Il existe deux suites de polynômes de Tchebychev, l'une nommée polynômes de Tchebychev de première espèce et notée Tn et l'autre nommée polynômes de Tchebychev de seconde espèce et notée Un (dans les deux cas, l'entier natureln correspond au degré).
Une définition alternative de ces polynômes peut être donnée par les relations trigonométriques :
,
ce qui revient, par exemple, à considérer Tn(cos θ) comme le développement de cos(nθ) sous forme de polynôme en cos θ.
Contrairement à d'autres familles de polynômes orthogonaux, tels ceux de Legendre, d'Hermite ou de Laguerre, les polynômes de Tchebychev n'ont pratiquement pas d'application directe en physique. En revanche, ils sont particulièrement utiles en analyse numérique pour l'interpolation polynomiale de fonctions. En premier lieu, en ce qui concerne le choix des points d'interpolation, comme les zéros de Tn(x) ou abscisses de Tchebychev, en vue de limiter le phénomène de Runge. Également, ils constituent une base alternative de polynômes par rapport à la base canoniqueXn de des polynômes de Lagrange, ce qui permet d'améliorer sensiblement la convergence[1]. Ils sont notamment utilisés pour le calcul des éphémérides astrononomiques[2]
Polynômes de Tchebychev de première espèce
Il existe plusieurs possibilités pour définir cette famille de polynômes. La plus simple est par la relation de récurrence, qui permet de générer rapidement l'expression des différents polynômes. Toutefois, une telle définition ne permet guère d'établir les propriétés générales de ces polynômes, en premier lieu leur orthogonalité, aussi une autre définition, à partir des propriétés des fonctions trigonométriques, doit être envisagée.
Définition par la relation de récurrence
La définition classique des polynômes de Tchebychev de première espèce est le plus souvent donnée par la relation de récurrence suivante :
.
Par récurrence, Tn est un polynôme de degré n.
Les premiers polynômes de Tchebychev de première espèce sont :
Le caractère orthogonal des polynômes Tn découle alors directement de celui des fonctions cos(nθ). Plus précisément, cette formule de Simpson montre de plus que les polynômes Tn sont orthogonaux par rapport à la fonction poids . En effet, pour deux entiers naturels n et p et avec le changement de variable x = cos θ, il vient
Cette propriété se démontre aisément en considérant la forme trigonométrique de Tn, le cas x = 1 correspondant à θ = 0. On a aussi , qui découle de la
symétrie .
Quels que soient les entiers naturels m et n, et .
Pour tout entier n strictement positif, le coefficient dominant de Tn est 2n–1 et ses n racines sont
.
Pour tout entier n > 0, les extremums de Tn sur l'intervalle [–1, 1] sont atteints en
(ce sont –1, 1 et les racines de Un–1), et .
La parité dépend de n : .
Représentation intégrale : où C est un contour du plan complexe parcouru dans le sens trigonométrique, contenant zéro et excluant les zéros de 1 – 2xz + z2.
Les polynômes de seconde espèce Un peuvent se définir par la même relation de récurrence que ceux de première espèce, avec des premiers termes différents :
.
Par récurrence, Un est un polynôme de degré n.
Les premiers polynômes de Tchebychev de seconde espèce sont :
.
Définition trigonométrique
De la même façon que pour ceux de première espèce, les polynômes Un peuvent se définir alternativement par la forme trigonométrique de leur fonction polynomiale associée sur ]–1 ; 1[. On montre en effet[N 3] que pour tout n :
.
Là encore, le caractère orthogonal des polynômes Un découle directement de celui des fonctions . Plus précisément, comme :
.
En exprimant cette intégrale en fonction de la variable x = cos θ, on en déduit que les polynômes Un sont orthogonaux par rapport à la fonction poids :
.
Équation différentielle
Pour tout n, la fonction est solution de l'équation différentielle linéaire homogène d'ordre 2 à coefficients constants[N 2] :
.
Par suite, les polynômes de Tchebychev de seconde espèce sont solutions de l'équation différentielle formelle :
Tchebychev a découvert ces familles en travaillant sur le problème de convergence des interpolations de Lagrange.
On peut démontrer qu'en choisissant les racines des polynômes de Tchebychev comme points d'interpolation, on minimise les écarts (cf. phénomène de Runge). Dans ce contexte, les a(n) k indiqués ci-dessus, éventuellement ajustés à un autre intervalle d'interpolation [a, b] (par une transformation affinex ↦ b – a/2x + b + a/2), sont appelés les abscisses de Tchebychev.
En effet, on peut montrer que l'erreur entre la fonction interpolée et le polynôme d'interpolation aux points x0,...,xn sur [a, b] s'exprime en
.
L'idée fut donc de minimiser pour n points donnés. Tchebychev montra que dans le cas où l'intervalle est [–1, 1] et la répartition des points est symétrique, le polynôme optimal prend les valeurs –L et +L alternativement et n + 1 fois exactement (on dit que le polynôme présente une alternance de Tchebychev[3]). C'est cette propriété qui permet de déduire que les abscisses de Tchebychev sont les meilleurs points d'interpolation pour minimiser les oscillations du polynôme d'interpolation et donc obtenir la meilleure convergence possible.
Enfin, ils permettent une explication théorique de l'efficacité supérieure de la transformée en cosinus discrète dans le cadre de l'interpolation d'un signal numérique échantillonné, par rapport à d'autres méthodes comme le « zéro-padding + filtrage passe-bande ».
Autres types de polynômes de Tchebychev
Dans la continuité des travaux de Tchebychev, d'autres familles de polynômes ont été définies comme des polynômes du type de Tchebychev, dans le sens où elles apparaissent également dans l'approximation numérique de fonctions.
les polynômes de Tchebychev du troisième type vérifient[4],[5]:
,
les polynômes de Tchebychev du quatrième type vérifient[4]
Les cinq familles de polynômes vérifient toutes la même relation de récurrence avec , seul le terme diffère, étant égal respectivement à , , , et [7].
Notes et références
Notes
↑Pour cette démonstration, précédée d'une mise en évidence plus directe des polynômes de Tchebychev de première et de seconde espèce, utilisant la formule de Moivre et la formule du binôme, voir par exemple cet exercice corrigé de la leçon « Sommation » sur Wikiversité.
↑ a et bLes solutions de cette équation forment un plan vectoriel, dont les deux solutions évidentes et constituent une base (orthogonale).
↑Il est encore possible de dire que le polynôme Tn est une fonction propre de l'opérateur linéaire autoadjoint, pour la valeur propre-n2. L'orthogonalité entre les polynômes résulte de l'orthogonalité entre les fonctions propres d'un opérateur autoadjoint correspondant à des valeurs propres distinctes.
↑Si n est pair, sin((n+1)θ) = Un(cos(θ)) sin(θ) peut donc s'exprimer comme un polynôme en sin θ
↑ a et bCf. par exemple (en) George B. Arfken, Mathematical Methods for Physicists, 3e éd., Academic Press, 1985 (ISBN0-12-059820-5), § 13.3 et § 13.4.
↑Cf. par exemple Bureau des longitudes, Introduction aux éphémérides astronomiques, EDP Sciences, 1997 (ISBN2-86883-298-9), p. 357 et s.
↑ a et b(en) M.R. Eslahchi, Mehdi Dehghan et Sanaz Amani, « The third and fourth kinds of Chebyshev polynomials and best uniform approximation », Mathematical and Computer Modelling, vol. 55, nos 5–6, , p. 1746-1762 (DOI10.1016/j.mcm.2011.11.023)
↑(en) Walter Gautschi, « On mean convergence of extended Lagrange interpolation », Journal of Computational and Applied Mathematics, vol. 43, nos 1–2, , p. 19-35 (DOI10.1016/0377-0427(92)90257-X)
↑(en) Martha Galaz-Larios, Ricardo Garcia-Olivo et Jose Luis Lopez-Bonilla, « Féjer Kernel: its associated polynomials », Boletín de Matemáticas Nueva Serie, vol. XV, no 2, , p. 124–128
↑(en) J.C. Mason et G. H.Elliott, « Near-minimax complex approximation by four kinds of Chebyshev polynomial expansion », J. Comput. Appl. Math., vol. 46, nos 1–2, , p. 291–300 (DOI10.1016/0377-0427(93)90303-S)