RectionEn grammaire traditionnelle, la rection est, dans certaines langues, un processus par lequel, dans un rapport syntaxique de subordination, un mot (le régissant) impose à un autre mot (le régi) un certain moyen de réalisation du rapport. Ce moyen dépend de la langue en question et du sens du régissant, pouvant être de nature seulement analytique (une adposition), seulement synthétique (une certaine désinence casuelle) ou analytique et synthétique à la fois. Le régissant est en général un mot subordonnant à sens lexical (verbe, nom, adjectif ou adverbe), et le régi un nom ou un pronom. On considère comme des régissants les adpositions aussi, bien qu’elles soient des mots-outils, donc non subordonnants par eux-mêmes, parce que, dans les langues à déclinaison, elles peuvent imposer une certaine forme casuelle au mot avec lequel elles constituent un élément à fonction syntaxique[1],[2],[3],[4]. On utilise parfois le terme « régime » au lieu de « rection »[5]. Ainsi, on parle de « régime casuel » des prépositions[6] et des verbes[7], ou de « régime prépositionnel » des verbes et des autres subordonnants[8], mais « régime » a un autre sens aussi, dénommant ce qu’on appelle « régi » plus haut[9]. Dans l’interprétation ci-dessus, la rection concerne le moyen de réalisation du rapport syntaxique, et le régi est un complément d'objet du verbe ou un complément du nom, de l’adjectif ou de l’adverbe, analogue au complément d’objet, ainsi que le mot dont la forme est déterminée par l’adposition. Selon une interprétation plus large, la rection concerne n’importe quel élément de phrase, soit parce que sa forme est imposée par un autre élément, soit parce que sa présence est obligatoire en association avec un autre élément, soit parce qu’il change de façon significative le sens d’un autre élément[10]. Dans l’idée du caractère obligatoire d’un élément de phrase, la rection concerne également le prédicat en rapport avec le sujet. Cela concorde avec la notion de valence du verbe. De ce point de vue, seuls les verbes avalents peuvent fonctionner sans sujet (ex. pleuvoir), les autres étant au moins monovalents, c’est-à-dire ayant obligatoirement un sujet. Les verbes bivalents peuvent régir un complément d’objet et les trivalents – deux compléments d’objet, au moins l’un de ceux-ci étant obligatoire pour certains verbes[11]. Rection du verbeRection directeDans ce type de rection, le complément d’objet est lié au verbe sans adposition. On trouve cette situation pour le complément d'objet direct dans des langues sans déclinaison, régi par les verbes transitifs directs, en français et en anglais, par exemple : Dans d’autres langues, celles qui ont une déclinaison relativement développée, le complément d’objet direct est dépourvu d’adposition, mais il doit être à un certain cas grammatical, le plus souvent à l’accusatif, exprimé, en fonction de la langue, plus ou moins souvent par une forme spécifique, donnée d’ordinaire par une désinence. Exemples:
Des vestiges de ce moyen se conservent en français ou en anglais quand le COD est exprimé par certains pronoms personnels conjoints dont la forme est différente de celle qu’ils ont en fonction de sujet : Dans d’autres langues, divers autres types de compléments, régis par un verbe transitif indirect et correspondant au compléments d'objet indirect des grammaires du français, sont liés directement au verbe. C’est le cas du COI d’attribution, le verbe lui imposant le datif :
Dans ces langues, pour d’autres types de COI que celui d’attribution, le verbe peut exiger d’autres cas, et ils peuvent correspondre à un COD en français :
Rection indirecteIl s’agit de rection indirecte du verbe lorsque son complément y est lié par une adpositon : préposition dans certaines langues, postposition dans d’autres, par exemple en hongrois. C’est le cas, dans plusieurs langues, du COI exprimé par un nom ou par un pronom, disjoint s’il est personnel. Le choix de l’adposition est imposée par le sens du verbe. Dans les langues à déclinaison, le mot noyau du complément est, de plus, à un certain cas grammatical :
Rection du nomConcernant la rection du nom, il s’agit tout d’abord de celle des noms dérivés de verbes. Ces noms régissent en général des compléments du nom de la même forme que le COI des verbes correspondants. En fonction de la langue en cause, cette rection peut être directe ou indirecte. Exemples :
D’autres noms exercent leur rection lorsqu’ils font partie de locutions verbales :
Rection de l’adjectifL’adjectif aussi peut régir un complément analogue au COI du verbe :
Rection de l’adverbeCertains adverbes aussi peuvent régir un complément :
Rection de l’adpositionLa question de la rection de ces mots ne se pose que pour les langues à déclinaison. Les adpositions exigent que le régi soit à un certain cas ou, parfois, plusieurs cas sont possibles, y compris si le cas en cause est exprimé par la désinence ∅ (zéro), et tous les types de compléments exprimés par un nom ou un pronom sont concernés. Ces mots présentent de grandes différences sémantiques. Certains ont un sens abstrait, qui ne permet pas leur représentation sensorielle, par exemple les prépositions contre, de, pour. D’autres, ayant un degrés d’abstractisation moindre, permettent une représentation sensorielle limitée, surtout ceux qui ont un sens spatial, comme les prépositions entre, vers, sous, etc.[36]. L’emploi de tels mots a été étendu à l’expression d’autres rapports aussi (de cause, de but, etc.). Ainsi, surtout les prépositions primaires peuvent avoir des sens plus concrets ou plus abstraits en fonction des mots à sens notionnel qu’ils relient entre eux. Les adpositions dites secondaires, provenant par conversion de mots d’une autre nature, et les locutions équivalentes à des adjonctions, ont des sens plus précis, concrets ou abstraits[37]. Les cas exigés par les adpositions primaires et à sens abstrait ne sont en général pas motivés, mais il y a des adpositions secondaires et des locutions qui exigent le même cas que lorsqu’ils étaient ou sont des mots à sens lexical. Par exemple, la préposition du groupe (ro) împrejurul pădurii « autour de la forêt », comme son équivalent français, garde le sens du nom correspondant à « tour », qu’il contient, et le rapport initial de possession qu’il entretient avec le mot correspondant à « forêt », c’est pourquoi elle exige le cas génitif pour ce dernier. De même, dans la locution du groupe (ro) în fața casei « en face de la maison », le nom fața n’est pas analysé en tant que tel, mais exige le cas génitif pour le noyau du complément, parce que celui-ci serait le possesseur de fața si ce mot-ci exprimait l’objet possédé[38]. Rection de l’adposition dans quelques languesEn roumain, la plupart des prépositions régissent un complément à l’accusatif, dont la forme ne diffère pas dans cette langue de celle du cas nominatif (ex. lângă foc « près du feu »), sauf de rares exceptions (ex. pentru tine « pour toi »). Il y a quelques prépositions utilisées avec le génitif (contra inundațiilor « contre les inondations », împrejurul turnului « autour de la tour », etc.) et quelques autres avec le datif : datorită / grație / mulțumită ajutorului « grâce à l’aide »[39]. Dans des langues comme BCMS, dont la déclinaison est plus développée qu’en roumain, la rection des prépositions est plus complexe. La plupart sont utilisées avec un seul cas, mais il y en a qui le sont avec deux, certaines même avec trois. Le choix du cas est le plus souvent déterminé par le sens de la préposition, mais il y en a qui sont utilisées avec deux cas tout en gardant le même sens, le cas étant dicté par le sens du verbe. Exemples de prépositions utilisées avec un seul cas[40] :
Un exemple de préposition qui exige deux cas selon ses sens est s[41] :
Les cas utilisés avec certaines prépositions à sens spatial diffèrent selon le sens du verbe. Si le verbe exprime le déplacement vers un lieu, c’est l’accusatif qui est exigé : Golub je sletio na krov « Le pigeon a volé sur le toit ». Si, au contraire, le verbe n’exprime pas un tel déplacement (pouvant exprimer un déplacement sans but précisé), le cas est autre, avec la préposition de l’exemple précédent – le locatif : Golub je na krovu « Le pigeon est sur le toit »[41]. Il y a quelques prépositions qui sont employées avec deux cas différents selon le critère ci-dessus et avec un troisième lorsqu’elles ont un autre sens. Telle est la préposition u[41] :
En hongrois, la plupart des postpositions exigent le cas nominatif (ex. A széket az asztal elé teszi « Il met la chaise devant la table »), mais il y en a qui régissent divers autres cas. Exemples[42] :
Nécessité de l’élément régiLe régi peut être nécessaire à divers degrés ou non nécessaire. Certes, les adpositions ne sont pas utilisées sans régi, mais dans le cas des autres types de régissants, c’est leur sens lexical qui détermine le degré de nécessité du régi, ce trait du régissant pouvant différer d’une langue à l’autre. Le régi est obligatoire si sans lui il ne peut pas y avoir de syntagme ou de phrase correcte :
Si l’on étend la notion de régi aux éléments dont la présence est obligatoire en association avec un autre élément, il faut mentionner qu’un complément circonstanciel aussi peut être un subordonné obligatoire. Tel est, par exemple, un CC pour le verbe habiter : (hu) Pista egyedül/Katával lakik « Pista habite seul/avec Kata »[46]. Il y a des cas où l’épithète aussi est obligatoire : (cnr) Traži se igrač s dugim rukama « On cherche un joueur ayant des bras longs »[47]. Il s’agit de régi représentable si dans certaines circonstances il peut être omis, mais il est toujours sous-entendu grâce à la partie du contexte située avant lui :
On parle de régi facultatif si ce n’est même pas nécessaire qu’il soit sous-entendu pour que le syntagme ou la phrase soit correcte :
Régissants à plus d’un régiLe verbe peut avoir plus d’un régi en fonction de sa valence, qui ne concerne pas les compléments circonstanciels, considérés comme non essentiels[54], se limitant donc aux compléments d’objet. Les mots coordonnés entre eux et régis par un verbe, appelés « objets multiples », ne comptent pas pour plusieurs régis[55], non plus qu’un complément et le pronom personnel qui l’anticipe ou le reprend[56]. Ainsi, du moins dans les langues mentionnées jusqu’ici, il y a des verbes qui peuvent avoir un COD et un COI, appelés dans ce cas objet premier et objet second :
Le verbe peut avoir deux objets indirects :
Certains grammairiens parlent de verbes à deux objets directs, possibilité contestée par d’autres auteurs[59] :
Cette opinion est argumentée par le fait que les pronoms COD ci-dessus, qui correspondent à des COI en français, sont exprimés par des mots à l’accusatif clairement identifiable par leur forme. Eifring et Theil 2005 mentionne qu’il y des langues avec des verbes qui peuvent avoir plus de deux objets, comme le peul, où l’existence de trois objets est possible : Duudu hokkanii Buuba Muhammadu ceede « Duudu a donné à Muhammadu de l’argent pour Buuba ». Dans cette phrase, le mot exprimant le bénéficiaire de l’action, Buuba, est lui aussi un objet, auquel se réfère le suffixe -an- contenu dans le verbe hokkanii[57]. Notes et références
Sources bibliographiques
Articles connexes |
Portal di Ensiklopedia Dunia