Direction générale de l'EnregistrementDirection générale de l'Enregistrement
La direction générale de l'Enregistrement est une ancienne institution française ayant existé de 1801 à 1948. La concentration des pouvoirs entre les mains du 1er Consul s'accompagne de la désignation, à chaque échelon de l'administration, d'un dirigeant unique, seul responsable de l'exécution de la mission. C'est la fin de la Régie de l'enregistrement et de sa direction collégiale, héritière de la Ferme générale. L'article 1 de l'arrêté du 20 septembre 1801[1] précise « Il y aura un directeur général de l'administration de l'enregistrement et des domaines... ». Ce texte marque ainsi le début de l'administration de l'Enregistrement qui durera jusqu'en 1948, date de la fusion des trois administrations fiscales qui donneront naissance à la direction générale des Impôts. [Note 1] Une nouvelle gouvernanceLes nouvelles dispositions se caractérisent par la création d'un poste de directeur général, une réorganisation des services centraux et la création de l'atelier général du timbre. Le directeur général de l'enregistrementSon statutL'article 2 de l'arrêté fixe Ses attributions :
Par ailleurs il organise la division du travail entre les six administrateurs (article 4)[1], propose au Ministre les nominations aux postes de directeurs territoriaux et d'inspecteurs qui sont nommés par le Premier Consul. Le directeur général nomme à tous les autres emplois de l'administration (article 7)[1] Sa rémunération annuelle est de 25 000 F., il ne participe pas aux remises (article 9) Charles Duchâtel ( 1751 - 1844 ) 1er directeur généralCharles Duchâtel est nommé directeur général par arrêté du Premier Consul du 20 septembre 1801. Ancien surnuméraire de la ferme générale en 1771, sous le nom de du Châtel de Saint Pierre, il est admis à travailler au bureau du contrôle des actes de Bordeaux. Nommé contrôleur en 1776, vérificateur l'année suivante et contrôleur ambulant à Paris en 1778. À la création de l'administration de l'enregistrement en 1780, il y est désigné pour remplir les fonctions de premier commis dans les services centraux, puis est nommé sous-directeur de correspondance en 1782. Il déroule un brillant début de carrière dans la Ferme puis la Régie. En 1783, il est directeur des domaines corporels à Bordeaux. En 1791, il est nommé directeur de l'enregistrement à Bordeaux. Prudemment, il transforme son nom en Duchâtel, patronyme qu'il gardera par la suite. Révoqué en 1793, en raison de ses origines nobles, il échappe aux poursuites et ne réapparaît qu'après le 9 Thermidor. Élu député de la Gironde au conseil des Cinq-Cents, il y siège d'octobre 1795 à mars 1799. C'est à ce titre qu'il fait préparer et aboutir la loi du 22 frimaire An VII[2] portant réforme des droits d'enregistrement. Réintégré dans la Régie, il occupe un poste de régisseur, puis est nommé Conseiller d'État par Bonaparte fin 1799 avant d'occuper le poste de directeur général. Il occupe ces fonctions jusqu'en 1815 et en est écarté par Louis XVIII au début de la Seconde Restauration[Note 2]. La restauration de l'autoritéFortement perturbés sous la Convention et plus encore sous le Directoire, les directions territoriales n'avaient pu maintenir rigueur et discipline dans les services. L'une des premières tâches que s'assigne Duchâtel est d'y porter remède. Ses premières instructions concernent la discipline générale. La circulaire No 14[3] (page 389) du 14 frimaire An X enjoint aux directeurs de rendre compte par trimestre des qualités personnelles et de la conduite de chacun des employés. Les inspecteurs doivent rendre pareil compte des receveurs et surnuméraires à la fin de chaque tournée. Les vérificateurs rendent le même compte en quittant le bureau, les receveurs doivent fournir des notes trimestrielles sur les surnuméraires de leur bureau. S'agissant de l'exactitude le directeur général se fait menaçant « L'exactitude est une des principales qualités des fonctionnaires. Je les préviens que ce sera désormais ni par lettre de rappel, ni par la privation d'une portion de traitement ni même par la suspension de leurs fonctions que l’administration manifestera son mécontentement à ceux qui auront retardé par négligence des opérations générales... »[4] Jugeant les dispositions de la loi du 14 août 1793 trop laxiste, Duchâtel fait prendre au ministre des finances un arrêté le 1er octobre 1803 qu'il reproduit dans l'instruction Générale No 170[5] du 24 octobre suivant.« La salaire ne peut être que le prix du travail »[5] (page 194). La mesure qui prévoyait le maintien du salaire pendant les 15 premiers jours d'absence est donc rapportée. Tous les congés sont à l'avenir signés par le directeur général. La demande de congés est entourée d'un formalisme très strict, tant sur les causes, la durée et le lieu où l’appellent ses affaires. Les congés de maladie ne sont accordés que sur productions de justificatifs médicaux. Les abus constatés seront sévèrement réprimés. Toutefois l'employé qui se trouverait trop indisposé est autorisé à quitter son service après avoir prévenu ou fait prévenir son directeur. « L'administration reconnaîtra toujours que les circonstances commandent en pareil cas »[5] (page 197). Cette discipline de fer restera une constante du fonctionnement de l'administration de l'enregistrement, mais elle nécessitera, tout au long des XIXe et XXe siècles des rappels périodiques. À titre d'exemple, cette question des congés ne donnera pas lieu à moins de 5 Instructions ou circulaires entre 1803 et 1834. Les services centraux« il y aura (…) huit administrateurs, dont deux spécialement destinés à faire des tournées extraordinaires d'après les ordres particuliers du Ministre des Finances » ; l'article 1 de l'arrêté du 20 septembre 1801[1] définit la composition de l'équipe des collaborateurs directs du directeur général placés sous son autorité. Tous les administrateurs sont choisis parmi ceux qui dirigeaient l'ancienne Régie. Cinq d'entre eux avaient été nommés par Louis XVI à la tête de la régie de 1780. À l'exception d'Edme Bochet, ancien directeur du domaine corporel de Lille, tous avaient été directeurs de correspondance dans l'administration des domaines et droits domaniaux créée en 1780. Duchâtel met en place 6 divisions par matière et 6 divisions pour la suite des affaires avec une compétence géographique par département ; Raymond Gabriel Ginoux et Charles Antoine Hourrier Eloy sont chargés des tournées. Les 6 autres administrateurs sont :
La répartition de leurs attributions ne fut pas sans créer des hésitations: ce sera l'objet de l'instruction No 1 que d'y porter remède[3] (page 10). Elle sera suivie de plusieurs autres instructions tout au long de la direction de Duchâtel. Leur rémunération mensuelle minimum est inchangée, soit 1 200 F. Ils participent aux remises sans que leur rémunération totale puisse dépasser 1 800 F. L'atelier général du TimbreAvant cette création, chaque directeur départemental faisait lui-même apposer les empreintes du timbre sur des papiers dont il faisait l'achat sur adjudication. Coûteux en agents, peu performant, ce dispositif était très onéreux. L'arrêté d’application du 7 fructidor An X (25 août 1802)[6] centralise la fabrication à Paris dans un atelier général du timbre, placé sous la surveillance directe de l’administration de l’enregistrement. Il fournit également le papier registre pour les services d’état civil ou les services judiciaires, et les papiers d’identité. L'Atelier général fonctionnera jusqu'en 1975, les fabrications à caractère fiscal ayant été transférées le 1er janvier 1974 à l'Imprimerie des timbres-poste de Périgueux. Le resserrement des missionsIl est lié à la mise en place de la Régie des contributions directes et la Régie des droits réunis. Avant que ces deux administrations ne soient pleinement opérationnelles, la Régie, puis la direction de l'enregistrement opéraient le recouvrement de certains impôts directs et indirects. L'administration de l'enregistrement sera ainsi amenée à se recentrer sur l'imposition des faits juridiques avec pour support la loi du 22 frimaire An VII, les droits de timbre, la gestion de la publicité foncière, le Domaine, amputé de la gestion des forêts confiée à une nouvelle administration par la loi du 16 nivôse An IX. Ce mouvement se fera sans résistance apparente de la direction de l'enregistrement. Duchâtel, à l'origine de la réforme de frimaire, saluée par tous les juristes ne pouvait y trouver que des avantages. Par contre, tout au long de son existence, cette administration résistera par tous les moyens à toutes les mesures qui pouvaient compromettre le maintien sous son autorité des conservations des hypothèques, y compris le recours au cadastre pourtant de nature à améliorer l'identification des biens. Les impôts directsLa contribution foncière (décret du 1er septembre 1790)[7]et la contribution mobilière personnelle (13 janvier 1791) [8])qui comprend une imposition équivalant à 3 journées de travail et un supplément pour la disposition de signes extérieurs de richesse (domesticité, chevaux, mulets, etc.) étaient des impôts de répartition dont les produits étaient répartis jusqu'au niveau de la commune et levés sur la base de rôles établis par les municipalités. Initialement, survivance surprenante du passé, leur recouvrement avait été mis en adjudication au niveau de chaque commune. le résultat de l'adjudication désignait le receveur qui devait reverser le montant de ses perceptions sous déduction des remises accordées. L'Agence des contributions directes est créée par une loi du 22 brumaire An VI[9], elle est mise en place progressivement au cours des deux années suivantes . Elle assure l'assiette des impôts fonciers et personnels (mobilière et contribution des portes et fenêtres). Un décret du 2 mars 1791 avait institué la patente destinée à atteindre les revenus du négoce et de l'industrie. C'est un impôt déclaratif qui est payé à la caisse du receveur de l'enregistrement chargé de liquider et de percevoir l'impôt. À compter de l'An IX, les contrôleurs des contributions directes sont chargés de la confection des rôles de patente, les receveurs de l'enregistrement ne conservant que l'encaissement de l'impôt. Un arrêté de l'An X, confie le recouvrement de la patente aux percepteurs des contributions foncières et personnelles qui sont invités à soumissionner le recouvrement de cet impôt. Cette procédure de soumission est abandonnée et à partir de l'An X progressivement sont créés des postes de receveur des contributions dans tous les cantons, chargés du recouvrement des impôts personnels et de la patente... Les impôts indirectsLe Directoire avait été amené, en catimini, pour faire face au déficit budgétaire à rétablir les impôts indirects. Une loi du 24 fructidor An V (10 septembre 1797) avait établi une taxe sur l'entretien des routes. Les fonds recueillis par les préposés aux barrières au receveur de l'enregistrement du lieu de perception. Violemment contestée cette taxe subsista jusqu'en 1806; mais à partir de septembre 1803, la centralisation des recettes fut confiée à la Régie des droits réunis créée quelques mois auparavant et qui deviendra la direction générale des Contributions indirectes. Outre la taxe d'entretien des routes cette nouvelle administration assure l'assiette et le recouvrement des taxes sur les cartes à jouer, taxes sur les messageries, droits de garanties sur les matières d'or et d'argent, la taxe sur la fabrication des tabacs, créée par la loi du 22 brumaire An VII (12 novembre 1798). À partir de 1804, les trois administrations fiscales sont en place pour près de 150 ans. Une hiérarchie, à tout le moins sociale, s'établit entre les trois administrations. L'enregistrement, par la technicité de ses missions, l'origine sociale de ses personnels en constitue l'aristocratie, les contributions directes, par la nouveauté de leurs tâches, leur origine très récente en sont la nouvelle classe bourgeoise, les contributions indirectes, par la nature essentiellement matérielle (les rats de cave) de leurs tâches, leurs pouvoirs de police en sont les plus craints mais aussi les moins respectés. Le temps des certitudesAvant la création de l’Agence des contributions directes en 1796 et la Régie des droits réunis la Régie de l’enregistrement était chargée du recouvrement des taxes foncières et mobilières et des divers droits indirects qui avaient par nécessité été rétablis en catimini par le Directoire. L’administration de l’enregistrement, qui avait toujours considéré ces missions de recouvrement comme accessoires et n’avait jamais cherché à en contrôler l’assiette sera ainsi amenée à se recentrer sur sa mission de contrôle des faits juridiques avec pour support la loi du 22 frimaire An VII, les droits de timbre, la gestion du domaine amputé des forêts confiées à une nouvelle administration par la loi du 16 nivôse An IX. Ce mouvement de repli, qui pourtant lui sera fatal, se fait sans résistance apparente de la nouvelle direction de l’enregistrement. Son premier directeur général, Duchâtel, à l’origine des réformes de l’enregistrement et du timbre, est essentiellement préoccupé par la remise en état des services territoriaux et centraux de sa direction, fortement perturbés sous la Convention et plus encore sous le Directoire. Il se replie de bonne grâce sur le cœur historique des missions des instances qui ont géré les droits d’enregistrement. Pendant tout le XIXe siècle et pratiquement jusqu'au début du premier conflit mondial, la direction de l'enregistrement se repose sur ses acquis en faisant preuve d'un conservatisme reposant sur cette certitude d’être l'élite de l'administration. En 1914 c'est toujours la législation de l'An VII, à peine retouchée qui est encore appliquée, par une administration qui a encore rigidifié ses schémas de commandement sur un personnel, soumis à un contrôle de plus en plus étroit qui, dans le strict respect de la tradition et des usages anciens, en assure, sans marges de manœuvres, la mise en œuvre. Les dirigeants successifs ont oublié qu'une administration, à l'image d'un organisme vivant, doit s'adapter aux exigences de son milieu et s'est enfermée dans ses certitudes et installé dans une forme stable dont elle ne concevait pas qu'elle puisse évoluer. Les bouleversements du siècle sont pourtant particulièrement importants. D'un pays exclusivement agricole, la France devient un pays industriel avec l'application de la vapeur à l'industrie, le chemin de fer, le développement de la sidérurgie, le moteur électrique qui se généralise à la fin du XIXe siècle dans les ateliers et les usines. C'est la bourgeoisie triomphante, issue de la révolution qui détient les clefs de cette révolution industrielle, car elle seule dispose des ressources financières pour financer les investissements de plus en plus lourds à partie de la seconde moitié du XIXe; mais un large part des rentiers demeure passive face aux besoins de l'industrie et s'attache avant tout à la préservation de son capital. Le conservatisme de la direction de l'enregistrement leur convient. « L'administration de l'enregistrement est sortie toute armée des entrailles de la Révolution » ces propos du directeur général Ernest Boulanger que Massaloux rapporte dans son ouvrage sont la marque de cette certitude qu'aucune retouche ne peut être apportée aux lois de l'An VII et que toute innovation en la matière est une hérésie. Quand la loi du 25 février 1901 réforme la perception des droits d'enregistrement, il paraît que les chefs de bureaux voulaient mettre en berne le drapeau du ministère des finances. Cette anecdote traduit bien l'état d'esprit de la direction générale[10] La norme juridiqueDe l'accroissement des besoins de capitaux sont nés une multitude d'organismes nouveaux pour les gérer, compagnies d'assurances, de crédits; d'exploitation sous des formes sociales nouvelles, des contrats nouveaux et des opérations totalement inconnues jusque-là. La direction de l'enregistrement n'a pas su en coordonner l'intégration dans la législation fiscale qui s'est faite sans elle, sous l’impulsion des besoins du Trésor par des lois « Abordées à la hâte et avec cette fiévreuse ardeur qui est un défaut les plus saillants de notre époque, elles n'ont pas manqué de porter atteinte, les unes aux principes de la perception, les autres aux tarifs et toutes à l'unité et à la simplicité de la loi du 22 frimaire et ont jeté une regrettable confusion dans des dispositions fondamentales. » [11] Ces propos tenus par un ancien employé des domaines dans un ouvrage de 1882, sont la parfaite illustration du conservatisme forcené dont fera preuve la direction de l'enregistrement jusqu’à sa disparition en 1948. Sous le Consulat et l'Empire les lois de l'enregistrement et du timbre ne sont pas modifiées. La monarchie restaurée n'avait pas le même respect pour ces monuments de la législation. Pour faire face à la dette imposée à la France par les vainqueurs de l'empire, la loi de finances du 28 avril 1816 procéda à une augmentation généralisée des impôts dont les droits d'enregistrement [12] la cohérence de la loi de frimaire est toutefois entamée par diverses exonérations au bénéfice des émigrés, des fabriques, congrégations et séminaires. Les textes ayant une incidence sur l'imposition des faits juridiques sont nombreux mais relèvent tous d'une grande prudence. ils obéissent à deux motifs principaux, d'une part procurer des ressources complémentaires au trésor, d'autre part appréhender des faits juridiques nouveaux . Mais elles se font sans, voire contre, la direction générale de l'enregistrement. C’est dans cet univers figé que le nouveau régime hypothécaire va évoluer tout au long du XIXe siècle avec pour seul bouclier un statut ambigu qui fait du conservateur un Janus tout à la fois au service de l’intérêt particulier et le garant de la bonne exécution d’un service d’intérêt général et pour seuls instruments tout à la fois des règles de droits perpétuellement contestées par les juristes et les praticiens et une organisation des travaux lourde et archaïque qui n’évoluera pas avant la fin du premier conflit mondial. La position de principe sur le recours aux données cadastrales est la parfaite illustration de ce conservatisme. « Le cadastre ne décrit que les faits existants, Il constate la possession, mais il ne constitue pas le droit»[13] Ou l’on entend conserver au cadastre sa nature purement administrative et alors il est impossible de l’adopter pour base du régime hypothécaire, qui ne peut reposer que sur des titres authentiques, ou si l’on veut fonder le régime hypothécaire sur l’authenticité du cadastre il faut réformer sa base, procéder à un abornement général dont le coût, s’il ne devait avoir pour but que l’amélioration du régime hypothécaire, serait une dépense injustifiée de la puissance publique dans le seul intérêt des particuliers. Le recours au cadastre serait un retour au terrier du XVIe siècle et « ce serait se jeter dans une carrière indéfinie d’innovations impraticables, qu’on abandonnerait un régime hypothécaire, établi depuis 50 ans, et qui, malgré ses imperfections, a pu s’approprier dans la pratique à la situation de la propriété et aux besoins du crédit foncier »[14] On ne peut être plus clair, le recours au cadastre y compris pour améliorer la désignation des immeubles est inconcevable et cette opinion qui prévaudra bloque l’évolution du régime hypothécaire pour près d’un siècle supplémentaire. Une telle position de principe de la part de son autorité de tutelle paralyse l’organisation des tâches dans les conservations. La direction de l’enregistrement enferme les conservateurs dans une manutention sclérosée et en tire argument pour justifier son immobilisme après avoir souligné l’importance de leur responsabilité personnelle et le peu de litiges dont leur mission fait l’objet elle affirme « Ces heureux résultats sont dus au choix judicieux des préposés aux fonctions de conservateur, à l’aptitude particulière des employés de l’enregistrement à remplir ces fonctions, à l’organisation administrative qui permet de soumettre les bureaux des hypothèques à d’actives et fréquentes vérifications ; enfin aux soins persévérants de l’administration à maintenir l’ordre et l’uniformité dans la manutention hypothécaire. L’expérience semble ainsi avoir prouvé que la loi qui a confié à l’administration de l’enregistrement la conservation des hypothèques ne pouvait remettre en des mains plus sures cette importante attribution.» L’essentiel est bien là, la direction de l’enregistrement met tout en œuvre pour contrecarrer toute initiative de nature à entamer son autorité sur la fonction ; quand bien même les mesures d’ordre qu’elle prend ne laisse plus d’espaces de liberté et de marges de manœuvres à ses préposés. La gestion des personnelsLes surnumérairesL'accès aux fonctions de receveur passe par le surnumérariat qui est une véritable école de patience et d'obéissance. L’accès à la fonction de receveur est une épreuve de longue haleine, jalonnée d’examens, de contrôles et de mois, voire d’années, de patience. Dès la postulation pour passer les épreuves d’admission les intéressés devront fournir, établie par les autorités locales une attestation qu’ils sont de bonnes vie et mœurs et toutes justifications utiles démontrant qu’ils possèdent directement ou par les biens de leur famille les ressources nécessaires pour assurer leur subsistance pendant la durée de leur surnumérariat et pour fournir un cautionnement de 3000 F lors de leur nomination en qualité de receveur. Ils doivent se présenter à la direction locale et rédiger leur demande sous les yeux du directeur, sans le secours d’aucun projet écrit ou de dictionnaire pour vérifier l’orthographe. Cette première épreuve permet d’éliminer les candidats ayant une mauvaise écriture ou une mauvaise rédaction. C’est le directeur général qui décide de l’admission éventuelle au stage préparatoire dans les bureaux. Les postulants admis au stage préparatoire sont immédiatement employés dans un bureau qui leur sera notifié par l’administration et où ils sont invités à travailler assidûment. Chaque directeur classe ses postulants, ayant plus de cinq mois de travail effectif en bureau, par ordre de mérite et en adresse la liste, sur sa demande, à l’administration centrale accompagnée d’un rapport motivé sur chaque candidat. Le directeur général décide de ceux admis à se présenter à l’examen d’admission. Les épreuves d’admission comportent une partie orale, à caractère professionnel portant sur l’organisation et l’administration, les devoirs des receveurs et des questions techniques sur les principes généraux du droit civil, l’enregistrement et le timbre. La partie écrite est très complète, page d’écriture, sur papier non réglé, sans correction possible, ni secours de quelque document que ce soit, la même page étant recopiée « à main posée », analyse grammaticale d’une partie de ce texte, épreuves de calcul diverses, confection d’états et d’un tableau, rédaction d’une lettre ou d’une note sur un sujet donné, divers calculs de droits et enregistrement d’un acte. Les candidats retenus continuent à travailler dans les bureaux, la situation des recalés est réglée de manière différenciée, tous les candidats âgés de plus de 25 ans et ceux dont c’est le deuxième échec sont définitivement rayés de la liste des postulants et doivent cesser d’être admis à travailler dans les bureaux. Les candidats agréés sont inscrits sur un tableau tenu par l’administration centrale. Ils ne sont pas pour autant surnuméraires et ne peuvent se présenter à l’examen de première année, ils concourent pour les postes de surnuméraires en principe dans l’ordre de la liste d’admission. La durée des études est de trois ans elle sera ramenée à deux ans en 1877. Chaque année est sanctionnée par un examen. Les privilèges et hypothèques, les salaires du conservateur et sa responsabilité constituent le cœur de la dernière année d’enseignement et du dernier examen. Le tableau de classement est modifié à l’issue des résultats de chaque examen en fonction des résultats et des appréciations portées par les employés supérieurs sur le travail et la conduite des candidats. Les surnuméraires n’ont pas d’emploi déterminé, en théorie ils doivent participer à toutes les tâches du bureau, des plus simples au plus compliquées dans une progression en rapport direct avec les programmes de leurs examens annuels. Depuis la loi de ventôse An VII (article 12) le surnuméraire le plus ancien du bureau peut être appelé à assurer l’intérim du conservateur des hypothèques, à défaut de vérificateur ou d’inspecteur de l’enregistrement disponible dans le département. Les surnuméraires ne sont pas rémunérés sauf s’ils sont chargés d’intérim. Dans cette hypothèse ils perçoivent une partie des remises du titulaire. Il faut attendre 1893 pour que soit mise en place une rémunération annuelle de 600 f. pour les 100 surnuméraires les plus anciens. Cette disposition marque un tournant dans l’approche de l’administration qui dès 1800 est sur une logique de recrutement de jeunes gens instruits appartenant à des familles sinon riches du moins suffisamment aisées pour permettre l’entretien pendant plusieurs années du surnuméraire puis son installation en qualité de receveur et son cautionnement ; alors qu’en 1893 la mesure est prise aux fins de « faciliter aux jeunes gens peu fortunés l’accès à la carrière » Le surnumérariat est une école de discipline et de soumission, tous ceux qui ne peuvent s’y plier quittent l’administration sans y être employés à l’image de Stéphane Mallarmé, fils du conservateur de Sens, qui qualifiera son passage comme surnuméraire de « premiers pas dans l’abrutissement » À l’image de ce qu’en dit Balzac « … le surnumérariat est, pour l'administration, ce que le noviciat est dans les ordres religieux, une épreuve. Cette épreuve est rude. L’état y découvre ceux qui peuvent supporter (...) le travail sans s'en dégoûter et dont le tempérament acceptera (...) la maladie des bureaux. De ce point de vue, le surnumérariat, loin d'être une infâme spéculation du gouvernement pour obtenir du travail gratis, serait une institution bienfaisante... »[15] Mesurer la nature des rapports, souvent ambigus entre les conservateurs et leur administration de tutelle implique de bien garder en tête ce parcours initiatique obligé auquel ils ont tous été contraints avant même le plus souvent l’âge de 18 ans Les ReceveursDès la publication en 1791 du décret relatif à l’organisation de la Régie ce principe de soumission est affirmé à l’égard de tous les personnels « l'ancienneté des services sera un titre de préférence, pour les places vacantes, mais seulement pour ceux dont il aura été toujours rendu les comptes les plus avantageux »[16] Les Ordres de la Régie sont publiés l’année suivante. C'est une compilation de la loi du 27 mai 1791, des autres textes relatifs à son fonctionnement et des diverses instructions de la Régie qui en 131 pages et 245 articles règle très précisément les fonctions et le rôle de chaque catégorie d'emplois des services extérieur[17].. Pas moins de 88 articles sont consacrés aux fonctions de Receveurs dont toute l’activité, au plus infime détail près, est réglementée. Non seulement le receveur n’a aucune marge de manœuvre dans l’exercice de ses fonctions mais il doit tenir une multitude de registres et sommiers et pas moins de 12 tables alphabétiques différentes qui se recoupent, le tout sous le contrôle permanent des vérificateurs et inspecteurs dont les opérations de contrôle sont étroitement détaillées. Ce n’est qu’après plusieurs années d’exercice de la fonction qu’ils accèdent à la conservation, profondément imprégnés de cette culture de l’ordre et de l’obéissance. Les directeurs généraux de l'enregistrement
Articles connexes
Notes et référencesNotes
Références
Bibliographie
Voir aussi
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