Carte linguistique du Bourbonnais selon l'Atlas sonore des langues régionales.
En bleu, le bourbonnais d'oïl. En rouge sombre, le Croissant et en vert, les quelques communes de langue francoprovençale.
Premier article de la déclaration universelle des droits de l'homme : (oïl)
L'houme é nessu libre et annière anvé des drets et d'la digneté. Al a unne aîme et unne radzon et tos les houmes douévent s'aidier ent'e ieux queme des frères.
Premier article de la déclaration universelle des droits de l'homme : (norme occitane du Croissant)
L'ome es naissut libre e eguiau en dignitat e en drèt. Les omes son dotats de rason e de conscience mas i lur fau agir entre ieus dins un esprit de frairesse.
Situés dans la région historique du Bourbonnais (centre de la France), c'est-à-dire dans la quasi-totalité du département de l'Allier, les parlers bourbonnais se trouvent aux confins des domaines d'oïl, d'oc et du francoprovençal[1].
Le terme « bourbonnais » peut désigner tous les parlers et dialectes employés sur le territoire du Bourbonnais, soit une diversité d'idiomes importantes.
Il peut ainsi recouvrir le bourbonnais d'oïl, variantes du berrichon à l'ouest et du bourguignon tout à l'Est, parlé dans une moitié nord de l'Allier mais aussi les parlers du Croissant, intermédiaires entre la langue occitane et la langue d'oïl. Cette partie méridionale, parfois appelée « bourbonnais d'oc », forme l'Est du Croissant. Cette zone peut être elle-même subdivisée en deux parlers : le marchois à l'ouest (Montluçon, val de Cher et Châtaigneraie) et le bourbonnais au sens strict à l'est (Vichy, Limagne, partie du Bocage).
Il peut également même désigner le parler arpitan de quelques communes à l'extrême Sud-Est de l'Allier, à l'Est de la Montagne bourbonnaise.
Le bourbonnais d'oïl, lui-même variante du berrichon[4], d'où son nom fréquent de « bourbonnais-berrichon »[5], se parle dans une moitié nord du département de l'Allier, au nord d'une ligne Montluçon (oc) - Saint-Pourçain-sur-Sioule (oïl) - Lapalisse (oïl), ainsi que dans la partie bourbonnaise du Cher. Le dialecte est originaire de la région de Moulins, Bourbon-l'Archambault et Souvigny, où il s'est formé de manière précoce à l'époque médiévale à la suite de l'émergence de la seigneurie de Bourbon.
Le croissantais, c'est-à-dire les parlers du Croissant, se parle dans la moitié sud de l'Allier et s'insère dans les parlers du Croissant[6]. Les parlers qui s'y trouvent présentent une double appartenance entre langue occitane et langue d'oïl[7], tous deux s'y mélangent et donnent lieu à des parlers intermédiaires qui tiennent de l'un et de l'autre[8],[9],[10]
Ces parlers occitans de transition se subdivisent également en deux ensembles. D'abord le bourbonnais d'oc au sens strict (partie orientale du département) autour de Vichy, de la Limagne bourbonnaise puis le bocage autour de Chantelle[11],[12].
La partie occidentale de l'actuel département de l'Allier et qui a pour centre Montluçon parle quant à elle le marchois[13] comme Guéret ou le nord de la Creuse qui est voisine[14].
Au sud-est, dans la Montagne bourbonnaise, les parlers occitans reçoivent de très fortes influences du francoprovençal, au point que cette zone est elle-même de transition avec les parlers arpitans voisins.
Le terme de bourbonnais est donc ambigu : il désigne aussi bien les parlers du Croissant que les parlers d'oïl, parfois qualifiés de « français » du Bourbonnais.
Comme toutes les langues régionales de France, les parlers bourbonnais ont subi les effets du centralisme parisien, et ce d'autant plus que la présence des parlers d'oïl au nord, qui sont proches du français standard ou du francien (dialecte de l'Île-de-France), facilite l'assimilation linguistique en direction du sud.
Déclin et perte des locuteurs naturels
Comme la plupart des dialectes, les parlers bourbonnais sont surtout oraux et la littérature reste rare. Cependant, il existe des expériences en littérature. En particulier, l'écrivain Louis Péroux Beaulaton (1872-1946) a affiché une ambition littéraire pour son parler marchois des environs de Montluçon.
Il y a quelques décennies seuls quelques passionnés ou des personnes âgées peuvent s'exprimer assez complètement dans les parlers du Bourbonnais. Cependant les dialectes n'ont pas totalement disparu et se sont immiscés dans le français courant, dans de nombreuses tournures ou expressions, et aussi dans le vocabulaire, si bien que les habitants de cette région parlent un français teinté de formes bourbonnaises sans même s'en rendre compte, alors que cela frappe les visiteurs.
Réappropriation des parlers (années 2010 - aujourd'hui)
De nos jours, à partir de la fin des années 2010, le bourbonnais du Croissant, est de plus en plus valorisé et employé. Il apparaît de plus en plus dans des festivals comme celui de Broût-VernetWepachaba (« O'es pas chabat ! » = « C'est pas fini ! ») ou encore l'important Festival des Cultures du Monde de Gannat où l'occitan de différentes régions est représenté.
Histoire
La situation actuelle des différents dialectes du bourbonnais est très proche de celle du Moyen Âge[17],[18].
Le nord du Bourbonnais a toujours été de langue d'oïl[19],[20] (Moulins et sa région faisait partie du diocèse d'Autun et de la Bourgogne). Des travaux récents confirment cette idée qu'avait déjà souligné le linguiste Ernest Nègre[21].
L'introduction du français s'est effectuée aussi très tôt dans le Croissant et des actes en langue d'oïl sont connus dans l'aire linguistique dès le début du XIIIe siècle[22],[23],[24]. L'évolution des parlers locaux occitans en parlers croissantais s'y est faite depuis cette époque là. Les historiens Max Derruau et Lucien Febvre évoquent tous deux la présence en Limagne bourbonnaise de la langue d'oïl déjà introduite et connue contrairement à la Limagne auvergnate (exemple de Lezoux) où cette dernière n'est pas encore parue[25]. Tout au long du Moyen Âge des chartes francophones ou déjà en parler croissantais sont attestées[26],[27],[28],[29]. La charte de Lapeyrouse (milieu du XIIIe siècle) est écrite en berrichon[30].
Les aires linguistiques actuelles sont les suivantes.
L'aire du Croissant se situant dans l'Allier se découpe également en deux parties à partir d'une ligne Montluçon / Chantelle / Vichy. La première partie recouvre un tiers ouest autour de Montluçon et de la vallée du Cher qui parle le marchois comme le nord de la Creuse[31],[32]. La seconde partie recouvre les deux tiers orientaux où l'on parle le bourbonnais méridional aussi appelé bourbonnais d'oc (Limagne bourbonnaise avec Gannat et Vichy, puis la Montagne bourbonnaise). L'influence de la langue d'oïl dans cette région a eu lieu très tôt sur les parlers anciens due non seulement l'agrandissement de la seigneurie de Bourbon mais également la présence d'une seigneurie aux mains des comtes de Champagne entre Huriel et Hérisson au XIIe siècle[29].
Côté arpitan
Les dernières communes au sud-est de l'Allier, à l'est de la Montagne bourbonnaise, que l'on appelle parfois le Forez bourbonnais, sont historiquement liées au Forez voisin et tournées vers le Lyonnais dont elles partagent la langue depuis le Moyen Âge.
Dans cette partie, l'étude se consacrera au parler d'oïl du Bourbonnais, variante dialecte du berrichon.
Prononciation
Le bourbonnais d'oïl reprend un grand nombre de traits caractéristiques du parler de la langue d'oïl populaire d'avant la Révolution (-iau au lieu de -eau, oué au lieu de oi etc.) tout en montrant un nombre assez restreint d'évolutions phonétiques propres (en comparaison d'autres variétés d'oïl réellement différenciées comme le normand ou le picard). Cela vient du fait que le Bourbonnais se trouve au cœur de la zone linguistique d'origine de la langue française actuelle, c'est-à-dire les parlers des provinces de la Loire, du Bourbonnais et du Berry (le bourbonnais d'oïl partage d'ailleurs la plupart de ses traits avec les parlers de ces provinces comme le tourangeau ou l'orléanais, mais d'une façon plus particulière encore avec le berrichon).
Les exemples suivants illustrent des prononciations typiques de la langue d'oïl du Bourbonnais :
o est fréquemment prononcé ou dans les suites onn-, omm- : exemple tonner = touner, homme = houme
oi prononcé oué, mais devient /e/ (écrit é, ei, è ou e selon les cas) après un r- : exemple noir = nouer, droit = dret, croire = creire
la suite er- est prononcée ar : exemple merci = marci, terre = tarre, perdre = pard(r)e
la suite -re encadrée de deux autres consonnes a tendance à être prononcée er par métathèse : exemple bredin (voir vocabulaire) se dira berdin
la terminaison -eau sera prononcée -iau comme dans de nombreux parlers d'oïl : exemple couteau = coutiau
la suite -lier sera régulièrement réduite en -yé à la prononciation : exemple palier = pailler, particulier = particuiller
r est roulé, comme c'était l'usage en français standard avant la fin du XVIIe siècle
comme dans de nombreux parlers d'oïl, la terminaison d'agent -eur est prononcée voire écrite -eux : exemple meneur = meneux, diseur = diseux
ch est parfois prononcé j, notamment avant un -v- (cette particularité se retrouvait dans d'autres parlers d'oïl jusqu'au XIXe siècle) : exemple cheval = geval ou j'val, cheveu = geveu ou j'veu, etc.
Grammaire
Le pronom adverbialy est traditionnellement utilisé en lieu et place d'un pronom personnel représentant un objet, exemple fais-le = fais-y, donne-le/la-moi = donne-moi-z-y, ne le casse pas = n'y casse pas, tu me le/la prêtes = tu m'y prêtes etc.
On note la présence d'une forme de genre neutre en bourbonnais. En effet le pronom unique al désigne aussi bien un masculin qu'un féminin, pour les choses, comme pour les personnes. Ainsi le chien comme la chienne pourra être désigné par ce pronom al, tout comme un membre masculin de la famille ou une voisine. Exemple : al a tot mangé.
Petit lexique
Quelques mots de vocabulaire
Mot bourbonnais
Équivalent français
Mot bourbonnais
Équivalent français
Mot bourbonnais
Équivalent français
abonde
grande quantité
abraser
détruire, casser, démolir
anouer (s')
boire de travers, suffoquer
aluchon ou arluchon
enfant de constitution faible voire malingre
ajouter
traire
à l'écoué
à l'abri
arcandier
vaurien, filou
artoupan
personne suspecte, bizarre
bachât
auge des cochons et des porcs
baraille
dispute
barbitra
écrit long et ennuyeux
bauge
grand sac
belet
agneau
bergot
frelon. Ne pas confondre avec le veson (bourdon)
berzin, berzine
fou, folle, dépressif
besugne
vêtement
biaude
grande blouse
bigot (faire bigot)
mettre bas
bisiot
propriétaire terrien parfois également agriculteur
utilisé plus communément dans l'expression "ça dâle" à comprendre au sens suivant "le soleil cogne dur"
décaniller (familier)
mourir
dépenailler
déchirer
drille
diarrhée
ébouellé
éventré, avachi
écrapoire
rateau
emmanche
problème, complication
figot
feu
gassouiller
barboter
gibalbouser
mettre le désordre
gibalbousé (être)
barbouillé (ex: al a trop bu, al est tot gibalbousé)
gouiller
marcher dans un trou d'eau
gounelles
jupons
gourgandine
fille facile
grenouillat
petite mare (dire guernouillat)
jau (du latin gallus)
coq
maraud
chat de gouttière
masibler
abîmer
mourer
abîmer
ouaille
brebis
oyas (oyasse)
pie
pluire
pleuvoir
potin
bruit, tintamarre
pochon
sac en plastique
pontère
fille de mauvaise vie
rassouiller
tremper
ravauder
bricoler
taillon
quartier de fruit
trace
haie
tuniaud
idiot, incapable
verpi
vipère
z-yeux (familier)
œil
adauber
arranger, réparer
Expressions apparues en français commun
'Aga' don' (v.): Regarde ! (diminutif de regarde donc)
Arpion (n.m.): Orteil
Beugner (v.): Cogner. Une beugne est un coup, une bosse.
Boucan (n.m.): Du bruit.
Bouchure (n.f.): Une haie si possible avec des ronces pour se piquer.
Chabrot (n.m.): Mettre du vin dans sa soupe (faire chabrot).
Chetit, chetite prononcé Ch'ti et Ch'tite (n.m. ou f.): Petit, petite.
Crognon (n.m.): Extrémité du pain (le crognon ou le quignon de pain).
Dépenaillé (n.m.): Avoir les vêtements en désordre.
Jargeot (n.m.): Quelqu'un qui parle souvent et est un peu simple d'esprit.
Bourbonnais du Croissant
Dans cette partie, l'étude se consacre à la région croissantaise du Bourbonnais et sa partie où l'on parle le bourbonnais du Croissant, observée dans la commune de Busset, canton de Cusset[33]. Les mots bourbonnais sont transcrits en graphie classique de l'occitan.
Petit lexique
Quelques mots de vocabulaire
Mot croissantais
Équivalent français
Mot croissantais
Équivalent français
Mot croissantais
Équivalent français
abonde [abonde]
abondance, profit
abrasar [abrasâ]
détruire, casser, démolir
aije [éje]
eau
arcandier [arcandji]
vaurien, filou, sans parole
(un) arian
objet sans valeur
(i) arpion
les orteils
bache
auge, abreuvoir
(prendre) baralhe
se disputer
baire [bajr]
boire
bargier, bargiera [barji, barjire]
berger, bergère
bauge/boge [bawge]
grand sac
belon[belou]
mouton
bisbilha [bisbille]
dispute
bisiau
petite bize, vent du nord
bralhe [braye]
pantalon
builhe [buille]
bouillie
brelot
simple d'esprit
brugiere [bregire]
bruyère
cacoele [cacouelle]
récipient (marmite, casserole)
chausir
choisir
chancha [chantcho]
morceau de pain
chamina [ch’mina]
cheminée
coanar [couana]
crier comme un canard
craire [crajre]
croire
cusina [cusino]
cuisine
cros, craus [cro, crao]
trou, creux
dalhir [daïir]
vite
desgobilhar [degobillâ]
vomir
di [di]
doigt
desjalar [déjalâ] / desjautar [déjautâ]
dégeler
doçament [dousamin]
doucement
esbolhaer, esgoeraer [ébouélaer, égoueraé]
écraser
(mal) encarat [encarâ]
mal lavé, mal luné
endreit [endreï]
endroit
figò [figo]
feu de branche, feu de joie
Fiolat [fiola]
Ivre
fromatge
fromage
gadolha [gadouillo]
boue
Genti [ginti], genta [gintà]
beau, belle
goère [gouère]
tarte
golhar [gouillâ]
faire entrer de l'eau dans ses chaussures
golharda [gouyarde]
serpe
gote [goutte]
eau de vie
ora [ouro]
heure
jau [jô]
coq
jorna
journée
les [lé]
les (féminin)
lo [lou (si le mot suivant commence par une consonne-ex: lou figo ; sinon:"i", que le mot soit masculin ou féminin-ex: i arpion, i auilles)]
Le bourbonnais d'oïl s'écrit selon la graphie française traditionnelle et celle issue du Moyen Âge et déjà présente dans la région à cette époque.
Pour le bourbonnais du Croissant
Plusieurs grands systèmes d'écritures peuvent être utilisées pour écrire les parlers du Croissant - dont tous ceux bourbonnais - car pouvant être assimilés aux deux grandes familles linguistiques voisines, langue d'oc et langue d'oïl, et donc utiliser leurs écritures[34]. Ces graphies sont encouragées par le groupe de recherche sur les parlers du Croissant (CNRS)[35] :
La graphie française peut aussi être utilisée et permet aux locuteurs de transcrire leurs parlers avec l'écriture de la langue française dont ils ont aussi tous connaissance. Le bourbonnais du Croissant étant un dialecte intermédiaire avec la langue d'oïl il peut donc également s'appliquer, d'autant plus que cette graphie permet de souligner les prononciations qui lui sont propres.
La graphie occitane classique avec une adaptation locale précise pour les parlers du Croissant[36]. Elle est celle majoritaire pour les parlers occitans. Tant en marchois qu'en bourbonnais le « a » final occitan se fait rare et il est remplacé par un « e » muet comme en français. Ex. le terme « jornade » (= « journée ») dans la région de Montluçon vient remplacer la forme « jornada » fréquente dans les dialectes occitans. Côté Limagne bourbonnaise, Forterre et Montagne bourbonnaise, le même mot s'écrira « jorne » (prononcé « journe »).
Textes
Les textes présents sont issus d'ouvrages rédigés par les auteurs de l'historiographie du XIXe siècle.
L'ajaçe de Gaiete
Texte de transition entre parler du Croissant et bourbonnais d'oïl prélevé en 1904 par Paul Duchon sur la commune de Varennes-sur-Allier[37]. La graphie utilisée est celle du français dont a fait utilisation Paul Duchon. Elle permet de retranscrire les traits à la fois d'oc et d'oïl de ce parler de transition :
« Vé le bourg de Montoudre, su un teurau qu'y a des boés d'un coûta et des pra de Faute, forts-tarrains et fôrt-tarrines, veïez-vous l'hôpital de Gayette ? Ou é bin-n-aisant a vère dret-là : Ion que l'é, a semble un villadze. Ou é unhne retirance pre les vieux strôpiâs. Mais faudrun pas crère qu'ai é étâ bâti à l'esqueprê pre deveni unhne boéte à varmine. San unhne oïasse, a serun pas é pouvres. Ou essô un beau tsâquiau qu'unhne dame bin ritse habitô. Dans les vaissiyés, les sarvantes pouziant tous les dzours des pitsiés, des fourtsettes et des quilles en ardzent ; la dame avô tzôzi les filles les pu hounêtes dou pays, et dzamais presoune les ère acorpées de voul. Unhne de ieux z'aute enlevô unhne oïasse qu'un cheti gâavô dégniâ dans les brantses dou tsâgne. Ion qu'où embredzô les maufesans. « Têh ! li avô dit cou gâ bin fûtâ, ou te pourterâ bounheûr. » Et le li douni. La sarvante enleva que l'oïasse ; li apprenô à causer. Le lendemain d'un apport, la dame avisa ce que l'avô d'ardzentriun ; li manquô un quille. Le tretzi la gâte qu'avô randzâ les vaissiyés : ou essô mêmement la sarvante à l'oïasse. Le la fait empougner et le la questioune : Ta beau dire qu'où é pas se, le la condanhne et l'embredze au tsâgne des maufesans. Le disi, en mourant, la paure sarvante : « Vêla ce que m'a coûta mon oïasse que devô me pourter bounheûr ! » Un an après, en réparant la couvârture dou tsâquiau, sou unhne tuile, le couvreû trouve le quille predu. A cou moument, Toïasse empourtô au même endrêt unhne pièce de mounaie que le venô de prendre. Le couvreû y dit à la dame qui agour se tsagrine : « Paure sarvante qu'i ai fait meuri ! », que le disi. Deux anhnées pu tard, aile douni son tsâquiau et ses appartenances é pouvres de Varennes, de Montoudre, de Boucé, de Montaigu, de Rondzères, de Landzy, de Saint-Dzerand, de Crétsy, de Sanssat et des alentours. Velà ce que me disi Dzôzé, le vieu ancien meneû de loups qu'é mort y a mais de soixante ans, et que le monde cause inquère. »
« En 1850, le bétchio parlève inquère ; v’la c’quo disève :
Un jou d’hivia, quou ne fasève pas trop biau,
L’agrôle ère juchade au bout d’un baliviau
L’ère su daut moutade,
Pa fère son dinâ que l’aye prépara.
Embéi un groua fromage vainhiu de Chambéra
Le rena dépeu treis jous que n’aye pas de pain,
Aussitôt s’appeurché en fasant le câlin.
Eh, bonjou note dame, coumant vous pourtez-vous ?
Hela ! qué sé contint de vous véire chia n’zote !
Et vous trouve si gente embé quo nail mantiau !
Présoune dé le boux n’en pourte un aussi biau !
Votés souliés sont faits d’iune piau qué tant fine,
Et creyes que le ré n’en a pas de parés pindus à sa souline.
Ar sé é vous écouti dire iune chansou
Et cregus, oui ma foué, quou ére le rossignou
Si zère chabretère, par avi voté jeu
E’ doniau, é n’en jure, la méta de ma queue.
L’agrôle qu’ère enchantade de se veire vantade
Pa li douna l’aubade se meté à couana,
Son froumage dévalé dé la gueule do renâ,
Alle resté su-daut le bé bada.
Ma l’autre, li dissé, en migeant son fricot,
Ne si’a don pas si buse un autre co. »
Auteurs
Henri Grobost a produit de nombreux textes en parler du Croissant / bourbonnais d'oc, de Naves, et en 2020 avec notamment une traduction du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, Le P'tit Princ'[38]
Culture populaire
Au cinéma
Dans le film La Soupe aux choux, certains personnages emploient un français plus ou moins standard qui est mâtiné de traits, de tournures, de mots et de phonétique bourbonnaise d'oïl.
Parmi eux l'on retrouve : « Agas donc ! » (c'est-à-dire « regarde donc ! »), ou encore l'utilisation appuyée du « y bourbonnais » qui n'est autre que la transposition en français régional du pronom neutre « zo » qui existe tant en parlers du Croissant qu'en arpitan.
Notes et références
↑Olivier Mattéoni, Un prince face à Louis XI, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Le Nœud Gordien », , 416 p. (lire en ligne), « Espaces de la confrontation et enjeux de pouvoir », p. 19 - 78.
↑Philippe Boula de Mareüil, Gilles Adda, Lori Lamel, « Comparaison dialectométriques de parlers du Croissant avec d’autres parlers d’oc et d’oïl », Le Croissant linguistique entre oc, oïl et francoprovençal : des mots à la grammaire, des parlers aux aires, Paris, L'Harmattan, (ISBN978-2-343-23050-4, lire en ligne).
↑Philippe Boula de Mareüil, Frédéric Vernier et Albert Rilliard, « Enregistrements et transcriptions pour un atlas sonore des langues régionales de France », Géolinguistique, Grenoble, Université Grenoble-Alpes, vol. 17, , p. 23-48 (lire en ligne).
↑Philippe Boula de Mareüil, Gilles Adda (Limsi, CNRS), « Comparaison de dialectes du Croissant avec d’autres parlers d’oïl (berrichon-bourbonnais et poitevin-saintongeais) et d’oc », communication au colloque « 2èmes Rencontres sur les Parlers du Croissant », Montluçon, 2019, [lire en ligne].
↑Jean-Pierre Baldit, « Les parlers de la Marche. Extension et caractéristiques. Caractéristiques oïliques », Patois et chansons de nos grands-pères marchois. Haute-Vienne, Creuse, Pays de Montluçon (dir. Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume), Paris, Éditions CPE, , p. 28-29 (ISBN9782845038271)
↑Louise Esher, Maximilien Guerin, Nicolas Quint, Michela Russo, « Le Croissant, confins ou centre de gravité : une nouvelle frontière pour la linguistique gallo-romane », Le Croissant linguistique entre oc, oïl et franco-provençal, Des mots à la grammaire, des parlers aux aires, (lire en ligne)
↑Karl-Heinz Reichel, Études et recherches sur les parlers arverno-bourbonnais aux confins de l'Auvergne, du Bourbonnais, de la Marche et du Forez, collection Eubransa/Travaux, CTA, Chamalières 2012.
« On retrouvait l'occitan, sous sa forme auvergnate, au sud du duché de Bourbonnais - région de Montluçon, Gannat, Vichy. [...] »
↑Pierre Goudot, Microtoponymie rurale et histoire locale : dans une zone de contact français-occitan, la Combraille : les noms de parcelles au sud de Montluçon (Allier), Montluçon, Cercle archéologique de Montluçon, coll. « études archéologiques », (ISBN9782915233018)
↑(fr + oc) Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume (collectif), Patois et chansons de nos grands-pères Marchois (Haute-Vienne, Creuse, pays de Montluçon), Paris, Éditions CPE, , 160 p. (ISBN9782845038271)
↑Dany Hadjadj, Parlers en contact aux confins de l'Auvergne et du Forez. Étude socio-linguistique (« Publication de l'Institut d'études du Massif Central », 24), Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 1983.
↑(en) Philippe Boula de Mareüil, Frédéric Vernier, Albert Rilliard, « A Speaking Atlas of the Regional Languages of France », Proceedings of the Eleventh International Conference on Language Resources and Evaluation (LREC 2018), Miyazaki, , p. 4134-4138 (lire en ligne)
↑Yves Bruand, « La position stratégique des châteaux du Bourbonnais au Moyen Âge », Bulletin Monumental, Paris, Société française d'archéologie, vol. 110-2, , p. 101-118 (lire en ligne)
↑Géraud Lavergne, Le parler bourbonnais aux XIIIe et XIVe siècles. Étude philologique de textes inédits, Paris, Champion - Moulins, Grégoire, 1909, 175 p.
↑Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe siècle au XVe siècle, 9 vol, 1891-1902 ; Tomes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 sur Gallica.
« En l’absence d’une norme écrite supra-régionale, la langue des livres de compte offre un reflet fidèle de la mutabilité du dialecte de la Basse-Auvergne, proche à la fois de la langue d’oc des consuls de Saint-Flour et des dialectes d’oïl du sud du Bourbonnais. »
↑Lucien Febvre, « Max Derruau : La Grande-Limagne auvergnate et bourbonnaise » ([compte-rendu d'ouvrage]), Annales, vol. 5-4, , p. 539-541 (lire en ligne)
↑Philippe Burdy, "Le français dans l’histoire : depuis ses origines jusqu’au XVIe siècle", Manuel de linguistique française, Paris, 2016, p. 11-38 [lire en ligne].
↑Max Derruau, La Grande-Limagne auvergnate et bourbonnaise, Clermont-Ferrand, Delaunay,
↑Géraud Lavergne, Le parler bourbonnais aux XIVe et XVe siècles, Paris ; Moulins, Champion (Paris) ; Grégoire (Moulins),
↑Thomas A., « Géraud Lavergne, archiviste paléographe. Le parler bourbonnais aux XIVe et XVe siècles. Étude philologique de textes inédits » ([compte-rendu d'ouvrage]), Romania, Paris, vol. 153, , p. 106-108 (lire en ligne)
↑Olivier Mattéoni, « Compter et « conter » : ordre, langue et discours des comptes
Rapport de synthèse », Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique. Comité pour l’histoire économique et financière de la France, , p. 293-303 (lire en ligne)
↑ a et bRené Germain, « Les sires de Bourbon et le pouvoir : de la seigneurie à la principauté », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, Brest, vol. 23 « Les princes et le pouvoir au Moyen Âge », , p. 195-210 (lire en ligne)
↑Jean-Pierre Baldit, « Les parlers de la Marche. Extension et caractéristiques », Patois et chansons de nos grands-pères marchois. Haute-Vienne, Creuse, Pays de Montluçon (dir. Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume), Paris, Éditions CPE, , p. 22-35 (ISBN9782845038271) :
↑Jean-Louis Bourrioux, Le parler de Busset, Association dà coutà d'vé Buss
↑Maximilien Guérin, Cécilia Guérin, « Le Croissant : une zone de transition linguistique au nord de l’aire occitane. La question de l'orthographe », Patrimòni, Alrance, no 90, , p. 25-31 (ISSN1779-0786, lire en ligne)
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