Efisio Giglio-TosEfisio Giglio-Tos
Efisio Giglio-Tos[1] (né le à Chiaverano, dans la province de Turin, et mort le à Turin) est un photographe et universitaire italien, initiateur, fondateur et premier président de la Corda Fratres, fédération internationale d'étudiants. Cette fédération, ni politique, ni religieuse, festive et fraternelle qui a prospéré depuis 1898 jusqu'à la Grande Guerre, est la première – et seule à ce jour – société festive et carnavalesque universelle. Efisio Giglio-Tos est le frère d'Ermanno Giglio-Tos (né le à Chiaverano, dans la province de Turin, et mort le à Turin), scientifique et universitaire italien, illustre zoologiste et professeur d'université, élève puis assistant de Michele Lessona et auteur de l'ouvrage Problèmes de la vie. BiographieEfisio Giglio-Tos connaît une jeunesse difficile qui lui forge une forte personnalité. Quatrième enfant de Domenico Giglio-Tos et Domenica Prelle, il nait le à Chiaverano, petit village du Canavese, dans la province de Turin. Sa famille est de condition modeste. Son père exerce la profession de secrétaire de mairie. Les faibles moyens familiaux motivent le choix de n'envoyer au lycée, puis à l'université que l'aîné des trois fils : Ermanno, né en 1865. Ricardo, de deux ans plus jeune, se serait installé plus tard comme antiquaire. Laurina, née en 1863, ne va pas à l'école et reçoit à la maison l'éducation propre aux jeunes filles de la petite bourgeoisie à laquelle elle appartient et qui a pour idéaux les goûts et comportements de la classe dirigeante. Ermanno ne déçoit pas les attentes de sa famille. Diplômé de l'université, il devient zoologiste de réputation internationale et enseignant. Efisio, qui a commencé des études au lycée d'Ivrée est contraint de les interrompre et commencer à travailler dans le commerce. Travaillant dix à douze heures par jour pour vivre, il trouve le moyen de poursuivre malgré tout parallèlement ses études. Autodidacte, il étudie avec acharnement, la nuit, les jours fériés. Il s'impose à lui-même des devoirs, les fait, les corrige. Étudie ainsi le latin, le grec, l'algèbre... L'épuisement consécutif à ses efforts extrêmes fait qu'il tombe gravement malade. Il retrouve la santé ensuite et décroche également un emploi moins pénible. Employé au Club Alpin italien, avant même d'obtenir la « licenza liceale » (diplôme de fin d'études secondaires, équivalent italien du baccalauréat), Efisio s'inscrit comme auditeur à la faculté des lettres de Turin. Il brûle ensuite les étapes, lauréat en lettres, l'année suivante en philosophie. Suivant la coutume du temps, il s'inscrit ensuite en droit. En récompense de ses mérites, il est dispensé du payement des droits d'inscriptions. Sans gréver le modeste budget familial, Efisio réussi ses études aussi bien que son frère Ermanno. À la différence de ce dernier, Efisio se passionne pour la vie universitaire. Il voue une admiration religieuse à ses maîtres. Le milieu étudiant où il a accédé au prix de terribles efforts exerce sur lui une véritable fascination. Parmi ses camarades d'études, Mario Capuccio devient un de ses amis proches. Mario est un membre actif de la Goliardia[2]. C'est également le président de l'Association universitaire turinoise, appelée aussi AUT[3]. Par lui, il est introduit dans le groupe dirigeant l'AUT[4]. Dans les années 1890, l'Association universitaire turinoise est la plus active des associations universitaires d'Italie. Dans son local, baptisé humoristiquement Frigidum Museum, sont organisées conférences, expositions humoristiques, représentations chorégraphiques, etc. Il est fréquenté par des écrivains fameux comme Salvatore Farina, Guido Fusinato, Giovanni Faldella, Cesare Lombroso. L'AUT répond à tous les aspects de l'attente des étudiants qui souhaitent concilier les études, les fêtes et l'ouverture sur le reste du monde. En 1893, Efisio Giglio-Tos est secrétaire de l'AUT. Avec le président Gionata Fassio, le vice-président Oreste Balducci, Costanzo Eula et Federico Lovera, il fait partie d'une commission spéciale de l'AUT qui se charge d'établir la meilleure version musicale des Canti Goliardici (Chansons Goliardes). Dès 1895, président de l'AUT, Efisio Giglio-Tos témoigne de sa conviction du rôle international que doit remplir l'association. Il commence également à réfléchir à la création d'une Fédération internationale des étudiants[5]. En octobre, initiative d'avant-garde pour l'époque, il organise à Turin, sous la présidence d'honneur du comte Roberto Biscaretti di Ruffia, la première Exposition photographique internationale. Elle connaît un très grand succès[6]. En 1896 il lance une campagne de signatures pour la libération des étudiants de Moscou et Kiev déportés en Sibérie pour avoir protesté après la catastrophe du bois de Chodinski[7]. Le à Pise a lieu le IVe congrès des étudiants des universités d'Italie. Efisio Giglio-Tos s'est fait représenter par l'étudiant turinois Gino Masi. Celui-ci trouve sur place un brave allié en la personne de Pozzolini, pour défendre le projet de fondation d'une fédération internationale des étudiants. Le congrès approuve par acclamations l'appel de Giglio-Tos et le charge de la réalisation du projet. Durant l'année 1897, Efisio entreprend un vaste travail de réflexion et de correspondances pour créer la Fédération. Il s'inspire notamment des statuts et règlement de l'AUT. Il cherche à transmuter le flux magmatique de l'antique Goliardia en une structure organisée et centralisée. À partir de la nébuleuse festive de la Goliardia asseoir la forme organisée d'une section nationale italienne d'une Fédération à naître. Il récolte également le soutien des rares anciens étudiants italiens ayant participé aux luttes émancipatrices italiennes en 1848. Efisio trouve un nom pour la Fédération : Corda Fratres, c'est-à-dire les Cœurs Frères, en latin. La Fédération internationale des étudiants parle latin. Non pas le latin d'église, mais le latin de Rome. La Rome d'Auguste et de Christian Matthias Theodor Mommsen, de Justinien et Ferdinand Gregorovius. La Fédération est appelée à réunir en son sein non seulement les universitaires et étudiants, mais aussi les diplômés et les clerici universitatis studiorum. La Corda Fratres est fondée à Turin le et proclamée à Rome au pied de la colonne de Phocas, sur le forum romain, le . Très attaché aux revendications nationales et aux revendications irrédentistes italiennes[8], Efisio Giglio-Tos qui veut une fédération apolitique y introduit contradictoirement les très politiques revendications nationales et irrédentistes. C'est ainsi que le premier congrès de la Corda Fratres vote une résolution en faveur du triomphe des aspirations nationales de tous les peuples. Efisio souhaite aussi que symboliquement la Section italienne soit représentée par un Triestin et la Section roumaine par un citoyen d'Oradea Mare. Trieste étant à l'époque une ville située hors d'Italie et revendiquée par les nationalistes irrédentistes italiens[9]. Oradea Mare se trouvant en Transylvanie, région appartenant alors à la Hongrie et objet de revendications d'annexion par la Roumanie[10]. Au deuxième congrès de la Corda Fratres tenu à Paris en 1900, Efisio fait reconnaître les sections nationales polonaise, tchèque et finlandaise. La Pologne et la Finlande faisant à l'époque partie de l'empire russe, et les Tchèques étant citoyens de l'Autriche-Hongrie[11]. Il fait également admettre une « Section spéciale » parisienne, dirigée par Léon Fildermann, qui se réclame du futur État juif à créer en Palestine et prendra par la suite le nom de « Section sioniste ». Au nombre de ses activités multiples, Efisio Giglio-Tos pratique la photographie. En 1900, il est membre de la Società Fotografica Subalpina (Société Photographique Subalpine)[12]. Bilingue, parlant aussi bien italien que français, Efisio Giglio-Tos est un grand ami de la France. Illustration de ce sentiment, portant un toast lors du banquet offert le à Besançon pour l'inauguration du monument à Victor Hugo, il déclare : « nous nous tendrons la main non seulement dans les jours de fête, mais aussi, si frappés dans les jours tristes et sombres, si frappés par quelque malheur, nous souviendrons tous ensemble d'être amis et frères, et tous ensemble, comme a dit V. Hugo : "Nous chercherons quel est le nom de l'espérance". Vous direz : Italie, et nous répondrons : France ! »[13] Jules Clarétie, qui l'a entendu parler à Besançon, parle de lui dans son livre La vie à Paris, 1901-1903[14]. En 1904, professeur au lycée d'Aoste, il a la possibilité de pratiquer quotidiennement le français. Il se porte candidat à Verrès pour l'élection à la Chambre des députés. Ne faisant pas partie des notabilités locales, il n'a aucune chance et ne sera pas élu. En 1907, Efisio crée la Terza Italia, association patriotique et métanationale. Le à Caprera, il annonce la naissance de celle-ci. Après le début de la Grande Guerre, Efisio se détourne du pacifisme et multiplie conférences et manifestations de soutien en faveur de l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de l'Entente. En 1915, il télégraphie au roi d'Italie Victor-Emmanuel III, le sommant d'entrer en guerre s'il ne veut pas une révolution républicaine[15]. Au lendemain de la Grande Guerre, les luttes politiques et sociales s'exacerbent en Italie. Ces luttes ne sont pas sans conséquences à l'intérieur-même de la Corda Fratres. Défendant l'apolitisme de la Fédération étudiante, un de ses membres, Leonardo Pannella déclare en juin 1924 qu'il aurait refusé de participer aux manifestations de solidarité avec la veuve de Giacomo Matteotti, si celles-ci avaient affecté un caractère politique. Il demande également qu'un hommage analogue soit rendu à la veuve du député fasciste Armando Casalini, assassiné dans un tramway à Rome par Giovanni Corvi qui a déclaré ensuite avoir voulu ainsi venger la mort de Matteotti[16]. En 1926 en reconnaissance de sa francophilie Efisio Giglio-Tos reçoit la Légion d'honneur[17]. Quand il devient évident que le président de la section italienne de la Corda Fratres Giuseppe Ganino, en accord avec Eugenio Reale et d'autres préparent leurs adhérents à prendre une position antifasciste militante, Efisio Giglio-Tos va se démarquer du mouvement qu'il a créé presque trente années auparavant. À l'insu de Giuseppe Ganino, des adhérents de la section italienne et des membres de la direction de la Fédération, il écrit au chef de la police Arturo Bocchini, le , l'informant avoir dissous d'autorité la section italienne. Dans sa lettre à Bocchini[18], Efisio déplore « che un'istituzione da me creata con scopi puramente culturali e di affratellamento fra la gioventù accademica – ragione per cui ebbe per tanti anni una vasta e simpatica diffusione in tutto il mondo universitario e sopratutto negli Stati Uniti – siasi in questi ultimi tempi e per esclusiva colpa di alcuni sconsigliati prestata a favorire finalità settarie o politiche » (qu'une institution créée par moi avec des buts purement culturels et fraternels au sein de la jeunesse académique – raison pour laquelle elle eut durant tant d'années une vaste et sympathique diffusion dans tout le monde universitaire et surtout aux États-Unis – se soit prêté ces derniers temps à favoriser des finalités sectaires ou politiques sous l'exclusive responsabilité de quelques personnes inconséquentes). Efisio demande à Bocchini de retrouver l'étendard « non intendendo che esso resti simbolo sociale di una sezione che non ha alcun diritto di abusare del titolo « Corda Fratres », di cui indegnamente offese la nobili finalità » (qui ne doit pas rester le symbole social d'une section qui n'a aucun droit d'abuser du titre « Corda Fratres », dont il offense indignement la noble finalité). La section italienne de la Corda Fratres se retrouve ainsi « dissoute d'autorité » sans en avoir été informée, par Efisio qui paraît avoir fait cette déclaration uniquement à Bocchini et pour éviter des ennuis personnels pour antifascisme[16]. La même année, à l'occasion de la célébration du VIIe centenaire de la mort de Saint François d'Assise, Efisio se consacre à l'édition de 45 planches photographiques en couleurs de grand format ayant pour sujet la basilique d'Assise. Cette réalisation qui demande beaucoup de travail est l'objet d'une souscription. Au nombre des souscripteurs se trouve le prince héritier d'Italie. En 1930, Facta, et en 1931 et 1932, Carlo Biscaretti di Ruffia vont présenter sans succès Efisio Giglio-Tos à la candidature pour le prix Nobel de la paix. Dans les motivations invoquées sont la création de la Corda Fratres, le travail pour le rapprochement italo-français et la proposition de création d'un parlement mondial des étudiants et professeurs se réunissant une fois par an pour discuter des problèmes du monde[19]. Efisio Giglio-Tos ayant quitté le monde associatif écrit en mai-juin 1935 une esquisse de scénario pour un film sur Scipion l'Africain. Dans les dernières années de sa vie, après avoir été idéaliste, fraternel et pacifiste dans sa jeunesse, puis belliciste lors de la Grande Guerre, Efisio se rapproche du fascisme. En 1935, il conclut un texte intitulé « Africa. Capitoli desunti dalle storie di Tito Livio-Dialoghi scelti dall'« Africa » di Francesco Petrarca. » (Afrique. Chapitres en vrac de l'histoire de Tite Live-Dialogues choisis de l'« Afrique » de Pétrarque) par ces mots : « trionfo ed apoteosi del valorosissimo duce che ascende il Campidoglio, simbolo vivente dell'eterna giovinezza di Roma. » (triomphe et apothéose du très valeureux duce[20] qui monte au Capitole, symbole vivant de l'éternelle jeunesse de Rome)[21]. Le , il écrit à Mussolini une lettre protestant contre le fait que d'autres ont utilisé son idée de film sur Scipion l'Africain. Par la suite, Efisio cède toute son œuvre et ses droits d'auteur à l'éditeur turinois Andrea Viglongo. Il meurt à Turin, le , quatre jours après son 71e anniversaire. Efisio Giglio-Tos finit sa vie dans un isolement quasi complet, au risque de sombrer définitivement dans l'oubli. Lui et son œuvre seront retrouvés et étudiés sérieusement seulement à partir des années 1990 par deux historiens italiens : Marco Albera et Aldo Alessandro Mola. PublicationsŒuvres diverses
Sur la Corda Fratres
Notes
Sources
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