Grand Prix automobile de Belgique 1963Grand Prix de Belgique 1963
Le Grand Prix de Belgique 1963 (XXIIIe Grand Prix de Belgique / XXIII Grote Prijs van Belgie), disputé sur le circuit de Spa-Francorchamps le , est la cent-treizième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la deuxième manche du championnat 1963. Contexte avant la courseLe championnat du mondeDepuis 1961, la Formule 1 suit la réglementation 1 500 cm3 (dérivée de l'ancienne Formule 2 de la période 1957 à 1960). Initialement prévue pour une période de trois ans, la formule vient d'être prolongée de deux années supplémentaires par la Commission sportive internationale, garantissant la stabilité technique jusqu'à fin 1965[1]. La réglementation s'appuie sur les points suivants[2] :
L'année 1962 avait été marquée par le duel entre Jim Clark et Graham Hill, ce dernier ayant remporté le titre sur sa BRM à l'issue de la dernière course, son rival ayant perdu victoire et championnat lorsque sa révolutionnaire Lotus 25 à châssis monocoque avait été stoppée par un problème mécanique. La saison 1963 a commencé sous les mêmes auspices, Hill ayant imposé sa BRM au Grand Prix de Monaco après un nouvel abandon de Clark, qui avait dominé l'épreuve avant d'être contraint à l'abandon à case du blocage de sa boîte de vitesses. Le circuitC'est en 1924, à l'occasion des 24 Heures de Spa, qu'eut lieu le premier évènement majeur sur le tracé naturel de Spa-Francorchamps. Quatre auparavant, la découverte du site avait donné à Jules de Thiers l'idée d'utiliser les routes reliant Francorchamps, Malmedy et Stavelot afin de créer un circuit caractérisé par un relief très marqué et des courbes rapides exigeant une grande maîtrise de la part des pilotes. Le tracé fut inauguré en 1921 à l'occasion d'une course motocycliste et fut utilisé dès l'année suivante pour les courses auto et motos. Développant initialement près de quinze kilomètres, le tracé a depuis été légèrement modifié, notamment par le court-circuitage du secteur de l'ancienne douane grâce à la création du Raidillon de l'Eau Rouge, impressionnante montée à 17%, et sa longueur a été ramenée à quatorze kilomètres. Lors des essais qualificatifs du Grand Prix de 1960, Jack Brabham avait réalisé un tour à plus de 220 km/h au volant de sa Cooper, s'attribuant le record officieux de la piste[3]. Monoplaces en lice
La nouvelle P61 à structure monocoque n'est pas achevée, Graham Hill et Richie Ginther utilisent une fois encore les P57 à châssis tubulaire qui leur ont permis de réaliser le doublé au Grand Prix de Monaco. Ces monoplaces de 475 kg sont équipées d'un moteur V8 à injection indirecte Lucas développant 200 chevaux. Celle de Ginther dispose de la boîte de vitesses à six rapports prévue pour la P61, celle de Hill ayant toujours la traditionnelle boîte 'cinq', tout comme le mulet mis à la disposition des deux pilotes. Cette voiture de réserve aurait d'ailleurs dû être cédée à la Scuderia Centro Sud et pilotée par Lorenzo Bandini, mais l'équipe de Bourne a postposé sa vente jusqu'à l'arrivée de la nouvelle voiture[4].
La Lotus 25 à structure monocoque (quatre fois plus rigide que les traditionnels châssis multitubulaires) est de loin la machine la plus performante du plateau, faute d'être la plus fiable. Pour la saison 1963, elle dispose de la dernière version du moteur V8 Coventry Climax FWMV, à injection indirecte Lucas, délivrant 198 chevaux à 9500 tr/min. La transmission est assurée par une boîte de vitesses ZF à cinq rapports. Compacte et basse, la '25' ne pèse que 455 kg à sec[5] et exige une position de conduite très allongée[6], contrainte dont s'est parfaitement accommodé Jim Clark mais handicapant son coéquipier Trevor Taylor, de plus grande taille que le pilote écossais. Tous deux pilotent les mêmes voitures qu'à Monaco, l'équipe ayant également une voiture de réserve, un peu moins performante car utilisant un moteur V8 de la saison précédente, à quatre carburateurs double corps (184 chevaux[7]).
L'écurie British Racing Partnership (BRP), dirigée par Alfred Moss et Ken Gregory, a cette année construit sa propre monoplace mais engage en outre une Lotus 24 de la saison précédente (châssis tubulaire, moteur V8 BRM, 455 kg[8]) pour le Texan Jim Hall. Joseph Siffert pilote un modèle identique, que le pilote suisse a racheté à son ex-employeur Georges Filipinetti[9].
L'équipe britannique a préparé deux T66 à moteur V8 Climax à injection pour Bruce McLaren et Tony Maggs. Conçues par Owen Maddock, ces monoplaces de 460 kg sont dotées d'une boîte de vitesses à six rapports[10]. Celle de McLaren bénéficie d'un pare-brise profilé, améliorant la vitesse de pointe.
Comme à Monaco, Joakim Bonnier dispose de la T60 de Rob Walker, dotée d'un moteur V8 Climax à injection mais pourra également utiliser la T66 dont l'équipe vient de terminer la préparation ; elle utilise également un moteur V8 Climax à injection, accouplé à la nouvelle boîte de vitesses Colotti à six rapports[11].
La Scuderia Ferrari engage deux 156-63 pour John Surtees et Willy Mairesse. Ces monoplaces reprennent les éléments mécaniques des 156 championnes du monde en 1961, mais le châssis multitubulaire et les suspensions ont été redessinés par Mauro Forghieri. Il s'agit d'un modèle de transition avant l'arrivée de la nouvelle voiture à structure monocoque, prévue pour la fin de l'été. Pesant 480 kg, les 156-63 sont dotées de la dernière version du V6 à 120°, désormais doté d'un système d'injection directe Bosch, développant 200 à 10500 tr/min[12] ; mis au point par l'ingénieur suisse Michael May, ce moteur est accouplé à une boîte de vitesses à six rapports[13].
Associé à son compatriote Ron Tauranac, le double champion du monde Jack Brabham a construit des monoplaces de Formule Junior avant de réaliser sa première monoplace de Formule 1 en 1962, la Brabham BT3, qu'il a étrennée en course lors du Grand Prix d'Allemagne[14]. Ayant obtenu des résultats prometteurs en fin de saison, le pilote-constructeur s'est adjoint les services de Dan Gurney pour la saison 1963. Ce dernier dispose de la nouvelle BT7, tandis que Brabham utilise toujours la BT3, le second châssis BT7 n'étant pas terminé. Techniquement très proches, ces deux modèles à châssis multitubulaire sont équipés du moteur V8 Climax à injection. La BT3 utilise une boîte de vitesses Colotti à six rapports, la BT7 une boîte Hewland à cinq rapports. Elles pèsent respectivement 465 et 470 kg à vide[10].
Des problèmes de mise au point ont retardé l'apparition en course des ATS, initialement prévue au Grand Prix d'Imola en avril. Bien que la tenue de route des monoplaces italiennes laisse encore à désirer, Carlo Chiti et son équipe ont toutefois tenu à participer à l'épreuve belge, avec deux voitures engagées pour Phil Hill et Giancarlo Baghetti. Pesant 460 kg, les ATS 100 ont un châssis multitubulaire et sont équipées d'un moteur V8 de 190 chevaux, accouplé à une boîte de vitesses Colotti à six rapports[15].
Conçue par le chef mécanicien Tony Robinson, la BRP est une monoplace à châssis monocoque dont la ligne s'inspire de la Lotus 25. Équipée d'un moteur V8 BRM accouplé à une boîte de vitesses Colotti à cinq rapports, elle pèse 475 kg à vide[10]. La voiture a été testée par son concepteur sur le circuit de Silverstone avant de faire ses débuts en course aux mains d'Innes Ireland[16].
Comme à Monaco, Reg Parnell aligne les deux Lola Mk4 qu'il a rachetées à l'équipe Bowmaker Racing. Premier pilote, Chris Amon est épaulé par Lucien Bianchi pour cette course. Les Mk4 pèsent 490 kg et sont équipées d'un moteur V8 Climax à carburateurs. La voiture d'Amon (version Mk4A) est équipée d'une boîte de vitesses Colotti à six rapports, celle de Bianchi, plus ancienne, d'une boîte cinq vitesses[17].
Financée par le jeune mécène américain Hugh Powell, l'équipe Scirocco fait débuter sa première monoplace construite, dérivée de l'Emeryson Mk3 et équipée d'un moteur V8 BRM. Elle est aux mains de Tony Settember. Également inscrit, Ian Burgess a dû déclarer forfait, la deuxième voiture n'étant pas terminée[18].
Carel Godin de Beaufort a engagé sa Porsche 718 (moteur quatre cylindres à plat refroidi par air, 165 chevaux), une ancienne Formule 2 avec laquelle il dispute sa troisième saison[19]. Coureurs inscritsQualificationsDeux séances qualificatives sont programmées, le vendredi et samedi après-midi précédant la course[1]. Première séance - vendredi 7 juinLes essais qualificatifs commencent le vendredi en fin d'après-midi, sous le soleil. Tony Maggs est parmi les premiers à établir un temps de référence au volant de sa Cooper et à descendre sous la barre des quatre minutes au tour. Le pilote sud-africain tient longtemps le haut de l'affiche avant que Jack Brabham n'effectue une série de tours très rapides et n'établisse le meilleur temps, à 214,5 km/h de moyenne. Son coéquipier Dan Gurney a par contre très peu tourné, le comportement de sa monoplace ne lui convenant pas, les réglages de suspension n'étant pas adaptés au circuit. Les favoris Jim Clark et Graham Hill ne sont pas en mesure de jouer les premiers rôles, le premier rencontrant des problèmes de boîte de vitesses avec sa Lotus tandis que la BRM du champion du monde ne semble pas parfaitement au point. La Ferrari de John Surtees a tendance à surchauffer, contrairement à celle de son coéquipier Willy Mairesse qui attaque sans relâche devant son public et parvient, en fin de séance, à tourner à 214,9 km/h de moyenne, devançant Brabham. Arrivées sur le circuit alors que la session était déjà commencées, les deux ATS ont très peu tourné, Phil Hill n'accomplissant que deux tours lancés alors que Giancarlo Baghetti n'a pu effectuer qu'un seul tour, à vitesse réduite.
Deuxième séance - samedi 8 juinLa deuxième session commence en début d'après-midi, toujours sous le soleil. D'emblée, Graham Hill bat les temps réalisés la veille et parvient à tourner à près de 217 km/h de moyenne au volant de sa BRM. Personne ne parviendra à inquiéter le pilote britannique, seul Gurney s'en approchant à moins d'une seconde. Les problèmes de boîte de vitesses ne sont pas complètement réglés sur la Lotus de Clark, qui devra attendre la fin de la séance pour accomplir une série de tour lancés, se qualifiant à trois secondes de Hill. Son coéquipier Trevor Taylor a dû se rabattre sur le mulet, étant sorti de la route à cause de l'affaissement de la suspension de sa monoplace, qui ne pourra être réparée pour la course. Comme l'année précédente, Hill partira en pole position. Il prendra le départ au côté de Gurney et de Mairesse, le pilote belge complétant la première ligne, et devant les deux Cooper de Maggs et McLaren. Pour sa première sortie, la BRP s'est montrée compétitive, Innes Ireland ayant obtenu le sixième temps de la séance ; il partira en troisième ligne entre Brabham (qui n'a pas cherché à améliorer sa performance de la veille) et Clark. Manquant de mise au point, les deux ATS Phil Hill et Baghetti partiront en fond de grille, tout comme la nouvelle Scirocco de Tony Settember.
Tableau final des qualifications
Grille de départ du Grand Prix
Déroulement de la courseLe départ est donné le dimanche à quinze heures trente. Il a plu toute la matinée aussi, malgré l'accalmie passagère, la piste est-elle toujours détrempée au moment où les vingt monoplaces s'élancent[11]. Placés en première ligne, Graham Hill et Dan Gurney partent promptement mais à leur côté la Ferrari de Willy Mairesse patine quelques instants en restant sur place et se fait déborder de toute part. Pour l'éviter, Jim Clark, parti en troisième ligne et qui avait pressenti la nervosité de Mairesse devant son public[21], emprunte la zone de décélération des stands ; lancé, il se porte au niveau des premiers et parvient à placer sa Lotus en tête à l'abord du Raidillon de l'Eau Rouge, devant la BRM du champion du monde et la Brabham de Gurney. À la fin du premier tour, Clark et Hill ont pris une énorme avance sur leurs poursuivants, Gurney et son coéquipier Jack Brabham apparaissant côte à côte quinze secondes plus tard, devant Mairesse qui a regagné plusieurs places après son envol manqué. Au passage suivant, l'écart s'est encore creusé, les deux Britanniques devançant de vingt-deux secondes Mairesse, désormais troisième devant Brabham, alors que Gurney a rétrogradé en sixième position derrière la Cooper de Bruce McLaren et se trouve sous la menace de la Ferrari de John Surtees. Ce dernier prend peu après la sixième place, puis la cinquième après avoir débordé McLaren. À la fin du quatrième tour, alors que Clark et Hill ont encore augmenté leur avance sur le groupe de chasse, Mairesse rate son freinage à l'épingle de la Source et doit emprunter l'échappatoire ; il reprend la piste juste devant McLaren, alors que Brabham et Surtees viennent de passer. Gêné en début de course par des vitesses qui sautaient, Clark a accéléré la cadence et s'est détaché de Hill. Après cinq tours, il a relégué son principal adversaire à huit secondes. Troisième juste devant Surtees et McLaren, Brabham accuse déjà quarante-quatre secondes de retard. Mairesse a des problèmes d'injection et s'arrête à son stand alors que passe Gurney. Le pilote belge repartira sans que le problème soit réglé et abandonnera peu après. Brabham rencontre également des problèmes de carburation et doit laisser passer Surtees. La piste commence à s'assécher et la moyenne augmente. Hill perd du terrain sur Clark et Surtees réduit imperceptiblement son retard sur la BRM. À la fin du huitième tour, alors que Brabham rentre à son stand pour tenter de réparer sa pompe d'injection, l'écart entre les deux premiers est passé à douze secondes. Hill perd maintenant deux secondes au tour sur Clark et sa marge sur Surtees n'est plus aussi confortable, le pilote Ferrari lui reprenant plus d'une seconde à chaque boucle. Beaucoup plus loin, Gurney a pris le meilleur sur McLaren dont le moteur ne donne plus toute sa puissance. Tandis que Brabham renonce, Clark continue à forcer l'allure, avec désormais vingt secondes d'avance. Surtees grignote toujours son retard sur Hill mais au quatorzième tour son moteur commence à avoir des ratés et il doit rentrer au stand, perdant toute chance de bien figurer. À Plus d'une minute de la Lotus de tête, Gurney prend alors la troisième place. Alors qu'on arrive à la mi-course, le ciel devient à nouveau menaçant. Clark, qui vient de tourner à 213 km/h de moyenne, a porté son avance sur Hill à vingt-six secondes lorsqu'une averse éclate. Quelques minutes plus tard le vent se lève et l'orage gronde. La BRM de Hill commence à émettre un bruit bizarre et le pilote britannique n'ira pas beaucoup plus loin. Tous les pilotes ont levé le pied, mais dans ces conditions McLaren, qui avait été débordé par la BRM de Richie Ginther, commence à revenir sur l'Américain. Au vingtième tour, la pluie s'est intensifiée et Clark a porté son avance sur Gurney à plus de deux minutes. Le Californien est loin devant McLaren et Ginther, dont la voiture se comporte très mal sur le mouillé, contrairement à la Cooper de Tony Maggs qui va s'emparer de la quatrième place au vingt-et-unième tour. Joakim Bonnier, qui effectue une course régulière sur sa Cooper, roule isolé en sixième position. McLaren, dont le moteur ne tourne plus que sept cylindres, parvient à préserver sa troisième place. La piste est bientôt complétement détrempée et le rythme baisse sérieusement. Clark est sur le point de prendre un tour d'avance sur tous ses adversaires : il déborde Ginther, puis Maggs trois tours plus tard. La pluie redouble d'intensité et la visibilité devient problématique. Aveuglé, Maggs sort de la piste. Il parvient à repartir, rejoint son stand pour changer ses lunettes et découvre alors que son radiateur d'huile a éclaté ; c'est l'abandon. Malgré son allumage défaillant, McLaren n'a pas baissé les bras ; lorsque Clark le déborde, il parvient à se caler dans son sillage. À deux tours de la fin, ils rejoignent Gurney. Celui-ci s'écarte pour laisser passer la Lotus, ignorant que la Cooper est dans ses roues. McLaren en profite pour prendre la seconde place, à la surprise de l'Américain ! Avec un tour d'avance, Clark baisse alors nettement sa cadence. C'est presque au ralenti qu'il termine la course, remportant sa deuxième victoire sur ce circuit. McLaren, qui a redoublé la Lotus, prend une belle seconde place malgré ses problèmes de moteur. Seul à terminer dans le même tour que le vainqueur, il devance Gurney et Ginther, tandis que Bonnier termine attardé devant la vieille Porsche privée de Carel Godin de Beaufort, méritant sixième. Classements intermédiairesClassements intermédiaires des monoplaces aux premier, deuxième, troisième, cinquième, huitième, dixième, quinzième, vingtième et vingt-cinquième tours[22],[23].
Classement de la course
Pole position et record du tour
Évolution du record du tour en courseLe meilleur tour fut amélioré quinze fois au cours de l'épreuve[22]. Progression du record du tour
Tours en tête
Classement général à l'issue de la course
À noter
Notes et références
|
Portal di Ensiklopedia Dunia