Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou 1999
Le FESPACO 1999 est la 16e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Il se déroule du 27 février au 6 mars 1999 à Ouagadougou au Burkina Faso. Le festival fête ses 30 ans d'existence[1]. Le thème de cette édition est « Cinéma et circuits de diffusion en Afrique »[2]. Le film Pièces d'identités de Mwezé Ngangura décroche l'Étalon de Yennenga[3]. C'est la première fois dans l'histoire du festival que l'Etalon de Yennenga est attribué à une comédie[4],[5]. ContexteLa mort suspecte du journaliste Norbert Zongo le 13 décembre 1998 ayant généré des contestations, les projections gratuites sur écran géant place de la Révolution sont annulées ainsi que les animations musicales, et la rue marchande (vaste marché d'artisanat) est reléguée sous le nom de galerie marchande dans la cour de la Maison du peuple sous bonne garde policière et avec entrée payante. L'appel à une journée Fespaco mort le 3 mars n'interrompt cependant pas le cours du festival, les manifestations estudiantines ayant été éloignées des zones festivalières[4]. A Paris, l'association dirigée par Andrée Davanture, Atria, ferme ses portes, à la suite du retrait de sa subvention du ministère français de la Coopération : un lieu s’éteint, qui fut durant 20 ans le principal soutien des réalisateurs africains auprès du milieu professionnel français[6]. En revanche, l'association Ecrans Nord-Sud voit le jour sous la direction de Dominique Wallon, assisté de Valérie Mouroux. Elle vise à mettre en place des partenariats entre des professionnels français et africains et organiser des formations dans le domaine de l'exploitation et la distribution[7]. A Ouagadougou, le gouvernement a engagé le 26 février 1998 les services d'un cabinet d'expertise pour aboutir à la liquidation de la SONACIB (Société nationale de distribution et d'exploitation cinématographique), conformément à une loi votée par l'Assemblée nationale le 1er juillet 1994. Connaissant des difficultés de trésorerie, notamment une dette de plusieurs milliards, elle avait été placée sous administration provisoire en août 1993[8]. Il s'agit là d'un bouleversement du paysage cinématographique burkinabè, cette société ayant géré l’exploitation et la distribution des films après avoir remplacé la SO.NA.VO.CI. (Société nationale voltaïque du cinéma) créée à la suite de la nationalisation des salles le 5 janvier 1970[9]. Sa mise en liquidation administrative ne sera cependant prononcée que fin 2003, le gouvernement confiant ces secteurs à une société privée en janvier 2004, l’ARPA (Association des réalisateurs et producteurs africains), dont le délégué général est Idrissa Ouedraogo. Le 21 février 2004, celui-ci annonce que le ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme du Burkina Faso lui confie pour deux ans, la gestion du Ciné Burkina, une des deux principales salles de cinéma de Ouagadougou[10]. PréparationLe festival se dote d'un comité de sélection des films. « Avant 1999, personne ne sait réellement comment sont sélectionnés les films, ni même qui les sélectionne », mais cela n'augure cependant pas d'une transparence sur la méthode de sélection[11]. « Nous opérons un recentrage vers l’objet même du festival : la promotion du cinéma africain. Production, distribution, exploitation : il est grand temps de trouver des pistes de solutions », déclare le Secrétaire permanent Baba Hama. Il reprend à son compte la perspective d'un Fespaco annuel et l'estime possible : « La production est certes faible mais cette régularité peut avoir un effet d’entraînement. C’est un défi à relever. »[12]. DéroulementLa cérémonie d'ouverture a lieu dans un Stade du 4 août plein à craquer, devant 35 000 personnes. Le concert d’Alpha Blondy est interrompu par l’arrivée du président Blaise Compaoré, ce qui impose de faire silence et de se lever, mais, soutenu par tout le stade, le chanteur reprend ensuite son couplet contre les présidents corrompus, bousculant le protocole et l’organisation, et entraînant la foule dans sa protestation[13]. L'inauguration est également marquée par le récital du chanteur Zaksoba ainsi qu'Irène Tassembédo et son ballet national[14]. Le film d'ouverture est La Genèse du Malien Cheick Oumar Sissoko, projeté au Stade municipal[15]. Innovations du Fespaco 1999. Une carte étalon remplace le traditionnel abonnement, qui se porte comme un badge pour faciliter l'entrée dans les salles. Un écran géant est disposé au Stade municipal avec projection des films en compétition pour désengorger les salles d'exclusivité. L'entrée y est payante pour les adultes mais gratuite pour les enfants, permettant aux cinéphiles d'aller au cinéma en famille. Un CD et une cassette audio des chansons sur le Fespaco est éditée. Un concours jeune public permet au gagnant de bénéficier d'un séjour en France pour prendre part au 19e festival international du film d'Amiens en novembre 1999. Une aide à la distribution d'une valeur de 15 000 dollars US est attribuée au film qui remporte l'Étalon de Yennenga. Une tournée de promotion des films primés est organisée à Nairobi, Johannesbourg et au Caire[16]. Des hommages sont organisés pour les cinéastes disparus : le Sénégalais Djibril Diop Mambety (1945-1998) avec la projection de son dernier film La Petite vendeuse de soleil[4], ainsi que le Guinéen David Achkar (1960-1998) avec la projection du film David Ashkar, une étoile filante de Mama Keïta[17]. Dans le cadre de son projet Casting Sud de promotion des comédiens du Sud, Georgette Paré organise durant le festival une exposition déjà présente au Festival du film francophone de Namur en septembre 1998[18], ainsi qu'une rencontre destinée à créer une fédération des comédiens et acteurs de cinéma africains[19]. Une exposition est également organisée à la salle Dimako de l'Hôtel Indépendance avec des costumes, accessoires, décors et photos de films. Et une autre à la Maison du peuple : Masques Bwaba / masques d'Appenzell, une rencontre sur leurs ressemblances thématiques[20]. Une rencontre Cinéma d'animation en Afrique : enjeux, perspectives et partenariats est organisée par l'Atelier Graphoui de Bruxelles le 4 mars dans le cadre du Marché international du cinéma africain (MICA)[18]. Une rencontre des femmes cinéastes est également organisée le 2 mars tandis qu'un atelier Cinéma - Femmes et pauvreté (le cinéma pour lutter contre la pauvreté féminine) se déroule sur trois jours à l'initiative de l'Union panafricaine des professionnelles de l'image (UPAFI), créée au Fespaco 1991, et du PNUD[21]. Au colloque « Cinéma et circuits de diffusion en Afrique », Dominique Wallon rend compte d'une étude poussée réalisée en 1996 en tant que chargé de mission de la Communauté européenne, donnant des pistes pour une meilleure diffusion des films. Bassek Ba Kobhio indique avoir lancé un programme de diffusion de films africains dans les pays d'Afrique centrale en 1995 intitulé Ecrans noirs qui a débouché sur une association et un festival à Yaoundé. Nourredine Saïl, directeur des achats de la chaîne Canal+ Horizons, insiste sur le fait que les télévisions africaines ne diffusent que peu les films africains. Pour déboucher sur des propositions concrètes, trois ateliers confiés à la FEPACI sont organisés, qui émettent des recommandations sur l'intégration du cinéma africain dans les circuits de diffusion, l'apport de la télévision en la matière et l'appui des festivals à la distribution. Sont appelés de leurs vœux la maintenance de cinémathèques et salles de référence, une billetterie avec prélèvement de taxes à réinvestir dans le développement du cinéma, l'appui à la rénovation et la modernisation des salles, des mesures fiscales incitatives pour l'émergence de distributeurs, la réglementation des vidéo-clubs et une coopération régionale pour harmoniser les politiques et législations cinématographiques, la fluidité de l'information. Les télévisions sont appelées à diffuser les bandes-annonces des films, promouvoir et programmer des films africains selon un quota précis avec des normes de paiement internationales, renforcer la coopération via l'Union des radiodiffusions et télévisions nationales d'Afrique (URTNA), rallonger les délais de diffusion sur des chaînes comme CFI pour laisser aux films le temps d'une carrière en salles. Un mémorandum doit être présenté à l'OUA. Quant aux festivals, leur aide est attendue pour la réalisation de sous-titrages et de doublages. Il leur est recommandé de se coordonner pour harmoniser leur promotion des films africains. Une diffusion large des films primés au Fespaco est encouragée sous le contrôle de la FEPACI. Dany Glover et Ousmane Sembène s'engagent à distribuer les films africains aux États-Unis et en Afrique en créant une entreprise dédiée : The AmerAFric Films[22]. Le Fonds Hubert Bals et le Danemark indiquent vouloir financer la diffusion de l'Etalon de Yennenga dans les pays africains et l'OIF vouloir diffuser les films dans ses CLACs[23]. Les stands du 9e Marché international du cinéma africain (MICA) investissant dorénavant la totalité de la rotonde du Centre culturel français, l'espace de visionnement est transféré au deuxième étage de la direction du Centre[24]. Le traditionnel défilé de mode permet le 4 mars à la Maison du peuple de mettre en avant les stylistes africains, tandis que l'animation musicale est assurée par Oumou Sangaré et les danseurs burkinabè du groupe Kassa[25]. La cérémonie de clôture est animée par Wango Roger et Baaba Maal au Stade municipal de Ouagadougou. Sélections officiellesSur la base du Catalogue de l'édition 1999 Longs métrages en compétitionVingt films de douze pays sont en compétition pour l'Étalon de Yennenga. Deux sont réalisés par des femmes.
Courts métrages fiction en compétition
Documentaires en compétition
Panorama longs métrages africains
Panorama courts métrages africains
Diaspora longs métrages
Diaspora courts métrages
Films du monde longs métrages
Films du monde courts métrages
Films vidéo documentaires
Films vidéo fictions
PalmarèsLe jury longs métrages est présidé par l’écrivain et homme politique congolais Henri Lopes, assisté de l’historien Jean-Louis Roy, du directeur de la SONACIB (Société nationale cinématographique burkinabè) François Vokouma ainsi que des cinéastes sud-africain John Badenhorst, gabonais Charles Mensah, tunisienne Moufida Tlatli et burundais Léonce Ngabo. Le jury courts métrages et documentaires est présidé par l’universitaire gambien Mbye B. Cham, assisté de l’actrice nigérienne Zalika Souley, du chargé de mission à la Communication auprès du Premier ministre du Burkina Faso Luc-Adolphe Tiao, de la réalisatrice allemande Petra Katharina Wagner (de) Petra Katharina Wagner et de l’acteur ivoirien Bamba Bakary. Le jury TV-Vidéo est présidé par le directeur du National Film and Television Institute (en) (NAFTI) du Ghana Martin Loh, assisté de l’administrateur principal de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) Simon Ouedraogo, de la réalisatrice kenyane Anne Mungai et du directeur de la Radio-télévision du Cameroun (CRTV) Gervais Mendo Ze. Longs métrages
Courts métrages et documentaires
BilanChiffres. Le Fespaco 1999 a émis 4672 accréditations dont 291 invités officiels, 549 journalistes (1075 pour la presse en général), 127 producteurs, 33 distributeurs, 388 cinéastes, 187 comédiens, 28 cameramen, 63 techniciens, 17 directeurs de festivals, 58 collaborateurs artistiques, 1324 cinéphiles professionnels, 108 membre de jurys de prix spéciaux. 85 pays étaient représentés. 143 films ont été sélectionnés, mais seulement 106 copies ont été reçues à temps pour 187 projections. Le MICA (marché international du cinéma africain) a comporté 26 stands promotionnels pour 32 exposants, qui ont reçu 8000 visiteurs. La vidéothèque comportait 416 films représentant 51 pays. 44 projections spéciales ont été organisées, représentant 18 pays. Les 23 cabines ont accueilli 545 visionnements. 4 Rencontres professionnelles ont été organisées. Au Centre de presse, 320 dossiers de presse ont été distribués, 20 films ont été débattus, 15 conférences de presse ont été organisées tandis que 56 projections de presse ont eu lieu durant le festival[26]. « Le Fespaco n'a pas encore véritablement intégré le cinéma du nord du continent », écrit Thérèse-Marie Deffontaines dans Le Monde, remarquant la forte présence de créations du Maghreb mais leur absence au palmarès[4]. « Peut-être que ce jury a voulu donner une nouvelle direction au cinéma africain, ou en tout cas élargir le champ », déclare le réalisateur du film primé, Mwezé Ngangura, faisant référence au fait que, pour la première fois dans l'histoire du Fespaco, l'Etalon de Yennenga va à une comédie[5]. Répondant à un journaliste français déçu par le peu de nouveaux films, le Secrétaire permanent Baba Hama s'est écrié : « On voit que n'êtes pas en Afrique ! Le public africain n'a pas encore vu ces films ! »[5] Bibliographie
Notes et références
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