In america Cuicatl de Xavier Pommeret par Carlos Wittig-Montero (1979)
Dissident ? Il va sans dire de Michel Vinaver toujours par Carlos Wittig-Montero (1980).
À l'automne 1978, il rencontre Carlos Wittig (1951-1988). Ce Chilien, diplômé de cinéma et de théâtre, débarque à Paris en 1973 juste avant le coup d'État du général Pinochet. Jacques Rosner, directeur du Conservatoire d'alors, donne à Wittig la possibilité de créer en son sein sa première mise en scène de théâtre en France. Le jeune homme commande alors à Xavier Pommeret une grande fresque sur l’histoire du Mexique, In America Cuicatl.
Le texte est encore en cours d’écriture quand les répétitions commencent. Le jeune Georges Bigot fait partie des sept passagers de l'embarcation et s'apprête à une rencontre dont certains comme Georges Aperghis, Philippe Minyana, Maria Koleva, Ariane Ascaride ou Raoul Ruiz avoueront qu'elle fut une des plus édifiantes de leur carrière.
Les élèves rassemblés sous sa direction se livrent à une série d'exercices aussi éprouvants qu'incompréhensibles. Carlos Wittig semble prolonger de beaucoup la méthode de Grotowski qu'il adjoint à d'étranges chorégraphies et toute une grammaire corporelle astreignantes auxquelles les jeunes gens se plient sans en comprendre l'issue.
« Tout au long de ces répétitions, ce très jeune metteur en scène sera un pédagogue inavoué et d’une générosité prolifique autant qu’universelle : il semble avoir engrangé dans sa pratique tous les exercices d’entraînement du comédien mis au point aux quatre coins du monde et, par cette connaissance virtuose, il fera tomber une à une nos barrières inconscientes – ces "blocages" derrière lesquels nous nous réfugions et nous nous empêtrons si facilement[1].»
À l'issue de cette aventure, Georges Bigot se dirige vers les ateliers d'art dramatique du Théâtre du miroir (devenu ensuite la Compagnie Miroir et Métaphore) fondé par Daniel Mesguich en 1974 dès la fin de sa formation. Celui qui n'est pas encore le plus jeune professeur du Conservatoire accueille donc Georges Bigot, de trois ans son cadet. À nouveau ce dernier ne restera pas.
Il a vingt-cinq ans quand il frappe aux portes du Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes. Il sort à peine du tournage d'un dernier téléfilm où il prête ses traits au jeune Jean Vilar....(Vilar... Jean, 1981).
Sous le soleil
Ariane Mnouchkine et sa troupe du Théâtre du Soleil l'hébergeront onze années, de 1981 à 1992. C'est sous cette immense augure qu'il en deviendra l'un des grands interprètes, y jouant dans de nombreuses créations telles que la série des Shakespeare :
En 1993, il continue ses pérégrinations en marge du jeu pour accompagner la formation chilienne de Quilapayún le temps d'un concert Les Trois Temples de l'Amérique.
La même année, il rencontre Elsa Solal et lui confie l'écriture d’Armor (1995) dont il dirigera les trois lectures dont une à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon durant le festival d'Avignon 1995.
En 1996, il retrouve Stuart Seide pour une série de spectacles autour de l'œuvre de Beckett : Acte sans parole I, Fragment de théâtre I, Quoi où et Va et vient.
En 2001, il rencontre Tim Robbins à Los Angeles et crée La Mouette avec la compagnie de « The Actor’s Gang ».
Entre 2000 et 2004, il est au Mali et travaille avec l’atelier de Bamako (BlonBa) sur Le Retour de Bougouniéré de Jean-Louis Sagot-Duvauroux et Ségou Fassa d'après Djéli Baba Sissoko[2]. Il met en scène et joue avec la troupe de comédiens africains dont il crée les spectacles en banlieue parisienne.
En 2005, il retourne voir Tim Robbins pour travailler sur sa pièce Embedded qu'il va traduire, mettre en scène, interpréter et créer en à Langon, non loin de Bordeaux, avec la troupe du Petit Théâtre de Pain.
Puis il revient à La Mouette dès 2006 sur la proposition de Philippe Adrien (rôle de Trigorine) tout en s'offrant un duo de danse contemporaine dans L’histoire de l’ombre chorégraphié par Philippe Ducou.
En 2007, Simon Abkarian achève l'écriture de sa première pièce Pénélope, Ô Pénélope. Pour sa création il réunit les vieux copains de la Cartoucherie et offre quatre rôles à Georges Bigot dont celui, troublant, de la mère d'Elias, transposition d'Ulysse.
Puis c'est au tour de Valérie Grail, également rencontrée à la Cartoucherie en 1992, de lui demander sa participation à La chance de ma vie. Une création où se mêlent plusieurs écritures et où certains des auteurs (tels Rémi de Vos ou Jean-Gabriel Nordmann) se retrouvent eux-mêmes en scène pour jouer leur vie sur… une audition.
En 2007, il rejoint Maurice Durozier pour participer à la création du spectacle musical d’Eric de Dadelsen, Le Casting.
En 2009, le festival d'Avignon célèbre le triomphe d'un auteur/metteur en scène parmi les plus doués de sa génération en la personne de Wajdi Mouawad. Le Sang des promesses, sa grande fresque de plus de dix heures, s'achève par un huis clos oppressant. Ciels, quatrième opus réunit Olivier Constant, Valérie Blanchon, John Arnold, Stanislas Nordey et Georges Bigot.
En 2010, Georges Bigot reprend un rôle dans Something Wilde, librement adapté de la Salomé d'Oscar Wilde, mis en scène par Anne Bisang.
En 2011, il met en scène avec Delphine Cottu une nouvelle version en langue khmère de L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge avec vingt-cinq acteurs et quatre musiciens de l'École des Arts Phare Ponleu Selpak. Ce spectacle, construit au fur et à mesure que se mettait en place le Tribunal international pour juger les criminels khmers rouges, sera créé en France à l'automne 2011. « Jamais création théâtrale ne fut si chargée d’urgences et de responsabilités » (Hélène Cixous)[3].
En 2011, toujours dans la même ligne artistique, il met en scène CAFI de et avec Vladia Merlet pour la Compagnie Le Bruit des Ombres[4].
En 2021, et près de trente ans après avoir quitté la troupe, George Bigot revient au Théâtre du Soleil pour participer à la création collective relue par Hélène Cixous et mise en scène par Ariane Mnouchkine, L'Île d'Or[6].
L'art du partage
La passion du jeu se double rapidement chez Georges Bigot d'une hâte à transmettre, former et accompagner à la création auprès de nombreux groupes en France et à travers le monde (États-Unis, Brésil, Chili, Singapour, Mali, Cambodge) pour autant d'occasions qu'il aura de fonder des projets, voire des troupes :
à Los Angeles, pour enseigner l'usage des Masques de la Commedia dell'arte, en 1984 et 2001 (il y rencontre Tim Robbins)
à Fortaleza, au Salvador, et à Crato, au Brésil, en 1988
à Singapour, en 1992.
à Chicago, en 2000 puis en 2015 pour un stage de trois semaines en compagnie d'une parterre de comédiens trans-générationnels (de 11 à 64 ans !!)[7].
à Santiago du Chili, en 2003 (à la suite duquel il créera Ail d’Hélène Cixous au festival Teatromil en 2004).
En France, il est amené à travailler pour de nombreux Centres dramatiques nationaux et de compagnies théâtrales.
Cette appétence particulière lui vaut même de figurer dans son propre rôle dans un court métrage qui dit peut-être quelque chose de son art d'enseigner à l'époque.Répétition" un court métrage de Patricia Bardon de 1993.
De 1993 à 2001, il enseigne la pratique de l’art de l’acteur à l’Université de Bordeaux III, où il rencontre les comédiens qui formeront plus tard Le Petit Théâtre de Pain, et dont Et ils passèrent des menottes aux fleurs… de Fernando Arrabal (1998) couronnera leurs années de formation.
Il dirige également le festival de théâtre « Les Chantiers de Blaye » de 1996 à 2001.
Il collabore à l'écriture et la création d'« Ambrouille » en 2000 et les dirige dans Le Pic du Bossu de Sławomir Mrożek en 2004, créé en 2007.
En 2022, il prend la co-direction artistique de l'Association de Recherche des Traditions de l'Acteur (ARTA) en coordination avec ses vieux compagnons de route du Soleil, Duccio Bellugi-Vannuccini et Maurice Durozier.
↑Selon Marie-Luce Bonfanti, ancienne élève et amie de Carlos Wittig, dont elle relate le souvenir dans « Le verbe fait corps et le corps devient verbe : le travail de direction d’acteur de Carlos Wittig-Montero à travers deux expériences théâtrales. », paru dans Alternatives théâtrales no 96/97 de .