Louis Racine est un poète français né à Paris le et mort à Paris le , second fils et septième et dernier enfant du dramaturge Jean Racine.
Biographie
Louis Racine perd son père à l'âge de six ans. Il fait ses études au Collège de Beauvais sous la direction de Charles Rollin, puis, pour complaire à sa mère, il fait son droit et devient avocat. Puis, constatant que le barreau ne lui convient pas, il se tourne vers la carrière ecclésiastique et entre chez les Oratoriens de Notre-Dame des Vertus où il reste trois ans. Le chancelier d'Aguesseau le prend sous sa protection. Chez celui-ci, à Fresnes, il achève son poème de La Grâce (publié en 1720), qu'il a commencé à l'Oratoire.
Grâce à l'amitié du chancelier d'Aguesseau, il entre en 1719 à l'Académie des Inscriptions, ce qui peut se justifier car il connaît, outre le grec et le latin, l'hébreu et l'italien. En revanche, sa candidature à l'Académie française est repoussée par le cardinal de Fleury en raison du jansénisme qui inspire le poème de La Grâce[1].
En compensation, le cardinal de Fleury lui recommande de faire carrière dans les fermes. En 1722, Louis Racine est nommé inspecteur général des fermes du roi en Provence, en résidence à Marseille. Il est ensuite nommé directeur des fermes à Salins, à Moulins puis à Lyon, où il se marie en 1728 avec Marie Presle de L'Écluse, fille d'un conseiller à la Cour des monnaies de cette ville. Il devient directeur des gabelles à Soissons (1732) puis est reçu à la Table de marbre comme maître particulier des Eaux et Forêts du duché de Valois.
En 1742, il publie son poème de La Religion. En 1746, il quitte l'administration et revient à Paris. En 1750, il échoue une seconde fois à l'Académie française. Il perd son fils aîné en 1755 à Cadix, victime de l'inondation causée par le tremblement de terre de Lisbonne. C'est pour lui un coup terrible et il cesse d'écrire, se bornant à traduire le Paradis perdu de Milton, et se plonge dans la dévotion. Il meurt en 1763.
Œuvres
Postérité littéraire
Boileau, qui avait suivi les débuts de Louis Racine, lui avait déclaré : « Il faut que vous soyez bien hardi pour oser faire des vers avec le nom que vous portez ! Ce n'est pas que je regarde comme impossible que vous deveniez un jour capable d'en faire de bons ; mais je me méfie de ce qui est sans exemple, et depuis que le monde est monde on n'a pas vu de grand poète fils d'un grand poète. »
« Petit fils d'un grand père », selon Voltaire, Louis Racine n'en fut pas moins un des bons poètes du XVIIIe siècle. Le poème de La Religion, a dit La Harpe, « n'est pas un ouvrage du premier ordre, c'est un des meilleurs du second ». Mais, comme le remarque son protecteur, le chancelier d'Aguesseau : « Son génie ne le porte point à l'invention. »
Le poème de La Grâce prétend mettre en vers saint Augustin et saint Thomas : « J'ai souvent employé, dit l'auteur, les termes de l'Écriture sainte et des Pères, et c'est en cela que consiste le mérite de mon travail. »
Le poème de La Religion a été très célèbre et souvent réimprimé. Le sujet est tiré des Pensées de Pascal et du Discours sur l'histoire universelle de Bossuet. Il s'agit de montrer l'accord de la religion, de la raison et de la vérité. Instruit par les déboires que lui avait causés le poème de La Grâce, l'auteur a dissimulé son jansénisme, et se montre avant tout cartésien :
Rassurons-nous pourtant, le jour commence à naître.
Nous allons tous penser, Descartes va paraître.
Outre ces deux poèmes didactiques, Louis Racine a composé sept odes dont une Ode sur l'harmonie (1736) et une Ode sur la paix (1736), quatre épîtres assez didactiques, dont deux sur l'âme des bêtes.
Il a publié de très intéressants Mémoires sur la vie de Jean Racine, souvent reproduits dans les éditions anciennes des œuvres de Racine. On y trouve également des renseignements utiles sur Boileau et des anecdotes amusantes. Ses Odes saintes, tirées pour la plupart des psaumes, diluent l'énergique concision des textes sacrés dans un flot de métaphores, mais sont intéressantes par des recherches de versification faisant varier les mètres et la forme des strophes à l'intérieur d'un même poème.
Il est également l'auteur de Réflexions sur la poésie (1747) dans lesquelles il se montre fidèle disciple de Boileau, préconisant l'imitation de la nature et des Anciens, méprisant Ronsard et la poésie de la Renaissance : « Le plaisir de la poésie, comme celui de la peinture, est produit en nous par l'imitation [...] tout ce qui est bien imité nous plaît. » Mais il soutient également que « l'essence de la poésie consiste dans l'enthousiasme » et que « le langage poétique [est] celui des passions ». Il insiste également sur l'importance de la versification et des figures de rhétorique (périphrases, métaphores, comparaisons, alliances de mots) : « La nature inspire d'abord la rapidité du style et la hardiesse des figures : l'art vient ensuite et pour rendre le style poétique encore plus harmonieux, le resserre dans les bornes de la versification. »
Quand le soleil couchant, si beau, dorait la vie...
Liste chronologique
Les Œuvres de Louis Racine ont été publiées par Julien-Louis Geoffroy en 1808 (Paris, Le Normant, 6 vol. in-8°) (texte intégral sur la base Gallica : tomes IIIIIIIVVVI).
Le Paradis perdu... traduction nouvelle avec des notes, la vie de l'auteur, un discours sur son poème les remarques d'Addison, et, à l'occasion de ces remarques, un discours sur le poème épique, traduit en français, 1755
Traité de la poésie dramatique ancienne et moderne
Citations
L'Éternel se leva : Satan du haut des airs,
Comme l'éclair qui fuit, tomba jusqu'aux enfers.
(Épîtres)
Tous les siècles entiers sont un jour à sa vue
(La Grâce)
Le ciel fondit en pluie, et le juste parut
(La Grâce)
...Que de vastes contrées
Assises loin du jour dans l'ombre de la mort !
(La Grâce)
Il confond l'orgueilleux qui cherche à tout savoir.
Pour les sages du monde il voile ses mystères...
Tandis qu'il les révèle à ces humbles esprits.
(La Grâce)
Mon cœur...
Fait le mal qu'il déteste et fuit le bien qu'il aime.
(La Grâce)
Tel que brille l'éclair qui touche au même instant
Des portes de l'Aurore aux bornes du couchant,
Tel que le trait fend l'air sans y marquer sa trace ;
Tel, et plus prompt encor, part le coup de la grâce.
(La Grâce)
Monstre de vanité, prodige de misère,
Je ne suis à la fois que néant et grandeur.
(La Religion)
L'amertume secrète empoisonne toujours
L'onde qui nous paraît si claire dans son cours.
(La Religion)
Boileau, Corneille, et toi que je n'ose nommer,
Vos esprits n'étaient-ils qu'étincelles légères ?
(La Religion)
Dieu de paix ! que de sang a coulé sous ton nom !
(La Religion)
Le Verbe égal à Dieu, splendeur de sa lumière
Avant que les mortels sortis de la poussiere,
Aux rayons du soleil eussent ouvert les yeux :
Avant la terre, avant la naissance des cieux,
Éternelle puissance, et sagesse suprême,
Le verbe était en Dieu, fils de Dieu, Dieu lui-même.
(La Religion)
Sources
Maurice Allem, Anthologie poétique française, XVIIIe siècle, Paris, Garnier Frères, 1919
Émile Faguet, Histoire de la poésie française, tome VIII, p. 15-143
Cardinal Georges Grente (dir.), Dictionnaire des lettres françaises. Le XVIIIe siècle, nlle. édition revue et mise à jour sous la direction de François Moureau, Paris, Fayard, 1995, p. 1082-1085
Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières. 1715-1789, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2003 - (ISBN2-221-04810-5)
Bibliographie
P. Bonnefon, « Une correspondance inédite de Louis Racine et de Brossette », Revue d'histoire de la littérature, 1898
B. Croce, « Luigi Racine e i suoi concetti della poesia », Critica, XXXIX, 1941, p. 256-261
Ed. Guitton, « Un poème hardi et singulier : La Grâce de Louis Racine », in La Régence, Centre aixois d'études et de recherches sur le XVIIIe siècle, Armand Colin, 1970
Jovy, « La bibliothèque des Racine », Bulletin du bibliophile, 1932, p. 156-164
Abbé Adrien de La Roque, Lettres inédites de Jean et Louis Racine, 1862
Abbé Adrien de La Roque, Vie de Louis Racine, suivie d'une notice sur les autres enfants de Jean Racine, par l'un de ses arrière-petits-fils, Paris, Firmin Didot frères, 1852
Klara Padanyi, « Apologétique et Lumières dans La Religion de Louis Racine », L'Histoire au XVIIIe siècle, coll. d'Aix-en-Provence, , Aix-en-Provence, 1980
Klara Padanyi, « De la Grâce à la Religion. Du jansénisme aux Lumières dans les œuvres de Louis Racine », Acta litteraria Academiae scientiarum hungaricae, 1975, fasc. 3-4
Abbé Pêcheur, « Louis Racine à Soissons, sa société, ses relations et ses travaux », Bulletin de la Société des Archivistes de Soissons, 1899
Johannes Remmy, Louis Racine (1692-1763), Köln, 1937
Voltaire, Conseils à Monsieur Racine sur son poème de La Religion, par un amateur des belles-lettres (1742). Texte en ligne.
Watts, « Voltaire's verse against Louis Racine "De la grâce" », Modern language notes, 1925
Notes et références
↑Cet épisode lui servira de leçon : dans son poème La Religion, Louis Racine cherche à dissimuler l'inspiration janséniste et il va jusqu'à corriger les traductions faites par son père des hymnes du bréviaire romain pour en faire disparaître toute trace de jansénisme.