Ioánnis Adamántiou Papadiamantópoulos (en grec moderne : Ιωάννης Αδαμάντιου Παπαδιαμαντόπουλος), dit Jean Moréas, né à Athènes le et mort à Saint-Mandé (Seine) le [1], est un poète symboliste grec d'expression française, naturalisé français par décret en 1910.
Issu d'une famille distinguée d'Athènes[2],[3], fils de magistrat, Jean Moréas reçoit une éducation française et vient à Paris en 1875 pour y faire ses études de droit. Il y fréquente les cercles littéraires, notamment les Hydropathes. Il rentre brièvement en Grèce avant de revenir se fixer à Paris vers 1880.
Il publie dans Lutèce et Le Chat noir et fait paraître ses premiers recueils poétiques, Les Syrtes en 1884 et Cantilènes en 1886. D'inspiration verlainienne, ces deux recueils pourraient se rattacher au mouvement décadent si leur auteur ne récusait celui-ci pour revendiquer l'étiquette « symboliste ». Il rejette en effet l'ésotérisme de la poésie décadente ainsi que l'ambiguïté de l'épithète et note que « la critique, puisque sa manie d'étiquetage est incurable, pourrait les appeler plus justement des symbolistes ».
Il développe cette conception dans le « Manifeste littéraire » qu'il publie dans le supplément littéraire du Figaro du , qui fonde le mouvement symboliste en rompant tant avec le décadentisme qu'avec le Parnasse. Le , Jean Moréas fonde en outre une revue, Le Symboliste, avec Paul Adam et Gustave Kahn.
Selon lui, « la poésie symboliste : cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette, » ce qui suppose « un style archétype et complexe : d'impollués vocables, la période qui s'arcboute alternant avec la période aux défaillances ondulées, les pléonasmes significatifs, les mystérieuses ellipses, l'anacoluthe en suspens, tout trope hardi et multiforme. »
Moréas cherche à passer de la théorie à la pratique avec Les Demoiselles Goubert (1886), écrit en collaboration avec Paul Adam, grand roman symboliste qui connaît un échec complet. Le recueil de poésie Le Pèlerin passionné (1891) suscite une indifférence polie. L'auteur y prend déjà ses distances avec les influences germaniques et scandinaves sensibles dans une partie de l'inspiration symboliste.
Approfondissant cette esthétique, il se détourne du symbolisme pour fonder en 1892 l'École romane, qui veut rompre avec l’hermétisme et opposer à l'obscurité et aux brumes du nord la lumière du monde gréco-latin, provoquant un vif débat au sein de la revue L'Ermitage, entre autres. Mais tout comme il s'était rapidement détourné du symbolisme après l'avoir créé, Moréas délaisse le romanisme pour le néo-classicisme. Son recueil le plus célèbre, Stances (1899), illustre cette nouvelle ambition avec plus de bonheur que les œuvres antérieures, dans une langue d'une pureté classique qui rappelle André Chénier. Onze stances seront mises en musique par Reynaldo Hahn dans son recueil Les Feuilles blessées[4], édité chez Heugel en 1907.
Il est naturalisé français par un décret paru le 1er février 1910 (décret n° 4337, Bulletin des lois n° 28).
Il est symboliquement inhumé au cimetière du Père-Lachaise (89e division), Moréas ayant désiré être incinéré.
Présent à la cérémonie de crémation, Paul Valéry aurait eu ce mot d'adieu, très « fin-de-siècle » : « Quelle belle fin ! Il s'en va comme un cigare… »[5].
Prix Jean-Moréas
Le prix Jean-Moréas a été attribué pour la première fois le au Café de Cluny. Le lauréat était Guy-Charles Cros. On pourra lire les détails des circonstances de l'attribution dans le Journal littéraire de Paul Léautaud au .
Poésies (1886-1896), Bibliothèque artistique et littéraire (Paris), 1898, 1 vol., 239 p., in-16, lire en ligne sur Gallica
Le Voyage de Grèce, Editions de la Plume (Paris), 1902, lire en ligne sur Gallica.
Iphigénie, [tragédie en cinq actes], Mercure de France (Paris), 1904
Paysages et sentiments, E. Sansot (Paris), 1906, 1 vol., 106 p., in-16, lire en ligne sur Gallica
Poèmes et sylves, 1886-1896, Mercure de France (Paris), 1907, 1 vol., 238 p., in-18, lire en ligne sur Gallica
Premières poésies, 1883-1886, Mercure de France (Paris), 1907, 1 vol., 237 p., in-18, lire en ligne sur Gallica
Esquisses et souvenirs, Société du "Mercure de France" (Paris), 1908, lire en ligne sur Gallica
Contes de la Vieille France, Mercure de France (Paris), 1910
Variations sur la vie et les livres, Mercure de France (Paris), 1910, 1 vol., 316 p., 19 cm, lire en ligne sur Gallica
En rêvant sur un album de dessins, Mercure de France (Paris), 1911, 190 p.
Réflexions sur quelques poètes, [publié par Raymond de La Tailhède et H. D.], Mercure de France (Paris), 1912,lire en ligne sur Gallica
Trois nouveaux contes de la vieille France Emile-Paul (Paris), 1921
En collaboration
avec Paul Adam : Les demoiselles Goubert : mœurs de Paris, Tresse et Stock (Paris), 1886, 1 vol., 216 p., in-18, lire en ligne sur Gallica
avec Paul Adam :Le thé chez Miranda, Tresse et Stock (Paris), 1886, 1 vol., 214 p., in-16, lire en ligne sur Gallica
Le Symboliste (Paris), [journal hebdomadaire paraissant le jeudi] , rédacteur en chef: Jean Moréas ; secrétaire: Paul Adam, directeur : Gustave Kahn (1859-1936), M. Soirat (Paris), 1886, lire en ligne sur Gallica
Musique
Reynaldo Hahn, Les Feuilles blessée (1907), cycle de onze mélodies sur des poèmes de Jean Moréas
Francis Poulenc, Airs chantés (1927-28), quatre mélodies sur des poèmes de Jean Moréas
Adrien Tsilogiannis, Trois airs de Jean Moréas pour voix et 6 instruments (2022), sur des poèmes (tirés de "Autant en emporte le vent", 1886-1887) de Jean Moréas
André Beaunier: « Jean Moréas », in: La poésie nouvelle, [Arthur Rimbaud, Jules Laforgue, Gustave Kahn, Jean Moréas, Emile Verhaeren, Henri de Régnier, Francis Vielé-Grifflin, Maurice Maeterlinck, Stuart Merrill, Francis Jammes, Paul Fort, Max Elskamp, etc.], Société du Mercure de France (Paris), 1902, 18 cm, p. 137-171, lire en ligne sur Gallica
Maurice Barrès : Adieu à Moréas, Émile-Paul (Paris), 1910
Maxime Brienne: Jean Moréas, poète de la banlieue Sud et du Petit Montrouge, 1923, 4 p.
Marcel Coulon: Au chevet de Moréas, Éditions du Siècle, 1926, 124 p.
Ernest Raynaud: Jean Moréas et les "Stances", E. Malfère (Paris), 1929, 1 vol., 149 p., 19 cm, lire en ligne sur Gallica
René Georgin: Jean Moréas, La Nouvelle Revue Critique (Paris), 1930, 255 p.
Louis Roussel: L'Hellénisme de Jean Moréas, Éditions du Feu, 1932, 149 p.
(de) Julia Weber: Jean Moréas und die französische Tradition, Volkhardt & Wilbert (Nüremberg), 1934, 115 p.
Robert Niklaus: Jean Moréas, poète lyrique, Les Presses Universitaires de France, 1936, 250 p.
Louis Thomas: Souvenirs sur Moréas, Aux Armes de France, 1941, 158 p.
Alexandre Embiricos: Les étapes de Jean Moréas, La Concorde (Lausanne), 1948, 193 p.
John Davis Butler: Jean Moreas and Les Stances: the Making of a Poet, Stanford University, 1963, 686 p.
(en) John Davis Butler: Jean Moréas. A critique of his poetry and philosophy, Mouton (La Haye), 1967, 236 p.
Robert A. Jouanny: Moréas, écrivain français, Lettres modernes (Paris), 1968, 810 p.
Robert A. Jouanny: Moréas, écrivain grec, Lettres Modernes (Paris), 1975, 453 p.
Patrick Thériault, « Une illustration (sé)rieuse du “Manifeste” symboliste. Les demoiselles Goubert de Jean Moréas et Paul Adam », Études françaises, vol. 59, no 2, , p. 19-42 (lire en ligne).