Convair NB-36H

Convair NB-36H
Vue de l'avion.
Le Convair NB-36H en vol dans les environs de Fort Worth, avec un Boeing B-50 à l'arrière-plan.

Constructeur Drapeau des États-Unis Convair
Rôle Avion expérimental
Statut Programme abandonné
Premier vol
Date de retrait
Nombre construits 1 exemplaire
Dérivé de B-36 Peacemaker
Variantes ou dérivés X-6

Le Convair NB-36H, également appelé Crusader, est un B-36 Peacemaker expérimental emportant un réacteur nucléaire. Il est créé dans le cadre du programme d'avion à propulsion nucléaire (Aircraft Nuclear Propulsion, ANP) afin de démontrer la faisabilité d'un bombardier à propulsion nucléaire. À ce stade du projet, le réacteur nucléaire n'est toutefois qu'une « simple » charge utile indépendante et ne joue aucun rôle dans la propulsion de l'appareil. L'aéronef expérimental à propulsion nucléaire X-6, auquel doit aboutir le programme ANP, n'est jamais construit.

Le NB-36H est à l'origine un bombardier B-36H Peacemaker, serial 51-5712, construit à l'usine Convair de Fort Worth, au Texas. Il est endommagé en lorsqu'une tornade frappe la base de Carswell, où il est stationné. Plutôt que de le réparer, l'avionneur conserve l'appareil et lui fait subir d'importantes modifications pour lui permettre d'emporter le réacteur nucléaire et de protéger l'équipage contre les radiations qui en émanent. Le programme d'essais en vol commence en et dure un an et demi, au cours duquel 47 vols sont réalisés, jusqu'en . Le programme d'avion à propulsion nucléaire est annulé par l'administration Kennedy en 1961.

Conception et développement

Tout comme le projet précédent d'énergie nucléaire pour la propulsion des avions (Nuclear Energy for the Propulsion of Aircraft, NEPA), le programme d'avion à propulsion nucléaire (Aircraft Nuclear Propulsion, ANP) cherche à développer un système de propulsion pour les avions. L'United States Army Air Forces (USAAF) lance le projet NEPA le [1],[2]. Après son financement de 10 millions de dollars, le projet est actif jusqu'en , lorsqu'il est transféré au programme ANP commun de la Commission de l'énergie atomique (Atomic Energy Commission, AEC) et l'United States Air Force[3],[4] (USAF). Cette dernière étudie deux systèmes pour des moteurs fonctionnant à l'énergie nucléaire : le Direct Air Cycle (cycle direct), développé par General Electric, et l'Indirect Air Cycle (cycle indirect), dont s'occupe Pratt & Whitney. Le programme a pour but de développer et tester le Convair X-6, prototype d'un avion à propulsion nucléaire pleinement opérationnel[5].

Le , la Carswell Air Force Base, au Texas, est touchée par une tornade qui endommage de nombreux avions[6],[7],[8]. L'un de ces appareils est le bombardier B-36 serial 51-5712 ; Convair suggère à l'USAF — qui donne son approbation et fournit un financement pour la transformation de l'avion — de sélectionner ce dernier pour être converti en prototype du X-6 au lieu de le réparer pour des vols conventionnels[7],[9]. Le but est de le tester en vol avec à son bord un réacteur nucléaire en marche, qui ne doit toutefois pas encore participer à la propulsion de l'avion[5],[8].

Descriptif technique

Photographie en noir et blanc d'un avion stationné sur une piste aérienne.
Le nouveau cockpit du NB-36H.

Le compartiment de l'équipage et de l'avionique est remplacé par un cockpit entièrement nouveau ; il dispose d'un blindage en plomb et en caoutchouc pour une masse totale de 11 tonnes et accueille le pilote, le copilote, l'ingénieur en vol et deux ingénieurs en nucléaire[8]. Même les petits hublots ont des vitres en cristal[Note 1] d'une épaisseur de 25 à 30 centimètres[3],[10],[11]. Le compartiment peut être retiré de l'avion au moyen d'une grue pendant certaines opérations de maintenance ; dans ce but, un système de tringles permet de facilement connecter et déconnecter les câbles des commandes[11].

L'avion reçoit un réacteur nucléaire d'une puissance d'un mégawatt et pesant 16 tonnes[8],[12]. Il est suspendu à un crochet dans la soute à bombes no 4, la plus à l'arrière, facilitant ainsi son installation et son retrait, ce qui permet à la source d'émissions radioactives d'être gardée dans un local souterrain entre les vols d'essai[7]. Un système de surveillance et de contrôle, surnommé « Project Halitosis » mesure les émissions radioactives du réacteur[13]. De grandes entrées d'air sont aménagées sur les flancs du fuselage, au niveau du réacteur, pour assurer le refroidissement de ce dernier[14]. Fonctionnant principalement grâce au vent relatif, elles n'ont toutefois que peu d'utilité lorsque l'avion n'est pas en vol.

Histoire opérationnelle

Photographie en noir et blanc d'un avion en vol, avec, en fond, la surface de la Terre.
Le Convair Crusader en vol. On distingue l'une des deux grandes entrées d'air sur le côté du fuselage (près du logo), destinées au refroidissement du réacteur. Le nouveau cockpit, plus conventionnel, est également visible.

Entre le et , le NB-36H réalise 47 vols d'essai pour une durée totale de 215 heures, dont 89 heures avec le réacteur actif, au-dessus du Nouveau-Mexique et du Texas[14],[15]. Au cours de ces vols, l'avion est escorté par un C-97 transportant des Marines parachutistes, qui doivent sécuriser la zone en cas d'écrasement[16] ; un B-50D équipé de plusieurs instruments et utilisé pour récolter des données est également présent la plupart du temps[8],[14]. Les vols d'essai révèlent qu'avec le blindage, l'équipage n'est pas affecté par les radiations émanant du réacteur, même lors des vols à basse altitude ; cependant, en cas d'accident, le risque de contamination radioactive existe[12].

En 1957, à la fin du programme d'essais en vol, le réacteur nucléaire du NB-36H est définitivement retiré ; l'appareil est déclassé, puis mis au rebut sur la base de Carswell[5]. Avec l'augmentation des tensions de la guerre froide à la fin des années 1950, le gouvernement américain encourage le développement d'un bombardier lourd à turboréacteurs[5]. Les programmes parallèles de développement d'avions nucléaires et conventionnels cherchent à atteindre ce but mais la progression du programme d'avion nucléaire est lente[12]. Le président Dwight Eisenhower n'est pas convaincu de la nécessité du projet et, bien qu'il maintienne les crédits accordés, son développement n'est pas considéré comme urgent[17]. À la fin des années 1950, l'idée d'avions à propulsion nucléaire commence à être vue par le Congrès comme redondante et ce dernier favorise alors le développement d'avions supersoniques et de missiles balistiques[18],[19].

En , peu après son arrivée au pouvoir, le président John Fitzgerald Kennedy annule le programme d'avion à propulsion nucléaire[18],[20]. Dans sa déclaration, Kennedy fait savoir que la perspective d'avion à propulsion nucléaire est encore très lointaine, malgré quinze années de développement et un milliard de dollars de dépenses[12],[18]. Le Convair X-6 n'est jamais construit et le NB-36H reste le seul avion américain à avoir emporté à son bord un réacteur nucléaire en état de marche[21],[22], bien qu'il n'ait jamais été un quelconque élément participant à la propulsion de l'appareil. Les travaux scientifiques menés dans le cadre du projet ont cependant largement bénéficié de l'expérience, comme les méthodes de traitement des métaux liquides et de sels fondus, qui ont facilité le développement de générateurs et réacteurs nucléaires utilisés par la NASA[19].

Notes et références

Notes

  1. Le cristal étant en fait à la base un type de verre riche en plomb.

Références

  1. (en) Eugene M. Emme, Aeronautics and Astronautics : An American Chronology of Science and Technology in the Exploration of Space, 1915-1960 [« Aéronautique et astronautique : une chronologie américaine de la science et la technologie dans l'exploration de l'Espace, 1915-1960 »], Washington (D.C.), National Aeronautics and Space Administration, (lire en ligne), p. 49-63.
  2. Don Pyeatt et Dennis R. Jenkins 2010, p. 193.
  3. a et b (en) Raul Colon, « Flying on Nuclear, The American Effort to Built a Nuclear Powered Bomber » [« Voler avec du nucléaire, le travail américain pour construire un bombardier à propulsion nucléaire »], sur aviation-history.com, San Juan (Puerto Rico), (consulté le ).
  4. (en) « Aircraft Nuclear Propulsion », The Decay of the Atomic Powered Aircraft Program, sur megazone.org, Worcester Polytechnic Institute, (consulté le ).
  5. a b c et d (en) Dennis R. Jenkins, X-Planes Photo Scrapbook, North Branch (Minnesota), Specialty Press, , 144 p. (ISBN 1-58007-076-0 et 978-1-58007-076-8, présentation en ligne), p. 118.
  6. Don Pyeatt et Dennis R. Jenkins 2010, p. 149-152.
  7. a b et c Todd Tucker, 2009, p. 130.
  8. a b c d et e (en) Joe Baugher, « Convair NB-36H », sur joebaugher.com, (consulté le ).
  9. Marcelle Size Knaack 1988, p. 47.
  10. (en) National Museum of the United States Air Force, « Convair NB-36H "The Crusader" » [archive du ], sur nationalmuseum.af.mil, (consulté le ).
  11. a et b Don Pyeatt et Dennis R. Jenkins 2010, p. 196.
  12. a b c et d Philip Kaplan 2005, p. 104.
  13. (en) Vincent Cortright, « Dream of Atomic Powered Flight », Aviation History,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. a b et c Don Pyeatt et Dennis R. Jenkins 2010, p. 197.
  15. (en) Atomic Energy Commission and Department of Defense, Report to the Congress of the United States : Review of manned aircraft nuclear propulsion program, The Comptroller General of the United States, , 197 p. (lire en ligne [PDF]), p. 141.
  16. Todd Tucker, 2009, p. 131.
  17. (en) Mark D. Bowles, Science in Flux : NASA's Nuclear Program at Plum Brook Station, 1955-2005, Government Printing Office, , 335 p. (ISBN 0-16-087737-7 et 978-0-16087-737-7, présentation en ligne, lire en ligne), p. 78.
  18. a b et c Don Pyeatt et Dennis R. Jenkins 2010, p. 199.
  19. a et b (en) Leland Johnson et Daniel Schaffer, Oak Ridge National Laboratory : The First Fifty Years, Univ. of Tennessee Press, , 270 p. (ISBN 0-87049-854-1 et 978-0-87049-854-1, présentation en ligne, lire en ligne), p. 76–77.
  20. (en) James Mahaffey, Atomic Awakening : A New Look at the History and Future of Nuclear Power [« Réveil atomique : un nouveau regard sur l'histoire et le futur de la puissance nucléaire »], Pegasus Books, , 368 p. (ISBN 978-1-60598-203-8 et 1-60598-203-2, présentation en ligne, lire en ligne), p. 264.
  21. (en) « Nuclear Powered Aircraft » [archive du ], sur radiationworks.com, Brookings Institution (consulté le ).
  22. (en) Relly Victoria Petrescu et Florian Ion Petrescu, New Aircraft II Color, BoD – Books on Demand, , 138 p. (ISBN 978-3-8482-5985-4 et 3-8482-5985-0, présentation en ligne, lire en ligne), p. 92.

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

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