En mathématiques, plus précisément en algèbre linéaire, certains espaces vectoriels possèdent une base qualifiée de canonique ; il s'agit d'une base qui se présente de manière naturelle d'après la manière dont l'espace vectoriel est présenté. C'est ainsi que l'on parle de la base canonique de ℝn, de la base canonique de l'espace vectoriel des matrices ou de celui des polynômes. En revanche sur un espace vectoriel quelconque, la notion n'a pas de sens : il n'y a pas de choix de base privilégiée.
La propriété spécifique de ces bases canoniques est que pour tout vecteur v de l'espace, les coordonnées de v dans la base canonique sont données par les composantes mêmes (coefficients) qui constituent v.
Dans l'anneau des polynômes sur un corps K, vu comme espace vectoriel sur K, la base canonique est la famille des monômes .
Cette base est infinie. Comme pour toute base d'un espace vectoriel, tout vecteur (donc ici tout polynôme) s'écrit comme une combinaison linéaire faisant intervenir un nombre fini d'éléments de la base.
Matrices
Dans l'espace des matrices à n lignes et p colonnes, la base canonique est l'ensemble des unités matricielles(en)[1] : ce sont les matrices qui présentent un 1 à l'intersection de la ie ligne avec la je colonne, et des 0 partout ailleurs.
Pour toute matrice , ses coordonnées dans la base canonique sont les coefficients.
Exemple :
Théorie des représentations
La base canonique pour les représentations irréductibles d'un groupe quantique de type ADE et pour la partie positive de cette algèbre a été introduite par George Lusztig en 1990[2] par deux méthodes, l'une algébrique (grâce à une action du groupe de tresses et la base de Poincaré-Birkhoff-Witt), l'autre topologique (grâce à la cohomologie d'intersection). En spécialisant le paramètre à , on obtient une base canonique pour les représentations irréductibles de l'algèbre de Lie simple associée, base qui n'était pas connue auparavant. Cette trace (mais pas la base elle-même) dans le cas des représentations irréductibles a été considérée indépendamment par Masaki Kashiwara la même année[3] et elle est parfois appelée base cristalline. La définition de la base canonique a peu après été étendue aux algèbres de Kac-Moody par Kashiwara[4] (par une méthode algébrique) et par Lusztig[5] (par une méthode topologique).
Il y a un concept général sous-jacent pour toutes ces bases.
Considérons l'anneau des polynômes de Laurent à coefficients entiers et ses deux sous-anneaux , ainsi que l'automorphisme défini par .
Une structure précanonique sur un -module libre est la donnée de :
une base standard de ;
un ordre partiel dont tous les intervalles sont finis, c'est-à-dire que est fini pour tout ;
une opération de dualisation, c'est-à-dire une bijection d'ordre deux qui est semi-linéaire pour l'automorphisme – on la notera aussi.
Étant donné une structure précanonique, on peut définir le sous--module de .
Une base canonique de la structure précanonique est alors une base du -module telle que :
et
pour tout .
On peut montrer qu'il existe au plus une base canonique pour chaque structure précanonique[6]. Une condition suffisante pour l'existence est que les polynômes définis par satisfont à et .
Une base canonique induit un isomorphisme de sur .
Algèbres de Hecke
Soit un groupe de Coxeter. L'algèbre d'Iwahori-Hecke associée possède par définition une base standard et le groupe est partiellement ordonné par l'ordre de Bruhat, qui est à intervalles finis, et elle admet une opération de dualisation définie par . Cela donne une structure précanonique sur pour laquelle la condition suffisante ci-dessus est satisfaite. La base canonique correspondante de est la base de Kazhdan-Lusztig