Mémorial des gardiens de la paix BelgesMémorial des gardiens de la paix Belges
Le mémorial des gardiens de la paix Belges au Rwanda est situé dans l'enceinte de la base de la Minuar à Kigali. 10 colonnes érigées commémorent le souvenir des soldats belges morts lors du déclenchement des tueries de avril 1994 lors du Génocide des Tutsi au Rwanda. Emplacement
Le mémorial est l'un de ceux qui n'est pas construit sur la place. Ce mémorial fait partie d'un ensemble de sites commémoratifs nationaux au Rwanda qui commémorent le génocide rwandais. Les autres sont le Centre commémoratif de Murambi, le Centre commémoratif du génocide de Bisesero, le Mémorial du génocide à Ntarama, le Mémorial du génocide à Kigali et le Mémorial de Nyarubuye[1]. Il existe plus de 250 sites commémoratifs enregistrés qui commémorent le génocide au Rwanda[2]. Histoire et contexteLe Rwanda de la fin des années 50, période de la grande vague de décolonisation, connait une exacerbation des tensions sociales et des violences ethniques. Celles-ci se perpétue après que le pays ait acquis son indépendance de la tutelle belge en 1962[3]. En août 1993, grâce aux efforts de rétablissement de la paix de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et des gouvernements de la région, la signature de l’Accord de paix d’Arusha semble avoir mis fin au conflit (débuté en 1990) entre le gouvernement rwandais de l’époque et le Front patriotique rwandais (FPR)[3]. En octobre 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU créa la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) dont le mandat consiste à maintenir la paix, à assurer une assistance humanitaire et, d’une manière générale, à appuyer le processus de paix[3]. Le 6 avril 1994, la mort des Présidents du Burundi et du Rwanda dans un accident d'avion provoqué par un tir de missile, déclenche le génocide des Tutsis qui était préparé depuis plusieurs mois[3]. On estime à environ 1 million le nombre des victimes assassinées. Moins d'une demi-heure après que l'avion se soit écrasé, des barrages contrôlés par des miliciens hutus, souvent aidés par la gendarmerie ou par du personnel militaire, sont mis en place pour identifier et massacrer les Tutsis[3]. Le 7 avril, la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) diffuse une émission attribuant la responsabilité de l'accident d'avion au FPR et aux soldats belges de la MINUAR, et commençe à inciter les Hutus à éliminer les « cafards tutsis »[3]. Plus tard au cours de cette même journée, la Première ministre, Mme Agathe Uwilingiyimana et 10 casques bleus belges chargés de la protéger sont brutalement assassinés par des soldats du Gouvernement rwandais. Après le massacre de ses soldats, la Belgique décide de retirer ses casques bleus[3]. Déroulement des 6 et 7 avril 1994 du point de vue des soldats de la compagnie du 2nd Commando Déroulement des 6 et 7 avril 1994 du point de vue des soldats de la compagnie du 2nd Commando
6 avril, 20h30: L'avion arrivant à l'aéroport de Kigali, transportant le président du Rwanda, Juvenal Habyarimana, et le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, est abattu par des missiles sol-air, tuant également deux ministres burundais, le chef d'état-major de l'armée rwandaise, des membres du cabinet et l'équipage français[3]. Le cessez-le-feu prend fin abruptement. Des rumeurs se répandent selon lesquelles les Belges auraient abattu l'avion du Président[3]. 22h00: Un comité de crise est mis en place. Le général Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR, se rend à la réunion et y trouve le colonel Théoneste Bagosora, chef d'état-major du ministre de la Défense en charge[4]. La proposition de laisser la Première ministre, Mme Agathe Uwilingiyimana, normalement en tête de la ligne de succession, s'adresser à la nation, est rejetée[3]. 7 avril, 01h18: Néanmoins, sur ordre du général Dallaire, le commandant de secteur de la MINUAR pour Kigali, le colonel Luc Marchal, charge le 2" bataillon du commando belge d'escorter la Première ministre à Radio Rwanda et de sécuriser le site[4]. Elle est censée s'adresser à la nation à 05h30[3]. Le lieutenant-colonel Joseph Dewez, commandant du bataillon, exprime ses doutes sur cette mission dans cet environnement très tendu[3]. 02h16: Le lieutenant Thierry Lotin, dont le peloton Mortiers du 2nd Bataillon de commandos se trouve à l'aéroport avec ses deux jeeps pour y faire le plein d'essence, se voit attribuer cette mission. Il doit prendre quatre jeeps (le double d'une escorte normale)[3]. 03h19: En route pour exécuter la mission, le lieutenant Lotin est arrêté à un barrage routier à seulement I kilomètre du domicile de la Première ministre. Il perd un temps précieux à négocier et à attendre un officier de liaison rwandais qui ne se présente jamais. 05h12: Le lieutenant Lotin est finalement guidé sur une autre route. Dans la ville, on entend des coups de feu sporadiques tout autour. 05h42: Les jeeps du peloton Mortiers arrivent à leur objectif. Les hommes rencontrent cinq soldats ghanéens de la MINUAR et cinq gendarmes rwandais, affectés à la sécurité de la Première ministre. Immédiatement après, des soldats rwandais avec des véhicules blindés et des gardes présidentiels encerclent leur position et ouvrent le feu sur le domicile. 05h47: Le lieutenant Lotin fait le point sur sa situation. La mission d'escorte à la station radio est annulée. Le peloton du lieutenant Lotin ne riposte pas, car les soldats rwandais ne leur tirent pas dessus. Le lieutenant-colonel Dewez leur conseille également de ne pas le faire. 06h03: Le peloton rapporte que ses jeeps sont détruites. 06h55: Les soldats rwandais ordonnent au peloton de déposer les armes et de se rendre. Le lieutenant-colonel Dewez conseille au lieutenant Lotin de ne pas le faire, mais de négocier. 07h00: Un commandant de compagnie du 2nd Commando, à environ deux kilomètres du domicile de la Première ministre, propose d'intervenir avec un peloton renforcé. La direction du bataillon rejette la proposition. 07h40: La Première ministre se réfugie dans une maison voisine, escortée par les gendarmes. Plus tard (11h45), elle et son mari seront découverts par une unité de la Garde présidentielle et exécutés. 08h44: Le lieutenant Lotin fait part de l'agressivité des soldats rwandais autour de lui. Le 2nd bataillon demande des directives au colonel Marchal, qui écoute sur la fréquence du bataillon. 08h49: Le lieutenant-colonel Dewez répète au peloton de ne pas déposer les armes, mais il est trop tard: quatre des hommes sont déjà désarmés et immobilisés au sol. Le lieutenant Lotin se rend avec l'approbation du commandement du bataillon et du secteur. Le peloton belge et les soldats ghanéens sont faits prisonniers par le major Bernard Ntuyahaga du quartier général de l'armée rwandaise. Ils sont transportés en minibus vers un endroit sur Vers 09h00, ils arrivent à Camp Kigali, un camp militaire rwandais, à une courte distance de là. À son arrivée, le lieutenant Lotin rencontre le capitaine Kodjo Apedo, au local de permanence ONU voisin. Le capitaine est un officier de liaison togolais de la MINUAR dans le camp. Au même moment, le major Ntuyehaga fait circuler la rumeur que ses prisonniers belges sont ceux qui ont abattu l’avion présidentiel. Il excite les soldats rwandais présents. La foule, armée de crosses, de pierres et de fusils, commence à battre et à lyncher les prisonniers non armés. 09h06 : Le lieutenant peut contacter une dernière fois son échelon supérieur pour l’informer de sa situation difficile, en utilisant la radio du capitaine togolais. 09h08 : Le lieutenant-colonel Dewez demande l’appui du commandement du secteur pour intervenir. Le colonel Marchal informe un membre de l’état-major du général Dallaire et propose d’aborder cette question avec les dirigeants rwandais lors d’une réunion prévue pour 10h00[4]. Entre-temps, quatre hommes du lieutenant Lotin succombent aux coups et aux charges de baïonnettes. Les autres, grièvement blessés, s’échappent de la foule et parviennent à rejoindre le lieutenant Lotin dans le local de permanence ONU. Ils s’y barricadent et commencent à se battre pour leur vie. La mutinerie à Camp Kigali est totale lorsque les soldats rwandais fracturent les magasins d’armements du camp pour s’armer. Le local est la cible de tirs nourris, et un autre Para-Commando belge est tué. Pendant une pause dans l’attaque, le capitaine Apedo et les cinq soldats ghanéens sont extraits du local de permanence. Juste avant 10h00: Le général Dallaire quitte son quartier général pour se rendre à la réunion. Il met une heure pour arriver. Il est informé d'un incident impliquant des soldats belges de la MINUAR[4]. 10h40: En voulant pénétrer dans le local, un soldat rwandais est désarmé et tué par le lieutenant Lotin qui avait pu garder son revolver. Des coups de feu sont échangés. Des soldats rwandais sont blessés et tués. 10h50: En se rendant à sa réunion, le général Dallaire passe devant l'entrée de Camp Kigali, à seulement 30 mètres de l'incident. Il voit des corps de soldats de la MINUAR allongés sur le sol. II ordonne d'arrêter le véhicule, mais son chauffeur rwandais refuse, lui disant qu'ils seraient en danger car une mutinerie était en cours[4]. 10h55: Le général Dallaire arrive sur le lieu de la réunion, à 200 mètres seulement de l'incident, où il rencontre le capitaine Apedo et les soldats ghanéens, qui avaient été autorisés à quitter le camp[4]. Ils l'informent de ce qui se passe à Camp Kigali. Étonnamment, le général Dallaire ne prend aucune initiative pour s'occuper de cette situation. Il ne mentionne même pas l'incident lors de la réunion qui dure jusqu'à 12h15. Comme il l'a mentionné dans son livre J'ai serré la main du diable: il essayait de comprendre la situation. Vers 13h00: Des gaz lacrymogènes et des grenades sont projetés à travers un trou dans le toit. Cela met fin à la résistance héroïque des Para-Commandos belges[3]. Dans l'après-midi, leurs corps pillés et mutilés sont évacués vers la morgue de l'hôpital de Kigali et entassés. Le soir, le général Dallaire se rend à l'hôpital. Il est incapable de dire combien de ses soldats avaient péri[4].Commémoration des victimes BelgesSelon la résolution 2150 du Conseil de sécurité des Nations Unies (adoptée à l'unanimité en 2014), relative à la prévention et à la lutte contre le génocide, le génocide des Tutsis au Rwanda a, en l'espace de 100 jours, enlevé la vie à environ un million de personnes. Au cours du génocide des Tutsis, des Hutus et d'autres personnes opposées au génocide ont également été tués[3]. La Belgique déplore pour sa part 22 victimes, 10 casques bleus chargés de la protection de la Première ministre Agathe Uwilingiyimana (également tuée) ainsi que 12 civils, assassinés principalement parce ce qu'ils étaient belges[3]. Liste des 22 victimes belges de 1994:Christine André | Bruno Bassinne[5],[6] | Claire Beckers-Bucyana | Katia Bucyana | Albert Craemers | Alain Debatty | Olivier Dulieu | Christophe Dupont | Michel Gigi | Antoine Godfriaux | Paul Kesenne | Yannick Leroy | Hélène Laveque | Stéphane Lhoir | Thierry Lotin | Bruno Meaux | Louis Plescia | Christophe Renwa | Annie Roland-Mugwaneza | Etienne Staelgraeve | Marc Uyttebroeck | Paul Van Vynckt[3],[7],[8],[9] Plaque commemorative du gouvernement belge et 10 pierres comémorales au 7 april 2000 à la mémoire des 10 soldats belges assassinés à Kigali le 7 avril 1994, en mission pour la Paix au Rwanda[3] Hommage du gouvernement belge, le 7 avril 2000[3]. Rôle des Médias de la Haine:Présentés comme complices du FPR ou encore responsables de l'assassinat du président Habyarimana, les Belges font partie des étrangers qui ont été particulièrement visés par la propagande des « médias de la haine»>, surtout par la sinistre Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) ou le journal Kangura[10]. La préparation de l'extermination des Tutsis ainsi que le ciblage des Belges, et plus particulièrement des militaires belges, avaient été annoncés dans le "Genocide Fax", envoyé par Roméo Dallaire au siège de l'ONU à New York le 11 janvier 1994, soit près de trois mois avant le début du génocide des Tutsis[4]. Ce "Genocide Fax", qui fait état de l'entretien de son auteur avec un responsable des milices Interahamwe informé des plans de génocide est symbolique de l'échec de la communauté internationale à prévenir le génocide des Tutsis au Rwanda. Extraits du "Genocide Fax":
Rôle de la Belgique & Conséquences:En avril 1997, le Sénat belge décide d'ouvrir une commission d'enquête parlementaire sur le génocide des Tutsis au Rwanda. Les conclusions de ce rapport soulignent principalement une responsabilité collective[3]:
Lors de son discours historique du 7 avril 2000 à l'occasion de la 6° commémoration du génocide des Tutsis tenue à Kigali, Guy Verhofstadt (alors Premier ministre) reconnait, face aux Rwandais, les responsabilités de la Belgique dans le génocide de 1994[3]:
Travail judiciaire post génocideÀ la suite du génocide des Tutsis, l'appareil judiciaire rwandais, fortement amoindri lors du conflit, n'est pas en mesure d'assurer pleinement le jugement des auteurs présumés de génocide (avec plus de 120.000 suspects arrêtés, l'appareil judiciaire n'a alors la capacité d'en juger qu'environ un millier par an)[3]. La Belgique apporte sa contribution au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé par PONU (novembre 1994 décembre 2015) et basé à Arusha (Tanzanie). Le bilan chiffré de 61 condamnés est critiqué[3]. Afin d'accélérer les procédures et ainsi concrétiser le processus de réconciliation nationale, le gouvernement rwandais met en place les juridictions Gacaca, mécanismes de justice au niveau local inspirés des pratiques traditionnelles[3]. Après avoir traité 1.958.634 affaires, les juridictions Gacaca ont été officiellement closes le 18 juin 2012[3]. La Belgique, est le premier pays étranger à avoir jugé et condamné sur son territoire des génocidaires rwandais; jugements rendus par des juridictions nationales belges sur base du principe de la compétence universelle[3]. Le procès des Quatre de ButareAlphonse Higaniro, Vincent Ntezimana, Consolata Mukangango et Julienne Mukabutera, arrêtés sur le territoire belge pour implication dans les massacres dans la préfecture de Butare entre avril et juillet 1994. Ils sont reconnus coupables par la Cour d'assises de Bruxelles le 8 juin 2001 et ont été condamnés à des peines de réclusion de 12 à 20 ans[3]. Le procès de Bernard NtuyahagaBernard Ntuyahaga, ex-Major des Forces Armées Rwandaises, est condamné le 5 juillet 2007 par la Cour d'assises de Bruxelles à une peine de réclusion de 20 ans pour le meurtre des 10 casques bleus belges, de la Première ministre rwandaise Agathe Uwilingyimana et de nombreux rwandais principalement dans les préfectures de Kigali et de Butare. Après avoir passé 20 années en prison en Belgique, Bernard Ntuyahaga est expulsé vers le Rwanda en décembre 2018[3]. Des actions à l'encontre de génocidaires présumés ont continués[3]. Notes et références
Bibliographie
Liens externes
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