Paysage d'hiver
Paysage d'hiver ou Scène d'hiver est le titre donné à de nombreux tableaux de peintres flamands et néerlandais des XVIe et XVIIe siècles. L'ensemble de ces œuvres compose un genre particulier de la peinture de paysages. HistoireDans l'art occidental, le peintre flamand Pieter Brueghel l'Ancien (1525-1569) peut être considéré comme le créateur de la tradition du paysage hivernal, particulièrement développée en Hollande par Hendrick Avercamp (1585-1634) « le meilleur peintre de scènes d'hiver[1] ». Une large part de ces peintures figurent de nombreux patineurs et joueurs de golf évoluant sur des rivières ou canaux gelés. C'est que, chez les Hollandais, « le sport hivernal était le patinage », explique Paul Zumthor. « Durant les quelques semaines où lacs et canaux étaient gelés, personne ne quittait plus ses patins. Jeunes et vieux, hommes et femmes, prédicants, magistrats, princes, tout le monde vivait sur la glace. On se passionnait, il y avait des champions célèbres », ajoute-t-il, précisant qu'« à La Haye, les jeunes nobles organisaient des courses de traîneaux sur les canaux proches du palais[1] ». Il est aussi intéressant de constater que cette « mode » correspond à une oscillation climatique connue sous le nom de Petit âge glaciaire (entre 1350 et 1860, avec un climax entre 1565 et 1665)[2]. Dans son ouvrage Weather (1981), William James Burroughs analyse la représentation picturale de l'hiver et constate que la majeure partie des œuvres abordant ce thème ont été produites entre 1565 et 1665, ce qui correspond à un déclin climatique enregistré dans les glaces à partir de 1550. Très peu de représentations hivernales ayant été dénombrées auparavant, il est probable que l'hiver particulièrement rude de 1565 ait inspiré de nombreux artistes. On peut ainsi noter que toutes les peintures de Bruegel l'Ancien où la neige est souvent un élément central ont été réalisées en 1565. Entre 1627 et 1640, la production des Paysages d'hiver s'amoindrit, ce qui correspond à un réchauffement léger des températures mais peut signifier que le thème ait été considérée comme suffisamment traité. Par contre, le déclin final des peintures traitant de l'hiver ne coïncide pas avec une amélioration franche des conditions climatiques : Burroughs avance donc que l'effet de mode a joué. Peintres flamands et néerlandais de paysages d'hiver(Ordre chronologique des dates de naissance)
InterprétationsSelon Bernard Lamblin, « le paysage d'Hiver est au XVIIe siècle le paysage hollandais par excellence. Les peintres hollandais ont rencontré peu de concurrence sur ce terrain ». « Reste qu'il est rare », ajoute-t-il, « qu'ils offrent une image de cette saison dépouillée de son cortège d'incidents pittoresques. C'est que la présence de l'homme et de ses jeux se laisse moins facilement oublier dans les scènes hivernales ; c'est aussi que le joug de la tradition flamande y est plus lourd à secouer. L'ombre des paysages allégoriques des « Saisons » et des « Mois » n'a pas totalement cessé de se projeter sur nombre de paysages hivernaux »[4]. On ne peut cependant conclure de ces « survivances » que les peintres hollandais ne se soient pas intéressés à la Nature elle-même : « si l'homme est toujours présent, il ne joue pas le premier rôle ». Bernard Lamblin développe ainsi une comparaison entre les natures mortes et les paysages hollandais. Le relatif effacement de l'homme que manifeste cette peinture de paysages signifie-t-il qu'elle « cherche à nous faire sentir le caractère fragile de son existence, l'absurdité de son agitation face au devenir éternel de la Nature ? Certainement pas. »[5] La Nature morte hollandaise est « remplie d'allusions à notre finitude »[5]. « Foncièrement anthropocentrique »[6], elle fourmille, à travers la dimension symbolique des objets qu'elle rassemble, chandelles, montres ou lépidoptères, d'« allusions à notre condition temporelle »[7]. Au contraire, « le paysage présente un monde où nous sommes chez nous, une nature qui ne proclame ni n'insinue que notre existence est précaire. Ce serait plutôt l'expression tacite d'un contentement que nous découvrons dans le paysage des Pays-Bas, le sentiment que ce coin d'univers n'est pas grandiose, mais qu'il est le point d'ancrage de notre pouvoir humain. »[5] PhilosophieÀ propos de la peinture hollandaise le philosophe Hegel emploie dans son Esthétique l'expression « le dimanche de la vie », qui conviendrait particulièrement à la peinture de Paysages d'hiver. Alors même que l'art hollandais, écrit-il, « passe des sujets insignifiants et grossiers aux scènes de la vie paysanne, à la nature grossière et vulgaire, ces scènes sont tellement pénétrées de naïve gaieté et de joie spontanée que ce sont cette gaieté et cette joie qui semblent constituer le vrai contenu, et non la grossièreté et la vulgarité des scènes. (...) Le moment idéal réside justement dans cette licence exempte de soucis : c'est le dimanche de la vie, qui nivelle tout et éloigne tout ce qui est mauvais ; des hommes doués d'une aussi bonne humeur ne peuvent être foncièrement mauvais ou vils »[8]. Postérité de ce thèmeAu XVIIIe siècle le peintre italien Francesco Foschi (1710-1780 ou 90) est célèbre pour ses nombreux paysages d'hiver, de même, le dernier représentant de la dynastie des peintres van Loo : Jules-César-Denis van Loo (1743-1821). Charles Beschey (Anvers, 1706-1776) peint un Paysage d'hiver animé de personnages et patineurs, Heinrich Wilhelm Schweickardt (1746-1797) peint un Paysage d'hiver avec patineurs, Andreas Schelfhout (1787-1870) des Patineurs et on attribue à Louis-Claude Malbranche (1790-1838) plusieurs Paysage d'hiver. Au XIXe siècle Frederik M. Kruseman peint en 1852 un paysage d'hiver. Au XXe siècle il serait encore possible de trouver une lointaine postérité du Paysage d'hiver flamand et néerlandais dans plusieurs peintures non figuratives de Manessier. Bernard Ceysson met ainsi en rapport les « paysages hollandais » qu'il réalise en 1955 et 1956, après un voyage en Hollande en , avec l'œuvre d'Avercamp. Fête en Zeeland (1955) lui semble « devoir être mis en parallèle avec L'Hiver d'Hendrick Avercamp ». « On sait », ajoute-t-il, « que Manessier a peint, en hommage à cet artiste, une petite étude », datée 1969, « reprenant dans sa forme en tondo celle de Scène d'hiver avec patineurs près d'un château » (Mauritshuis, La Haye)[9]. Jugements
— Robert Genaille, La peinture hollandaise, Éditions Pierre Tisné, Paris, 1956, p. 26 Notes et références
AnnexesBibliographie: source utilisée pour la rédaction de cet article
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