Jean-Louis Martinoty passe son enfance et son adolescence en Algérie où son père est fonctionnaire des impôts. En 1961, ses parents quittent l'Algérie pour Nice où il fait des études de lettres classiques tout en apprenant le violoncelle[4]. Après quelques années d'enseignement, il se fait connaître comme essayiste, journaliste, homme de radio et critique musical au journal L'Humanité[5]. C'est dans ce cadre qu'il rencontre le metteur en scène lyrique Jean-Pierre Ponnelle avec qui il découvre l'univers de l'opéra. Celui-ci l'invite en 1972 au Festival de Salzbourg où il prépare une nouvelle mise en scène des Noces de Figaro avec Herbert von Karajan pour évoquer un futur projet d'un livre commun sur Mozart. À la suite d'un remplacement ponctuel de Jean-Pierre Ponnelle pour une répétition, il devient son assistant pendant plusieurs années, écrivant pour lui la plupart des scénarios de ses films d'opéra (dont La Clémence de Titus, Madame Butterfly, Carmina Burana)[6] et réalisera lui-même en 1985 un film d'opéra (Pasticcio d'après Haendel) ainsi que deux documentaires sur le maniérisme italien. En 1992, il épouse Tamara Adloff[4].
Sa solide direction d'acteur, ses mises en scène érudites[réf. nécessaire][15], en collaboration régulière avec le décorateur autrichien Hans Schavernoch(de) et le costumier Daniel Ogier, sont la plupart du temps saluées, telle sa production des Noces de Figaro de Mozart qui reçoit à nouveau le Grand Prix de la meilleure production lyrique. Créée au théâtre des Champs-Élysées en 2001, elle est reprise trois fois au cours des sept saisons suivantes[2], puis au Wiener Staatsoper où elle entre au répertoire[16]. En revanche, Faust de Gounod à l'Opéra Bastille en 2011 avec Roberto Alagna dans le rôle-titre fait l'objet d'une salve de critiques négatives, notamment en raison de son décor chargé et de sa mise en scène jugée trop « kitsch »[17].
Il fait un retour remarqué en 2012 avec Macbeth de Verdi créé à l'Opéra national de Bordeaux[18],[19]. Reprise à l'Opéra de Nancy en 2013, à l'Opéra de Toulon en 2014[20], cette production est sa dernière mise en scène. Jean-Louis Martinoty meurt à l'âge de 70 ans le dans une clinique de Neuilly-sur-Seine après une opération du cœur[1]. Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, lui rend hommage dans un communiqué de presse[21] : « Le monde de l'Opéra pleure la disparition de celui qui s'est révélé très tôt comme l'un des meilleurs metteurs en scène d'Opéra de sa génération... Il aura été aussi un des grands directeurs de l'Opéra de Paris, tout à la fois gardien de la tradition lyrique et visionnaire ouvert à la modernité […] Il était de ces metteurs en scène dont l'art consiste à rester totalement au service des grandes partitions, donnant totalement à voir pour nous permettre de mieux les entendre… ». En , son ami Jean Ristat publie un long poème élégiaque sur sa disparition, Éloge funèbre de Monsieur Martinoty[22].
Jean-Louis Martinoty est inhumé dans le cimetière de Joiselle, village de la Marne où il vivait depuis quarante-cinq ans[23].
Administrateur général de l'Opéra de Paris
Jean-Louis Martinoty a été l'administrateur général de l'Opéra de Paris de 1986 à 1989. Nommé à la surprise générale le après la démission de son prédécesseur, l'Italien Massimo Bogianckino élu maire de Florence, il doit diriger la maison dans le contexte très tendu du « pré-Bastille », caractérisé par des querelles internes et d'importants problèmes de budget[24]. Malgré ces difficultés, il innove néanmoins à plusieurs reprises pendant son mandat[25],[26].
Dès son arrivée, il nomme un directeur musical (Lothar Zagrosek), fonction qui n'existait plus à l'Opéra de Paris depuis 1826 et qui a été maintenue quasiment sans interruption jusqu'à aujourd'hui ainsi qu'un directeur technique, un directeur de la programmation et un directeur des ateliers[27].
Passionné d'art contemporain, il le fait entrer non sans quelques remous sous les ors du Palais Garnier :
en initiant les "Cartes blanches", spectacle global monté autour d'un artiste peintre, d'un plasticien ou d'un sculpteur (Karel Appel, Paul Jenkins, Arman, Bernar Venet)
en collaborant avec des peintres ou des plasticiens comme décorateurs d'opéra (Valerio Adami, Olivier Debré, Dado), pratique qui était une première à l'époque et qui s'est largement généralisée par la suite
en décorant son propre bureau d'administrateur de meubles créés par Arman en forme d'instruments de musique.
Il inscrit au répertoire deux opéras du compositeur tchèque Leoš Janáček, Katja Kabanova et De la maison des morts, produits parallèlement pour la première fois en 1988 au Palais Garnier et Salle Favart.
Entre 1986 et 1989, trois opéras seront créés sur la scène du palais Garnier : La Célestine de Maurice Ohana dans une mise en scène de Jorge Lavelli, Doktor Faust de Busoni et Le Maître et Marguerite de York Höller d'après le roman de Boulgalkov, prix de la critique en Allemagne. C'est également sous le mandat de Jean-Louis Martinoty en que sera programmé à l'Opéra-Comique Atys de Lully, mis en scène par Jean-Marie Villégier sous la direction musicale de William Christie.
↑(de) Werke-Piccini-Strauss, Pipers Enzyklopadie des Musiktheaters Band 5, Carl Dalhaus, , 796 p. (ISBN3-492-024-15-7), p 541 "... Dans un décor d'une grande originalité, la géniale mise en scène de Jean-Louis Martinoty exprime parfaitement la gravité et l'extravagance de l'oeuvre, la distribution était idéale".
↑Sabine Chaouche, Denis Herlin et Solveig Serre, L'Opéra de Paris, la Comédie Française et l'Opéra-Comique, Approches comparées (1669-2010), Paris, Ecole des Chartes, , 424 p. (ISBN978-2-35723-023-1 et 2-35723-023-1, lire en ligne), Entretien avec Jean-Louis Martinoty p 379-382
↑Jacques Drillon, « Les coups de colère de Martinoty », Le Nouvel Observateur, , page XIV Obs de Paris