Réforme des retraites en France en 2013-2014Loi retraites
Lire en ligne La réforme des retraites en France de 2013-2014, réalisée sous la mandature de François Hollande, portée par sa ministre des Affaires sociales Marisol Touraine et promulguée en janvier 2014[1], a augmenté la future durée de cotisation donnant droit à une retraite à taux plein, dans le sillage de la précédente réforme de l'automne 2010 et de celles de 2003 et de 1993, ce qui fait que les écologistes, le PCF et 17 députés socialistes refusent de la voter. Pour décourager les manifestations organisées par 4 des 5 premiers syndicats, cette augmentation est très étalée dans le temps: la durée de cotisation de 43 ans n'interviendra qu'à un horizon de 22 ans, à partir de l'année 2035, et restera conditionnée à la croissance de l'espérance de vie. En contrepartie, le gouvernement apporte immédiatement deux innovations sociales importantes proposées par le syndicat CFDT, la validation plus facile de trimestres de cotisation pour les jeunes en stages, et la création du compte pénibilité. La réforme vise assurer, à un horizon de 7 ans à 20 ans, l'équilibre financier du système français de retraites par répartition, pour se prémunir contre le scénario, alors toujours en cours, de poursuite de l'augmentation rapide de l'espérance de vie constatée jusqu'à la dernière décennie du XXème siècle, mais qui sera ensuite déjoué par le retour à une quasi-stagnation sur la seconde partie des années 2010 et le début des années 2020. La réforme décide aussi une hausse des cotisations sociales salariales et patronales, très graduelle aussi, qui ne vise donc pas à remplir les caisses immédiatement car seulement la moitié est applicable en 2014 et le reste étalé de 2015 à 2017. Sa modicité (0,3% au total) vise plutôt à rassurer les employeurs en leur donnant une visibilité à moyen terme mais échoue à les séduire en raison du climat politique détérioré, qui permet l'expression d'un "ras-le-bol" fiscal. ContexteContextes social et politique, promesses de François HollandeFrançois Hollande avait dès avril 2010, sur le plateau de télévision de l'émission "C politique", posé un principe au centre de sa doctrine, lier la croissance de l'espérance de vie et la durée de cotisation"[2], à une époque où cette espérance de vie progressait encore rapidement, suscitant des craintes pour l'avenir, avant de revenir à une quasi-stagnation sur la seconde partie des années 2010 et le début des années 2020. Durant la campagne présidentielle 2012, il promet de faire revenir "l'âge de départ sans décote à 65 ans"[2], l'augmentation de cet âge à 67 ans étant le point le plus contesté de la réforme de 2010, mais la réforme de 2013 abandonne en fin de parcours cette promesse. Il promet aussi, avant son élection de 2012, "une redéfinition de l’âge légal de départ" et "la prise en compte de la pénibilité"[3], sans écarter une hausse de la durée de cotisation, mais sans non plus se prononcer précisément[4], semblant valider le maintien d'une durée de 41 ou 42 ans, en annonçant qu'il va rétablir immédiatement après son élection et par décret le droit au départ à la retraite à 60 ans pour les salariés ayant à la fois 41 années de cotisations et commencé à travailler à 18 ans ou avant[3],[4]. Cette promesse, en retrait sur le programme de son parti politique, qui promet alors le retour à un âge légal de 60 ans quel que soit l'âge du premier emploi, est au centre des débats de la très suivie primaire socialiste de l'automne 2011, y compris celui du 2ème tour face à Martine Aubry où la question est de savoir si on l'étend ou non à ceux ayant commencé à travailler à 19 ans[2]. Parfois accusé de "variations" et de "mentir" pendant la campagne[2], François Hollande perd ensuite du terrain tous les mois dans les sondages face à son rival Nicolas Sarkozy puis tient cette promesse mais très partiellement: le décret qui entre après en application, le 1er novembre 2012, a des modalités "extrêmement restrictives", ne concernant que 28000 personnes[3], alors que la promesse en concernait cinq fois plus[4], tandis que les trimestres pouvant être validés au titre du chômage, autre promesse socialiste, sont plafonnés à deux. Dès son interview au journal télévisé du 10 mai 2012, quatre jours après son élection, il n'évoque plus la possibilité de mettre à contribution les revenus du capital, pourtant évoquée par le Parti socialiste lors du débat sur la réforme des retraites de 2010[3]. Après son élection aussi, le contexte social vire assez rapidement aux divisions au sein du gouvernement, jusqu'à l'intérieur du parti socialiste, qui se sont se sont envenimées fin 2012 autour de deux dossiers, l'Affaire Cahuzac et la fermeture du haut-fourneau d'ArcelorMittal à Florange, en Lorraine, que François Hollande avait visité juste avant son élection, en promettant de veiller à sa sauvegarde. Le leader local de la CFDT d'ArcelorMittal Edouard Martin est d'abord soutenu par le ministre du redressement industriel Arnaud Montebourg, mais qui est brouillé avec son supérieur Pierre Moscovici. La CFDT d'ArcelorMittal déclare ensuite la guerre en décembre 2012 au premier ministre Jean-Marc Ayrault, se disant "écoeuré" par le feu vert du gouvernement à la fermeture du site[5]. Un mois après, en janvier, la porte-parole du Parti socialiste espère encore que la durée de cotisation pour une retraite à taux plein ne sera pas augmentée mais elle est démentie par le ministre du budget Jérôme Cahuzac, qui finalement démissionner le 19 mars 2013 après trois mois d'accusations de fraude fiscale du site d'informations Médiapart, lancées à partir du 4 décembre 2012, qui sont mal vécues au sein du gouvernement, notamment par Pierre Moscovici qui en sera nommé commissaire européen au sein de la commission Juncker. Contexte européen et financierLa réforme vise à préserver à long terme l'équilibre financier du système français de retraites par des réformes qui entreront en vigueur à un horizon de 7 à 20 ans plus tard, face au scénario de la poursuite d'une forte augmentation de l'espérance de vie. Ce scénario induit le risque d'un déficit de 20 milliards d'euros en 2020[6]. Cette augmentation de l'espérance de vie avait inspiré d'autres réformes des retraites, dont la précédente de l'automne 2010, la grande réforme de 2003 ou la réforme du gouvernement Balladur de 1993[7]. En 2013, la France bénéficie, à la différence de l'Italie, "d'une sorte d'état de grâce sur les marchés" financiers, où elle continue "de s'endetter à bon marché", même si ce n'est pas aussi bon marché que l'Allemagne. Mais plusieurs responsables européens, sans oser "le dire tout haut, déplorent que François Hollande n'ait pas plus cherché, par ce projet, à "crédibiliser sa politique économique" à la hauteur de celle d'Angela Merkel, un "enjeu européen" de la réforme selon Le Monde. Parmi eux, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, lâche une "petite phrase" disant qu'il "attendait davantage sur le front des retraites", ce qui vexe le ministre de l'Economie Pierre Moscovici[8], soucieux de faire valoir "la première réforme des retraites de l'histoire menée par la gauche"[9] et qui est promu commissaire européen à Bruxelles l'année suivante. Calendrier des annoncesNajat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement rappelle le 28 janvier 2013 sur RMC/BMFTV la position du Parti socialiste, précisant que “n'est à l'ordre du jour [de la réforme] ni le fait de travailler plus longtemps, ni le fait de réduire les pensions, ni le fait d'augmenter les cotisations”[10], mais peu après le ministre du budget Jérôme Cahuzac la contredit en déclarant qu'il voit "un consensus, l'allongement de l'espérance de vie doit se partager entre temps travaillé et temps retraité". Une conférence sociale a lieu en juin et juillet, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine[11] réunissant les syndicats de salariés et organisations patronales, précédée par la désignation d'une commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, qui remet son rapport en juin 2013 au Premier ministre[12],[13]. Jean-Marc Ayrault a ensuite dévoilé les axes principaux au journal télévisé le , en soulignant que l'âge de départ à la retraite à 62 ans ne sera pas modifié[11]. Plusieurs jours après est révélé que la réforme prévoit aussi un allongement de la durée de cotisation à 43 ans en 2035[14], quand les arbitrages sont détaillés par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le [15],[16]. Il reconnait alors que l'allongement de la durée de cotisation pour bénéficier du taux plein repousse de fait l'âge effectif du départ en retraite[17] L'information qu'un compte pénibilité entrera en vigueur dès 2015 avait au contraire été révélée par le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly 15 jours avant le premier discours d'Ayrault[18]. Le gouvernement avait aussi envisagé, avant d'y renoncer, la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions des parents de 3 enfants et plus, l'alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs[19]. Il y a renoncé en août, sur fond de montée, dans les grands médias, du débat sur le "ras-le-bol fiscal"[17]. Principales mesures de la réformeTaux des cotisations salariales et patronales
Durée de cotisation pour une retraite sans décôteLe gouvernement souhaite que la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein, qui aura atteint 41 ans en 2012, soit portée à 41 ans et trois mois à partir de 2013, ce qui concerne les générations 1953 et 1954. Cet allongement correspond à une mise en oeuvre d’un principe posé par la réforme Fillon de 2003, qui prévoyait que la durée de cotisation devait évoluer en fonction des gains d’espérance de vie en France. «Compte-tenu des estimations actuelles de l'Insee, la durée de cotisations devrait être de 41,5 ans en 2020», indique le gouvernement, suggérant que ce rythme n'était pas gravé dans le marbre.
La promesse socialiste de revenir à l'âge de 65 ans[2] venait du fait que les experts s'étaient aperçus que la création d'une décote a pénalisé les femmes ayant eu des carrières atypiques et les salariés incapables de cotiser plus longtemps, faute d'avoir retrouvé un emploi. Lors de la réforme suivante, celle d'Elisabeth Borne en 2023, la durée de cotisation de 43 ans est fixée à un horizon beaucoup moins éloigné que dans celle de 2013, car entre temps des exonérations massives de cotisations sociales pour les entreprises ont été mises en place, créant un manque de recettes, car elles font plus qu'effacer la hausse de 0,5% des cotisations sociales décidées en 2013, applicable à partir de 2015. La durée de cotisation nécéssaire pour une retraite à taux plein, dans les réformes Touraine et Borne, selon l'âge de naissance des personnes, dans les deux réformes.
Mesures complémentaires pour compléter ou aménager les mesures-pharesCompte personnel de prévention de la pénibilitéLe projet prévoit la mise en place d'un « compte personnel de prévention de la pénibilité » financé par les entreprises en 2015[6].
RéactionsPartis politiquesDroite
Gauche
Extrême-gauche
SyndicatsSyndicats de salariés
Syndicats patronaux
Économistes
Banquiers d'affaires
Parcours législatifLe débat, commencé début à l'assemblée [11], est rapide. Le , l'Assemblée l'adopte en première lecture par 270 voix (venant du seul PS) contre 249 voix (UMP, UDI et PCF). Trois partis partenaires gouvernementaux du PS expriment leur mécontentement sur le texte finalement proposé. Les Verts et les radicaux de gauche se sont abstenus ainsi que 17 députés socialistes, représentant de l'aile gauche du parti (notamment Pouria Amirshahi, Pascal Cherki, Jérôme Guedj, Razzy Hammadi et Mathieu Hanotin), ces derniers se déclarant « très réservés sur l'allongement de la durée de cotisation ». Le PCF a voté contre, le président des députés communistes André Chassaigne dénonçant « un projet anti-social, indigne d'un gouvernement de gauche » alors qu'Arnaud Robinet (député UMP) a reproché au gouvernement de « pénaliser les gens qui ont cotisé toute leur vie »[27]. Le Sénat, alors contrôlé par la gauche depuis 2012, rejette le texte par deux fois. Finalement, en seconde lecture à l'Assemblée, la loi est adoptée définitivement le [28]. En parallèle, les augmentations de taux de cotisation sont réalisées par décret, sans article dans la loi. Selon un article favorable dans Le Monde, l'opposition des députés du Front de gauche et de la gauche du PS aurait été atténuée par le fait qu'"aucune mesure" de baisse des droits et pension s'appliqud "avant 2020", soit sept ans plus tard[9] et des mesures en faveur des jeunes jusqu'à leur "permettre de cotiser de manière limitée pendant les périodes de stage"[9] et la réfore est "finalement passée comme une lettre à la poste" avec un examen "achevé plus tôt que prévu"[9], l'opposition de droite se "gardant de mener une véritable guérilla de procédure" malgré "l'absence de mesure visant spécifiquement les fonctionnaires et les régimes spéciaux"[9] ou sur "la convergence des régimes". Impact de la réforme
Articles connexesGénéralité sur les retraites
Principaux paramètres des retraites en France
Dispositifs des retraites en France
Réformes des retraites en France
Mouvements sociaux de défense des retraites
Notes et références
AnnexesArticles connexesLiens externes |