Faïenceries et émaux de Longwy
Les Faïenceries et Émaux de Longwy sont une entreprise fondée en 1798 à Longwy, alors en Moselle, aujourd'hui en Meurthe-et-Moselle, et aux frontières de la Belgique et du Luxembourg. L'entreprise historique a cédé la place à plusieurs successeurs. Les Émaux de Longwy sont un type de céramiques émaillées selon une technique et un savoir-faire inscrits à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France. Historique de la faïencerieLes originesCharles Régnier est à l’origine de la fondation des Faïenceries de Longwy. Il installe la manufacture dans un ancien couvent carmélite devenu bien national. La production se limite à des pièces classiques comme des services de table. L’Empereur Napoléon Ier, au retour de sa visite des fortifications de Vauban autour de la ville haute de Longwy, commande des services de table destinés aux Maisons d'éducation de la Légion d'honneur[notes 1]. Vers 1814-1815 la production s’arrête en raison de difficultés économiques dues principalement aux guerres napoléoniennes et au siège de la ville par les Prussiens. Devant un redémarrage partiel de l'activité, Charles Régnier décide de vendre l'entreprise en 1816. La faïencerie est alors acquise par Jean-Antoine de Nothomb, ancien colonel d'un régiment de cuirassiers, marié à Marie-Catherine Boch. Celle-ci est la fille de Pierre-Joseph Boch (de), propriétaire des faïenceries d'Audun-le-Tiche et de Septfontaines. Nothomb pourra profiter des conseils de son beau-père et développera la commercialisation et la production avec de nouvelles pâtes et l'émail au blanc fin jusqu'en 1835, date de son décès. Sa fille Marie-Catherine Nothomb, est l'épouse (1832) de Henri-Joseph d'Huart, baron belge, qui prend donc logiquement la tête de la manufacture laissée en héritage à son épouse. Inventif et entreprenant, il améliore les techniques de fabrication et modernise l'entreprise et les ateliers avec notamment l'utilisation de fours à coke. Il innove avec une nouvelle glaçure et adopte les techniques de l'impression sur faïence. Cette période sera abondante en récompenses et médailles honorifiques à l'occasion de nombreuses expositions à Paris et en province. En 1866, il transmet l'entreprise à ses deux fils Fernand et Hippolyte. La naissance des ÉmauxVers 1870, les deux fils d’Henri-Joseph, tous deux centraliens, sont aux commandes de la faïencerie. Au dos des pièces produites, ils mettent leurs armoiries reconnaissables à leurs feuilles de houx. En réponse à l'engouement des Français pour les produits cloisonnés venus d’Extrême-Orient, ils auraient fait appel à Amédée de Caranza, artiste français né à Constantinople, que divers ouvrages placent à Gien vers 1870, à la manufacture de Creil & Montereau de 1876 à 1877 et chez Vieillard à Bordeaux à partir 1878 (source Bordeaux Histoire d'une Collection par Claude Mandraut). Rien ne prouve son passage à Longwy sauf le fait qu'il existe des similitudes de production à Longwy et Bordeaux dans la technique du cloisonné à la seringue et qu'on lui attribue un plat (aux tigres) visible au Musée Municipal de Longwy[notes 2]. Les célèbres Émaux de Longwy sont nés. Ils deviennent la spécialité de la ville. En 1885, toujours pour riposter à l’invasion des produits asiatiques dans le domaine de la poterie, la faïencerie recherche de nouveaux décors dans les tendances chinoises, japonaises, iznik, perses ou égyptiennes. Plusieurs motifs voient le jour, dont un semis de fleurs de pommiers blanches et roses sur un fond bleu céruléen, d’inspiration japonaise. Ce décor, référencé à la faïencerie sous le numéro D188[notes 3], marque le début d’une période féconde. Il est toujours produit de nos jours dans sa version originale ou revisitée. Les deux frères d’Huart font aussi venir de nombreux céramistes, peintres ou sculpteurs[1] comme Charles Rudhart (1829-1895), Aristide Croisy, Carrière, Ernest Quost, Carl Schuller, Cirode, Clairin[Lequel ?] ou Paul Émile Morlon pour moderniser la production qui marqueront leur empreinte dans des œuvres impressionnistes dans la technique dite de la barbotine. Les émaux en bleu de Sèvres seront souvent l'œuvre de Louis Ernie. Naîtront également à cette période d'autres techniques de production comme la majolique, la brocatelle, le grand feu, le flammé. La fin du XIXe siècle sera pour la faïencerie une période très riche et composée d’œuvres prestigieuses et d'un talent artistique majestueux. Le XXe siècleÀ partir de 1918, le style Art déco ouvre de nouvelles perspectives artistiques à la faïencerie, notamment au travers de l’association avec l’atelier d’art « Primavera » des magasins du Printemps. Durant cette période, de nombreux artistes comme Claude Lévy, Jean Luce (1895-1964), Jean Olin ou Raymond Chevallier (1900-1959) collaborent avec les Émaux de Longwy et créent des formes plus modernes et géométriques. Le point culminant de cette période est la participation à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Le krach de 1929 aux États-Unis atteint la France dans les années 1930-1931 : l’activité est réduite et le personnel diminue. En 1939, l’activité cesse en raison de l’exode. En 1945, l’entreprise redémarre avec deux cent cinquante ouvriers. Maurice Paul Chevallier (1892-1987), cousin de Raymond Chevallier, reprend la direction artistique, aidé par Paul Mignon (1930-2012), meilleur jeune apprenti décorateur de France qui deviendra responsable des Ateliers Artistiques en 1972. L’abandon de la fabrication de services de table sera effective dans les années 1950[2]. En 1972, Christian Leclercq, ancien élève de Maurice Paul Chevallier, est reçu Meilleur Ouvrier de France. Entré à la faïencerie en 1961, il y crée une importante œuvre artistique[3] jusqu'à son dépôt de bilan en 1976. (Il fondera alors sa propre entreprise : l'Atelier du Bois des Seigneurs, qui deviendra la Faïencerie Émaux d'Art de Longwy en 1988). Durant cette période viendront s'ajouter d'autres artistes comme Rolande Rizzi (née en 1927 à Longwy), Hélène Gabet (1914-2016), Jean Rabet, ou Louis Valenti (mort en 1999), sans oublier le talent des rehausseurs comme Léa Valenti (née le ), Justin Masson (1882-1959) et le plus connu Albert Kirchtetter (1910-1976) dont les pièces portent ses initiales "A K"[4]. Vers 1975, malgré des efforts d'adaptation au marché, l'entreprise en difficulté met en vente les collections d’œuvres historiques qui seront en partie préemptées par la commune de Longwy, formant la base du futur musée municipal. Cette action ne suffit pas, et la faïencerie dépose le bilan en 1976. La mise en liquidation judiciaire est prononcée le . La production se poursuit afin d’honorer les commandes en cours jusqu'au mois de , date à laquelle l'ensemble des salariés se retrouve au chômage. Reprise et renouveauLe , deux industriels parisiens, Messieurs Dadoun et Treussard, constitués en société anonyme, décident d'investir dans la production de faïences et émaux de Longwy. Ils rachètent une partie du matériel de l'ancienne usine, embauchent des anciens salariés de la faïencerie historique, y compris son ancien propriétaire, M. d'Huart, qui en prend la direction commerciale. La jeune société ouvre une ère nouvelle, en rééditant ou recolorant des décors Art déco, et en recherchant également de nouveaux marchés. Ils contactent les municipalités et collectivités régionales afin de leur proposer des objets décoratifs, assiettes, coupelles… ornées de blasons de ville. Les décors traditionnels ne sont pas pour autant abandonnés. À partir des années 1980, la production connaît un bouleversement créatif, tout d'abord avec l’arrivée à la faïencerie, en 1983, de Daniel Curetti (dit Danillo Curetti, appelé par M. Dadoun[5]). Cet artiste contemporain d’origine suisse apporte à la faïencerie un souffle novateur avec ses décors modernes. Son passage imprime un style art déco, Curetti maîtrise dessin et matière, il travaille en aplats assez larges et utilise souvent de grosses boules dites « coloniales » ou des grandes coupes. Ses premiers décors : le Bal Nègre, le Jazz, sont saisissants, des couleurs fortes, brutales que soulignent un trait incisif. Curetti démontre que Longwy peut produire d’autres décors que les motifs traditionnels. Son inspiration très féconde attire un vaste public qui parfois confond ses pièces avec des créations des années 1920-1930. Certaines de ses pièces sont encore éditées à ce jour par les Faïenceries et Émaux de Longwy. Le renouveau se poursuit sous l'impulsion de la famille Kostka, qui reprend la faïencerie historique en 1991[6]. Ces derniers font appel aux meilleurs designers, peintres et stylistes français ou étrangers. Cette nouvelle génération de créateurs s’empare d’une palette aux tons vifs et profonds, ou manie les ors et noir et blanc, et renouvelle les collections par les décors et les formes. Parmi les designers on peut citer Jean Boggio, Alain Thomas, Carlo Maiolini, Jean-Claude Bligny, Nicolas de Waël, Evgenia Miro, Catherine Lhoir, Valérie Brand, Stéphane Gisclard, Jean-Luc Curabet. Aux côtés de ces compositions plus contemporaines, les motifs japonais et les traditionnels semis de fleurs, quoique toujours édités et appréciés, ne représentent plus qu’une infime partie de la production. Le XXIe siècleEn , la société Faïenceries et Émaux de Longwy est placée en redressement judiciaire[7]. Avant sa liquidation (le ), huit dossiers de reprise d'actifs sont déposés au tribunal de commerce de Briey. En , la justice commerciale valide le choix du groupe Emblem, qui crée la Manufacture des émaux de Longwy 1798. L'entreprise est dirigée par Martin Piétri. De nouveaux artistes, céramistes, designers ou architectes sont appelés à collaborer : Élisabeth Garouste et Mattia Bonetti, Pierre Marie, Vincent Darré, India Mahdavi, José Lévy, Nicolas Lequeux, Michael Cailloux[8]. Les faïenceries d'aujourd'huiPlusieurs entreprises perpétuent le savoir-faire traditionnel des émaux cernés à Longwy :
Le procédé de fabrication des émaux cernésDepuis plus d’un siècle, Longwy produit en France des émaux cernés au trait noir sur faïence. Cette technique délicate consiste à imprimer le décor en noir sur le biscuit brut, puis à remplir goutte à goutte chaque alvéole ainsi cerné avec un émail coloré. Cette technique manuelle est exécutée par un artisan chevronné. Elle était également notamment utilisée au XIXe siècle à Bordeaux et Gien. La forme de la pièce est créée par des stylistes ou des sculpteurs. Un modèle en plâtre est alors réalisé par l'atelier de modelage[12]. Le biscuit est ensuite imprimé soit à la main, soit au calque d’un trait d’encre noire qui souligne le décor de la pièce. Les décoratrices utilisent deux outils pour décorer les pièces : le pinceau ou le bâton de bois fin et long. La seringue de remplissage semi-automatique utilisée par certaines faïenceries fait débat car elle ne respecte pas les principes de pose traditionnelle. Élaborée pour éviter les allers-retours constants entre la pièce et la couleur, elle permet un gain important de productivité, une régularité et une homogénéité dans la pose de l'émail, mais n'est pas appréciée des puristes. Suivant les faïenceries, la technique dite "du rehaussage" est encore utilisée pour sublimer le dessin. Celle-ci consiste à déposer une couleur supplémentaire (émail à l'essence) sur l'émail à sec pour ajouter du relief et de la profondeur. Ceci demande une grande maîtrise artistique dans le coup de pinceau pour apporter une note majestueuse au dessin. Si le premier coup de pinceau est loupé, il faut tout gratter et recommencer d'où le fait que certaines faïenceries utilisent de moins en moins la technique pour un gain de temps. La pièce complètement émaillée est cuite une première fois à 750 °C pendant une nuit. La décoratrice peut travailler sur le même objet de 30 à 50 heures. Le délai de fabrication d’une pièce simple, comme un chat, est de deux semaines et peut atteindre quatre semaines pour une pièce plus complexe. Exemples de réalisations
Toutes ces pièces, éditées par les "Faïenceries et Émaux de Longwy" sont en tirage limité. Curetti a conservé un public sensible à son art, ses créations sont toujours très appréciées et recherchées et ses réalisations sur boules dites « coloniales » sont souvent épuisées. En 2006, une boule coloniale de Curetti a atteint 3 200 euros dans une vente aux enchères.
Les dernières créations concernent l'association de la coutellerie (déjà produite à Longwy au XIXe siècle) et de manches en porcelaine et émaux de Longwy ; des couteaux d'art en pièces uniques et des épées de récipiendaires de la Légion d'Honneur figurent dans la production actuelle. Musées et collectionsÀ la dispersion des collections de la société des Faïenceries et Émaux de Longwy de 1975 à 1977, la ville de Longwy s’est portée acquéreur d’une grande partie de ce patrimoine pour créer un musée. Celui-ci est situé dans le bâtiment de la manutention militaire au cœur de la citadelle de Vauban à Longwy-Haut. Le projet de déménager le musée dans l'ancienne Banque de France de Longwy-Bas a été relancé en 2019, avec comme objectif une inauguration du nouveau musée en 2023[17],[18]. La manufacture d'Émaux de Longwy Saint-Jean l'Aigle abrite un musée privé technologique et une bibliothèque où est conservée une partie des archives de l'ancienne faïencerie de Longwy. Voir aussiAssociations
Bibliographie
Liens externes
ÉvénementTous les jeudis de l'Ascension est organisée une grande journée à Longwy avec une bourse des collectionneurs, des expositions, des nouvelles collections, l'ouverture des deux musées et des différentes faïenceries. Article connexeNotes et référencesRéférences
Notes
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