Symphonie no 1 de Bruckner
La Symphonie no 1 en ut mineur, WAB 101, d'Anton Bruckner fut commencée au tout début de l'année 1865, pour partie à Linz, pour partie à Munich : le compositeur était âgé de quarante et un ans ; la partition sera — provisoirement — achevée l'année suivante. HistoireC'est à Munich, tandis qu'il composait, que Bruckner rencontra Hans von Bülow qui le présenta à un Wagner condescendant (« Il est d'une rare bonté pour moi et m'a bien vite aimé et distingué », déclara Bruckner avec cette confiance en autrui qui lui jouerait plus d'un tour !). Surtout, il assista, ébloui, à une représentation de Tristan et Isolde. Autre « révélation », avant qu'il ne termine sa partition : celle de la création, à Budapest, de l'oratorio de Liszt, Sainte-Elisabeth ; nul doute que l'exemple de l'orchestration lisztienne sera aussi déterminante que celui de Tristan. CréationLa première audition de la Symphonie nº 1 aura lieu le à Linz : d'où la dénomination « version de Linz » qui s'attache à la partition originale. Quelques retouches affectant surtout le finale seront effectuées en 1877 et en 1884. Bruckner remit l'ouvrage sur le métier une vingtaine d'années plus tard, en 1890-1891, malgré les supplications du chef d'orchestre Hermann Levi lui conseillant de n'en rien faire. La nouvelle version — dite « de Vienne » (et dédiée à l'Université de Vienne dont le compositeur serait devenu docteur Honoris causa) — comporte notamment une nouvelle conclusion du finale, et maintes retouches (ou « corrections ») qui n'eurent pour effet que d'infléchir l'élan tout spontané dont bénéficiait la « version de Linz ». La première version (dans sa révision de 1877), qu'on joue et enregistre le plus souvent aujourd'hui, est retenue dans l'édition Nowak, fait l'objet de la présente analyse. Effectif orchestral : les bois par deux (une flûte supplémentaire dans l'Adagio) ; quatre cors, deux trompettes, trois trombones ; timbales ; les cordes. Durée moyenne d'exécution : 47-51 min AnalyseLes quatre mouvements sont Allegro molto moderato, Adagio, Scherzo, et Allegro con fuoco. À l'inverse de toutes les suivantes, c'est une symphonie "rapide" (en ses deux mouvements extrêmes notamment), qu'anime un esprit de conquête complètement étranger au climat spirituel des grandes méditations à venir. Techniquement, il s'agit également de la symphonie la plus difficile à exécuter, tant dans la mise au point instrumentale que dans l'approche rythmique et dynamique (alternance serrée des fff et ppp). Cette symphonie, qui présente quelques accointances avec la précédente symphonie d'études, est sinon unique dans la production brucknérienne. I - Allegro molto moderatoIl est bâti sur trois thèmes. Le premier présenté d'emblée aux cordes, dégage l'assise rythmique du mouvement ; très doux, dans des couleurs sombres, il affirme néanmoins uns énergique expressivité. Un groupe de motifs secondaires (avec des figures rythmiques des bois et une écriture en octaves) assure la transition vers le second thème, essentiellement lyrique (aux violons, puis avec les altos et violoncelles). Le troisième thème, de caractère héroïque (mi bémol majeur), surgira dans un fortissimo de vents, — plus élargi et plus puissant. Le développement ne prend prétexte que des premier et troisième thèmes, mais la réexposition réintroduit la totalité du matériau thématique — alors que s'impose la tonalité dominante (ut mineur). La coda, empruntant la formule rythmique initiale du mouvement, s'enfle en une apothéose cuivrée, — avec l'éclat des trompettes en particulier. II - AdagioCet Adagio en trois parties commence par une introduction en 4/4, dont les trente premières mesures se déroulent dans une tonalité indéfinie, comme suspendue (la tonalité réelle sera la bémol). Sur l'énoncé du thème principal, les cors marquent de longues tenues, - les cordes exprimant un chant profond, d'une gravité intériorisée. L'ambiguïté tonale s'augmente de mystérieuses plongées vers fa mineur ; divers pupitres secouent le chant des cordes de frémissements soudains, de brusques chromatismes. Le second thème, mouvant, avec des sextolets de croches, est exposé aux clarinette et violons, sur un accompagnement de quintolets de doubles croches aux violons altos. La partie centrale, un Andante plus animé en 3/4, est de type thème et variations. Dans la troisième partie, les basses réintroduisent le motif de départ, et le thème principal, en la bémol majeur clairement affirmé, apporte une conclusion sereine requise par les cordes. La version préliminaire de 1865–1866 (manuscrit Mus.Hs.40400) était en forme sonate. L'exposition et la réexposition étaient similaires, la partie centrale, précédée par un troisième motif en 3/4, était par contre constituée par un classique développement. Ce troisième motif Schumanesque sera partiellement ré-utilisé comme accompagnement du solo de hautbois de la section centrale de la version de Linz[1]. Cette version préliminaire de l’Adagio n'est que partiellement orchestrée, sans trompettes ni trombones. La réexposition du premier motif est jouée par les instruments à corde et décorée par les instruments à vent, celle du second motif, qui n'est esquissée que pour les seconds violons et les bois, s'arrête à la mesure 154. Ensuite cinq mesures sont manquantes, avant la fin du mouvement, qui est, par contre, déjà complètement orchestrée[2]. Un enregistrement de cet Adagio inachevé et de ce Scherzo par Osmo Vänskä est disponible dans la Bruckner Archive[3]. Pour une exécution en concert de cette version préliminaire de l'Adagio, Grandjean a complété les mesures manquantes avec le matériel correspondant de la version ultérieure (Doblinger 74 014)[2]. III - ScherzoSa fougue, sa violence même, font contraste avec le mouvement précédent. Avec ses échos champêtres, le thème fait songer à un air de danse populaire autrichienne. De même pour le trio (sol majeur), d'un enjouement spontané — que conduit le cor, et dans lequel s'ébroue un hautbois quelque peu facétieux. La reprise du scherzo est suivie par une puissante coda. La version 1865 du scherzo était différente[2]. Cette version préliminaire du scherzo contient plusieurs rythmes irréguliers, que Bruckner a retirés des versions ultérieures[4]. Cette version (manuscrit Mus.Hs.6019) est très brève et de caractère assez différent de celui que Bruckner utilisera dans la version de Linz[5]. Dans la notice de son enregistrement de la version 1866, Georg Tintner mentionne que « le scherzo initial, très bref avec ses syncopes chromatiques, que Bruckner a écarté (à cause de sa brièveté ?), est peut-être plus intéressant [que le scherzo définitif]. » Le trio est par contre identique à celui de la version ultérieure. Une recréation électronique des Adagio et Scherzo préliminaires par Joan Schukking peut être entendue et téléchargée sur le site Web de John Berky[6]. IV - Allegro con fuocoAinsi se trouve à nouveau déplacé le climat de l'œuvre dont le mouvement final révèle, tout compte fait, la véritable identité. Bewegt und feurig (con fuoco), éclate un premier thème aux cuivres fortissimo, sur un grand saut d'octave d'ut dérivé du premier mouvement (motif de transition entre le thème initial et le suivant). Les bois amènent un second thème apaisé et chantant aux violons et violoncelles, — que les vents, puis tout l'orchestre amplifient. Enfin paraît un troisième thème en forme de choral que conduisent les vents ; cordes et bois "ornent" avec vivacité. Développement, puis réexposition. Une puissante coda conclut sur le thème principal, dans le plus radieux mode majeur. Versions et éditions
Discographie sélectiveVersion préliminaire de l'Adagio et du Scherzo (1865-1866)Enregistrements disponibles :
NoteUne exécution électronique de ces Adagio et Scherzo peut être écoutée sur le site de John Berky[11]. Version originale de 1866-1868Trois enregistrements :
Version révisée de 1877/1884La plupart des enregistrements sont basés cette version, notamment : Édition Haas (1935)
Édition critique de Nowak (1953)
Version de 1891Quelques enregistrements sont basés sur cette version, notamment :
Notes
Références
Liens externes
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