WunderwaffeWunderwaffe (en français : « arme miraculeuse ») est un terme allemand utilisé par le ministère du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande, dirigé par Joseph Goebbels, pour désigner des armes révolutionnaires censées permettre le renversement de la situation militaire catastrophique du Troisième Reich à la fin de la Seconde Guerre mondiale et assurer sa victoire ultime[1]. ÉtymologieWunderwaffe est un terme allemand, de Wunder, « miracle » et Waffe, « arme » ; au pluriel, Wunderwaffen[réf. souhaitée]. Illusions et réalitésLa plupart de ces armes n'ont guère dépassé le stade de projet ou de prototype ou n'ont été utilisées que trop tard et en trop petites quantités par la Wehrmacht pour avoir eu un véritable impact sur le déroulement des opérations. L'ambition nazie ne connaissant plus de limites – servie par des compétences techniques qui, quoique exceptionnelles, étaient largement insuffisantes –, l'on vit se multiplier sous la férule d'Adolf Hitler des projets d'une grande audace scientifique, voire, pour certains, totalement farfelus relevant plus de la science-fiction que de la raison. Ainsi, les super-V2 gigognes, le projet de bombardier stratosphérique Arado Ar-E 555 capable en théorie de frapper la côte Est des États-Unis en emportant une éventuelle bombe atomique, les rayons de la mort (« découverts » par Robert Ley en et dont une enquête diligentée par les services de Speer démontre l'excentricité[2]), ou celui plus extraordinaire encore de bombardier sub-orbital Silbervogel développé sur papier par l'ingénieur Eugen Sänger[3] se sont révélés déraisonnables. Le , les physiciens Albert Einstein et Leó Szilárd ont envoyé une lettre au président des États-Unis Franklin Roosevelt pour avertir que l'Allemagne nazie était capable de se doter d'une bombe atomique. Les services de renseignement américains ont alors collecté des informations provenant de l'Allemagne nazie, en enlevant des documents et en débauchant les scientifiques allemands. En , des chercheurs d'Allemagne, du Royaume-Uni, du Canada, des États-Unis et autres pays d'Europe se mirent au travail pour le projet Manhattan. Les Allemands possédaient d'importantes réserves d'uranium, qui sont finalement tombées dans les mains des Américains[4]. À partir de 1944, avec la dégradation de la situation militaire, les armes miracle sont abondamment utilisées par la propagande, qui réalise des films pour les actualités filmées[5] ou des reportages pour la presse écrite, évoquant les dégâts de ces armes sur les villes britanniques[2]. Pendant l'automne et l'hiver 1944-1945, la population adhère diversement au discours sur ces nouvelles armes, mais leur existence est encore certifiée par des courriers en : pour les convaincus, la guerre est alors vue comme une course contre la montre, pour parvenir à achever ces nouveaux équipements, mais, ceux-là mêmes commencent à voir leurs espoirs déçus au fil du mois de mars[6]. Les responsables du parti eux-mêmes semblent peu convaincus de l'efficacité de ces armes et de leur capacité à renverser le cours de la guerre[7]. Pour les sceptiques, de plus en plus nombreux au fil du conflit, ces armes sont objet de plaisanteries : les V1 sont appelés Volksverdummer Nr 1 (en français : « abêtisseur du peuple no 1 ») ou encore Versager Nr 1 (en français : « perdant no 1 »)[2]. Toutefois, si leur développement tardif n'a pas eu de réelle influence sur l'issue du conflit, ces armes ont suscité après la chute du Troisième Reich l'intérêt de plusieurs des pays vainqueurs. La récupération des avancées technologiques importantes mises au point par le complexe militaro-industriel allemand a notamment pris la forme de programmes structurés menés par les services secrets de nations, tels que Opération Paperclip (États-Unis), Département 7 (URSS), T-Force (en) (Royaume-Uni) ou la France. La capture du centre d’essai de Peenemünde par les Soviétiques, des archives allemandes relatives au programme de missiles tactiques et balistiques du programme Vergeltungswaffen (V-Waffen) et surtout de l’équipe de savants et techniciens de Werner von Braun par l’intermédiaire de Paperclip ont ainsi permis le développement des missiles balistiques US et surtout du programme spatial de la Nasa. Si la plupart des projets et spéculations paraissent irréalistes dans le contexte d'une Allemagne réduite à un champ de ruines par l'issue du conflit, reflété de façon emblématique par Dresde dès après les bombardements de février 1945, les réalisations récentes des ingénieurs allemands qui avaient dépassé le stade du prototype, tel l'avion Messerschmitt Me 163 Komet, semblaient donner crédit aux envolées lyriques du Dr Goebbels sur la contribution des Wunderwaffen à l'issue de la guerre. Les interventions de ce dernier à la radio allemande, destinées à galvaniser une population réduite à vivre sous les abris[note 1], s'éloignaient de plus en plus de considérations concrètes, à mesure que les chars adverses achevaient la conquête du territoire allemand sur deux fronts. De sorte que la frontière est floue entre les modèles effectivement produits industriellement et les Wunderwaffen théoriques ou prototypiques, et seule la situation arrêtée lors de la reddition les sépare. Guerre terrestre
Guerre aérienne : la défense du Reich et l'Amerika BomberDéfense du ReichLes Allemands ont effectivement conçu de nombreux prototypes aux caractéristiques tout à fait inhabituelles et ont même mis en service un certain nombre d'armes en avance sur leur temps. Citons ainsi, parmi les armes étant entrées en service :
Parmi les prototypes ayant été effectivement fabriqués :
Dans l'idée d'impressionner et rassurer les populations, les colossales tours de défense anti-aérienne et leur armement étaient un élément clef de communication puisqu'elles servaient également d'abri aux populations. Elles étaient notamment équipées d'affuts doubles de 12,8 cm FlaK 40.
Amerika BomberBien qu'ayant d'emblée opté pour une doctrine militaire résolument offensive, les autorités militaires allemandes — à l'inverse de ce qui se fit en Grande-Bretagne et aux États-Unis — n'accordèrent qu'une attention toute relative aux projets de bombardiers stratégiques à long rayon d'action[note 2], favorisant plutôt ceux à moyen rayon — Heinkel He 111, Junkers Ju 88 et variantes ou Dornier Do 17 et variantes — opérant à partir des bases excentrées du Reich et des aérodromes des pays occupés. Le premier appareil « long rayon » mis en service fut en fait un avion de ligne civil militarisé, le Focke-Wulf Fw 200 Condor, affecté à des missions maritimes lointaines. Son successeur désigné, le Heinkel He 177 Greif (Griffon), affligé de vices cachés et de problèmes techniques récurrents et endémiques, ne connut qu'une carrière discrète, sa propension fatale à s'enflammer lui ayant valu le sobriquet de « fliegende Feuerzeug », le briquet volant, et les quelques rares raids sur Londres — missions Steinbock — auxquels il prit part relèvent quasiment de la péripétie. Seuls quelques raids de ces avions sur les usines soviétiques loin de la ligne de front en 1944 furent réellement couronnés de succès, grâce à l'absence de radars et de chasseurs évoluant aisément à haute altitude chez les Soviétiques. Bien que deux prototypes aient été construits dès 1942, l'ambitieux et remarquable quadrimoteur Messerschmitt Me 264 — l'authentique Amerika Bomber — n'entra jamais en production, les deux exemplaires existants étant réservés pour une éventuelle fuite de Hitler au Japon[réf. nécessaire]. Les projets Junkers et Dornier restèrent également au stade expérimental de prototypes et de bancs d'essai de systèmes d'armes et autre ingénierie aéronautique. Les développements heureux de la propulsion à réaction allemande et la vindicte exaspérée de Hitler, bien décidé à frapper Londres, Moscou et New York[note 3] relancèrent, mais bien trop tardivement, ces projets, Joseph Goebbels promettant aux Américains — mais surtout au peuple allemand — un nouveau Blitz digne de celui qui frappa Londres en 1940, en représailles aux bombardements des villes allemandes. Ce soudain regain d'intérêt des dirigeants politiques du Reich pour le bombardement stratégique permit dès lors un développement poussé du programme Arado Ar 234 Blitz (programme pourtant lancé dès 1941), les premiers appareils montant sur le front en 1944 en version reconnaissance en prenant des photos des formations de troupes en Normandie. Sa vitesse de Mach 0,8, son plafond de 10 000 m et son rayon d'action de 1 500 km devaient lui permettre en théorie de bombarder Londres impunément. Dans la réalité, son rôle se réduisit essentiellement à vainement tenter d'enrayer la progression alliée à l'Ouest par des bombardements défensifs, le plus célèbre d'entre eux étant celui contre le pont de Remagen en . À l'approche de la fin des hostilités, neuf appareils basés dans le nord de l'Allemagne tentèrent encore quelques raids tout à fait symboliques et à seule fin de propagande contre Londres. Parallèlement, d'autres projets dormant depuis le début de la guerre furent relancés dans l'intention bien vaine de donner corps à cette propagande vantant une prochaine victoire grâce aux Wunderwaffen. C'est ainsi que les programmes Junkers (Junkers Ju 388, Junkers Ju 488) ou Dornier 317 connurent un semblant de relance tout aussi illusoire que tardive. Mais le plus extraordinaire resta sans conteste le projet de bombardier stratosphérique Arado Ar-E 555 qui en théorie aurait pu franchir l'Atlantique, bombarder les États-Unis tout en les traversant et atterrir au Japon pour se réapprovisionner, en faisant ensuite le voyage de retour par-dessus l'URSS à très haute altitude, hors de portée des faucons de Staline. Notons également le projet japonais de bombardier stratégique Nakajima G10N qui devait pouvoir bombarder les États-Unis depuis les îles Kouriles et atterrir en Europe. Mistel et « Kamikazes » allemands
Voir aussiGuerre navale : missiles et sous-marins de pocheMissiles balistiques et bombe nucléaire
Des Wunderwaffen aux expédients : le « Crépuscule des Dieux »Le , à peine remis des séquelles de l'attentat du 20 et se méfiant de plus en plus de l'armée, Hitler décréta la « guerre totale » et en septembre mobilisa le « Deutscher Volkssturm », milice populaire chargée de la défense du Vaterland. Les Wunderwaffen promises ne voyant bien sûr pas le jour, cette milice se retrouva équipée de bric et de broc. Des armes prises en 1938 en Tchécoslovaquie ou de vieux fusils néerlandais saisis en 1940, des casques italiens pris en 1943 et des mitrailleuses MG15 démontées de bombardiers inutiles furent ainsi distribués à ces soldats improvisés[10]. On vit même ressortir des arsenaux de vieilles Maxim 08/15 de la Première Guerre mondiale, pourtant retirées de première ligne après la campagne de en raison de leur encombrement excessif, d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale assurant l'instruction d'arme de leurs concitoyens, de même d'ailleurs que le vieux casque Stahlhelm M1916. À cause du manque cruel de moyens antichars mobiles, les Panzerjäger — chasseurs de chars — furent équipés de bicyclettes « spéciales » robustes et rudimentaires et conçues pour le transport de plusieurs Panzerfäuste. Des canons antichar de 75 ou 88 mm furent sommairement montés sur des châssis chenillés dépourvus de toute protection pour les servants de la pièce (Waffenträger), les fabuleux tueurs de chars équipés de canon de 128 mm lourd ne dépassant pas quant à eux la planche à dessin ou le modèle en bois. Des armes individuelles « basiques » en tôles embouties de fabrication de masse aisée mais de fiabilité douteuse furent aussi distribuées — dont une copie de la Sten britannique fabriquée par Erma. Ce pitoyable arsenal digne d'un musée n'empêcha cependant pas les Volkssturmmänner de se battre avec détermination sur le front de l'est et à Berlin.
Liste des WunderwaffenNaviresCuirassé
U-BooteU-Boote océaniques
U-Boote littorauxPorte-avion sous-marin
Chars super-lourds
AvionsPlaneur
À hélices
Avions à réaction ou à moteur-fusée
Hélicoptères
Bombes et explosifsArtillerie et armes sans recul
MissilesRadarsArme orbitale
Fusils
Armes sans projectile
Wunderwaffe et science-fiction uchroniqueLes Wunderwaffen ont inspiré, depuis la fin de Seconde Guerre mondiale, de nombreux scénarios uchroniques mettant en scène des machines diaboliques tirées d'expérimentations scientifiques nazies. Ce thème a notamment fait l'objet d'un sous-genre du cinéma italien des années 1960, la nazisploitation. Dans les années 1980, la série de films Indiana Jones dépeint également des nazis à la recherche d'armes miraculeuses. On le retrouve aujourd'hui toujours au cinéma (Iron Sky, 2012), mais également dans les jeux vidéo Call of Duty: World at War et par la suite Call of Duty: Black Ops, Black Ops II et Black Ops III et Prisoner of war ainsi que dans la série Wolfenstein notamment Wolfenstein : The New Order. Le thème est également exploité par la bande dessinée comme Je suis légion (2004-2007), Block 109 (2010-), Wunderwaffen (2012-) - qui met en scène le Lippisch P13a, intercepteur stato-fusée - Dent d'ours (2013-2018) ou Space Reich (2015) qui décrit une conquête spatiale alternative entre les États-Unis et le Reich[16]. Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiBibliographie
Articles connexes
Liens externes |