Classification du gaéliqueEn linguistique historique, les « langues gaéliques » ou « goidéliques » correspondent à un sous-ensemble des langues celtiques, également connu comme langues celtiques en Q ou en /k/. Cette classification scientifique a permis de montrer les liens historiques entre les langues gaéliques. Classification des langues celtiquesLa classification des langues celtiques, telle qu'établie par les celticistes, repose essentiellement sur le traitement de la consonne labio-vélaire *kʷ du proto-indo-européen : en celtique-P, ce phonème a évolué en /p/, tandis qu'en celtique-Q il est resté labio-vélaire /kʷ/, ou s'est transformé en vélaire /k/. Même si la lettre Q n'existe pas dans le système orthographique de l'irlandais ou du gaélique écossais (mais elle existe en mannois), l’expression « langue en Q » est une convention indiquant les langues qui, à l'instar des langues romanes, ont conservé l'articulation labio-vélaire ou vélaire de ce phonème, au contraire des langues brittoniques. Cette appellation est encore communément utilisée de nos jours en français[1]. Perception des langues celtiquesLa fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle voient apparaître de nombreuses sciences humaines, comme la psychologie ou la linguistique. La tendance est à la classification, et les langues n’y échappent pas. En 1877, la Société de linguistique de Paris reçoit le premier article de Ferdinand Saussure qui étudie le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes[2]. Cet intérêt pour les autres cultures est autant scientifique que romantique car la nation se cherche une histoire et doit se construire par rapport à l’autre. Selon Louis-Jean Calvet, la préoccupation majeure de l'État, dans le domaine linguistique, aurait été d'établir la suprématie[pas clair] du français sur les autres langues de l'hexagone[3]. Dans ce contexte, les locuteurs des langues nationales cherchent à discréditer[pas clair] les locuteurs des autres langues endogènes. Un siècle plus tôt, le linguiste anglais Samuel Johnson exprimait un certain mépris à l'endroit de la langue gaélique (qu’il appelle « earse »[4]) qu'il ne comprenait pas :
Une telle ignorance était monnaie courante chez les pionniers de ces nouvelles disciplines scientifiques et des études récentes ont montré que la haine[réf. nécessaire] du gaélique écossais n’était pas uniquement présente dans les discours des classes populaires des Lowlands mais aussi dans ceux de la bourgeoisie anglaise aisée[6]. En Irlande, en revanche, le gaélique va bénéficier de la déclaration d’indépendance de l’État irlandais pour s’imposer en tant que langue nationale et ce faisant va changer de nom. Nationalisation du gaéliqueEn 1922, l’article 4 de la Constitution de l’État libre d’Irlande prévoit que « la langue nationale de l’État libre d’Irlande (Saorstát Eireann) est la langue irlandaise, mais que la langue anglaise peut aussi être reconnue en tant que langue officielle. » Le mot gaeilge continuera d’être employé en irlandais, notamment dans la version irlandaise de la constitution de 1937, mais en anglais, le gaélique a disparu au profit de l’irlandais, opérant une coupure définitive dans l’esprit anglophone entre les Gaels d’Irlande et les autres Gaels[7],[8]. Le processus de construction nationale peut en effet aller jusqu'à la création ou l'invention de « nouvelles » langues, comme le danois et le suédois, ou le tchèque et le slovaque. L’historien Éric Hobsbawm note que la politique linguistique du gouvernement devient un exercice de formation de la société et que « l'importance symbolique des langues prévaut sur leur utilisation effective ».[réf. nécessaire] Il insiste aussi sur l'utilisation des structures étatiques (école, administration, armée) par des pouvoirs nationaux, parfois dès les années 1860, pour imposer une langue unique et standardisée à des populations aux parlers diversifiés. Alors qu’en Irlande, le gaélique devient obligatoire dans les écoles et va faire l’objet d’une politique de standardisation, la loi écossaise de 1872 sur l’enseignement (Education (Scotland) Act 1872) interdit strictement d’enseigner dans une autre langue que l’anglais d’Angleterre[9]. Continuum linguistiquePour certains, il est absurde de parler de « Gàidhlig agus Gaeilge »[10]. La différence qui sépare les langues gaéliques est essentiellement politique. En réalité, les langes gaéliques fonctionnent comme un continuum où le taux d’intercompréhension varie : il est fort dans les espaces voisins, mais plus faible entre les espaces linguistiques éloignés. Ainsi, toute la région qui s’étend du sud du Donegal jusqu’à Islay au nord et au sud du Meath à l’ouest, y compris la plupart du Kintyre écossais et des parties sud de l’Argyll et d’Arran ont formé un groupe linguistique très uni[11]. De même, lorsqu’on examine les différentes variétés de gaélique, on constate qu’on se trouve non pas face à trois langues distinctes, mais à une série de dialectes de ce qui est essentiellement une seule et même langue, et que lorsqu’on se déplace du nord de l’Écosse vers le sud de l’Irlande, on découvre que ces dialectes présentent des zones de chevauchement et que les transitions d’un espace linguistique à un autre sont graduelles et non brutales[12]. Pour Ciarán Ó Duibhín :
De même, pour Colm Ó Baoill :
Ces mots ne désignent donc pas des variétés régionales de gaélique. Il s’agit en réalité de deux appellations régionales d’une seule et même langue : le gaélique. Pour Ciarán Ó Duibhín, la division des langues gaéliques est un concept anglo-saxon. Il précise d’ailleurs que l’habitude de parler des « langues gaéliques » dans le sens anglais (ou français), c’est-à-dire comme des noms de langues différentes, prouve que le locuteur ou l’écrivain adopte un mode de pensée anglo-saxon et non gaélique. Pour les Gaels, en revanche, les mots gàidhlig, gaelg ou gaeilge recouvrent une seule et même réalité. Les siècles de rivalité entre la Bretagne, l'Hibernia et la Calédonie, puis entre la terre des Angles et celles des Gaels, et enfin entre les nations émergentes du XIXe siècle, ont divisé la langue gaélique, au point que des traditions linguistiques séparées sont nées : l'orthographe du gaélique mannois par exemple, s'inspire de la phonétique anglaise au contraire de ses sœurs irlandaise et écossaise. D'un point de vue linguistique, il vaut donc mieux décrire les langues gaéliques comme un continuum linguistique, dans lequel certains dialectes frontaliers jouent le rôle d'intermédiaires entre les langues officielles standardisées. Notes et références
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