Ouverture du pion roi
Aux échecs, l'ouverture du pion roi est le fait d'ouvrir par le coup 1. e4, coup populaire à tous les niveaux de jeu. Les codes ECO associés sont B00–B99 et C00–C99[1]. Théorie généraleCaractéristiques stratégiques du coup 1. e4Point de vue des Blancs1. e4 est un coup qui contrôle la case centrale d5, ouvre des diagonales pour la Dame et le Fou f1 (aussi appelé « fou-roi », ou « fou de cases blanches »), et qui prépare le petit roque plus rapidement que 1. d4. Néanmoins, la Dame se déplace peu sur sa diagonale d1-h5 en début de partie pour ne pas donner prise aux contre-attaques adverses, mais l'ouverture de cette diagonale pour la Dame décourage les répliques noires ..f6 et ..f5. De plus, le Fou f1 a tendance à se développer en tout début de partie si les Noirs répondent ..e5, mais plus tardivement dans le cas d'autres réponses noires[2]. Point de vue des NoirsL'une des caractéristiques principales du premier coup 1. e4 est que ce pion n'est pas défendu, à la différence du coup 1. d4, qui est protégé par la Dame d1. Les Noirs ont alors souvent tendance à attaquer le pion e4 dès les tout premiers coups de la partie, ce qui oblige les Blancs à protéger ce pion rapidement, pour conserver sa présence au centre de l'échiquier. De nombreuses ouvertures connues amènent justement les Noirs à effectuer ces attaques[3] :
Sur 1. e4 e5, beaucoup de variantes des parties italiennes et espagnoles finissent par attaquer e4, par exemple[3] :
Dans les défenses siciliennes, l'attaque sur e4 est plus tardive, mais reste un thème fondamental de ces défenses, avec les coups habituels ..♞f6, ..♝b7 et ..♞bd7-c5[3]. Comparaison du coup 1. e4 avec le coup 1. d4D'abord, il n'est pas possible de départager les coups 1. e4 et 1. d4 pour savoir lequel est intrinsèquement le meilleur : cela dépend à la fois des préférences de jeu de chaque joueur, mais aussi de l'état de la théorie échiquéenne selon les époques. Par exemple, le coup 1. d4 était joué dans les années 1980 et 1990 dans un esprit bien plus combatif que ne le laisse supposer sa réputation solide au XXIe siècle : Garry Kasparov a joué avec ce premier coup dans plusieurs de ses parties les plus célèbres, elle était une arme redoutable dans les mains de Shirov et de Kramnik, et beaucoup d'autres grands maîtres l'ont quasi-exclusivement utilisé au cours de leur carrière. Si le coup 1. e4 a fini par dominer la théorie échiquéenne au XXIe siècle, c'est avant tout, selon John Watson, parce que les réponses noires sur 1. d4 se sont considérablement affutées au fil des années pour mieux combattre les Blancs : dans les années 2000, les bons résultats des Noirs sur la défense nimzo-indienne (1.d4 ♞f6 2.c4 e6 3.♘c3 ♝b4), la défense ouest-indienne (1.d4 ♞f6 2.c4 e6 3.♘f3 b6) et le gambit dame refusé (1. d4 d5 2. c4 e6) ont découragé les Blancs à utiliser 1. d4 majoritairement. Néanmoins, la théorie des ouvertures est en constante évolution, et les préférences des joueurs peuvent vite évoluer (comme le montrent les récentes stratégies des Blancs pour éviter les positions annulantes du gambit Marshall)[4]. Une distinction importante entre les ouvertures à base de 1. e4 et celles à base de 1. d4 réside dans la possibilité de prise d'espace sur l'échiquier par les Blancs. Dans les premiers coups de la partie, et c'est d'autant plus vrai dans les débuts semi-ouverts (réponses noires autres que 1. ..e5 sur 1. e4 par les Blancs), les Blancs trouvent des manières de pousser leur pion e4 en e5. Cela a lieu dans la défense Caro-Kann (1. e4 c6 2. d4 d5 3. e5), dans la défense française (1.e4 e6 2.d4 d5 3.e5), dans la défense Alekhine (1. e4 ♞f6 2. e5) ou dans plusieurs lignes de la défense Pirc (après 1.e4 d6 2.d4 ♞f6 3.♘c3 g6 4.f4 par exemple). Dans les débuts de partie commençant par 1. d4, la poussée d5 est bien plus difficile à réaliser pour les Blancs, surtout quand les noirs répondent eux-mêmes d5 au 1. d4 blanc, et n'est véritablement présente que dans la défense est-indienne (comme la ligne 1.d4 ♞f6 2.c4 g6 3.♘c3 ♝g7 4. e4 d6 5. ♘f3 0-0 6. ♗e2 e5 7. d5) ou dans des lignes de la défense Grünfeld. Cet avantage d'espace conféré par les poussées blanches sur e5 confère une position agressive, mais rend également ce pion blanc vulnérable aux contre-attaques[5]. De plus, par rapport au coup 1. d4, l'ouverture du pion roi rend la création du centre de pions classique « e4-d4 » plus compliquée qu'en commençant par 1. d4, d'où la force (et la popularité) de la défense sicilienne après 1. e4[pas clair]. Dans la défense sicilienne, les Noirs jouent pour le gain, mais ne prennent pas de risques inconsidérés car ils ne « compromettent pas fondamentalement leur structure de pions, même si un pion d arriéré survient dans de nombreuses lignes »[6]. Une réputation d'ouverture d'attaque à nuancerL'ouverture du pion roi est traditionnellement jugée comme menant à des parties favorisant l'attaque dans chaque camp plutôt que les ouvertures commençant par 1. d4, mais cette généralisation comporte en réalité de nombreuses nuances. Ce jugement provient du fait que le pion e4 est très vite soumis aux attaques noires, d'où des positions vite dynamiques dans l'ouverture. Mais cela est surtout vrai dans le cas des parties dites ouvertes (1. e4 e5), parce qu'il est aisé pour chaque camp de sortir ses pièces et que les pions au centre vont généralement s'échanger. De nombreuses variantes des parties ouvertes amènent Blancs et Noirs à se confronter jusqu'au Roi lui-même. C'est le cas pour le gambit roi (1. e4 e5 2. f4), des variantes du Giuoco Piano (comme 1. e4 e5 2. ♘f3 ♞c6 3. ♗c4 ♝c5 4. c3 ♞f6 5. d4 exd4 6. cxd4 ♝b4+), ou encore l'attaque Max Lange (1. e4 e5 2. ♘f3 ♞c6 3. ♗c4 ♞f6 4. d4 exd4 5. O–O ♝c5 6. e5), etc. Néanmoins, la nuance est que ces lignes instructives sont peu jouées à haut niveau depuis plusieurs décennies, mais qu'elles l'étaient beaucoup plus au XIXe siècle. Cela s'explique par le fait que le centre de pions s'ouvre très vite, et qu'au gré d'un bon jeu de part et d'autre de l'échiquier, les échanges de pièces sont trop nombreux pour conserver du dynamisme dans les positions sur le long terme. C'est pourquoi aujourd'hui les parties de haut niveau commençant par 1. e4 e5 débutent parfois par de longues manœuvres stratégiques (comme les systèmes fermés de l'Espagnole ou la défense russe) pendant lesquelles il y a peu ou pas d'échanges de pions. La réputation d'attaque des ouvertures du pion roi est donc exagérée, même si les lignes de la défense sicilienne ouverte (à base de 1. e4 c5 2. ♘f3 suivi de 3. d4) reprennent la tradition des attaques romantiques : les structures de pions au centre de l'échiquier y ont tendance à perdurer longtemps, les pions de l'aile vont à l'assaut du roque et l'activité des pièces y est féroce[7]. Tableau synthétique des principales ouvertures du pion roiAprès 1. e4, le grand maître international Edmar Mednis isole sept « coups parfaits » : 1...c6, 1...c5, 1...d6, 1...e6, 1...e5, 1...♞f6 et 1...g6[8], deux « coups médiocres » : 1...♞c6 et 1...d5[9], le reste étant qualifié de « coups faibles »[10], selon l'argumentation que les coups qui sont « mauvais pour les Blancs » (1. a3, 1. a4, 1. ♘a3, 1. ♘h3, 1. h3, 1. h4, 1. g4) sont encore pires pour les Noirs[11], le coup 1. f4 ne contribuant en rien au développement et affaiblissant l'aile-roi, mais étant sauvé - il n'est jugé par lui que « médiocre » - par le fait qu'il fait pression sur la case centrale e5[12]. Les débuts ouvertsLes ouvertures aux échecs sont qualifiées de débuts ouverts si le premier coup des Blancs 1. e4 est suivi par la réponse noire ..e5. A la différence des débuts semi-ouverts (où les Noirs jouent autre chose que 1...e5), le coup 1...e5 permet de contester immédiatement le centre aux Blancs et ne bloque pas le développement des pièces (en particulier le Cavalier b8 et le fou c8). Toutefois, le pion e5 n'est pas protégé et devient une cible pour les Blancs qui l'attaquent généralement séance tenante via les coups 2.♘f3 ou 2.f4[13]. Les explications ci-dessous ont vocation à être synthétiques, et le lecteur peut se reporter aux articles détaillés indiquer pour y lire des variantes plus complètes et plus précises. Partie italienne (Giuoco Piano)
La partie italienne est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 ♞c6 3.♗c4 ♝c5. Par le coup 3.♗c4, les Blancs cherchent un rapide développement de leurs pièces, contrôle du centre et petit roque, tout en visant la case f7, assez vulnérable en début de partie. Surtout, d'un point de vue positionnel, le Fou blanc contrôle la case d5 pour empêcher les Noirs d'y jouer le coup d5, un coup libérateur classique dans cette position[14]. Pour répondre à ces menaces, les Noirs ont une panoplie de coups possibles parmi lesquels 3... ♝c5, coup constitutif du Giuoco Piano stricto sensu. Ce mouvement de Fou permet aux Noirs de roquer au coup suivant pour contrer l'éventuelle attaque blanche par 4.♘g5, et d'empêcher les Blancs de former un centre idéal via le contrôle de la case d4[14]. Plusieurs stratégies en réponse s'offrent aux Blancs[réf. souhaitée] : 4.c3 ♞f6 5.d4 pour forcer une présence au centre, 4.d3 pour un jeu moins tactique et plus calme, ou aussi 4.0-0 et 4.♘c3. Quant au gambit Evans 4.b4, il permet aux Blancs de dévier le Fou noir en c5 pour jouer d4 plus facilement[réf. souhaitée]. Au cours de la partie, les Noirs vont chercher à jouer d5 pour prendre position au centre tout en gagnant un tempo sur le Fou c4, un coup à jouer au bon moment pour ne pas déstabiliser la présence des Noirs au centre. Après un éventuel échange des pions e4 et d5, les Noirs peuvent placer une pièce en d5 afin de bloquer les velléités d'avance de leur adversaire. Quant aux Blancs, malgré l'absence de faiblesse évidente dans la structure des Noirs, ils jouent sur leur avantage d'espace et d'activité, placent leurs Tours sur les différentes colonnes ouvertes, et mettent en place un jeu de pièces pour attaquer les Noirs[14]. Défense des deux cavaliers
La défense des deux cavaliers est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 ♞c6 3.♗c4 ♞f6 (l'ordre des coups varie parfois, en jouant 2.♗c4 d'abord). Cette ouverture diffère du Giuoco Piano par le fait de développer le cavalier en f6 au lieu du fou en c5, ce qui ouvre aux Noirs des options plus ambitieuses et plus tactiques[15]. Plusieurs plans stratégiques s'offrent alors aux Blancs :
Défense Philidor
La défense Philidor est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 d6. Par ce dernier coup, les Noirs veulent protéger le pion e5 pour avoir une position solide au centre, mais le Fou noir en f8, bloqué alors par sa propre chaîne de pions, risque de manquer d'espace dans la suite de la partie. Les Blancs répondent alors usuellement 3.d4 pour dominer le centre de l'échiquier, même si 3.♗c4 est aussi joué pour contourner le point fort en e5[19]. Plusieurs plans stratégiques s'offrent alors aux Noirs :
Partie espagnole
La partie espagnole est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 Cc6 3. ♗b5. Défense russe
La défense russe est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 ♞f6. Partie écossaise
La partie écossaise est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 ♞f6 3.d4. Gambit du roi
Le gambit du roi est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.f4. Les débuts semi-ouvertsLes ouvertures aux échecs sont qualifiées de débuts semi-ouverts si le premier coup des Blancs 1. e4 est suivi par une réponse noire autre que ..e5. Ces coups visent généralement à affaiblir la poussée 2.d4 des Blancs[pas clair] pour les empêcher de créer un « centre idéal », et les lignes qui les suivent attaquent ensuite souvent le pion e4 directement. Cela s'accompagne de concessions diverses selon les ouvertures : blocage du Cavalier b8 dans la Caro-Kann, blocage du Fou c8 dans la Française, etc. Toutefois, l'idée de ne pas jouer e5 permet aux Noirs de ne pas donner de cible immédiate aux attaques blanches[22]. Chacune des ouvertures a ses avantages et inconvénients, et les débuts semi-ouverts sont propices aux déséquilibres positionnels dès le début de partie. Les ouvertures semi-ouvertes majoritairement jouées peuvent parfois sembler similaires (la Caro-Kann avec la Française, la Pirc avec l'Alekhine par exemple), et leur comparaison n'est possible qu'en étudiant soigneusement leur capacité à maintenir des pions au centre, à se mouvoir dans peu d'espace et à attaquer ou non le pion blanc e4. La défense sicilienne est un cas à part, et adopte quant à elle des stratégies fort différentes, ce qui ne l'empêche pas d'être très prisée par les joueurs de haut niveau[22]. Les explications ci-dessous ont vocation à être synthétiques, et le lecteur peut se reporter aux articles détaillés indiquer pour y lire des variantes plus complètes et plus précises. Défense sicilienne
La partie sicilienne est une ouverture caractérisée par les coups : 1. e4 c5. Défense Caro-Kann
La défense Caro-Kann est une ouverture caractérisée par les coups : 1. e4 c6. Défense française
La défense française est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e6. Défense Pirc
La défense Pirc est une ouverture caractérisée par les coups : 1. e4 d6 2. d4 ♞f6. Défense scandinave
La défense scandinave est une ouverture caractérisée par les coups : 1. e4 d5. Défense Alekhine
La défense Alekhine est une ouverture caractérisée par les coups : 1. e4 ♞f6. Défense moderne
La défense moderne est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 g6. Deux ouvertures du pion roi sans nom unanimement connuLes ouvertures 1. e4 d6 2. d4 e5 et 1. e4 d6 2. d4 Cf6 3. Cc3 e5 peuvent ne pas transposer dans une défense Philidor[23] dans la mesure où les Blancs peuvent échanger les pions et les Dames. Exemples de parties
Notes et références
Bibliographie
Voir aussi |