, Padoue, Teatro Nuovo, 26 juillet
La roccia di Frauenstein (autre titre : Gli emigrati di Franconia), melodramma eroico en 2 actes, livret de Gaetano Rossi d'après I fuorusciti d'Angelo Anelli, Venise, Fenice, 26 octobre
Belle ciarle e tristi fatti (autre titre : L'imbroglio contro l'imbroglio), dramma giocoso en 2 actes, livret d'Angelo Anelli, Venise, Fenice, 11 janvier (ou novembre ?)
Nè l'un, nè l'altro, dramma giocoso en 2 actes, livret d'Angelo Anelli, Milan, Teatro alla Scala, 17 août
L'amor filiale (autre titre : Il disertore), farsa sentimentale en un acte, livret de Gaetano Rossi d'après Le Déserteur de Michel-Jean Sedaine, Venise, Teatro (Zane a) San Moisè, 11 février
Tamerlano, melodramma serio en 2 actes, livret de Luigi Romanelli d'après L'Orphelin de la Chine de Voltaire et Tamerlan d'Étienne Morel de Chédeville, Milan, Teatro alla Scala, 26 décembre
Elena (autre titre : Elena e Costantino), dramma eroicomico per musica en 2 actes, livret d'Andrea Leone Tottola, Naples, Teatro (San Giovanni) dei Fiorentini, 28 janvier
Atar, ossia Il serraglio d'Ormus (autre titre : Il serraglio d'Osmano), melodramma serio en 2 actes, livret de Felice Romani d'après Tarare de Beaumarchais, Gênes, Teatro San Agostino, 18 juin
Le due duchesse, ossia La caccia dei lupi (autre titre : Le due amiche), dramma semiserio per musica en 2 actes, livret de Felice Romani d'après Edgar ou La chasse aux loups de Louis-Charles Caigniez, Milan, Teatro alla Scala, 7 novembre
Cora [rev. : Alonso e Cora], dramma per musica en 3 actes, livret du marquis Francesco Maria Berio di Salsa(ca) d'après Les Incas de Jean-François Marmontel, Naples, Teatro San Carlo, 26 mars
Mennone e Zemira (titre initial : La figlia dell'aria, ossia La vendetta di Giunone), dramma per musica en 3 actes, livret de Gaetano Rossi, Naples, Teatro San Carlo, 22 mars
Amor avvocato, commedia per musica en un acte, Naples, Teatro (San Giovanni) dei Fiorentini, printemps
Alfredo il grande, re degli Anglo Sassoni, melodramma serio en 2 actes, livret de Bartolomeo Merelli d'après Eraldo ed Emma de Gaetano Rossi, Bergame, Teatro della Società, 26 décembre
David in spelunca Engeddi, oratorio en latin et italien, pour cinq solistes féminins, chœur et orchestre, livret de Giuseppe Foppa, Venise, 1795
Il sacrificio di Iefte, oratorio en italien, Forlì
Il ritorno di Jefte, o Il voto incauto, oratorio en italien, livret de Jacopo Ferretti, Rome, 1814 (perdu)
Gioas salvato, oratorio en italien, Palerme, 1816-17 (perdu)
Ifigenia in Tauride, azione sacra drammatica per musica in forma scenica, d'après Apostolo Zeno, Florence, 1817 (perdu)
Samuele, oratorio en deux parties en italien, livret de Bartolomeo Merelli, Bergame, 1821
Atalia(de), dramma sacro per musica con apparato scenico, livret de Felice Romani, Naples, 1822
San Luigi Gonzaga, oratorio en italien, livret de P. Cominazzi, Bergame, 1822
Autre musique sacrée
18 messes dont :
Messe en do mineur pour solistes, chœur et orchestre, 1826
7 requiems dont :
Grande Messa da Requiem, 1815
277 mouvements de messe
28 mouvements de requiem
111 mouvements de messes funèbres
159 mouvements de vêpres
43 hymnes
14 antiennes
29 compositions pour la Semaine Sainte
13 motets
11 divers
Musique instrumentale
Musique symphonique
57 symphonies
2 symphonies concertantes
2 concertos pour pianoforte
2 ballets
3 intermezzos
3 marches
Musique de chambre
3 sonates pour pianoforte et autres instruments
8 sonates à 6 pour instruments à vent
13 septuors pour instruments à vent
3 octuors pour instruments à vent
2 septuors pour cordes et vents
Quintette à cordes
12 Bagatelles, pour vents.
Œuvres pour clavier
4 sonates
10 symphonies
58 études
10 divertimenti
Sonate pour orgue
2 symphonies pour orgue
Postérité
En 1875, Bergame rendit un hommage solennel et simultané à Donizetti et Mayr, à l’occasion du transfert de leurs cendres dans la Basilique de Santa Maria Maggiore. Amilcare Ponchielli composa une cantate à cette occasion.
La ville d'Ingolstadt s'attache à la préservation de la mémoire de Mayr. En 1998, elle a ainsi produit l'opéra bouffe Che Originali !, représenté au théâtre d'Ingolstadt et au château de Sandersdorf[1]. En 1995, une Société internationale Simon Mayr a été fondée à Ingolstadt[1].
↑Fétis 1868, Selon d'autres sources, il serait entré à l'université en 1781 et y aurait étudié la théologie et le droit canon, p. 41.
↑Massimo Lardi, Il barone de Bassus, L'ora d'oro, Poschiavo 2009, p. 285-293.
↑Ces auteurs se fondent notamment sur les notes ou zibaldone compilées par Mayr vers la fin de sa carrière (Source : Wikipédia anglophone). Ils font également observer que l'interruption de ses études universitaires en 1785 coïncide avec l'expulsion des étudiants suspectés d'illuminisme de l'université d'Ingolstadt.
↑Ce n'est pas un hasard si Bergame avait choisi, pour rendre hommage à l'enfant du pays, un ouvrage de 1828 dans lequel l'enseignement et l'influence de Mayr sont encore sensibles, depuis le choix du sujet tiré de la Rome antique jusqu'à l'orchestration en passant par l'écriture vocale.
Voir aussi
Bibliographie et sources
(it) Adolfo Gustavo Maironi Daponte, Componimenti per il settantesimo ottavio natalizio del celebre maestro Gio. Simone Mayr, éd. Ian Caddy (nouvelle édition d'un ouvrage publié en 1841 avec traduction anglaise ou allemande)