Un barrage contre le Pacifique
Un barrage contre le Pacifique est un roman de Marguerite Duras paru en 1950 (achevé d'imprimer du 30 mai). Contexte d'écritureC'est au moment où Marguerite Duras vient de divorcer de son premier mari, Robert Antelme, et de se remarier avec Dionys Mascolo (dont elle aura un enfant) qu'elle écrit ce roman. Marguerite Duras a écrit et publié son livre en pleine guerre d'Indochine. Elle s'inspire largement de sa propre adolescence, qu'elle a passée en Indochine française, pour écrire ce roman où le personnage de Suzanne lui ressemble. RésuméDans le sud de l’Indochine française, en 1931, une veuve vit avec ses deux enfants, Joseph et Suzanne (20 et 16 ans). Leur bungalow est isolé dans la plaine marécageuse de Kam (Kampot, sur le littoral cambodgien) proche du petit port de Ram (Ream). Leurs conditions de vie sont déplorables à cause de leurs faibles revenus et ils sont fréquemment contraints de manger de l'échassier. Ils ne possèdent qu'une vieille automobile modèle B12 en fin de vie rafistolée de toute part. La mère a économisé et travaillé dans un cinéma comme pianiste durant quinze ans pour se voir attribuer cette concession, qui s'est finalement révélée incultivable : les plantations sont détruites tous les ans par les grandes marées de la mer de Chine méridionale (que la mère s'obstine à nommer l'océan Pacifique, terme plus exotique et plus prestigieux à ses yeux). La mère, désillusionnée après avoir vu ses barrages détruits et soumise au harcèlement de l'administration corrompue, commence à sombrer dans la folie. Le récit s'ouvre sur la mort de leur vieux cheval, acheté quelques jours plus tôt. Cette mort entraîne leur visite sur le petit port de Ram, où ils font la connaissance de M. Jo, un jeune et riche planteur. Il porte au doigt un énorme diamant, et, malgré la laideur de son visage, la mère forme alors le souhait qu'il demande sa fille en mariage. Le planteur, fasciné par Suzanne, revient tous les jours au bungalow. La mère surveille leurs entrevues pour leur empêcher tout contact physique ; elle ne laisse ainsi à M. Jo que la solution du mariage pour satisfaire ses désirs. Monsieur Jo se prend au jeu et essaie en quelque sorte d’acheter Suzanne en lui offrant des produits de beauté et une robe. Pour obtenir de la voir nue, il lui offre un phonographe. Face à l'ultimatum de la mère qui lui propose de l'épouser ou de la quitter, il offre à Suzanne un diamant. Ce don marque la fin des rapports de M. Jo avec la famille qui découvre par la suite que la bague n'a pas tant de valeur, car le diamant contient un crapaud. Cette découverte fait le désespoir de la mère qui s'obstine pourtant à vouloir vendre le diamant pour sa valeur supposée, et, ce faisant, elle se coupe du monde. Ses enfants en profitent pour s'émanciper. Joseph tombe amoureux d'une femme mariée nommée Lina. Son mari est un grand alcoolique, ce qui l’empêche de voir la liaison secrète entre sa femme et Joseph. Finalement, Lina accepte de lui acheter le diamant pour plus cher qu'il ne vaut, mais le lui rend ensuite parce qu'elle veut aider la famille de Joseph. L'état de la mère ne s'améliore pas. De plus en plus faible, elle finit par accepter de revendre le diamant à sa valeur réelle. Joseph finit par quitter la maison avec cette jeune femme, et Suzanne s'apprête à partir aussi, quand la mère meurt. Joseph revient une dernière fois et, avec les domestiques, ils inhument la mère dans la concession. Par vengeance envers l'administration, Joseph confie ses fusils aux habitants pour que, selon le vœu de la mère, ils tuent les employés du cadastre responsables de leurs ennuis. Suzanne, qui a entretemps perdu sa virginité dans les bras du fils d'un voisin planteur – qu'elle ne compte toutefois pas épouser – s'en va de son côté. AnalyseCe roman propose le récit de la désillusion indochinoise, une histoire dans la face cachée de la prospérité, l'Indochine du vice et de la dérive. Au fil d'Un barrage contre le Pacifique, on rencontre différents personnages et donc différentes histoires, différentes destinées (la mère, Suzanne, Joseph, mais aussi Carmen, le caporal, Barner…), dressant ainsi un tableau assez complet de la vie coloniale. D'inspiration autobiographique, ce roman révèle au grand public une Marguerite Duras qui, au tout début de son parcours éditorial dix ans auparavant, avait publié au contraire, sous son nom de naissance et avec le résistant Philippe Roques, un essai offrant une vision positive du colonialisme, L'Empire français[2]. Ce roman, à travers l'histoire d'une famille européenne démunie, dénonce la malhonnêteté des promesses de la société coloniale, en représentant finement la hiérarchie stricte de rapports sociaux figés, dans lesquels les personnages sont enfermés quelle que soit leur volonté d'en sortir. Le barrage contre le Pacifique, impuissant pour contenir l'eau salée venue de la mer, symbolise la vanité des efforts des personnages pour sortir de leur condition. PersonnagesJoseph
Suzanne
Le prénom de Suzanne fait référence à l'épisode biblique et iconographique de "Suzanne et les vieillards" ou "Suzanne au bain", dont la scène où M. Jo demande à voir Suzanne nue sous la douche constitue une réécriture. La mère
M. Jo
Carmen
Lina
Le caporal
Adaptations cinématographiques
Traductions dans les langues de l'ex-Indochine
Documentaire
Adaptation théâtraleEn 1960, Geneviève Serreau crée une adaptation théâtrale au Studio des Champs-Elysées avec :
Par ailleurs, une adaptation théâtrale du roman a été réalisée par le metteur en scène Moïse Touré (Ivoirien né en France) et créée à Ouagadougou en avant d'être présentée en France en 2013 (Évry : mars ; Belfort et Vesoul : ). La particularité du projet Belfortain étant d'associer un chœur d'enfants français avec des enfants burkinabès venus de Bazoulé pour les représentations. Notes et références
Liens externes
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