La chirurgie cardiaque pédiatrique couvre les interventions cardiaque chez l’enfant (0 à 18 ans) par voie chirurgicale pour des malformations congénitales[1] ou des cardiopathies acquises. Les interventions par cathétérisme interventionnel ne font pas partie du champ de la chirurgie bien qu’il existe des interventions combinées, dites hybrides.
Les premières opérations à « cœur ouvert » ont été réalisées aux Etats-Unis dans les années 1950. L’amélioration des résultats au fil des décennies a été permise par l’émergence de nouvelles techniques chirurgicales, ainsi que par les progrès de la circulation extracorporelle et de la prise en charge postopératoire en réanimation.
Dans la très grande majorité des cas, cette chirurgie prend en charge des cardiopathies congénitales, c’est-à-dire présentes à la naissance : c’est ainsi que l’on parle de chirurgie cardiaque congénitale, qui concerne d’ailleurs aussi les adultes. Le spectre des cardiopathies congénitales exclue les cardiopathies acquises que l’on peut retrouver également chez l’enfant.
Une des caractéristiques de la chirurgie cardiaque pédiatrique par rapport à la chirurgie cardiaque adulte est la fréquence des réopérations. Il s’agit le plus souvent de réopérations attendues (exemple : remplacement d’une valve prothétique qui n’a pas grandi avec l’enfant).
Comme chez l’adulte, la chirurgie cardiaque pédiatrique à « cœur ouvert » est réalisée avec l’aide de la circulation extracorporelle. Il existe quelques procédures ne nécessitant pas le recours à la circulation extracorporelle (exemples : cure de coarctation, cerclage)
Plusieurs voies d’abord sont possibles pour une même intervention. Le choix dépend du gabarit du patient, de l’anatomie intra-thoracique, de l’expérience du chirurgien et de la préférence du patient et/ou des parents. Les motivations esthétiques ne doivent en aucun cas être privilégiées au détriment de la sécurité et la qualité du geste.
Il s’agit de la voie de référence. Toutes les interventions ou presque sont réalisables par cette voie. Elle se distingue des autres voies d’abord par sa sécurité (patient allongé sur le dos, possibilité d’installer rapidement et facilement une circulation extracorporelle si besoin, débullage plus aisé). L’inconvénient est la présence d’une cicatrice sur la paroi antérieure du thorax.
Ministernotomies
Une ouverture limitée du sternum est possible pour certaines interventions, sous réserve de certaines configurations anatomiques favorables.
Ministernotomie supérieure droite : intervention sur la valve aortique, résection de sténose sous-aortique, réimplantation de l’artère coronaire droite
La thoracotomie postéro-latérale est la voie d’abord préférentielle pour les fermetures de canal artériel persistant, les corrections de coarctation et les corrections des anomalies des arcs aortiques.
Interventions correctrices
Les interventions correctrices visent à rétablir un fonctionnement normal et durable du cœur fondé sur une circulation biventriculaire : le cœur est formé de 2 cavités (droite et gauche) de taille équivalente, avec des circulations pulmonaire (ou droite) et systémique (ou gauche ou générale) qui ne se mélangent pas.
Cette anomalie est souvent nommée de façon erronée « communication interauriculaire », qui désigne stricto sensu une communication entre les auricules gauche et droit. Un auricule est l’appendice d’une oreillette, il n’en représente donc qu’une partie. En réalité, il s’agit d’une communication entre les oreillettes (ou atria) au niveau du septum interatrial.
Une communication interatriale large créée un shunt gauche-droite significatif responsable d’une dilatation des cavités cardiaques droites (oreillette et ventricule) par surcharge en volume. L’intervention consiste à fermer cette communication, soit directement par suture, soit le plus souvent à l’aide d’un patch (en péricarde autologue, en péricarde animal ou en matériau synthétique) qui est suturé sur le septum interatrial sain.
L’intervention est le plus souvent réalisable par cathétérisme interventionnel. Lorsque cette dernière solution n’est pas faisable pour des raisons anatomiques, la chirurgie est programmée autour de l’âge de 4 à 5 ans, plus tôt si nécessaire, et plus tard si le diagnostic n’a pas été établi auparavant. Il s’agit d’une intervention de routine pour laquelle il n’est pas attendu de complication.
En cas de communication interventriculaire multiple et/ou d’enfant de très petit poids, il est d’usage de procéder à une intervention palliative appelée cerclage de l’artère pulmonaire (cf infra), avant de passer à la fermeture d’une ou plusieurs communications interventriculaires persistantes.
Une sténose (ou rétrécissement) pulmonaire peut être sous-valvulaire, valvulaire ou supra-valvulaire. Une sténose pulmonaire multi-étagée est l’association de sténoses à plusieurs niveaux. Il existe une résistance au passage entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Le ventricule droit réagit alors en s’hypertrophiant.
Une sténose sous-valvulaire est musculaire et se traite par résection musculaire lorsque la sténose est serrée. Une sténose valvulaire serrée se traite par cathétérisme interventionnel (dilatation au ballon) ou par chirurgie en cas d’échec du cathétérisme interventionnel. Le geste consiste alors en une commissurotomie le plus souvent. Une sténose supra-valvulaire se corrige chirurgicalement par un élargissement de l’artère pulmonaire par un patch.
L’atrésie (atrésie pulmonaire à septum intact ou APSI) est une sténose extrême et correspond à une imperforation de la valve.
Il s’agit d’une sténose serrée de l’aorte isthmique provoquant un obstacle au passage du sang vers l’hémicorps inférieur. L’intervention chirurgicale est réalisée durant les premiers jours de vie dans les formes néonatales. Plusieurs techniques existent, la plus fréquemment utilisée étant la résection-anastomose (intervention de Crafoord) qui consiste à retirer la zone coarctée et à rétablir la continuité aortique en zones saines. L’opération se pratique à travers une thoracotomie postéro-latérale gauche, sans circulation extracorporelle.
L’anomalie peut être très rarement dépistée à un âge plus tardif. A partir d’environ 10 ans, une coarctation aortique peut être traitée le plus souvent par cathétérisme interventionnel (implantation d’un stent). L’intervention chirurgicale est alors réservée aux formes anatomiques particulières. Il faut souligner que la complication chronique de la coarctation est représentée par l’hypertension artérielle et que cette anomalie n’est pas toujours résolutive d’emblée après l’intervention chirurgicale ou le cathétérisme interventionnel.
La sténose sous-aortique peut se présenter sous la forme d’une membrane fibreuse réalisant un cercle plus ou moins complet sous la valve aortique. Une résection à travers la valve aortique permet d’obtenir un excellent résultat, en gardant en mémoire qu’une récidive à long terme est possible.
La sténose valvulaire est le plus souvent causée par une malformation congénitale de la valve aortique appelée bicuspide aortique. Cette malformation, qui concerne 1% de la population générale, consiste en la présence de 2 feuillets au lieu de 3 au niveau de la valve aortique. Il y a alors un risque plus élevé de sténose aortique et/ou d’insuffisance aortique par rapport à la population générale. Le geste chirurgical le plus pratiqué est la commissurotomie.
La sténose supra-valvulaire est très rare et s’observe notamment dans le syndrome de Williams-Beuren. Le calibre de l’aorte ascendante est rétréci et l’intervention chirurgicale consiste à élargir l’aorte ascendante par des patchs (intervention de Brom).
Dans cette malformation, l’aorte et l’artère pulmonaire naissent respectivement du ventricule droit et du ventricule gauche, donc en position inversée (ou transposée). La cardiopathie est quasi-systématiquement létale en l’absence d’intervention chirurgicale précoce. L’intervention est réalisée dans les 10 premiers jours de vie et consiste à détransposer les gros vaisseaux par la manœuvre de Lecompte[21] et à réimplanter les artères coronaires sur la néo-aorte ascendante. L'intervention est très symbolique des progrès de la chirurgie cardiaque pédiatrique[22] qui a connu un nouvel essor dans les années 1980.
Un retour veineux pulmonaire anormal total[23] est une cardiopathie sévère pour laquelle l’urgence d’intervention varie de quelques heures à quelques semaines de vie selon la tolérance clinique et échocardiographique. Il existe 3 formes de retour veineux pulmonaire anormal total : supra-cardiaque, intra-cardiaque et infra-cardiaque, selon l’endroit où le collecteur des 4 veines pulmonaires se draine. Quel que soit la forme, l’intervention consiste à anastomoser le collecteur à l’oreillette gauche. La forme infra-cardiaque est à risque de blocage, constituant alors théoriquement la seule urgence chirurgicale extrême en chirurgie cardiaque congénitale.
Les interventions palliatives ne visent pas à rétablir un fonctionnement normal du cœur. Le fait d’avoir un déséquilibre entre les cavités droite et gauche du cœur, et/ou un passage de sang entre la circulation pulmonaire et systémique est accepté. Il s’agit généralement de solutions temporaires, en attendant une autre intervention palliative ou une intervention correctrice. Les interventions palliatives concernent aussi bien les cardiopathies univentriculaires que biventriculaires.
L’objectif est de stimuler la croissance des artéres pulmonaires et/ou de fournir un débit pulmonaire suffisant pour l’oxygénation.
Shunt systémico-pulmonaire
Le débit pulmonaire, rétrograde, trouve son origine partiellement ou totalement dans la circulation systémique grâce à l’interposition d’un conduit (ou shunt). Ce shunt est calibré selon le poids de l’enfant (exemple : 3 mm pour 3 kg). Les différents types de shunts sont nommés selon leurs site :
. Shunt de Potts (direct, sans conduit) : entre l’aorte descendante et l’artère pulmonaire gauche
. Shunt de Waterston (direct, sans conduit) : entre l’aorte ascendante et l’artère pulmonaire droite
Les 2 derniers shunts cités ne sont quasiment plus réalisés en raison de complications (calibrage difficile, distorsion d’une branche de l’artère pulmonaire). Une circulation extracorporelle n’est pas obligatoire pour ces procédures.
L’objectif est de restreindre le débit pulmonaire, qui est en excès, pour protéger le lit pulmonaire d’une hypertension irréversible (syndrome d’Eisenmenger).
Il s’agit d’encercler et serrer le tronc de l’artère pulmonaire par une fine bande synthétique rigide, pour réduire son calibre et donc le débit pulmonaire, et par voie de conséquence les pressions pulmonaires. L’intervention ne nécessite pas de circulation extracorporelle et peut s’effectuer par sternotomie ou thoracotomie postéro-latérale gauche.
À la suite du premier temps, qu'il y ait hypodébit ou hyperdébit pulmonaire, l’enfant subira au moins une seconde intervention qui dépendra de sa cardiopathie : poursuite dans la voie univentriculaire (voir Deuxième temps et Troisième temps) ou intervention correctrice d’une cardiopathie biventriculaire (exemple : correction complète d’une tétralogie de Fallot).
En cas d'équilibre des circulations, la première intervention palliative pour hypodébit ou hyperdébit pulmonaire n'est pas obligatoire.
Deuxième et troisième temps : en cas de ventricule unique
Deuxième temps : dérivation cavopulmonaire partielle[27]
La totalisation de la circulation cavopulmonaire consiste à connecter la veine cave inférieure à l’artère pulmonaire droite par l’intermédiaire d’une prothèse vasculaire à l’âge de 3-4 ans. La totalité du retour des veines caves s’effectue alors dans le réseau artériel pulmonaire sans passer par le cœur (« court-circuit »), qui est dédié uniquement à la circulation systémique.
C’est l’utilisation simultanée de techniques chirurgicales et de cathétérisme interventionnel. Le but est de pouvoir réaliser une intervention de cathétérisme avec un accès direct au cœur plutôt que par voie vasculaire, permettant d’alléger ou de faciliter la procédure de cathétérisme si nécessaire. Dans le même temps, le geste chirurgical est minimal avec absence de circulation extracorporelle le plus souvent.
Exemples de procédures réalisables par voie hybride :
. Stenting de la voie d’éjection ventriculaire droite
Chirurgie des cardiopathies acquises
Il est possible que des cardiopathies non congénitales que l’on rencontre surtout chez les adultes touchent les enfants. C’est le cas des endocardites infectieuses (infection d’une ou plusieurs valves)[31], des tumeurs cardiaques (exemple : myxome) ou des cardiopathies rythmiques (implantation de pacemaker et/ou défibrillateur). Le traitement sera effectué selon le même schéma avec des degrés d’urgence variable selon la sévérité de la pathologie.
↑(en) Jerome Soquet, Valentin Loobuyck, Benjamin Longere et Francois Godart, « Pulmonary Valve Replacement and Redo Pulmonary Valve Replacement via Ministernotomy », Heart, Lung and Circulation, vol. 31, no 1, , e1–e4 (ISSN1443-9506 et 1444-2892, PMID34600813, DOI10.1016/j.hlc.2021.09.003, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Emile A. Bacha, Qi-Ling Cao, Joanne P. Starr et David Waight, « Perventricular device closure of muscular ventricular septal defects on the beating heart: technique and results », The Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery, vol. 126, no 6, , p. 1718–1723 (ISSN0022-5223 et 1097-685X, DOI10.1016/S0022-5223(03)01043-2, lire en ligne, consulté le )