Elle publie également sous les pseudonymes de Jean de Chilra et Jean de Chibra[2].
Biographie
Marie-Marguerite Eymery naît le au domaine du Cros[3], à Château-l'Évêque, de Joseph Eymery, capitaine adjudant-major au 5e régiment de chasseurs à cheval, et de son épouse Marie-Gabrielle Feytaud[4]. Son père est un fils naturel du marquis d'Ormoy et officier ayant participé à la colonisation de l'Afrique. Sa mère, fille du rédacteur en chef du Courrier du Nord, vient d'une vieille famille bourgeoise et richement dotée[5].
Fille de militaire, rejetée par son père qui aurait voulu un garçon, et d’une mère excentrique adepte du spiritisme, elle refuse durant son adolescence un premier fiancé militaire proposé par son père, en mettant en balance un projet de suicide, et adopte le pseudonyme de Rachilde lors d’une séance de table tournante[6]. Elle prétend alors que c'est Rachilde, un gentilhomme suédois du XVIe siècle, qui lui dicte ses œuvres[5].
Dans son livre Quand j'étais jeune, écrit en 1947, elle décrit son enfance solitaire et meurtrie par le tempérament de ses parents. En effet, son père revient défiguré par la variole après la défaite de la France en 1870. Humilié, il devient violent et alcoolique tandis que la mère plonge dans la dépression et finit ses jours à l'asile de Charenton[5].
Son éducation est complexe : d'un côté, elle est élevée comme une femme héritière et ses faits et gestes sont surveillés de près ; de l'autre, elle est élevée par son père comme le serait un militaire[5].
Écrivant en cachette, elle envoie à quinze ans une de ses nouvelles à Victor Hugo qui lui répond : « Remerciements, applaudissements. Courage, Mademoiselle. »[5]
Elle se rend ensuite à cheval à Périgueux pour persuader le directeur de L'Écho de la Dordogne de publier un reportage sur les manœuvres d'automne que l'armée organise dans la région[5].
Elle passe deux ans dans un couvent puis arrive à Paris à l’âge de 18 ans. Cavalière, elle manie également le pistolet et l’épée[7].
En 1880, son premier roman, La Dame des bois, est publié sous la forme d'un feuilleton dans le journal L’École des femmes[5].
Romancière prolifique, elle est l'autrice de plus de soixante-cinq ouvrages[6]. S’habillant et se coiffant à la garçonne (elle fait même graver des cartes de visite au nom de « Rachilde, homme de lettres »[7]), elle s’intéresse très tôt aux questions d’identité sexuelle et d’inversion.
Son roman le plus célèbre, Monsieur Vénus, lui vaut une célébrité immédiate et largement sulfureuse[8]. En effet, Rachilde y raconte l'étrange liaison d'une femme aristocrate, excentrique et dominatrice, et d’un ouvrier fleuriste féminisé par sa belle avant qu’elle ne consente à l'amour[9]. Censuré en France, il est édité pour la première fois à Bruxelles, chez Auguste Brancart, en 1884. Ce n'est que cinq ans plus tard, en 1889, qu'il est publié en France, chez Félix Brossier.
La Tour d'amour (1899), autre roman sulfureux, met en scène un vieux gardien de phare (le phare d'Ar-Men, dont la construction fut sanglante), qui voit arriver le Maleux qui vient le seconder. Le Maleux se retrouve dans une ambiance confinée et morbide face au vieux gardien de phare qui guette les noyées pour pouvoir les aimer[10],[11].
Ces salons ont une influence sur la littérature de leur temps, et cette romancière, longtemps considérée comme une excentrique, est aujourd’hui davantage reconnue comme l'une des plumes et des personnalités littéraires marquantes de la fin du XIXe siècle[6].
En parallèle des salons, Rachilde tient la chronique des romans du Mercure de France, et ce jusqu'en 1925. Elle manifeste alors un dégoût évident pour les femmes de lettres[5].
À la fin des années 1920 et pendant les années 1930, le monde change et sa notoriété s'estompe. Le Mercure de France passe au second plan derrière La Nouvelle Revue française d'André Gide. Toujours célébrée par certains, elle est également fortement rejetée par d'autres pour son antiféminisme[15], son patriotisme xénophobe et antisémite, et ses romans surannés[5].
Rachilde meurt oubliée en 1953, âgée de 93 ans[7], à son domicile du 26 rue de Condé. Elle est inhumée au cimetière parisien de Bagneux (8e division)[17].
Monsieur Vénus suivi de Madame Adonis, Paris, Gallimard, coll. « Folio Classique », no 7319, 2024 (ISBN978-2-07-302909-6)
Textes associés
Sade toujours !, collection La Marguerite no 1, présentation de Christian Soulignac, Paris, Éditions du Fourneau, 1992
Nu primordial, collection La Marguerite no 4, présentation de Christian Soulignac, Paris, Éditions du Fourneau, 1992
Cynismes, collection La Marguerite, 2e série, no 2, présentation de Christian Soulignac, Paris, Éditions du Fourneau, 1995
Hommages
Sa commune de naissance, Château-l'Évêque, a nommé une de ses voies du nom de « rue Rachilde »[19].
Son œuvre étant entrée dans le domaine public en France au , la médiathèque Pierre-Fanlac de Périgueux a entrepris de numériser la totalité de ses romans[20].
Notes et références
Notes
↑Leur fille épousera Robert Fort, neveu du poète Paul Fort
↑Dans son Journal littéraire, à la date du mardi , Paul Léautaud note : « Réouverture du Guignol Rachilde »
Christine Bard, « Le « DB58 » aux Archives de la Préfecture de Police », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, no 10, (lire en ligne).
Thierry Poyet (dir.), Rachilde ou les aléas de la postérité. De l'oubli au renouveau, série "Minores XIX-XX", n°6, Paris, Classiques Garnier, coll. "La Revue des lettres modernes", 2023.
Nelly Sanchez, « Rachilde ou la décadence du Naturalisme », Les Cahiers Naturalistes, no 73, 1999, p. 275-283.
Nelly Sanchez, « Rachilde, folle vieillesse ou vieille folle ? », Cahiers Paul Léautaud, 1re partie no 27, p. 5-16 et 2e partie no 29, 2000, p. 33-39.
Nelly Sanchez, « Rachilde, détractrice et continuatrice du Naturalisme », EXCAVATIO®, 2000, vol. XV (no 3-4), p. 284 – 300.
Nelly Sanchez, « Colette et Rachilde », Cahiers Colette, no 24, 2001, p. 123-134.*
Nelly Sanchez, « Le Périgourdin : bête noire de Peyrebrune et de Rachilde », Mémoire de la Dordogne n ° 17, 2002, p. 3-5.
Benoît Pivert, « Madame Rachilde, homme de lettres et reine des décadents », Revue d’art et de littérature, musique, (lire en ligne).
Nelly Sanchez, "Dans le puits ou la vie inférieure : l’antichambre de l’éternité », étude sur la représentation de la vieillesse dans l’autobiographie de Rachilde", CRLMC, 2006, p. 71-84.
Nelly Sanchez, « La Baronne de Caumont, une sphinge fin de siècle », Mythes de la métamorphose, d’Elena-Brandusa Steiciuc (dir.), Editura Universitatii din Suceava, série Filologie, B: Literatura, Roumanie, 1/2008, p. 115-122.
Nelly Sanchez, « Rachilde, critique littéraire au Mercure de France », Femmes & Critiques. Lettres, Arts, Cinéma, Presses universitaires de Namur, 2008, p. 55-74.
Rachilde [Marquerite Eymery : 1860-1953 : conférence du lundi 15 décembre 2008] [DVD], Martine Reid (participant) ; Cécile Brune (voix) (, 01:01/54 minutes), Bibliothèque national de France
Nelly Sanchez, « Rachilde ou la genèse (possible) de Monsieur Vénus », Nineteenth-Century French Studies, no 3 & 4 Spring-Summer, , p. 252-263.
Nelly Sanchez, « Les Hors Nature : Rachilde, émule de Remy de Gourmont », Actualité de Remy de Gourmont, V. Gogibu (dir.), Ed. du Clown lyrique, 2010,p. 131-142.
Nelly Sanchez, Images de l’Homme dans les romans de Rachilde et de Colette (1884-1943), Éditions Universitaires Européennes, Sarrebruck. 2010, 389 p (ISBN978-6131523403).
Romain Courapied, « Mensonges de l’intention d’auteur en période décadente. Les difficultés exégétiques dans Monsieur Vénus (1884) de Rachilde », Postures, no 15, Université de Montréal, printemps 2012, p. 69-81.
Nelly Sanchez, France Grenaudier-Klijn (dir.), Elisabeth-Christine Muelsch (dir.) et Jean Anderson (dir.), « Rachilde et Colette : une nouvelle image de l’homme ? », dans Écrire les hommes - Personnage masculin et masculinité dans les œuvres des écrivaines de la Belle Époque, Presses universitaires de Vincennes, , 312 p. (ISBN978-2-84292-345-7), p. 137-144.
Julia Bracher, Écrire le désir. 2000 ans de littérature érotique féminine illustrée, Éditions Omnibus, .
Nelly Sanchez, "Bouton de rose et sang de bœuf : le goût dans les romans de Rachilde, symptôme de l'hystérie", Les Cinq sens de l'Antiquité à nos jours, Eidôlon no 109, PUB, 2014, p. 369-379.
Anita Starón, Au carrefour des esthétiques Rachilde et son écriture romanesque 1880-1913, Lódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 2015.
Cécile Chabaud, Rachilde, homme de lettres, Écriture, 240 p., 2022 (ISBN978-2359053654), prix du grand roman de Mennecy 2023.