Les espèces de Rhizopogon se trouvent principalement en association ectomycorhizienne avec les arbres de la famille des Pinaceae et sont des symbiotes particulièrement communs des Pins, des Sapins et des Sapins de Douglas. Grâce à leurs relations ectomycorhiziennes, les espèces de Rhizopogon jouent un rôle important dans l'écologie des forêts de conifères. Des points de vue morphologique et phylogénétique moléculaire, Rhizopogon est un membre des Boletales étroitement lié à Suillus[1].
Description
Les caractères morphologiques généraux du genre Rhizopogon sont un péridium simplex ou duplex entourant une gléba dépourvue de columelle. Les spores sont produites par l'hyménium qui tapisse la surface intérieure de la gléba. Le péridium est souvent orné de cordons mycéliens épais, appelés rhizomorphes, qui fixent le sporophore au substrat environnant.
Systématique et taxonomie
Le genre Rhizopogon est créé par Elias Magnus Fries en 1817 avec pour espèce typeRhizopogon luteolus . Ce nom est construit à partir du grec ancien ῥίζα, riza (« racine ») et πώγων, pôgôn (« barbe »), en référence aux rhizomorphes. Une monographie des espèces nord-américaines est réalisée par Alexander H. Smith en 1966[2] alors qu'il faut attendre 1996 pour que les espèces européennes soient étudiées par la Catalane María Paz Martin Esteban[3]. Les méthodes de phylogénétique moléculaire des années 2000 ont permis la révision taxonomique du genre du point de vue génétique[4].
Bien que son aire de répartition couvre la majeure partie de l'hémisphère Nord, la diversité de ses espèces de Rhizopogon n'est bien caractérisée qu'en Amérique du Nord et en Europe. Plus de 150 espèces sont reconnues. Leurs caractères morphologiques variant fortement au cours de la maturité du sporophore, cela a conduit à de multiples descriptions provenant de divers stades de développement d'une seule et même espèce. La taxonomie moderne reconnaît cinq sous-genres : Rhizopogon, Versicolores, Villosuli, Amylopogon et Roseoli[4].
Distribution
Le genre Rhizopogon est présent dans toute l'aire de répartition naturelle et introduite des arbres de la famille des Pinaceae, principalement les Pins. En effet, de nombreuses espèces ont suivi les migrations européennes au cours des derniers siècles comme l'espèce nord-américaine Rhizopogon pseudoroseolus introduite accidentellement en Australasie avec le Pin de Monterey et Rhizopogon luteolus intentionnellement. Leur distribution mondiale participe à l'homogénocène, c'est-à-dire à l’homogénéisation des écosystèmes de la planète[5].
Écologie
Les espèces de Rhizopogon sont dispersées par endozoochorie, c'est-à-dire que ses sporocarpes sont consommés par des micromammifèresmycophages comme le Campagnol à dos roux de Californie[6],[7] ainsi que des cerfs[8] ; ces animaux déplaçant les spores à travers la forêt par leurs déjections. Leur viabilité est maintenue, voire augmentée par le passage dans leur système digestif[9],[10].
Les espèces de Rhizopogon forment communément des ectomycorhizes autour des racines des arbres aussi bien lors de l'établissement des semis et qu'avec les peuplements forestiers anciens[11],[12]. Leurs spores ont une longue durée de vie dans le sol ; certaines peuvent persister pendant au moins quatre ans voire dix[13].
La présence d'espèces de Rhizopogon est un facteur important de la régénération des peuplements forestiers après perturbations. Ce sont des colonisatrices abondantes des racines des jeunes semis d'arbres de cultures en pot comme en plein champs. Elles sont également communes sur les racines des semis qui s'établissent après le passage du feu ou après les coupes rases de l'exploitation forestière[14],[15],[16],[17],[18]. L'activité enzymatique confère également des avantages compétitifs aux arbres matures, en aidant à décomposer les nutriments dans le sol, dont les composés azotés[19],[20].
Les enzymes exsudées par certaines espèces du sous-genre Amylopogon sont essentielles pour activer la germination des graines chez des espèces de Monotropoideaemycohétérotrophes comme Pterspora andromedeae, dont elles sont les hôtes symbiotiques obligatoires[21].
Usages en sylviculture
La première utilisation intentionnelle d'espèces de Rhizopogon en sylviculture remonte au début du XXe siècle, lorsque Rhizopogon luteolus est délibérément introduit dans des plantations de Pin de Monterey en Australie occidentale. Indispensables aux plantations de Pins et de Sapins de Douglas, elles permettent une survie et un développement des semis plus efficace que d'autres genres mycorhiziens[22].
Usages culinaires
Bien que ce genre soit considéré comme comestible, la plupart de ses espèces ne sont pas tenues en haute estime. Une exception notable est Rhizopogon roseolus qui est considéré comme un mets délicat au Japon où il est traditionnellement connu sous le nom de shōro. Il y est cultivé depuis la fin des années 1980[23].
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