Huber descend d'un ancêtre tyrolien installé à Schaffhouse pour des raisons religieuses.
Plusieurs membres de sa famille se sont illustrés dans les arts et les sciences :
sa grand-tante, Marie Huber (1695–1753), prolifique auteur d’ouvrages de théologie, traductrice du quotidien The Spectator[1] ;
son père, Jean Huber (1721–1786) ancien militaire, ancien membre de la communauté de Ferney, caricaturiste célèbre, auteur d'Observations sur le vol des oiseaux[2], très remarquées ;
son frère, Jean-Daniel Huber[3], peintre, qui deviendra aveugle lui aussi ;
sa collaboratrice pour l'étude de la cire, Christine Jurine[7],[8] ;
son fils, Pierre Huber (1777–1840), auteur de Recherches sur les mœurs des fourmis indigènes, parues en 1810, rééditées en 1861[9].
Vie
François Huber est le fils de Jean Huber, peintre et silhouettiste suisse, célèbre pour ses représentations de Voltaire. Il commence à souffrir à quinze ans des premiers signes d’une maladie qui le rendra complètement aveugle. Il étudie la chimie et la physique à l'académie de Genève, avec Horace Bénédict de Saussure. Son père le mène à Paris consulter le célèbre Théodore Tronchin. Tronchin l'envoie se reposer à Stains, mais le jeune adore la campagne et laboure avec cœur.
Avant que ses yeux ne s'éteignent, Huber a croisé du regard Marie-Aimée Lullin, dont le père, qui est extrêmement riche, ne veut pas d'un aveugle comme gendre. Marie-Aimée attendra sa majorité, à vingt-cinq ans, pour épouser François[11] ; le mariage est célébré en 1776, à peine 23 jours après l'anniversaire de l'épousée[12]. L'union sera heureuse[13].
C’est grâce à l’aide de sa femme et à celle de son secrétaire, François Burnens, que Huber pourra, malgré sa cécité, mener ses recherches[4]. Il se fait lire les observations de Réaumur sur les abeilles[14]. À l'exemple de Réaumur, il fait construire une ruche vitrée pour les observer. Charles Bonnet l'encourage à publier ses observations[15], ce qui arrive en 1792. En 1814, paraît une nouvelle édition, considérablement augmentée, avec un second volume, inédit.
Il assiste Jean Senebier (1742–1809) dans la rédaction de ses Mémoires sur l'influence de l'air, etc., dans la germination (Genève, 1800). Il fait aussi paraître des Mémoires sur l'origine de la cire, une Lettre à M. Pictet[16] sur certains dangers que courent les abeilles et des Nouvelles observations relatives au sphinx Atropos.
Il passe « les dernières années de sa vie auprès de sa fille, Mme de Molin[17], à Lausanne[18] » et meurt en 1831 à l'âge de 81 ans, « aimable et aimant jusqu'à la fin[19] » : « il est des moments où il est impossible de tenir les bras croisés, c'est lorsqu'en les écartant un peu l'un de l'autre on peut dire à ceux qu'on aime tout ce qu'ils vous ont inspiré d'estime, de tendresse et de reconnaissance[20]. »
Huber était membre de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève (depuis 1790[21]) et membre correspondant de l'Académie des sciences de France (depuis 1813[22]).
Contributions
« Huber a vu bien au-delà de tout ce que ses prédécesseurs avaient cru observer. »
Huber démontra que la reine est fécondée dans les airs : p. 465 ;
une colonie sans reine depuis 24 heures accueille sans difficulté une autre reine (Réaumur avait établi le fait ; Huber décrit la manière) : p. 469 ;
Réaumur en 1740 avait décrit la collecte de propolis par les abeilles ; Huber s'arrangea pour qu'elles le collectent à un endroit où on pouvait les observer : p. 562 ;
à partir d'une observation de Huber et avec l'aide de Mlle Jurine, il montra indiscutablement que la cire a son origine dans des glandes cérifères ;
Huber trouva des plaques d'une substance semblable à la cire sous les ailes abdominales des abeilles ; il démontra que la cire était sécrétée pourvu que les abeilles aient accès à du miel ou une autre source de sucre : p. 563 ;
Huber observa et décrivit la construction des rayons de miel : p. 564[25] ;
Huber observa que les faux-bourdons étaient déjà en vol quand la reine se présentait : p. 570 ;
Huber distingua clairement la nourriture des ouvrières de la gelée royale, destinée aux futures reines : p. 578.
Voici comment Louis-François Jéhan[26], pour sa part, décrit la contribution de Huber (nous introduisons des puces) :
« Il démontra que la reine ne devient féconde que dans ses voyages aériens et que, quand cette fécondité est tardive, elle ne pond que des œufs de faux-bourdons ;
il confirma la découverte du pasteur Schirac sur la faculté que possèdent les nourrices de changer les larves d'ouvrières en larves royales ;
il découvrit que les abeilles ouvrières peuvent pondre des œufs de faux-bourdons, et indiqua les causes accidentelles de cette fécondité ;
il fit connaître les circonstances variées qui donnent lieu au combat des reines entre elles, et ce qui résulte de la substitution d'une reine étrangère à la reine naturelle ;
il expliqua l'origine et l'histoire des essaims ;
il raconta la manière dont les larves filent la soie de leur coque, et trouva la raison pour laquelle la coque des jeunes reines est ouverte à son extrémité ;
il prouva que le principal usage des antennes est de permettre aux abeilles de se distinguer les unes des autres ;
il observa le premier la ventilation qu'opèrent les abeilles pour renouveler l'air dans leurs ruches ;
il avait fait connaître l'origine de la propolis, il éclaira par des expériences positives celle de la cire, qui était un point fort obscur de l'histoire des abeilles ;
il distingua les ouvrières qui la fournissent de celles qui la mettent en œuvre ;
enfin, après des essais ingénieux et multipliés, il réussit à forcer les ouvrières de sculpter leurs cellules sous ses yeux. »
Ajoutons à cela que Huber a suivi une méthode scientifique rigoureuse, et ce n'est pas le moindre de ses mérites. Il a aussi conçu la ruche à cadres mobiles, qu'il appelait la « ruche en livre[27],[28] » et il a prouvé que les abeilles, en cas de danger, rétrécissaient intentionnellement l'entrée de la ruche.
Nouvelles observations sur les abeilles, adressées à Charles Bonnet, suivies d’un Manuel pratique de la culture des abeilles, par D., in-12, Paris, Debray, 1796
Nouvelles observations sur les abeilles, « seconde édition, revue, corrigée et considérablement augmentée », Paris et Genève, 1814 : t. 1 ; t. 2 — Autre numérisation, chez Google Livres, t. 1 ; t. 2
(en) Observations on the natural history of bees, 1841
(de) Neue Beobachtungen über die Bienen, trad. et notes d'après la 2e éd. par Georg Kleine, Einbeck, 1859 : comprend le t. 1 et (après la p. 310) le t. 2
(fr + en + es + de) Les Nouvelles observations sur les abeilles, édition du bicentenaire (1814–2014), 2 tomes — Éditions en français, anglais, espagnol et allemand.
« Mémoire sur l'origine de la cire », dans Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts, t. 58, 1804, p. 142–152 — Extrait de la Bibliothèque britannique[29]
Marc-Auguste Pictet, collaborateur à la Bibliothèque ; comme Huber, il avait eu Horace-Bénédict de Saussure comme maître ; il le remplaça dans sa chaire.
Marie-Aimée Lullin, Roman en 12 lettres, manuscrit dactylographié en 1971 par Andrée Cuendet de 12 lettres de et à Aimée Lullin dite Nanette, épouse de François Huber, avec commentaires, 1762-1776 — DAVEL, archives cantonales vaudoises, pièces PP 605/86 et PP 605/86 bis.
↑ ab et cRemarquer l'usage du « nous » chez Huber, par exemple aux p. 3 et suivantes de l'édition de 1814.
↑Huber (p. 1 de sa préface à l'édition de 1814) le décrit comme un « domestique ». Montet 1877, p. 423, le suit, de même que la plupart des auteurs. Mais il semble bien, au vu des lettres entre Huber et Burnens, qu'il soit devenu bien plus.
↑Les frères Haag disent que Huber avait trouvé en lui : « à la fois un ami, un lecteur, un secrétaire et un prosecteur plein de zèle et de sagacité ».
↑Christine Jurine (1776–1812), fille de Louis Jurine, mourut avant la publication de la seconde édition des Nouvelles observations ; elle avait aidé son père dans son travail scientifique et remplit ce même rôle auprès de Huber. Elle était en outre une excellente dessinatrice. Témoignage d'Huber sur elle : Nouvelles observations, t. 2, 1814, p. 431. On l'appelait toujours « Mlle Jurine » et c'est ainsi qu'elle signait ses dessins.
↑« La fille de Louis Jurine » ; Saucy, épisode 4, p. 28.
↑Comme plusieurs de ces personnages étaient célèbres, on leur donnait des surnoms. François sera « Huber les abeilles », son père était connu comme « Huber-Voltaire » et son fils comme « Huber les fourmis ».
↑Affirmation reprise par Carr (p. 14) : « [T]he illustrious Huber […] made more true discoveries about bees than all the writers before him or since. »
↑Darwin fit de même, mais longtemps après, en 1859.
↑On en attribue aussi la création à Georges de Layens : Saucy, épisode 1, p. 33.
↑« Huber invented the first bar-frame hive ; but his frames formed the hive, and the frames opened with hinges, the same as the leaves of a book. »Carr, p. 14.
↑D'abord paru comme : « Nécrologie », dans Revue encyclopédique, ou analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans la politique, les sciences, l'industrie et les beaux-arts : recueil mensuel, vol. 53, 1832, p. 752.