C'est sur proposition de l'anthropologue et linguisteAbel Hovelacque que la ville de Paris adopte en 1887 le projet de création d'une école municipale professionnelle d'arts et industries graphiques. D'abord nommée « école municipale du livre Estienne », d'après le nom de la célèbre famille d'imprimeurs du XVIe siècle, elle a pour objet l'enseignement professionnel des métiers du livre, dans tous leurs aspects pratiques et théoriques. Son but était de pallier la sous-qualification dans cette industrie naissante.
La création d'une école professionnelle municipale consacrée aux arts et industries du Livre est d’abord de nature politique : les pouvoirs publics locaux et nationaux cherchaient ainsi à répondre à une véritable demande sociale et à compenser l’absence de structures de formation[4]. Paris était considérée comme la capitale de l’imprimerie et comme un exemple important de la politique publique d’enseignement professionnel au début de la Troisième République.
En créant cette école, le conseil municipal de Paris provoqua un tollé dans le milieu autonome et corporatif qu'était l'industrie du livre. En tant qu’école professionnelle municipale, l'école Estienne était, en théorie, assimilée à une école nationale professionnelle sous la tutelle du ministère de l’Instruction publique. L’école Estienne se voulait à la fois populaire et élitiste : la Ville octroyait des aides financières aux familles les moins favorisées pour enrayer l’abandon en cours d’apprentissage, mais le concours d'entrée était obligatoire.
L'école accueille sa première promotion (108 élèves) en dans des locaux provisoires, situés rue Vauquelin[1]. Les bâtiments définitifs conçus par l'architecte Menjot de Dammartin sont construits en 1896. Les locaux actuels du boulevard Auguste-Blanqui sont inaugurés le [5] en présence du président de la République Félix Faure.
Le 15 mars 2023, l'école est bloquée par plusieurs de ses étudiants dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, à la suite d'une assemblée générale qui s'est tenue dans l'établissement la veille[6].
Patrimoine
Les bâtiments de l’école Estienne ont été construits selon un plan en quadrilatère autour d’une cour de récréation. Devant les bâtiments, un jardin et des pelouses entourés par des grilles et un portail monumental délimitent l’enceinte de l’école. Le jardin compte quatre magnolias de Soulange, deux grands ptérocaryers du Caucase, un érable et quatre marronniers communs[7].
Le hall d’entrée dessert les deux ailes du bâtiment, la bibliothèque et la cour. Plusieurs expositions sont organisées chaque année dans le hall, de travaux d’anciens ou d'actuels élèves de l’école ou des expositions thématiques. Une presse typographique en fonte construite vers 1830 a été installée face à l’entrée dans les années 1960.
Depuis l'ouverture de l'école Estienne, la bibliothèque est ouverte aux étudiants et aux chercheurs sur rendez-vous. Elle dispose d'un des plus importants fonds documentaires en France sur les arts graphiques, essentiellement constitué de legs de bibliophiles et imprimeurs parisiens. La collection compte notamment des ouvrages professionnels, des ouvrages sur l'écriture et le tracé de la lettre et des manuels techniques sur l'imprimerie et la chaîne graphique, la reliure, l'estampe ou la gravure. Elle rassemble également des publications de l'école comme des cours magistraux, des documents officiels et des diplômes. Parmi les ouvrages les plus remarquables, il y a le Traité des manières de graver d'Abraham Bosse (1701), la Panchrestographie de Jean de Beaugrand (manuel d'écriture destiné au Dauphin, futur Louis XIII, gravé par Firens, en 1604) ou La Science pratique de l'imprimerie de Fertel (1723). La collection est régulièrement enrichie, notamment par le proviseur Robert Ranc dans les années 1950-1960.
Le mobilier de la salle de la cantine, composé de tables de marbre sur pieds en fonte avec bancs attenants vissés au sol, et la charpente de l'atelier des machines (1 200 m2) sont construits par les Ateliers de construction Gustave Eiffel de Levallois-Perret, fondés par Gustave Eiffel[1].
À l'arrière du bâtiment, au 21-25 rue des Reculettes, trois bas-reliefs (1941) du sculpteur Pierre Traverse ornent la partie supérieure de l'édifice.
Enseignements
En 2012, l'école Estienne accueille environ 600 étudiants, qu'elle forme aux métiers de l’imprimerie, du design de communication et des métiers d’art du livre. Elle propose des formations de niveaux I, II et III (bac + 2 à bac + 5)[8] :
DNMADE : Diplôme national des métiers d’art et du design [9] (depuis 2018, ils remplacent les formations de DMA et BTS en arts)
DNMADE Livre
DNMADE Graphisme
DNMADE Numérique
DNMADE Animation
Pour toutes les sections, hormis les DSAA, l'inscription se fait avec la procédure du site Parcoursup. Les classes de BTS Design Graphique I & N (ex Communication visuelle A & B) ainsi que tous les DMA nécessitent une mise à niveau en arts appliqués ou un baccalauréat STI arts appliqués. Pour ces classes, la sélection se fait par dossier, puis par un entretien. La sélection des DSAA est assortie d'une épreuve écrite[10].
Événements culturels et associatifs
L'école Estienne organise de nombreux événements culturels en son sein et hors les murs.
Depuis 1972, l'école ouvre ses portes, les premiers vendredi et samedi de février. Les étudiants de toutes les sections montrent leurs travaux réalisés pendant l'année et proposent leurs conseils pour intégrer l'école.
Depuis 1986, les Estiennales, anciennement appelées « Semaine culturelle », proposent pendant deux jours des conférences sur un thème commun chaque année différent. Le festival « Presse citron », créé en 1992, célèbre le dessin de presse pendant une semaine à travers une exposition, des ateliers et un concours.
Depuis 2009, le « Printemps de la Typo » est un séminaire international animé par des designers typographistes éminents. Cet événement a lieu dans l’Institut national du patrimoine, pendant deux jours de la deuxième semaine d'avril.
L'association Plexus Estienne, créée en 2010, propose une fois par mois une rencontre entre des anciens étudiants et les étudiants actuels. Le bureau des étudiants d'Estienne organise régulièrement des soirées étudiantes en partenariat avec d'autres écoles supérieures d'art parisiennes.
En est décidé d’apposer une plaque en hommage à Cabu, ancien élève de l'établissement assassiné en janvier de la même année. La mairie du 13e arrondissement propose également que le nouvel amphithéâtre de l'école soit nommé « Amphi Charlie »[11].
L'école a noué un partenariat avec le site MAAD digital[12] : des élèves de l’école ont réalisé des illustrations pour sensibiliser les jeunes sur la consommations de drogues.
Depuis les années 1920, plusieurs étudiants de cette école sont devenus parmi les principaux graveurs de timbres français. C’est une élève, Sandrine Ramoin, qui a réalisé le timbre du centenaire de l’école Estienne. En sont ainsi issus :
↑Paris Auteur du texte, Cérémonie d'inauguration, le 1er juillet 1896, par la municipalité de Paris, des nouveaux bâtiments de l'Ecole Estienne, 18 boulevard d'Italie, (lire en ligne)
Amicale des personnels de l’École Estienne, Histoires de l’École Estienne : 1889-1939 : de la Belle Époque à la Drôle de guerre, vol. 1, Paris, A.P.E.E., , 149 p. (ISBN2-9515243-0-7).
Amicale des personnels de l’École Estienne, Histoires de l’École Estienne : 1939-1968 De la défaite à la chienlit, vol. 2, Paris, A.P.E.E., , 476 p. (ISBN2-9515243-1-5).
Amicale des personnels de l’École Estienne, Histoires de l’École Estienne : 1969-2000 Des pas sur la Lune au bug du siècle, vol. 3, A.P.E.E., , 344 p..