Urbano Rattazzi
Urbano Pio Francesco Rattazzi, dit Urbanino, né le à Alexandrie, mort le à Frosinone, est un homme d'État du royaume de Sardaigne. Appartenant à la gauche modérée de tendance anticléricale, il est un important artisan de l'unité italienne et, avec Giuseppe Mazzini, Giuseppe Garibaldi, Camillo Cavour et Victor-Emmanuel II de Savoie, l'un des acteurs du Risorgimento. Au cours de sa carrière, il est ministre de l'Intérieur, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil. En 1862 et en 1867, président du Conseil des ministres, mais en désaccord avec le roi Victor-Emmanuel II de Savoie, qui refuse de conquérir Rome, capitale du Saint-Siège, il démissionne par deux fois de son poste. BiographieLe comte Urbano Rattazzi[a], descendant d'une famille patricienne appartenant à la petite noblesse de la province de Masio, comté d'Alexandrie, fait ses études au Collegio delle Provincie (Collège des Provinces) de Turin alors capitale du royaume de Sardaigne, et en 1829, il obtient son doctorat de droit. Destiné à une carrière d'avocat, il obtient en 1836 une chaire de professeur à l'université royale de Turin[1],[b]. Les jésuites, maîtres de l'enseignement, s'opposent à sa pédagogie considérée trop libérale, ce qui renforce les opinions anti-cléricales d'Urbano. En 1838, il s'inscrit au barreau de la cour d'appel de Casale Monferrato, l’ancienne capitale du Montferrat. En quelques années, grâce à son talent, son travail, ses positions politiques, sa virtuosité et son éloquence, Urbano se fait remarquer dans tout le royaume de Sardaigne. Une simple consultation signée par lui, fait autorité, même hors des États de Savoie. Les électeurs du premier collège d'Alexandrie présentent Urbano Rattazzi, représentant du mouvement libéral, comme candidat à la députation. Élu au premier tour à la chambre des députés, appartenant à la gauche modérée à tendance anticléricale, grand orateur, il devient rapidement le chef de file des libéraux[2]. Après la bataille de Custoza, le , Urbano Rattazzi devient membre du ministère, formé à la hâte par Charles-Albert, qui ne dure que dix jours. Ses services écartés, il se rallie à l'opposition dans le nouveau ministère, et se range sous la bannière de Vincenzo Gioberti[3]. Personnalité et caractèreUrbano Rattazzi, décrit comme un homme travailleur, silencieux, infatigable et modeste, bienveillant à l'égard de tous, attaché au mérite chez ses égaux comme chez ses subalternes, plein de prudence, de retenue, habitué à s'effacer devant l'autorité royale[4], a fait inscrire dans les codes de l'État, plusieurs lois encore en vigueur en Italie. Personne n'était plus séduisant qu'Urbano Rattazzi, lorsqu'il voulait se donner la peine de l'être, personne n'avait des manières plus séduisantes, lorsqu'il avait besoin de charmer quelqu'un. On l'eut dit élevé à l'ancienne cour[5]. Le comte Camillo Cavour le décrit ainsi :
Le sénateur Luigi Chiala trace un portrait flatteur mais révélateur :
Le parlement subalpinLa religionL'arrivée aux affaires d'Urbano Rattazzi, ne se fait pas sans heurt, avec des projets de loi sur le mariage civil, des propositions de lois sur l'appropriation par l'État de biens appartenant à des communautés ecclésiastiques, la répression de certains ordres monastiques, et surtout l'éradication de l'Académie ecclésiastique située au palais de la royale académie de Turin, fondée par décision royale le (proche de la basilique de Superga) s'adressant aux prêtres méritants[8], met en émoi la population, et cause en 1858 une vive réaction de l'opinion, qui obligeront Rattazzi à démissionner du ministère de la Justice. Le journal d'Annecy, L'Écho du Mont-Blanc retrace le tableau dans ces termes :
Un esprit détestable règne à Turin. Lors d'une réunion, dans une salle municipale, pour la nomination des membres d'un comité de bienfaisance, sont nommés un rabbin et un pasteur vaudois, mais pas de prêtre catholique. « Qui sera perdant, sinon… les pauvres auxquels les dons arrivent plus abondamment par les mains de nos prêtres. La religion dominante doit être accueillie aussi bien que les autres cultes. Le prêtre catholique doit aussi bien être traité que le pasteur vaudois et le rabbin turinois. » Paroles de Pie IXUn journal dont les opinions catholiques sont sujettes à caution aurait rapporté de Florence : « Je ne sais, aurait dit Pie IX, si M. Ratazzi nous traitera mieux que M. Ricasoli, il s'appelle Urbano, et nous devons, par conséquent, supposer qu'il nous traitera avec « urbanité ». »[12] Le nouveau gouvernementLe Statut albertin est adopté par le royaume de Sardaigne le . Par résolution souveraine du , le roi Charles-Albert de Sardaigne constitue son nouveau ministère :
Le soulèvement nationalL'unité italienneEn 1848, le projet de fusion des territoires de la Lombardie, la Vénétie, Parme et Modène, unis par une attache fédérative avec la Toscane, Rome et Naples, naît au sein du gouvernement de Charles-Albert de Sardaigne et du jeune Victor-Emmanuel II de Savoie[14]. Ce mouvement national italien unitaire, tout en gardant ses spécificités, imprègne Urbano Ratazzi. Ces idées politiques, sociales et culturelles, qui circulent en Europe, font craindre à l'Autriche-Hongrie, la perte de tout pouvoir en Italie et notamment sur la Lombardie et la Vénétie. Les partis libéraux et républicains s'agitent, Giuseppe Mazzini accompagné de Carlo Cattaneo, Giulio Terzaghi et Enrico Cernuschi, se rendent à Milan, déjà insurgée, pour soulever la jeune bourgeoisie. L'action des libéraux n'a d'autre but que d'engager la Sardaigne et le roi Charles-Albert dans une guerre contre l'Autriche, de conquérir la Lombardie, de légitimer le mécontentement du pays, et d'armer le peuple en révolution[15]. Le , les registres sont ouverts dans les paroisses de la Lombardie, et dès début juin, le rattachement est proclamé par une majorité écrasante de 561 000 voix. Les duchés de Parme et de Modène obtiennent également leur rattachement, et peu de jours avant la chute de Vicence, 140 000 votants de Vénétie complètent la fusion de l'État italien par 123 voix sur 135[16]. Les républicains de la Jeune Italie et les libéraux sardes, face à la coalition des nouveaux États annexés, se trouvent en minorité. Le parti démocratique accepte l'annexion à n'importe quel prix, ce qui entraîne une crise ministérielle en Sardaigne constitutionnelle (Cesare Balbo est remplacé par un ministère du royaume de la Haute-Italie. Gabrio Casati et le comte Giuseppe Durini représentent la Lombardie, l'avocat Pietro Gioia représente le duché de Plaisance, et Lorenzo Pareto représente Gênes). Les républicains et les libéraux obtiennent, que le statut sarde soit révisé par une assemblée constituante[17]. Alors que le roi Charles-Albert combat devant Vérone, la majorité gouvernementale qui ne peut se substituer à l'autorité royale, ne peut pas voter pour la fusion des nouvelles provinces. La question est donc déférée. Urbano Rattazzi nommé membre de la commission d'examen et rapporteur, approuve les demandes lombardes, rangeant Lorenzo Pareto, ministre des Affaires étrangères, à ses côtés. La chambre, ayant décrété l'union des États, le ministère, présidé par le comte Cesare Balbo se retire le , et oblige le roi à constituer un nouveau gouvernement. Il charge Gabrio Casati de former un nouveau ministère, dit royaume de Haute-Italie. Urbano Rattazzi, dévoué à la cause sarde, devenu une personnalité politique très influente, reçoit le portefeuille de l'instruction publique. À peine constitué, le nouveau conseil des ministres de Gabrio Casati apprend que l'armée sarde s'est repliée derrière le Tessin. À cause de cette situation délicate, Charles-Albert confie le pouvoir à un ministère de droite, moins radical envers l'ennemi. Le ministère, présidé par Gabrio Casati ( au ), n'aura duré qu'une vingtaine de jours. Le gouvernement GiobertiLe , le roi Charles-Albert de Sardaigne en collaboration avec Urbano Rattazzi, appelle Vincenzo Gioberti pour former un ministère libéral et démocratique composé de députés de gauche. Par une résolution souveraine du , le roi Charles-Albert de Sardaigne constitue avec Agostino Chiodo son nouveau ministère à Turin :
Le budget de l'État est déficitaire et les coffres sont vides. Le gouvernement de Vincenzo Gioberti tient à mettre en œuvre une politique nationale engagée vers l'unification. Le parti démocrate sort vainqueur des élections du . Urbano Rattazzi perd son ministère et reprend sa place sur le banc des députés. Allié au président de la Chambre Vincenzo Gioberti, il réussit à écarter le très influent marquis Carlo Alfieri di Sostegno et ses colistiers. Le roi, se croyant entouré par une majorité politique solide et sûr de ses appuis étrangers, réorganise ses troupes. Un conseil officieux lui fait savoir qu'il lui est dévoué, mais qu'il refusera de le suivre sur une voie belliqueuse contre l'Autriche. Le , Urbano Rattazzi annonce la reprise des hostilités à la chambre des députés de Turin, en dénonçant la violation de l'armistice austro-sarde, lors de la retraite de l'armée sarde. Cette proposition suscite des applaudissements passionnés à la chambre des députés[19]. Vincenzo Gioberti, réservé sur l'engagement d'une guerre contre l'Autriche, et dépassé par les positions de l'aile gauche (comprenant le parti d'Urbano), démissionne le . Le nouveau cabinet se sépare de son président et Urbano Rattazzi reprend sa place de ministres. Urbano Rattazzi, qui dirige la fraction modérée du parti, se range dans la gauche constitutionnelle. Il est en relation avec Charles-Albert qui se félicite de son soutien à sa politique belliqueuse et le recommande à son fils Victor-Emmanuel II de Savoie comme un des libéraux les plus fidèles. Charles-Albert de Sardaigne cédant aux exigences des libéraux, républicains et autres démocrates, recommence imprudemment la guerre[20]. Charles-Albert de Sardaigne malgré sa défiance, place au commandement de ses troupes, le général Wojciech Chrzanowski, officier polonais, major-général de l'armée sarde. On cherche un officier convenant mieux, mais sans grand succès. Gerolamo Ramorino se présente au roi qui, bien que réticent, l'engage. La mauvaise connaissance des tactiques militaires, les désaccords au plus haut niveau du commandement, l'impopularité de Chrzanowski dans l'état-major (il ne parle, ni ne comprend l'italien), la trahison attribuée à Gerolamo Ramorino, entraînent la défaite de l'armée sarde à la bataille de Novare, le . Urbano Ratazzi soutenu par le parti gouvernemental libéral, reconnaît qu'il a eu tort d'écouter de généreuses mais imprudentes incitations à la revanche et ainsi exposer la couronne royale. Ses adversaires politiques le surnomme alors « l'homme de Novare ». Exil de Charles-Albert de SardaigneMalgré des prodiges de bravoure, le , Charles-Albert de Sardaigne perd donc la bataille de Novare. Le il abdique en faveur de son fils Victor-Emmanuel II, qui signe le l'armistice de Vignale. Charles-Albert s'expatrie et s'exile à Porto au Portugal. Urbano Rattazzi signe une pétition où il écrit :
Le parlement apprend que le roi Charles-Albert de Sardaigne est malade et affaibli, et veut donner un dernier hommage au roi, dernier représentant de l'indépendance italienne. La Chambre des députés signe une « lettre missive », et désigne des commissaires pour la lui porter. Urbano Rattazzi accompagné de deux sénateurs, Luigi Cibrario et Giacinto di Collegno, sont chargés de la porter. Après un long voyage, jusqu'à Porto, ceux-ci trouvent le roi très fatigué moralement et physiquement. Urbano Rattazzi lit la missive au souverain, qui, très affecté répond :
Le roi meurt le , à la suite d'une longue maladie. Urbano Rattazzi, de retour à Turin lira aux députés, la réponse du souverain, en soulignant que si les soldats de certains corps avaient combattu avec plus de conviction, les armées piémontaises auraient certainement remporté la victoire. Le nouveau roi Victor-Emmanuel IILe le nouveau roi se présente devant le Parlement pour jurer fidélité et le jour suivant, il dissout ce même Parlement provoquant des élections. Le , le roi Victor-Emmanuel II, nomme Massimo d'Azeglio Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Urbano Rattazzi, chef du centre gauche, dans son discours du , sollicite un ministère. Partisan de l'action et de la fermeté, il déclare « lever haut ce drapeau sous lequel seul il peut espérer un vrai et sincère appui ». Le comte de Cavour, dans la séance du , arbore le drapeau nommé par Urbano Rattazzi, en déclarant que lui et ses collègues sont prêts à se retirer pour éviter le statu quo'. Camillo Cavour propose à Urbano Rattazzi une coalition politique et forme un nouveau parti gouvernemental libéral plus entreprenant. Cet accord permet à Rattazzi d'entrer au ministère de l'Intérieur. Le nouveau ministre de l'Intérieur, lassé des conditions du pouvoir, modifie ses vues politiques en se situant dès 1850 au centre gauche. Lors de la session de 1851 à 1852, son nouveau programme très national et dynastique aboutit, par une large majorité ministérielle, à sa nomination à la vice-présidence du Conseil des ministres. Lassé de la timidité de la droite et trouvant le parti du centre gauche à la hauteur de la situation, Cavour accepte une fusion avec le parti de Rattazzi. Cavour nomme Urbano Rattazzi au fauteuil de président de la Chambre du Conseil des députés au palais Carignan, présidence devenue vacante par la mort de Pier Dionigi Pinelli le [23]. Principales lois RattazziPrincipales lois votées par le Parlement, inscrites dans le code italien sur proposition d'Urbano Rattazzi, garde des Sceaux ou ministre de l'Intérieur, de 1851 à 1856.
Le gouvernement en 1854Par résolution souveraine du , le roi Victor-Emmanuel II constitue son nouveau ministère :
La loi Rattazzi et les corporations religieusesUrbano Rattazzi ministre de l'Intérieur, donne son nom à une loi présentée à la chambre en , relative aux corporations religieuses et à la saisie des biens ecclésiastiques. Cette saisie est un énorme soulagement pour le budget de l'État. La loi est saluée par tous, sauf par les religieux. Rattazzi durcit cette loi par une nouvelle loi qui interdit au clergé tout acte contraire aux institutions et aux intérêts de l'État. Il réussit à faire voter cette loi dite « d'incamération » du [e],[27], des biens ecclésiastiques, applicable au royaume d'Italie et aux provinces annexées. Cette loi touche très peu la Savoie, car la plupart des domaines appartenant aux couvents savoyards étaient déjà vendus sous la Révolution française. La réponse ne se fait pas attendre, sous la forme d'une longue lettre du , signée par Alexis, archevêque de Chambéry, André, évêque d'Aoste, Jean-François-Marcellin, évêque de Tarentaise, François-Marie, évêque de Maurienne, Louis, évêque d'Annecy, envoyée en copie conforme à « Urbano Rattazzi et Cavour ». Cette protestation ferme et digne des évêques de Savoie est dirigée contre les circulaires émises par Urbano Rattazzi et Gianni De Foresta. Voici un passage éloquent : « personne ne désire plus ardemment que les Évêques voir la paix se rétablir entre le clergé et le gouvernement, entre l'Église et l'État; mais, malheureusement, lorsque nous voyons que les journaux, même ceux qui paraissent être d'une manière particulière les organes du ministère, continuent de proférer impunément de grossières injures contre le Saint-Siège, lorsqu'on répand dans toutes les communes du royaume des circulaires ministérielles qui font de tout le clergé une classe de suspects, qui soumettent partout les prêtres et les évêques à la surveillance d'administrateurs souvent irréligieux et tracassiers, comme si l'on avait à cœur de les humilier de plus en plus, de les avilir, de leur enlever toute considération auprès des fidèles; oui, lorsque nous sommes obligés de supporter en silence tous les procédés désobligeants et hostiles, nous reconnaissons avec affliction que nous ne pouvons pas espérer encore prochainement cette paix que nous demandons à Dieu chaque jour »[28],[f]. Le gouvernement en 1857Par résolution souveraine de 1857, le roi Victor-Emmanuel II constitue son nouveau gouvernement :
Les « cris de douleur »Napoléon III ne fait pas grand secret de ses intentions après la rencontre de Plombières, il s'adresse en ces termes à l'ambassadeur autrichien : « Je suis désolé que nos rapports ne soient pas aussi bons que par le passé, je vous prie de communiquer à l'Empereur que mes sentiments personnels à son égard sont inchangés ». Le , Victor-Emmanuel II s'adresse au parlement du royaume de Sardaigne avec la célèbre phrase des « cris de douleur », dont le texte original est conservé au château de Sommariva Perno[g]. Des volontaires arrivent au sein du royaume de Sardaigne convaincus que la guerre est imminente. Le roi commence à rassembler des troupes sur la frontière lombarde, vers le Tessin, pour amener l'Autriche à déclarer la guerre et obtenir ainsi l'aide française. L'Autriche envoie à Victor-Emmanuel II un ultimatum qui est repoussé. Le , la guerre éclate entre la Savoie et l'Autriche. Victor-Emmanuel prend le commandement de l'armée et laisse à son cousin, Eugène de Savoie-Villafranca, la protection de la ville et le contrôle de la citadelle de Turin. L'armistice de VillafrancaL'armistice et les préliminaires de Villafranca, signés le à Villafranca di Verona, en Vénétie perturbent Cavour qui, à cause de cet échec, donne sa démission. Le , Urbano Rattazzi, avec l'aide du ministre Alfonso Ferrero della Marmora, du comte Gabrio Casati, du chevalier Luigi des Ambrois de Névache et de Giuseppe Dabormida, prend les affaires politiques en main. Le roi écrit : « J'accepte pour ce qui me concerne ». Cette réserve sera la naissance et la force de la nouvelle politique du cabinet de Rattazzi qui réussit à conserver la souveraineté sarde. L'Italie reconnaissante pour son tact et son patriotisme expérimenté, lui reconnaîtra une souplesse et une patience dans ces circonstances décisives et critiques de la négociation. Urbano Rattazzi est réélu président de la Chambre. Cavour ayant démissionné, Victor-Emmanuel II demande à Alfonso La Marmora et Rattazzi de former un nouveau gouvernement le . Le cabinet d'Urbano Rattazzi, le , écrit un mémorandum aux grandes puissances européennes, exposant les difficultés que présente une unification de l'Italie centrale. Il explique en ces termes[30] :
Rattazzi, chef du parti, dispose des pleins pouvoirs pour redessiner les frontières administratives du royaume de Sardaigne, sans qu'il soit nécessaire de passer par la Chambre (décret royal 3702 du , décret Rattazzi)[31]. Le gouvernement du
Le choix de ce ministère, est un acte d'opposition à l'empereur Napoléon III. Il fallait rapidement retirer les commissaires que Camillo Cavour avait envoyés et aussitôt préparer des lois pour assimiler les nouvelles provinces. Les indemnités demandées par l'Autriche pour frais de guerre, étaient inacceptables par le royaume savoyard. Le pays est ruiné, ses voies de communication, ses ponts, ses viaducs, ses chemins de fer sont détruits. L'Autriche prétend obtenir 600 millions de Lires, somme considérable[h], pour la Sardaigne. Celle-ci propose soit de céder la Lombardie comme indemnité de frais de guerre et d'indemniser la France, soit de supporter seule la dette lombarde. En échange l'Autriche céderait les forteresses de Peschiera, de Mantoue et ce qui a été retenu du territoire lombard[32]. Annexion de la Savoie et du comté de NiceEn la Savoie incertaine de son avenir, se partage entre partisans de l'attachement à la maison de Savoie et annexionnistes pro-français. Le gouvernement d'Urbano Rattazzi tente d'éviter les violences en suspendant la parution du Courrier des Alpes le [33] (reprise des parutions le ). Urbano Ratazzi, opposé à la cession de la Savoie et de Nice, représentant du parti de l'action et adversaire de l'action extra-légale, rejette cette proposition et obtient un vote parlementaire négatif. Camillo Cavour désavoué, démissionne. Pour justifier cette cession, Cavour déclare à la chambre des députés : « La Savoie, berceau de la dynastie sarde depuis plus de huit siècles, demeure attachée au roi Victor-Emmanuel II. L'agrandissement du Piémont au côté de l'Italie centrale sans la Savoie, serait un affaiblissement militaire pour le royaume. La Savoie assure la dernière ligne de défense des Alpes, le Piémont ne peut tenir tête à l'Autriche, et encore moins résister à la France. Tant que l'Autriche demeure en possession d'une partie de la vallée du Pô, le Piémont considère comme nécessaire à sa sûreté la possession d'une partie de la vallée du Rhône. »[34] Rattazzi est forcé de dire qu'il n'avait pas conçu d'autre plan, et quelles que soient les différences d'esprit, qu'il n'a qu'un seul but politique, le même que Cavour, l'unification du royaume italien[35]. À la séance de la Chambre des députés du , le parti de gauche soutenu par Urbano Rattazzi, soulève la question de la nécessité d'une rectification des frontières. Une commission mixte menée par un député déterminera, dans un esprit d'équité, les frontières des deux États, en tenant compte de la configuration des montagnes. Le royaume d'ItalieLe , le nouveau royaume d'Italie est proclamé[i]. Le , le Premier ministre Camillo Cavour meurt, Victor-Emmanuel II demande au baron Bettino Ricasoli de former un nouveau ministère le . Le , Ricasoli méprisant les intrigues de son rival Urbano Rattazzi et à cause de ses penchants pour les comités de provvedimento (procédure, disposition)[j], démissionne. Le roi charge Urbano Rattazzi de former une nouvelle équipe gouvernementale, le [36]. Le gouvernement du
Le , un décret dissout l'ancienne armée méridionale pour la rattacher à l'armée régulière. Le , Urbano Ratazzi annonce à la chambre la démission de trois ministres, Filippo Cordova, Pasquale Stanislao Mancini et Enrico Poggi (ministre chargé des Affaires ecclésiastiques[37]). Urbano garde la présidence du Conseil et le ministère de l'Intérieur, et nomme le général Giacomo Durando ministre des Affaires étrangères et Carlo Matteucci ministre de l'Instruction publique[38]. Les instances concertées du roi étant favorables, et l'activité économique d'Urbano Rattazzi avant la mort de Camillo Cavour permettent de reconstruire l'Italie. En 1862, à cause de la « question romaine » où le gouvernement italien semble s'accommoder de l'accord avec Napoléon III, Garibaldi tente à nouveau d'arriver à Rome avec 3 000 volontaires (Rattazzi laisse les recruteurs Garibaldiens enrôler publiquement ces volontaires)[39]. La réaction des Français oblige le gouvernement d'Urbano Rattazzi à intervenir et à envoyer Enrico Cialdini pour arrêter Garibaldi. Les combats ont lieu près de Gambarie le . Garibaldi est blessé et fait prisonnier ainsi que ses partisans (bataille de l'Aspromonte) dont certains seront fusillés. Après sa guérison, Garibaldi est assigné à résidence dans sa villa de Caprera[40]. Urbano Ratazzi pour détourner l'attention du peuple d'une politique confuse, et éviter les obstacles diplomatiques, prépare, au conseil d'État, une loi règlementant les associations et réorganisant l'administration italienne : création d'une école normale de formation des professeurs à Pise, abaissement et unification du tarif postal, etc. Urbano Ratazzi annonce officiellement, le , les fiançailles de la princesse Maria Pia de Savoie avec le roi Louis Ier de Portugal[41]. Urbano rattazzi démissionne le , prétextant que pour gouverner, il faut un appui majoritaire des partis. Les quotidiens rapportent que : « Monsieur Rattazzi, n'aura été ministre que juste le temps de faire tirer sur ses propres troupes »[42]. Le gouvernement duLe nouveau ministère formé le est composé de :
Ce nouveau gouvernement proposé par Luigi Carlo Farini rassemble tous les courants politiques. Il est le résultat de l'insuccès et de l'échec de la politique romaine d'Urbano Rattazzi. Dans son discours, Luigi Carlo Farini ne parle ni de Venise ni de Rome, mais du respect de la loi, dans les mêmes termes que l'aurait fait Urbano Rattazzi. La majorité de la Chambre, satisfaite d'avoir écouté ses rancunes, vote pour trois mois la levée des « douzièmes provisoires »[45],[l]. Le gouvernement de Luigi Carlo Farini ne siège que jusqu'au . Trois gouvernements se succèdent Marco Minghetti, Alfonso La Marmora, et Alfonso Ferrero en cinq années. L'Italie est fatiguée, chancelante, au bord de la banqueroute, mais indépendante. Les hommes politiques traités d'assassins, ou de parricides à cause de la catastrophe d'Aspromonte, sont laminés. À la suite du départ à la retraite d'Antonio Scialoja, Bettino Ricasoli se retire avec son parti et cède sa place de président du Conseil, pour la troisième fois, et le portefeuille de ministre de l'Intérieur à Urbano Rattazzi en . En raison de la démission du ministre des Finances Francesco Ferrara, à la suite du rejet du projet de loi sur la séparation de l'Église et de l'État, Urbano Rattazzi, est contraint d'assurer le portefeuille des finances, laissé vacant. En accord avec la Chambre et la commission qui proposent l'incamération[m], au profit de l'État[46], Urbano Rattazzi, auteur de la loi de 1855, vote ardemment la loi de 1866 dont les débats auront duré plus d'un mois[47]. Urbano Rattazzi demandait 600 millions pour combler le déficit et mettre fin au cours forcé, la commission n'offre que 400 millions. Le ministère Rattazzi, pris entre la droite et la gauche, use d'un stratagème parlementaire pour faire adopter la loi, devenue « Loi Rattazzi » grâce à ses discours enflammés, et à cause des modifications apportées. Cette loi qui impliquait un vote de confiance, est votée par 251 voix contre 40, et pour la seconde fois le mot connubio (mariage/union) est prononcé[48],[n]. Urbano Rattazzi libre de disposer d'une somme de 400 millions, en émettant des obligations en paiement de biens ecclésiastiques, en économisant 50 millions et en créant des impôts nouveaux, réussit à éviter la banqueroute de l'État italien[49]. Voyage du roi Victor-Emmanuel à NaplesUrbano Rattazzi soutient que la construction de routes, de voies de chemin de fer, de voies à travers les monts les plus isolés, est le meilleur moyen de pacifier, de civiliser et d'éviter le brigandage dans les nouvelles provinces. Le , sur ses conseils, le roi Victor-Emmanuel entreprend une visite à Naples pour annexer cette région, et entamer de nouvelles actions. Le , le roi est reçu avec enthousiasme par les napolitains et la garde nationale. Après quelques discours et parades, le souverain décrète une amnistie de la presse écrite et la restitution des gages du mont-de-piété. Il pose la première pierre d'un pont qui facilitera la communication entre la région sud et la région nord italienne, et inaugure la gare de chemin de fer de Naples. Urbano Rattazzi fait voter un enrôlement supplémentaire de 45 000 hommes, destinés à renforcer l'armée de 380 000 hommes, pour sécuriser les nouveaux territoires, ainsi qu'une loi contre la désertion[50]. Urbano Ratazzi le , fait appel au jugement de Dieu en se battant en duel pour injures[51] avec Marco Minghetti, député et ministre de droite. Il reçoit, lors de ce combat, deux légers coups de sabre qui lui laisseront à vie deux cicatrices apparentes. Le gouvernement duUrbano Rattazzi rappelé à la tête du gouvernement, reprend son programme de lutte contre l'église et entreprend une conciliation secrète avec Giuseppe Garibaldi. Le nouveau ministère formé le est composé de[52] :
L'échec à RomeEn 1867, Garibaldi candidat de gauche anticlérical aux législatives, est arrêté, assigné à résidence sur son île de Caprera ; il s'évade en octobre pour reprendre son combat contre les troupes françaises et pontificales. Il organise une troisième expédition sur Rome, capitale des États pontificaux, dont le pape est le souverain. À la fin de l'année 1867, la question de l'indépendance papale inquiète le monde entier, en particulier les pays catholiques d'Europe et l'Amérique du Sud. Le gouvernement romain recrute des soldats et accueille des volontaires venus de tous les États catholiques. Urbano Rattazzi affirme que, pour protéger la sécurité du Saint-Siège, il est indispensable que les troupes italiennes occupent Rome et les États pontificaux[53],[o]. Le gouvernement français répond que cette situation se trouve déjà réglée par la convention italienne du qui garantit la sécurité du territoire pontifical. Lettre envoyée le , du chargé d'affaires de France à Florence, au ministre des Affaires étrangères de l'Empire français publiée par La Dépêche télégraphique :
Peu après, le , Urbano Rattazzi, appuyé par le roi, démissionne et se retire définitivement du gouvernement. Le général Luigi Federico Menabrea devient président du Conseil et reconstitue, en 1869, un nouveau cabinet plus en harmonie avec les vœux du peuple[54]. Lors d'une visite à Paris, le , Hélène Ramorino, fille du général Gerolamo Ramorino, fusillé pour trahison[p], tente de rencontrer Urbano Rattazzi pour réhabiliter la mémoire de son père. Rattazzi n'a pas le courage de la recevoir et fait dire, par sa femme de chambre, qu'il « était parti… et que ce nom lui était inconnu »[55]. Urbano Rattazzi, oublié de tous, meurt à l'âge de 65 ans, dans sa villa de Frosinone le . FamilleUrbano Rattazzi épouse le à Turin[56], Marie de Solms née Bonaparte-Wyse (1831-1902), petite-fille de Lucien Bonaparte, et sœur de Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse, promoteur du canal de Panama. Âgée de 32 ans, la jeune épouse Marie-Letizia Wyse est déjà veuve de Frédéric-Joseph, comte de Solms[57],[q]. Le , Urbano fête de façon grandiose, au Grand Hôtel de Nice (devenue française), l'anniversaire de son mariage[58]. Urbano Rattazzi n'a eu aucun héritier de cette unique union. Décorations
Bibliographie
Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiArticles connexes
Liens externes
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