« Mon inspiration doit rejoindre la sensibilité du plus grand nombre. Mes sculptures n’ont besoin ni de clefs, ni de connaissance préalable. J’aime que le plaisir de leur perception soit immédiat, sans obstacle, sans initiation. Ce choix délibéré n’évacue pas pour autant la dimension poétique, n’oblitère pas le mystère subtil inhérent à toute œuvre. Mes sculptures n’ont besoin ni d’introduction, ni de protection : impossible de les imaginer dans l’espace clos, l’enveloppe hermétique des musées… Quoi de plus libre, de plus ouvert, que la coulée à travers la campagne d’une autoroute ? Celle-ci offre à l’artiste, comme au spectateur, une expérience quasi unique : un regard panoramique, maximal, où la vue enfin atteint la ligne d’azur de l’horizon. C’est la vision grand écran ! C’est la confusion de l’événementiel et du pur quotidien. Quoi de plus étrange aussi que le choc de contempler une œuvre à très grande vitesse, de sa voiture ? Expérience singulière qui, pour certains peut se répéter, se renouveler indéfiniment. Pour eux, Sur la trace des vikings aura toutes les couleurs du voyage et des saisons.
Sur la trace des vikings n’est pas à proprement parler une œuvre abstraite, mais plutôt non figurative. Elle a valeur de signe : elle est donc porteuse de sens. Mais sa signification n’est pas enfermée, réduite à un discours definitif, figée à jamais. Ce qu’André Malraux nommait le “dialogue avec le visible” se mue selon l’époque, et sans rien perdre de sa richesse s’engage avec chacun, selon sa sensibilité propre. Songez à l’art primitif ou à celui des peuples d’Afrique ou d’Océanie. Nul besoin d’être un ethnologue pour en goûter l’essence, en subir l’envoûtement… Heureusement le langage des formes est universel, évolutif, dynamique et vivant. Nos œuvres contemporaines n’échappent pas à cette loi. Ceci n’implique pas une adhésion immédiate. Parce qu’elle est liée au don, à l’acte gratuit, l’œuvre interpelle l’autre, appelle sa reconnaissance. Réalisée, elle n’appartient plus vraiment à l’artiste, mais elle s’inscrit dans les strates de la mémoire collective. Elle constitue un patrimoine[2]. »